Mme Marie-France Beaufils. La commission d’enquête sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales, créée à la demande de notre groupe et dont M. Éric Bocquet est le rapporteur,…
Mme Nathalie Goulet. Un excellent rapporteur !
Mme Marie-France Beaufils. … a mis en évidence que les entreprises utilisaient largement tous les outils juridiques et financiers disponibles pour échapper, autant que faire se peut, à l’imposition due à raison de leurs résultats.
La Haute Assemblée avait d’ailleurs déjà eu l’occasion, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2012, de s’interroger sur quelques-unes des facettes de cette optimisation fiscale, dont les travaux de ladite commission d’enquête ont permis dans une large mesure de cerner les contours.
Je dois dire que, avant les travaux de la commission d’enquête, nous étions fort loin, pour la plupart d’entre nous, de nous douter du comportement fiscal de certaines de nos entreprises, singulièrement des grands groupes.
Le présent amendement n’est pas d’une originalité absolue, ne serait-ce que parce que le Sénat l’a déjà voté, à l’automne dernier, à la demande de Nicole Bricq, qui était alors rapporteure générale de la commission des finances. Ce dispositif pour le moins rentable procède d’une recommandation du Conseil des prélèvements obligatoires ; il est en vigueur en Allemagne et il fut défendu, en d’autres temps, par M. le ministre chargé du budget, en tant que président de la commission des finances de l’Assemblée nationale.
Il s’agit en fait de plafonner la déductibilité fiscale des intérêts versés par les entreprises au titre d’un même exercice, notamment lorsque ces intérêts rémunèrent des prêts accordés par la maison mère du groupe et qu’ils vont de pair avec le maintien de la sous-capitalisation de la société filiale. Cette sous-capitalisation est un instrument permettant de valoriser la société mère au détriment de ses filiales ; c’est l’un des outils d’optimisation fiscale les plus couramment utilisés, et il nous semble donc nécessaire de mettre un terme à ces pratiques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. La commission des finances souhaite connaître l’avis du Gouvernement.
Pour ma part, j’approuve évidemment la philosophie qui sous-tend cet amendement, puisque notre groupe avait déposé un amendement similaire lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2012. Il me semble d'ailleurs, monsieur le ministre, que cet amendement reprenait une proposition que vous aviez faite lorsque vous étiez député. C’est dire que cet amendement a du sens à nos yeux ! Cela étant, est-il opportun de l’adopter aujourd’hui ou vaut-il mieux attendre le dispositif plus large que vous nous soumettrez sans doute à l’automne, monsieur le ministre, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2013 ?
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Il m’est bien cruel, madame Beaufils, d’être obligé de vous demander de retirer un amendement que je connais bien… Je m’y résous malgré tout, car le Gouvernement présentera au Parlement une vraie réforme en la matière dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013.
L’exercice sera délicat, car s’il faut éviter qu’un endettement « de convenance » puisse permettre à des entreprises de réduire leur assiette de l’impôt sur les sociétés de manière illégitime, il faut également se garder, a fortiori en cette période de crise, de pénaliser des entreprises qui vont avoir besoin d’encours bancaires, du fait notamment d’une trésorerie défaillante. La rédaction du dispositif devra donc être fine.
Il n’est pas forcément pertinent de s’inspirer du modèle allemand, car c’est précisément quand une entreprise va mal que son EBITDA est faible ; par conséquent, instaurer un plafonnement en fonction de ce dernier reviendrait à appliquer une sorte de double peine à des entreprises déjà en difficulté.
Il m’est déjà pénible de vous inviter à retirer cet amendement, madame la sénatrice ; ne m’obligez à appeler à voter contre !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ne crucifiez pas le ministre !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, vous l’aurez compris, il s'agit d’un amendement d’appel, auquel nous tenons beaucoup. Nous n’éviterons pas ce débat lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2013. Ces sujets sont très importants à nos yeux.
Cela étant dit, nous retirons l’amendement.
