M. Alain Fouché. Absolument !
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault, pour explication de vote.
Mme Jacqueline Gourault. L'examen de cet amendement montre bien que l’accession à la propriété est un vrai sujet, y compris lorsqu’il s’agit de logements sociaux.
Les maires eux-mêmes font parfois barrage à l’accession à la propriété des locataires, et cela pour des raisons purement comptables : parce que les communes ne souhaitent pas voir baisser leur pourcentage de logements sociaux.
Or toutes les catégories sociales, y compris les locataires sociaux, devraient pouvoir accéder à la propriété privée.
Nous avons débattu tout à l'heure de la cession du foncier relevant de l’État en vue de réaliser, dans un délai de cinq ans, un programme de logements, mais la question de l’accès à la propriété sociale n’est pas moins importante car elle concerne bon nombre de communes. Au demeurant, permettre l’accès à la propriété n’est pas une faute : c’est au contraire une politique sociale qu’il convient d’encourager.
M. le président. La parole est à M. Christian Favier, pour explication de vote.
M. Christian Favier. La remarque de notre collègue Christian Cambon est tout à fait justifiée. Lui-même l’a rappelé, notre département a été confronté à un problème extrêmement grave, à la suite d’une vente massive, par ICADE, de logements sociaux à laquelle les locataires n’avaient absolument pas été préparés, pas plus que les élus locaux.
Il faut bien mesurer les conséquences qu’une telle décision peut avoir, d’abord pour les locataires eux-mêmes, puisque ceux qui décident de se maintenir dans les lieux après la vente voient leurs loyers s’envoler dans des proportions considérables.
Nous avons pu parer dans une certaine mesure à cette situation, notamment, Mme Procaccia vient de le rappeler, en obtenant d’autres bailleurs sociaux qu’ils acquièrent ces logements. Évidemment, les bailleurs concernés ont dû consentir un engagement financier très important sans qu’un seul logement supplémentaire soit créé puisqu’ils n’ont fait, le bailleur départemental en tête, que racheter à ICADE plusieurs centaines de logements, dans le seul but de maintenir les locataires dans leurs logements.
On le voit, ce genre de situations est extrêmement délicat pour les habitants. Dans ces conditions, il est tout à fait justifié de demander l’avis conforme des maires, et non de procéder à une simple information comme c’était le cas jusqu’à présent, car les élus doivent pouvoir éventuellement s’opposer à ces ventes brutales de logements sociaux.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Je souhaite apporter une pierre à ce débat en évoquant un cas tout à fait particulier, qui s’est produit au moment de la vente de logements sociaux dans les secteurs miniers.
Il se trouve que, du fait de la vente, par les mines, du patrimoine minier, donc d’un certain nombre de logements, des communes minières, comptant de nombreuses populations en situation difficile, se sont retrouvées d’un seul coup au-dessous de la fameuse barre des 20 % prévue par la loi SRU, que j’approuve totalement par ailleurs, tout en étant dans l’incapacité, compte tenu des blocages liés aux plans de prévention des risques miniers, de construire de nouveaux logements sociaux. Heureusement, le préfet, à l’époque, a tenu compte de la situation et les communes concernées ne se sont pas vu infliger de pénalités.
A priori, je serais donc favorable, sous réserve d’un examen plus approfondi, à ce que le maire puisse s’opposer à une vente de logements, à condition, bien sûr, qu’il justifie sa décision.
M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel, pour explication de vote.
M. Gérard Miquel. La vente de logements par un office HLM peut répondre à deux cas de figure. Soit cet office souhaite faire ainsi droit à la demande des locataires en leur permettant de devenir propriétaires. Soit il le fait parce que, confronté à des difficultés financières, il est contraint de vendre sur le marché un grand nombre de logements, et il le fait sans avoir consulté ni les locataires ni les maires concernés.
Dans ce dernier cas, il convient de trouver, comme on a dû le faire dans mon département, un autre organisme HLM prêt à reprendre ces logements dans des conditions financières satisfaisantes, afin, d'une part, de permettre aux locataires qui le souhaitent de se maintenir dans ces logements et, d'autre part, d’éviter aux communes de se trouver, du fait de la vente de logements sociaux en trop grand nombre, au-dessous du seuil des 20 %.
