M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Ronan Kerdraon, pour explication de vote.
M. Ronan Kerdraon. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, lors de la discussion générale, je vous ai fait part de l’impatience qui était la nôtre de voter ce texte en faveur des jeunes. Nous y voilà ! Il y avait en effet urgence à se pencher sur la situation des jeunes, qui souffrent depuis de trop longues années d’une sorte de marginalisation récurrente, voire d’une stigmatisation. Nul ne peut honnêtement prétendre qu’il découvre le problème ; cela fait trente ans que les choses perdurent.
Trop souvent, la jeunesse est synonyme d’échec scolaire, de précarisation. Ce sont les jeunes qui constituent les variables d’ajustements en période de crise. Conscients de cette situation particulièrement accablante pour la République, François Hollande, alors candidat à l’élection présidentielle, avait érigé la jeunesse au rang de priorité nationale. C’est cet engagement fort qui va trouver sa concrétisation ce soir. Les socialistes sont fiers d’avoir apporté – avec d’autres, bien sûr – leur pierre à l’édifice ainsi construit.
Ce texte, cela a été souligné à plusieurs reprises, n’a pas l’ambition de résorber le chômage des jeunes ; affirmer le contraire serait une tromperie. En revanche, c’est un signe fort, porteur d’espoir, et porteur d’avenir !
Les emplois d’avenir nous apparaissent comme une réponse précise et adaptée à l’urgence sociale qui frappe notre jeunesse. Le dispositif constitue une réponse humaine pour un public ciblé, les jeunes âgés de seize ans à vingt-cinq ans ayant pas ou peu de qualification, car ils sont parmi les plus fragilisés par la vie.
Certes, me direz-vous, mes chers collègues de l’opposition, il existe d’autres publics en difficulté, notamment les seniors – notre collègue René Teulade y faisait allusion cet après-midi –, que les mesures prises ces dernières années ont fortement pénalisés.
J’ai suivi avec attention les débats. J’ai entendu des interrogations légitimes sur certains articles et des propositions d’amélioration du texte. Au final, j’observe que ce texte porte une vision dynamique d’une politique en direction de la jeunesse et un volontarisme affirmé pour faire de l’emploi des jeunes une priorité nationale.
Mes chers collègues, c’est vrai que nous avons travaillé vite, mais je pense que nous avons fait œuvre utile. Lors des débats, il a souvent été fait référence aux différents dispositifs – j’en ai recensé plus de quatre-vingts – mis en place par le passé. Les emplois d’avenir en tirent les leçons, bonnes ou mauvaises, et s’inspirent des emplois-jeunes du gouvernement Jospin en 1997.
Au vu du bilan positif des emplois-jeunes, il semble évident que le dispositif des emplois d’avenir était à encourager. L’économiste Philippe Askenazy le confirme en précisant que le contexte actuel de prévisions de croissance extrêmement limitée justifie cette voie. Il ajoute que, pour être un tremplin, le dispositif doit être individualisé et cibler ceux qui ont perdu le contact avec l’emploi. Il préconise de l’accompagner d’une formation permettant aux jeunes de s’adapter à un marché de l’emploi très incertain. Ces recommandations sont satisfaites par le texte issu de nos travaux.
Je ne reviendrai pas sur l’ensemble du dispositif, mais je veux vous faire part de notre attachement aux emplois d’avenir professeur, qui, à notre avis, tirent l’ensemble vers le haut et répondent à une nécessité. Mais il faudra aussi revenir sur la mastérisation, qui a ravagé notre système éducatif.
L’approche territoriale qui nous est proposée au travers des comités stratégiques locaux nous semble pertinente dans la mesure où sont associés les collectivités, les élus locaux et le service public de l’emploi, en particulier les missions locales.
Le texte que nous nous apprêtons à voter illustre parfaitement la philosophie qui prévaudra au cours de ce quinquennat : l’exécutif et le Parlement œuvrant de concert au service des Français. Le groupe socialiste votera ce texte ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Je commencerai par quelques remarques sur la forme.
Le Sénat a été un peu bousculé dans sa manière de travailler. Nous avons été convoqués quinze jours à l’avance pour examiner très rapidement, notamment en commission, ce projet de loi. Aussi, si nous pouvons émettre un premier souhait, c’est de disposer du temps nécessaire au débat parlementaire en commission.
Mais je comprends l’urgence ! Par conséquent, pour cette fois, vous êtes…
Mme Frédérique Espagnac. Pardonnés !