M. le président. L'amendement n° 70 rectifié est retiré.
L'amendement n° 68 rectifié, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la seconde phrase du deuxième alinéa du a quinquies du I de l’article 219 du code général des impôts, les mots : « portée au taux de 10 % » sont remplacés par les mots : « portée à 10 % du prix de cession des titres ».
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. La niche « Copé », fondée sur un traitement privilégié des plus-values réalisées lors de cessions d’actifs constitués par des parts sociales, est l’un des plus intéressants véhicules d’optimisation fiscale de notre droit… Selon l’évaluation des voies et moyens, son coût s’établit entre 3,5 milliards et 4 milliards d'euros, soit tout de même de 7 % à 8 % du rendement de l’impôt sur les sociétés. Si l’on rapporte ce taux au taux normal d’imposition des bénéfices, la décote est comprise entre 2 et 2,5 points.
À mesure que les années passent, la niche « Copé » représente un coût cumulatif de plusieurs milliards d’euros –probablement plus de 20 milliards d’euros aujourd'hui – pour les finances publiques, auquel il faut ajouter les financements extrabudgétaires ayant compensé la perte de recettes fiscales.
On peut donc se demander si le maintien de cette niche est justifié. A-t-elle permis de doper, de stimuler notre économie, en particulier notre industrie et notre commerce extérieur ? D’après les données disponibles, il semble bien que non : depuis 2007, année de la création de cette niche fiscale, nous avons perdu des centaines de milliers d’emplois dans le secteur industriel et productif, et notre balance commerciale s’est continûment dégradée.
Il nous a donc semblé particulièrement bienvenu que le Sénat adopte, à l’automne 2011, un amendement présenté par Nicole Bricq, alors rapporteure générale de la commission des finances, qui visait à modifier l’assiette du prélèvement libératoire en la faisant glisser de la plus-value constatée vers le produit de la cession lui-même. Comme le soulignait alors Nicole Bricq, « l’assiette logique, pour des charges afférentes à des actifs, c’est le prix de cession, la valeur des actifs, et non la plus-value nette, qui relève d’une autre logique puisque les moins-values en sont soustraites ».
Au bénéfice de ces observations, j’invite le Sénat à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Nous renvoyons là encore à la grande réforme de l’assiette de l’impôt sur les sociétés que le ministre s’est engagé à mettre en œuvre et que nous attendons avec impatience. Le sort à réserver à la niche « Copé » devra être envisagé dans ce cadre.
J’invite donc nos collègues à retirer cet amendement, qu’ils pourront redéposer lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2013.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je me suis déjà beaucoup exprimé, dans le passé, sur la niche « Copé-Marini » – rendons à César ce qui est à César–… (Sourires.)
M. Philippe Marini. Je vous remercie, monsieur le ministre ! (Rires.)
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je reprends à mon compte les arguments du rapporteur général. La question soulevée doit impérativement être traitée ; nous le ferons dans le cadre de l’élaboration du projet de loi de finances pour 2013.
M. le président. Madame Gonthier-Maurin, l'amendement n° 68 rectifié est-il maintenu ?
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cette grande réforme que vous annoncez est une urgence. J’ai rappelé le coût de la niche « Copé-Marini » et souligné son inefficacité. Comme l’a indiqué Nicole Borvo Cohen-Seat, nos amendements sont des amendements d’appel : il est impératif, pour le bon fonctionnement de notre économie et la sauvegarde de l’emploi, que le prochain projet de loi de finances comporte des mesures efficaces, qui soient de nature à régler les problèmes soulevés. Dans l’immédiat, je retire l’amendement.
M. le président. L'amendement n° 68 rectifié est retiré.
L'amendement n° 76, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Les personnes morales mentionnées aux articles L. 511-1 et L. 531-4 du code monétaire et financier qui, au jour de la publication de la présente loi, exploitent une entreprise en France au sens du I de l'article 209 du code général des impôts, acquittent une taxe spécifique.
II. - La taxe est assise sur la part variable des rémunérations attribuées par les personnes morales mentionnées au I, à ceux de leurs salariés, professionnels des marchés financiers, dont les activités sont susceptibles d'avoir une incidence significative sur l'exposition aux risques de l'entreprise, ainsi qu'aux professionnels de marché sous le contrôle desquels opèrent ces salariés.