C'est la raison pour laquelle je voterai cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Pierre Jarlier, pour explication de vote.
M. Pierre Jarlier. Les maires seront sans doute extrêmement sensibles à une telle disposition. En effet, aujourd'hui, de quels moyens disposent-ils pour empêcher la vente, par un opérateur, de logements sociaux sur leur territoire ? Ils sont certes consultés, mais, quel que soit leur avis, ledit opérateur fait ce qu’il veut. Il ne leur reste que la préemption. Or les communes, déjà engagées par leurs propres programmes d’investissements, ne sont pas toujours en mesure de procéder à cette préemption.
Mme Nathalie Goulet. De moins en moins !
M. Pierre Jarlier. Il me paraît donc important de prévoir une contrepartie aux nouveaux objectifs assignés en matière de logement social : les maires doivent effectivement pouvoir s’assurer que le nombre de logements sociaux sur leurs communes sera maintenu.
C’est pourquoi je voterai cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour explication de vote.
M. Joël Guerriau. La proposition qui nous est faite est pleine de bon sens, mais on ne peut ignorer certaines contradictions.
Je partage totalement ce qui a été dit par M. Cambon : il est vrai que les communes qui éprouvent déjà beaucoup de difficultés pour atteindre les 20 % de logements sociaux doivent pouvoir mieux maîtriser ce phénomène d’évasion d’une partie de leur parc social vers la sphère privée. Forcément, en tant que maire, j’approuve résolument cette démarche et je voterai l’amendement n° 55 rectifié.
Cela étant, sur un plan philosophique, je suis quelque peu gêné. En effet, comme l’a dit ma collègue Jacqueline Gourault, il est très important de faciliter l’accession à la propriété pour les personnes modestes. Ma commune compte ainsi d’anciens ouvriers qui, grâce au système des « Castors », ont pu faire construire leur maison sur un petit lopin de terre. Aujourd'hui, leur retraite leur permet de vivre convenablement précisément parce qu’ils sont propriétaires de leur logement, alors qu’il en irait sans doute tout autrement s’ils avaient un loyer à payer.
À l’heure où les retraites s’amenuisent, des difficultés vont nécessairement surgir. Il y a donc nécessité de faciliter l’accession à la propriété de personnes qui, demain, pourront, grâce à cela, vivre normalement, sans s’inquiéter pour le paiement d’un loyer qu’elles ne pourront plus assumer.
Ces deux dimensions du même problème montrent bien que le présent projet de loi méritait beaucoup plus de concertation et de discussion.
M. le président. La parole est à M. Ladislas Poniatowski, pour explication de vote.
M. Ladislas Poniatowski. Entendons-nous bien, mes chers collègues : le sujet, ici, n’est pas du tout l’accession sociale à la propriété.
Madame la ministre, votre projet réussira si tous les acteurs du logement social, au premier chef les bailleurs sociaux et les maires, vous suivent une fois le texte adopté. Prenez donc garde à ne pas mettre en rivalité, en concurrence, les premiers avec les seconds, à ne pas instaurer une sorte de malaise entre eux.
L’intelligence de cet amendement, c’est de vous proposer une sortie. Celle-ci ne sera opérante qu’à la condition, essentielle, qu’un deuxième amendement, qui vise à passer de cinq à dix ans et qui viendra tout à l'heure en discussion, soit également adopté ; vous l’avez d’ailleurs compris puisque vous avez vous-même entrouvert la porte à pareille éventualité.
Nous sommes, ici, un certain nombre à être ou avoir été président d’organisme bailleur de logements sociaux. Il nous arrive très souvent de construire des logements sociaux sur des terrains mis gratuitement à notre disposition par les mairies. La disponibilité de terrains n’est donc pas le seul problème : nous avons tous des difficultés au moment de trouver des financements, et nous en aurons encore. C'est la raison pour laquelle nous mettons régulièrement en vente une partie de notre patrimoine, soit pour répondre à la demande de certains locataires qui souhaitent acquérir leur logement, soit dans le cadre d’opérations groupées d’ampleur plus importante.