M. Jean Desessard. … « pardonnés » – je reprends votre terme, ma chère collègue, même si je ne l’aurais pas employé spontanément –, parce que le Gouvernement veut lancer une action importante.
Toujours sur la forme, je remercie les présidents de séance, qui ont mené les débats avec correction, en tenant compte de l’ensemble des amendements et de l’expression de chacun. Je remercie également M. le rapporteur, M. le ministre et M. le ministre délégué du temps qu’ils ont consacré à expliquer leurs positions, à montrer que mes amendements très intelligents n’étaient parfois pas tout à fait conformes aux objectifs… Je les remercie d’avoir bien pris le temps de nous présenter l’ensemble des éléments. J’ai même été étonné par l’enthousiasme de M. Peillon, ministre de l'éducation nationale ; d’après lui, il y aura désormais peu d’échec et beaucoup de choses intéressantes dans l’éducation. Donc, bravo et, en tout cas, merci pour votre enthousiasme et vos explications !
Sur le fond, les emplois d’avenir – je dis bien « emplois d’avenir », pour ne pas remettre 2 euros dans la boîte en carton de M. le ministre du travail – répondent à trois objectifs : d’abord, bien sûr, créer des emplois ; ensuite, et peut-être surtout, redonner confiance à des jeunes sans qualification, dans certaines zones rurales comme urbaines ; enfin, leur permettre d’acquérir des compétences et un mieux-vivre, favorisant ainsi une meilleure intégration.
Il est d’autant plus méritoire de prendre des mesures fortes dans un contexte de déficit budgétaire et de dette. Malgré les difficultés financières, le Gouvernement accorde de l’importance au social et affirme que c’est par la création d’emplois que l’on résoudra la crise. C’est donc un objectif très intéressant.
Monsieur le ministre délégué, nous avons apprécié l’intérêt que vous avez manifesté à l’égard des jeunes ayant connu des échecs scolaires et ressentant aujourd’hui un certain dégoût de l’école. Nous nous réjouissons des moyens que vous avez pu mettre en place en matière de suivi personnalisé pour leur offrir non pas une formation standard, mais une qualification, afin de leur redonner confiance en eux. Nous vous soutenons dans ces démarches.
Nous saluons également la prise en compte de la pédagogie et du travail de terrain pour les professeurs. Nous appelons de nos vœux une évolution dans la formation des enseignants, et nous y serons très attentifs.
Monsieur le ministre, avec des objectifs comme la création d’emplois et la lutte contre la précarité et l’exclusion sociale, nous aurons toujours plaisir à vous accueillir dans l’hémicycle ! Vous l’aurez compris, le vote des écologistes sur ce texte sera « très favorable » ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Mazars.
M. Stéphane Mazars. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mois après mois, les chiffres du chômage ne cessent de s’aggraver et les plans sociaux s’accumulent. Les premières victimes de ce fléau sont les jeunes, en particulier ceux qui n’ont aucune qualification, ceux qui ont quitté le système scolaire de bonne heure. Les chiffres sont alarmants ; nous les avons tous évoqués.
Face à l’ampleur du problème, le Président de la République et le Premier ministre avaient, à l’occasion de la conférence sociale, placé l’emploi des jeunes au cœur de leurs priorités.
Il était de notre devoir d’être responsables à l’égard de cette jeunesse désabusée en lui redonnant espoir. C’est ce à quoi le Gouvernement s’est engagé avec la création de 150 000 emplois d’avenir à l’horizon 2014. C’est pourquoi nous avons soutenu le projet de loi.
Il nous était impossible de rester plus longtemps indifférents à la situation de ces jeunes dont l’insertion professionnelle est difficile – pour ne pas dire impossible – dans un contexte économique incertain. Il était urgent de créer les conditions nécessaires à leur entrée sur le marché du travail.
Certes, nous sommes lucides : les contrats d’avenir ne régleront pas tout – nous en sommes conscients –, mais ils constituent un espoir pour tous ces jeunes en extrême difficulté, en leur ouvrant de véritables perspectives d’avenir. Ce texte très attendu marque, en ce sens, une véritable avancée.
Même si je me félicite de l’adoption de l’un de nos amendements, je regrette que d’autres aient été rejetés. Je pense notamment à celui qui visait à permettre aux jeunes ayant poursuivi des études en zones d’éducation prioritaire de bénéficier en priorité du dispositif des emplois d’avenir, alors que ces territoires connaissent des difficultés particulières qu’il aurait été juste de prendre en considération.