La part variable des rémunérations mentionnée à l'alinéa précédent correspond au montant brut de l'ensemble des éléments de rémunération attribués à ces salariés en considération de leurs performances individuelles ou collectives, y compris lorsque leur versement et leur acquisition définitive sont sous condition, à l'exception des sommes leur revenant au titre de l'intéressement ou de la participation des salariés aux résultats de l'entreprise en application du livre III de la troisième partie du code du travail.
Les éléments de rémunération qui entrent dans l'assiette de la taxe sont pris en compte quelle que soit l'année de leur versement ou celle au cours de laquelle leur acquisition est définitive.
Lorsque la part variable prend la forme d'une attribution d'options sur titres, d'actions gratuites ou d'autres titres consentis à des conditions préférentielles, y compris lorsque cette attribution est effectuée par une société mère ou filiale de l'entreprise dans laquelle le salarié exerce son activité, l'assiette est égale à la juste valeur de ces options, actions ou titres à la date de leur attribution, telle qu'elle est estimée pour l'établissement des comptes consolidés pour les sociétés appliquant les normes comptables internationales adoptées par le règlement (CE) n° 1606/2002 du Parlement européen et du Conseil du 19 juillet 2002 sur l'application des normes comptables internationales.
Seule la part variable de la rémunération individuelle qui excède 27 500 € est prise en compte dans l'assiette de la taxe.
III. - Le taux de la taxe est de 50 %.
IV. - La taxe est exigible au premier jour du mois qui suit la publication de la présente loi. Lorsque tout ou partie de la part variable des rémunérations définie au II est attribué après cette date, la taxe correspondante est exigible au premier jour du mois suivant la décision d'attribution.
La taxe est déclarée et liquidée dans les vingt-cinq jours de son exigibilité sur une déclaration dont le modèle est fixé par l'administration.
Elle est acquittée lors du dépôt de cette déclaration.
V. - Dans le cas où le montant de la part variable des éléments de la rémunération finalement versés ou acquis aux salariés est inférieur au montant compris dans l'assiette de la taxe, aucune restitution n'est opérée.
VI. - La taxe est recouvrée et contrôlée selon les procédures et sous les mêmes sanctions, garanties et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à cette même taxe.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Lorsque, à l’été 2008, les marchés financiers avaient connu une dangereuse surchauffe, la presse avait relevé que l’organisation économique du monde présentait des caractères étonnants et que les activités de ce que certains appellent l’industrie financière – mais que, pour notre part, nous avons plutôt tendance à nommer le grand capital (Ah ! sur les travées de l’UMP.) –….
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Le mur de l’argent !
Mme Annie David. … s’étaient particulièrement développées.
Bien loin du guichet de banque ordinaire où les particuliers ouvrent leur compte, gèrent leurs économies et retirent leurs carnets de chèques ou leur carte de paiement, une activité bancaire intense, utilisant des outils financiers de plus en plus sophistiqués et composites – pour ne pas dire hybrides – s’est développée, jusqu’à créer des bulles financières de plus en plus grosses et de plus en plus incontrôlables. D’ailleurs, lorsque ces bulles explosent, elles ébranlent la planète tout entière !
Cette industrie financière, nourrie de transactions en temps réel, farcies d’algorithmes et de produits de synthèse, a des promoteurs zélés : ce sont ces fameux traders, à qui mission est donnée de valoriser autant que possible les potentiels de la banque qui les emploie, en les engageant dans de féroces parties de poker financier à échelle mondiale.
Si tout va bien, tant mieux ; celui qui a parié pour le compte de sa banque est récompensé et même plus que bien récompensé. En revanche, si les choses tournent mal, il en est évidemment tout autrement, comme nous l’avons constaté dans l’affaire Kerviel, du nom du trader concerné, quand bien même la responsabilité de ce dernier est limitée par le degré de liberté qu’on lui a laissé et les ordres qu’on a pu lui donner.