Madame la ministre, il importe de saisir l’opportunité de donner une telle possibilité. Du fait même de ce genre d’opérations, les effets de yo-yo persisteront : des communes passeront toujours au-dessus ou au-dessous de cette fameuse barre, fixée aujourd’hui à 20 %, demain à 25 %, comme vous le proposez dans ce projet de loi. Si vous voulez éviter ces effets, il faut accepter ce type d’amendement, qui doit être adopté, je le répète, avec cet autre amendement que j’évoquais et que M. Cambon a déposé avec d’autres collègues.
M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.
M. Daniel Dubois. Ladislas Poniatowski vient d’apporter les précisions que je souhaitais moi-même donner. Le deuxième amendement qu’il a évoqué sert de trait d’union avec les propos tenus par Mme la ministre tout à l’heure.
On peut comprendre que certains organismes HLM adoptent, à un moment donné, des stratégies de redéploiement, d’autant qu’ils sont parfois incités à vendre des logements pour se constituer des fonds propres et être en mesure de rebâtir.
L’idée de passer de cinq à dix ans, pour ne pas pénaliser des maires, qui, finalement, n’y sont pour rien, me paraît une excellente solution de transition.
M. le président. La parole est à M. Jean Germain, pour explication de vote.
M. Jean Germain. La question de l’accession sociale à la propriété soulevée par notre collègue Jacqueline Gourault a toute son importance, mais il convient effectivement de ne pas tout mélanger.
Nous sommes très souvent confrontés aux difficultés qu’évoque M. Cambon au travers de l’amendement n° 55 rectifié, et je partage le sentiment qu’a exprimé Gérard Miquel. À l’évidence, dans une commune de 200 000 habitants, la vente de trois, quatre, ou dix logements ne pose pas de problème. Il reste que, dans toutes les réunions, ce problème est mis en avant et que les maires concernés sont passablement excédés par le fait que leur avis peut ne pas être suivi.
La vente d’ensembles immobiliers est un autre sujet, qui, lui, touche tout le monde et suppose, à mon sens, de recueillir un avis conforme. Comme Gérard Miquel, je voterai donc cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Gillot, pour explication de vote.
Mme Dominique Gillot. Je tiens, moi aussi, à m’inscrire parmi les défenseurs de cet amendement. En effet, si l’accès à la propriété est, bien sûr, une aspiration légitime que nous devons satisfaire, il ne doit pas se développer au détriment du logement social.
Maire de ma commune, j’ai toujours manifesté mon hostilité, conformément à l’avis rendu par le conseil municipal, à la vente de patrimoine social. Non que je sois opposée au développement de ce type de maillon dans le cadre du parcours résidentiel, mais il nous appartient de définir d’autres produits permettant l’accomplissement de ce parcours résidentiel répondant aux vœux de nos concitoyens.
Du reste, cette position très claire est appréciée par nos populations, y compris celle qui réside dans les logements sociaux et ne souhaite pas être concernée par un changement de statut sans avoir délibérément fait ce choix. Or les procédures mises en place par les bailleurs sociaux supposent une ingérence extrêmement désagréable dans la situation professionnelle, sociale et financière de leurs locataires ; cela, à l’évidence, nous devons l’éviter.
Cette position est la mienne depuis plusieurs années. Or, voilà un peu plus d’un an, le secrétaire général de la préfecture est passé outre à mon avis et a signé une autorisation de vente du patrimoine – c’est bien cette configuration que cet amendement tend à empêcher –, laquelle a évidemment entraîné une situation extrêmement confuse entre le bailleur et la municipalité, entre le bailleur et les locataires à qui était proposé l’achat du patrimoine, ainsi qu’entre les locataires et la municipalité.
Selon moi, la mesure proposée par M. Cambon est de nature à garantir la responsabilité de la décision relative à un élément constitutif de l’équilibre social d’une commune, dont il appartient aux maires de rester les garants.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Mes chers collègues, par rapport à l’analyse que nous avions faite en commission ce matin, les éléments apportés à l’occasion de ce débat nous donnent à réfléchir. Pourtant, la notion d’avis conforme me pose un réel problème.
En effet, des opérateurs de logements sociaux peuvent avoir besoin de réaliser une vente pour assurer l’équilibre de leur activité. Avec un avis nécessairement conforme du maire, celui-ci serait désormais en mesure de s’opposer, pour des raisons que plusieurs d’entre vous ont évoquées, à la réalisation d’une opération. Certes, la politique menée dans les anciennes communes minières ou par ICADE a mis certaines communes dans des situations assez inconfortables. Au demeurant, je vous le rappelle, la procédure de carence tient compte de l’histoire et non pas simplement des financements. Un préfet peut avoir tout de même suffisamment d’intelligence pour comprendre l’origine d’une situation. (Murmures.) Je fais un pari sur l’intelligence des préfets : il me semble ce n’est pas une faute !
Si l’objet de cet amendement met en lumière un vrai problème, son adoption n’apporterait peut-être pas la meilleure solution possible en imposant l’avis conforme du maire. Ce dernier pourrait ainsi bloquer définitivement les ventes d’un opérateur qui se trouve dans une situation économique difficile. J’insiste, cela me pose problème !
Par ailleurs, vous ne pouvez pas à la fois demander la mise en place d’un parcours résidentiel aboutissant éventuellement à la vente de leur logement aux locataires et refuser cette même vente ! Il faudrait trouver une procédure permettant une négociation entre les opérateurs et le maire de la commune concernée.
Je m’abstiendrai donc, à titre personnel, sur cet amendement, mais j’entends bien les motifs qui ont conduit à son dépôt.
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon, pour explication de vote.
M. Christian Cambon. Je tiens à vous rassurer, monsieur le président de la commission. Vous pariez sur l’intelligence des préfets ; nous pouvons aussi parier, au Sénat, sur celle des maires. (Sourires et exclamations. – Mme Marie-Annick Duchêne et M. Joël Guerriau applaudissent.)
Si nous avons été confrontés à une situation difficile liée à la vente de centaines de logements – et je remercie M. Favier de l’avoir rappelé tout à l’heure –, c’est parce que c’est le maire, et non le préfet, qui doit ensuite aller expliquer aux locataires ce qu’il se passe, de calmer l’inquiétude créée par ces mesures dont l’annonce, le plus souvent, ne se fait même pas par courrier recommandé : vous apprenez simplement que votre appartement est vendu et que vous disposez d’un délai extrêmement court pour décider éventuellement de l’acheter. Si vous refusez, c’est le saut dans l’inconnu, avec les conséquences qui ont été évoquées.
Nous devons garantir le respect des maires : c’est la raison pour laquelle je souhaite que celui-ci donne un avis conforme.
Bien évidemment, les opérations telles que la vente de dix logements dans une commune de 200 000 habitants, pour reprendre l’exemple cité par M. Germain, ne seront pas bloquées par le maire ! En revanche, lorsqu’il s’agira de 700 logements, la menace de l’avis conforme obligera les uns et les autres à négocier, à reparler du calendrier et de la situation réservée aux locataires concernés, qui ne pourront peut-être pas acheter. Le maire doit reprendre l’initiative et se retrouver au cœur du dispositif. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l’UCR.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 4. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
Article 4
L’article L. 302-5 du code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa :
a) Après le mot : « agglomération » sont ajoutés les mots : « ou un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre » ;
b) Le taux : « 20 % » est remplacé par le taux : « 25 % » ;
c) Le mot : « général » et le mot : « locatifs » sont supprimés ;
d) La seconde phrase est supprimée ;
2° Après le premier aliéna, il est inséré cinq alinéas ainsi rédigés :
« Ce taux est fixé à 20 % pour toutes les communes mentionnées au premier alinéa appartenant à une agglomération ou un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre pour lesquels le parc de logement existant ne justifie pas un effort de production supplémentaire pour répondre à la demande et aux capacités à se loger des personnes à revenus modestes et des personnes défavorisées. Un décret fixe la liste des agglomérations ou des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre concernés, déterminée en fonction :
« 1° De la part de bénéficiaires de l’allocation logement dont le taux d’effort est supérieur à 30 % ;
« 2° Du taux de vacance, hors vacance technique, constaté dans le parc locatif social ;
« 3° Du nombre de demandes de logements sociaux par rapport au nombre d’emménagements annuels, hors mutations internes, dans le parc locatif social.