Pour apporter une touche de moralité ou de morale – on avait beaucoup entendu parler de moralisation du capital –, nous avions introduit dans notre législation, au détour d’une loi de finances rectificative, une taxation exceptionnelle assise sur la rémunération des traders dont le produit avait été réservé en grande partie à OSEO, organisme dont on connaît le rôle quand il s’agit de financer le développement des PME. D’ailleurs, cette taxe avait conduit certaines banques à minorer assez rapidement les rémunérations de caractère exceptionnel accordées à leurs commerciaux donneurs d’ordre, ce qui n’était déjà pas si mal…
Pour notre part, nous proposons de faire en sorte que cette taxe soit inscrite dans notre droit fiscal positif, afin, précisément, que les modes de rémunération de ces salariés ne débordent pas le droit commun.
Tel est le sens de cet amendement que, mes chers collègues, je vous invite vraiment à adopter.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. L’amendement a pour objet de rendre pérenne la taxe sur les bonus des traders instituée, vous l’avez rappelé, pour la première fois par la loi de finances rectificative pour 2010. Comme vous l’avez aussi indiqué, elle a rapporté 360 millions d’euros, principalement affectés à OSEO.
À l’époque, elle devait répondre à des circonstances exceptionnelles, lesquelles ont eu tendance à se perpétuer. Il est vrai que les temps restent difficiles…
La taxe visait à modérer la masse salariale dans les banques et à limiter les risques pris par les opérateurs de marché.
Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2012, nous avions tous considéré que la pérennisation de cette mesure était souhaitable. L’amendement proposé par nos collègues avait d’ailleurs été voté par le Sénat, mais supprimé par la commission mixte paritaire.
Quel est l’élément nouveau par rapport à la philosophie qui, au fond, reste la même ? Depuis lors, le Président de la République a pris l’engagement ferme qu’une nouvelle fiscalité sur les rémunérations excessives, parmi lesquelles celles des traders, serait élaborée. Cela ouvre, je pense, une perspective nouvelle : la mise en place d’un texte unificateur et sans doute fondateur. En effet, nous sommes partis pour de nombreuses années de soubresauts au sein de la sphère financière, ce qui nécessite une régulation stricte, durable, et donc le vote d’un texte fondateur dans des délais rapides. Le Président de la République s’y est engagé, et le sujet sera, j’imagine, traité à l’occasion du débat sur l’imposition à 75 %.
Cela me conduit à suggérer à nos collègues le retrait de l’amendement dans l’attente de la mise en œuvre de cet ambitieux programme qui nous est annoncé. Je pense que M. le ministre délégué ne manquera pas de nous éclairer sur ce point.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement pour deux raisons.
D’abord, une directive est en préparation à Bruxelles, précisément sur la rémunération de ces personnels particuliers : la CRD IV. La France contribue activement à son élaboration, en tentant de faire prévaloir l’efficacité autant qu’une forme de morale publique.
Ensuite, vous l’avez remarqué, dans ce projet de loi de finances rectificative, il est demandé aux banques et au secteur financier un effort particulier de plus de 500 millions d’euros. Il nous semble que, pour légitime et justifié qu’il soit, cet effort pourrait suffire et demander un effort supplémentaire à ce secteur-là, d’une manière ou d’une autre, pourrait être excessif. En effet, notre pays va avoir besoin du secteur bancaire et financier pour financer l’économie et aider en particulier les entreprises qui sont en grande difficulté. La réforme du secteur bancaire que nous nous proposons de présenter au Parlement devrait d’ailleurs y contribuer.
Enfin, si ces deux raisons ne vous ont pas convaincus de retirer votre amendement, sachez qu’une nouvelle fiscalité sera effectivement proposée à l’occasion de la réforme de l’impôt sur le revenu. On sait déjà qu’une tranche à 45 % sera instaurée. On sait aussi qu’une tranche exceptionnelle verra le jour. Le principe en a été décidé, même si les modalités restent à définir.