« Les communes, appartenant à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ou à une agglomération visés au premier et au deuxième alinéas en décroissance démographique, constatée dans des conditions et pendant une durée fixées par décret, sont exemptées à la condition qu’elles appartiennent à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre doté d’un programme local de l’habitat exécutoire. » ;
3° Le deuxième alinéa est supprimé ;
4° Au huitième alinéa, les mots : « ainsi que les places des centres d’hébergement et de réinsertion sociale visées à l’article L. 345-1 du code de l’action sociale et des familles » et les mots : « et les places des centres d’hébergement et de réinsertion sociale » sont supprimés ;
M. le président. La parole est à M. Pierre Jarlier, sur l'article.
M. Pierre Jarlier. Après ce vote à la quasi-unanimité d’un amendement tendant à préserver les droits des maires, nous parvenons à l’examen des dispositions qui constituent le deuxième volet, essentiel, du projet de loi.
L’article 4 vise à renforcer les obligations de production de logements sociaux issues de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains du 13 décembre 2000, dont j’avais été, ici même, le rapporteur pour avis au nom de la commission des lois.
Sous réserve de la réintroduction des établissements d’urgence dans le décompte, l’architecture de l’article 55 de la loi SRU est préservée. Je tiens à souligner combien il est important de conserver ce mécanisme. C’est en effet le gage d’un juste équilibre entre plusieurs ordres exigences : de construction de logements, de développement de la mixité sociale, de libre administration de nos collectivités. Il faut bien reconnaître qu’il n’a pas été facile de le maintenir au fil des nombreux textes traitant du logement que nous avons débattus ces dernières années.
Je veux néanmoins souligner que c’est précisément ici, au Sénat, que nous avons obtenu son maintien en l’état. J’avais été l’un de ses ardents défenseurs, à côté de Dominique Braye. Pour autant, le bilan de cette mesure reste mitigé, notamment au regard de la crise du logement et du nombre de personnes en attente d’un logement social, évalué aujourd’hui à 1,7 million.
Le titre II du projet de loi vise donc à rendre plus efficace le dispositif de la loi SRU en renforçant l’objectif de production de logements sociaux, dont le pourcentage doit passer de 20 % à 25 %, et en incitant plus fermement les communes à contribuer à l’effort de rattrapage. Cette mesure est nécessaire. En effet, moins de 50 % des 927 communes soumises à l’article 55 de la loi SRU ont atteint le seuil de 20 % et, depuis 2002, le taux moyen de logements sociaux dans ces communes n’est passé que de 13 % à 14 %, ce qui représente un déficit de près de 400 000 logements sociaux.
Concrètement, par cet article 4, le taux de logements sociaux que doivent compter les communes situées dans le champ d’application de la loi SRU est fixé à 25 %. Il est toutefois utile de rappeler que, dans les secteurs moins tendus et dans ceux où la demande ne justifie pas un effort de production supplémentaire, le taux est maintenu à 20 %. Ce sera vraisemblablement le cas pour une grande partie du territoire. Ainsi, sur cette base, le projet de loi traduit une volonté d’adaptation aux situations locales, s’appuyant sur des critères relatifs non seulement à la demande, mais aussi à l’effort de rattrapage mené par les communes.
Cela étant, madame la ministre, j’attire votre attention sur les limites d’un tel dispositif, qui, faute des précisions législatives nécessaires, peut susciter des incertitudes au regard de l’analyse particulière des communes, et ce au détriment des communes « vertueuses ». À cet égard, je veux saisir l’occasion qui m’est donnée pour rappeler que de nombreuses communes qui souhaitent s’engager résolument en faveur de la cause du logement ne le peuvent pas, faute de moyens. Aussi est-il impératif que la situation de ces communes vertueuses soit effectivement prise en compte au regard de l’objectif de 25 % : celles qui peinent aujourd’hui à avoir 20 % de logements sociaux ne doivent pas être pénalisées du jour au lendemain par cette hausse de 5 points.
Or, si le projet de loi indique bien que les efforts réalisés seront pris en considération, le dispositif mériterait d’être clarifié et pourvu d’un cadre mieux défini pour tenir compte des difficultés particulières auxquelles ces communes peuvent être confrontées.