Pour toutes ces raisons, il me semble que le fait d’en discuter et, au terme de ce débat, d’adopter, je l’espère, les bonnes mesures en loi de finances initiale pourrait suffire. C’est dans cette perspective que je vous engage, une nouvelle fois, en vous priant de m’en excuser, à retirer cet amendement. À défaut, le Gouvernement appellera à voter contre.
M. le président. Madame Borvo Cohen-Seat, l’amendement n° 76 est-il maintenu ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre délégué, ce dispositif était effectivement provisoire, mais le législateur est tout à fait habilité à le rendre pérenne.
Certes, vous annoncez une réforme qui couvrirait le dispositif d’imposition des traders. Pour notre part, nous pensons que la coproduction législative n’est pas une mauvaise chose. C’est pourquoi, prenant nos responsabilités, nous ne retirons pas l’amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 76.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 10
I (nouveau). – À la première phrase du premier alinéa du 3 du II de l’article 237 bis A du code général des impôts, après le mot : « constituer », sont insérés les mots : « en franchise d’impôt ».
II. – Le même article 237 bis A est complété par un IV ainsi rédigé :
« IV. – Les provisions prévues au II cessent d’être admises en déduction des résultats imposables constatés au titre des exercices clos à compter de la date de publication de la loi n° …du … de finances rectificative pour 2012.
« Les provisions figurant à l’ouverture du premier exercice clos à compter de la date de publication de la même loi sont rapportées aux résultats imposables dans les conditions prévues au 4 du II. »
M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, sur l’article.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Cet article s’attaque à la participation et s’inscrit ainsi dans la même lignée idéologique que la mesure de hausse de 150 % du forfait social que nous examinerons plus tard.
Je dois bien avouer mes interrogations.
Est-ce parce que ce fut le général de Gaulle qui lança cette idée de la participation que vous voulez aujourd’hui décourager de ce système d’épargne salariale qui fonctionne très bien, en augmentant de manière spectaculaire sa taxation ?
Dix ans de droite au pouvoir vous poussent-ils à vouloir faire table rase de toute mesure de droite ? Circulez, il n’y a plus rien à voir !
Il s’agit pourtant d’associer les travailleurs à leur entreprise, de les faire participer aux bénéfices. Franchement, mes chers collègues du côté gauche de l’hémicycle, comment pouvez-vous décourager cette idée ? Cette position va complètement à l’encontre de votre dogme de la justice fiscale, censé guider toutes vos réformes ; en tout cas, c’est ce que j’avais cru comprendre. De plus, cela aura des conséquences sur la participation, qui concerne quand même entre dix millions et douze millions de salariés !
Le mécanisme fiscal lié à la provision pour investissement a pour objectif de maintenir les marges d’autofinancement des PME, afin de leur permettre d’investir, sous certaines conditions d’attribution à leurs salariés d’une participation aux résultats de l’entreprise.
Cesser d’admettre ces provisions en déduction des résultats imposables sera un mauvais signal pour les entreprises françaises, dans un contexte économique déjà peu propice aux investissements et dans lequel le taux de marge des entreprises est à son plus bas niveau depuis vingt-cinq ans. Cette mesure risque également d’avoir des conséquences sur les TPE et les PME de moins de cinquante salariés qui ne sont pas assujetties obligatoirement à la participation et qui ont opté – et il y en a beaucoup ! – pour ce mécanisme fiscal de provision pour investissement.
En outre, malgré la dégradation des comptes publics, il convient de souligner que les recettes pour l’État résultant de cet article seraient marginales : 31 millions d’euros seulement !
Les facteurs de la croissance ne sont pas uniquement liés à la consommation ; ils le sont également à la capacité d’investissement des entreprises ainsi qu’à la stabilité juridique. Aussi, plutôt que d’abroger ce dispositif, il conviendrait de l’encourager davantage. C’est la raison pour laquelle je soutiendrai l’amendement de suppression de cet article présenté par M. Dassault, au nom du groupe UMP. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 107 est présenté par M. Dassault et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.