Les élus sont sensibles à l’exigence de mixité et de cohésion sociales, et il faut bien reconnaître que la grande majorité d’entre eux font des efforts. Il convient donc que les mesures coercitives ciblent les communes qui campent dans une position de refus des objectifs de la loi.
Nous devons aussi être attentifs aux types de logements considérés pour le calcul du pourcentage de logements sociaux : ne pas tenir compte des centres d’hébergement et de réinsertion sociale pourrait constituer un mauvais signal à l’adresse des maires et, surtout, les dissuader de construire ce type d’habitat, pourtant indispensable dans le cadre de la solidarité envers les personnes les plus démunies. Je sais que vous serez sensible, madame la ministre, à cette remarque.
Je tiens également à évoquer la nécessaire approche intercommunale de la politique du logement. Il y a un paradoxe évident entre le transfert de la compétence logement à l’EPCI et le décompte de logements sociaux au niveau communal. Ne serait-il pas plus adapté de fixer un plancher à 20 % pour chaque commune membre d’un EPCI et un objectif global de 25 % de logements sociaux sur l’ensemble du territoire intercommunal ? Plusieurs amendements vont dans ce sens et nourriront très certainement un débat intéressant. Une telle approche serait d’autant plus pertinente que c’est le PLH intercommunal qui fixe aujourd’hui les objectifs pour ce qui concerne le nombre de logements sociaux et leur répartition sur le territoire.
Enfin, je veux le souligner, si ce texte constitue une avancée, celle-ci n’est que partielle : d’après les derniers chiffres, 750 000 logements sont encore indignes ou dégradés dans le parc privé et 2,8 millions de logements sont vacants. On parle de densification, de manque de foncier et de revitalisation des centres anciens, mais on pourrait, s’appuyant sur ces chiffres, trouver un bon moyen de favoriser la mixité sociale en utilisant ce parc aujourd'hui extrêmement dégradé.
De manière générale, des mesures incitatives sont également nécessaires pour encourager la construction, la rénovation thermique des bâtiments et la lutte contre la vacance des logements. Des mesures fiscales devront stimuler la contribution du foncier privé.
Par conséquent, madame la ministre, il est urgent qu’un autre texte sur le logement nous soit présenté.
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, sur l'article.
M. Joël Guerriau. Je tiens à le souligner d’emblée, l’article 4, tel qu’il est rédigé, est inapplicable pour certaines communes. Il s’agit pourtant de communes « vertueuses » ! Du reste, cette notion de vertu associée strictement au fait d’avoir atteint le pourcentage – la commune qui ne l’atteint pas étant nécessairement, a contrario, réputée « non vertueuse » – mériterait d’être examinée d’un peu plus près. En effet, on peut très bien mettre en place de toutes les mesures nécessaires pour parvenir aux objectifs fixés par la loi sans obtenir pour autant le résultat escompté.
Premièrement, dès l’origine, l’article 55 de la loi SRU fixant le pourcentage de logements sociaux ne tenait pas compte de l’héritage de chaque commune à la date d’application de la loi. Il est bien sûr plus facile d’atteindre les fameux 20 % lorsque l’on part d’un pourcentage de logements sociaux déjà élevé. Il existe donc un biais de départ. Or le présent projet de loi ne le corrige pas : on reste sur la même règle en fin de compte totalement injuste.
Deuxièmement, la nature des logements sociaux pris en compte demeure problématique. Certes, intégrer dans le cadre du logement social les logements étudiants et les logements-foyers est une bonne chose. Cependant, il semble que les places en centre d’hébergement et de réinsertion sociale ne soient pas prises en compte. Et qu’en est-il des hébergements en maison de retraite et des places en logement d’urgence ? J’espère qu’il n’y a pas là matière à pénaliser les communes, pourtant bel et bien vertueuses, qui ont fait un effort en la matière !
Pourquoi, aussi, limiter à 50 % la prise en compte des PLS ? Ces logements participent à la mixité sociale et permettent à des familles de trouver une solution de logement que le parc privé ne peut leur offrir. En l’occurrence, j’estime qu’on ferait mieux de s’intéresser à ceux qui occupent des logements sociaux dont ils ne devraient pas disposer, compte tenu de leurs revenus, plutôt que de revenir sur le critère du PLS.