L’amendement n° 136 rectifié est présenté par MM. Arthuis, Zocchetto, J. Boyer, Delahaye, Marseille, Dubois, Capo-Canellas, Amoudry, Roche et Deneux et Mme Férat.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Serge Dassault, pour présenter l’amendement n° 107.
M. Serge Dassault. Cet article est une opération contre les participations dérogatoires, autrement dit contre les salariés. Je ne comprends pas du tout cette attitude antisociale qui consiste à vouloir supprimer ainsi aux salariés des rémunérations, des possibilités d’épargne, puisque la société accepte – ce n’est pas obligatoire – des accords dérogatoires qui leur permettent d’avoir plus.
Si je puis évoquer ma société, je vous signale que, pour le moment, nous reversons chaque année 100 millions d’euros au personnel, à égalité avec les dividendes distribués. Cela dure depuis plus de vingt ans et marche très bien. Je crois que nous sommes l’une des rares sociétés à pratiquer ainsi.
Avec la hausse du forfait social que vous avez décidé d’appliquer, la société sera pénalisée de 30 millions d’euros ; c’est intelligent ! Elle va donc diminuer la participation du personnel de 30 millions d’euros et ne plus distribuer que 70 millions d’euros, réduisant par là même les facilités qui étaient accordées.
Cette opération n’est vraiment pas du tout dans la ligne sociale du parti socialiste consistant à favoriser les personnels. Pourtant, voilà quelques années, les sénateurs socialistes et communistes avaient repris à leur compte l’amendement que j’avais proposé et qui avait été refusé par mes petits camarades de l’époque, car ils ne voulaient pas que j’applique ce système d’une façon obligatoire. Et j’avais voté avec vous, contre eux !
La présidente de séance d’alors est présente aujourd’hui.
Mme Michèle André. C’est exact, j’étais là !
M. Serge Dassault. Je m’en souviendrai toute ma vie, cet amendement n’a pas été accepté à quelques voix près, ce qui était tout à fait désagréable !
Je souhaite que vous supprimiez cet article, qui est antisocial. C’est à croire que je suis plus socialiste que vous (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.), puisque je fais des choses sociales dont vous ne voulez pas ! Cet article ne sert à rien, sinon à pénaliser ceux qui veulent faire quelque chose !
Vous voulez, avez-vous dit – et je trouve la phrase que vous avez prononcée tout à fait inacceptable ! –, supprimer certaines formes de rémunération pour les salariés. Au fond, votre objectif serait donc de supprimer la participation dérogatoire pour enlever cette forme de rémunération supplémentaire au personnel, afin que les salariés ne touchent pas plus. Là encore, ce n’est ni très social, ni très socialiste !
Par conséquent, dans l’intérêt de tous, à commencer par les salariés, puisque ce sont eux qui sont visés par le dispositif, je souhaite que vous votiez cet amendement de suppression. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis, pour présenter l’amendement n° 136 rectifié.
M. Jean Arthuis. Dans le contexte de crise que nous connaissons, l’article 10 est un très mauvais signal. Je reconnais toutefois que le Gouvernement fait preuve de cohérence !
En effet, il nous expliquait hier qu’il fallait hypothéquer la compétitivité en renonçant à l’allégement des cotisations sociales. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.) Maintenant, il fait un pas supplémentaire en nous invitant à remettre en cause les dispositions de l’ordonnance du 21 octobre 1986 relative à l’intéressement et à la participation des salariés aux résultats de l’entreprise et à l’actionnariat des salariés.
Le mécanisme prévu introduisait, sur le plan fiscal, la possibilité, dès lors que l’intéressement et la participation étaient bonifiés, de constituer une provision pour investissement et d’assurer une certaine neutralité fiscale.
Le Gouvernement nous invite à remettre en cause un dispositif favorable au pouvoir d’achat des salariés, à l’intéressement et à la participation, ainsi qu’à l’investissement. Monsieur le ministre délégué, le feu est dans la maison : il importe de bouger sans attendre et de sortir de toute vision dogmatique !
C’est pour ces raisons que j’ai déposé un amendement tendant à supprimer l’article 10. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)