Pourquoi, par ailleurs, ne pas élargir le champ de la définition des logements sociaux à l’ensemble des logements en accession sociale à la propriété, et non pas seulement aux logements en location-accession ? L’Union centriste et républicaine proposera un amendement allant en ce sens.
Troisièmement, nous ne maîtrisons pas les délais de recours et de construction. Or, dans la loi SRU, on raisonne toujours en termes de stock et non pas de flux. Cela paraît particulièrement injuste : pourquoi ne pas récompenser les communes qui dépassent l’objectif triennal du PLH, en reportant sur la période suivante les logements surnuméraires réalisés ? La réponse à cette question est simple : la logique de ce texte, comme le disait très justement notre collègue Daniel Dubois au cours de la discussion générale, est non pas l’accompagnement, mais la sanction. Dans ces conditions, la sanction devient terriblement injuste, et donc inacceptable.
Oui, madame la ministre, elle est injuste parce que, quand une collectivité définit dans son PLU un objectif bien supérieur à celui de 20 % de logements sociaux – c’est le cas de ma commune –, elle se donne, me semble-t-il, tous les moyens de respecter la loi.
Cependant, comme vous le savez, ce sont les promoteurs sociaux qui agissent et non pas les maires. Outre que la programmation dans le temps des constructions échappe en grande partie aux communes et aux EPCI, de quels moyens juridiques les élus disposent-ils pour limiter, voire interdire les constructions privées ne relevant pas du logement social, notamment les maisons individuelles ?
Malgré sa bonne volonté, malgré les règles qu’il fixe, ce n’est pas le maire qui tient la truelle ! Mais ce sera à lui de payer !
Enfin, ce projet de loi ne prend absolument pas en compte l’histoire de nos communes. Dans les années cinquante et soixante, beaucoup de communes ont vu se développer des lotissements d’autoconstructeurs à revenus très modestes. C’est ce qu’on appelle les « Castors », particulièrement présents dans l’ouest de la France. Aujourd’hui, une part importante du territoire de certaines communes est urbanisée avec de tels logements, occupés par leurs propriétaires. Mais cela ne signifie nullement que ces villes sont riches. Aussi, il est regrettable que nulle part cette réalité n’ait été prise en compte dans les comptages.
Condamner nos villes à payer une amende alors même que la municipalité en place respecte la loi, c’est comme si l’on demandait à un maire de payer les amendes pour excès de vitesse de ses concitoyens alors que lui-même se déplace à vélo !
Les pénalités encourues appauvriront encore le budget de nos communes et la contrainte de 25 % que vous proposez nécessitera, pour les communes, de reconstruire largement sur ce qui est déjà construit, tout en monopolisant des moyens financiers exorbitants.
Cette sanction financière, aggravée pour certaines communes par la perte de la dotation de solidarité urbaine, pourrait avoir une première conséquence effarante : le renoncement à des projets créateurs d’emplois ou une augmentation des impôts locaux et, parfois, le non-remplacement d’agents municipaux partant à la retraite. Cela engendrera une dégradation du service à la population, alors qu’il faudrait au contraire renforcer ce service puisque nous sommes censés accueillir plus de monde sur nos territoires.
La construction de nouveaux logements implique aussi que nous soyons en capacité de financer des équipements publics. Cela suppose des moyens financiers accrus, et non pas la confiscation par l’État d’une part de nos budgets d’investissement.
Le présent texte fait de cette amende une ponction jacobine, totalement contraire aux principes de libre administration et d’autonomie des collectivités locales puisqu’il prévoit que l’État en sera le principal bénéficiaire.
Alors que la DSU se réduit, le prélèvement SRU devient une recette d’État !
Si, vraiment, le Sénat représente et défend les collectivités, il ne peut l’accepter, quelle que soit la couleur de sa majorité.
Remarquez-le mes chers collègues : le prélèvement SRU sera pour l’État une recette solide et pérenne chaque fois que les communes seront dans l’impossibilité d’appliquer les nouveaux taux SRU. Le présent texte aurait-il pour vocation de contribuer au rééquilibrage des finances de l’État ?
Je vous le répète, madame la ministre, nous ne nous en sortirons qu’en appliquant les obligations de la loi SRU à l’échelle des EPCI.