Je pense également à l’amendement présenté par M. Mézard sur les contrats à durée déterminée saisonniers. Monsieur le ministre, vous avez refusé de rétablir aujourd’hui une disposition que vous aviez pourtant soutenue à l’Assemblée nationale. Il s’agissait de rendre ces contrats moins précaires qu’ils ne le sont aujourd’hui, d’améliorer les conditions d’emploi de ces jeunes et de répondre aux besoins structurels de l’économie des territoires dont l’activité est saisonnière.
Pour autant, le projet de loi que nous venons d’examiner est une première mesure dans la bataille que nous entendons tous mener contre le chômage. D’autres mesures ont d’ores et déjà été annoncées, et nous les attendons avec impatience. C’est pourquoi aucun membre groupe du RDSE ne s’y opposera, et la plupart voteront pour. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le groupe UMP ne peut pas souscrire au dispositif des « emplois d’avenir ».
Créer des emplois, agir pour l’insertion des jeunes sont des objectifs que nous partageons tous, en particulier s’agissant des jeunes peu ou pas qualifiés, dont le taux de chômage augmente.
Pour cela, priorité doit être donnée à l’éducation. Le jeune doit avant tout acquérir une qualification, faute de quoi il ne pourra jamais s’insérer dans le monde du travail. Il faudrait donc prioritairement revoir notre système éducatif et le problème des sorties sans qualification, qui concernent quelque 120 000 jeunes par an.
Il faut également développer les outils dont nous disposons, comme l’apprentissage et l’alternance, qui permettent au jeune d’acquérir une formation en se projetant dans le monde du travail. C’est ainsi que nous offrirons un avenir à ces jeunes.
Or le Gouvernement fait le choix du passé et non de l’avenir. Il revisite les emplois-jeunes. C’est une vieille recette, et même une fausse recette !
Comme nous l’avons souligné lors des débats, de multiples contrats aidés ont jalonné les politiques des précédents gouvernements ; il n’y a là rien de nouveau.
Encore faudrait-il bien cadrer le dispositif. Or, dans le cas présent, les contrats aidés sont prévus principalement dans le secteur public, dont on connaît les contraintes en matière de réduction de postes, et dans les associations, qui n’auront pas les moyens de conclure ensuite une embauche.
Ce n’est pas là que se trouvent aujourd’hui les emplois durables. C’est notre position. La solution au chômage des jeunes se trouve principalement dans le secteur privé. Nous regrettons donc que nos propositions d’élargissement du dispositif n’aient pas été entendues.
Autre point sur lequel nous n’avons pas été entendus et qui ne nous permet pas de souscrire à ce texte, la rupture d’égalité créée aussi bien par les emplois d’avenir que par les emplois d’avenir professeur.
Nous l’avons répété : l’aide doit être attachée à la personne et non au territoire. Nous avons déposé des amendements afin que les emplois soient attribués en fonction de critères sociaux avérés, et non de l’appartenance territoriale de chacun.
M. Jacques Legendre. Très juste !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Nous partageons le même objectif.
M. François Rebsamen. Ah bon ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il faut que les emplois soient destinés prioritairement aux jeunes les plus en difficulté. Nous pensons qu’il faut aller les chercher là où ils sont, dans les zones que vous avez ciblées, certes, mais également sur l’ensemble de notre territoire.
M. François Rebsamen. Alors, vous allez voter le texte !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ce que nous ne voulons pas, c’est que les jeunes soient déçus demain.
M. Alain Néri. Vous les avez déjà déçus hier ! (Mme Françoise Cartron renchérit.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Telle est la position du groupe UMP. Nous voterons donc contre le projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Hervé Marseille.
M. Hervé Marseille. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, sur toutes les travées, chacun s’accorde à reconnaître que le chômage des jeunes est extrêmement préoccupant et douloureux.
En revanche, la solution qui nous est proposée aujourd'hui nous laisse dubitatifs, car ce n’est en rien une novation. Presque tous les dispositifs similaires qui ont été mis en place par d’autres majorités ont été des quasi-échecs.
Principal argument avancé à l’appui du texte, les nouvelles mesures permettront aux jeunes éloignés de l’emploi de trouver du travail. C’est vrai que c’est un progrès. Avoir un emploi dans de telles conditions est déjà un premier pas vers l’« avenir », pour reprendre l’intitulé du projet de loi.
Mais de tels emplois seront difficiles à pérenniser. Mme Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, a déclaré ce matin dans le journal Les Échos que les collectivités locales devraient, tout comme l’État, faire un effort, dans leur cas à compter de 2014-2015. Or c’est précisément à partir de cette date qu’on leur demandera de pérenniser les emplois d’avenir.
Alors que les collectivités locales rencontrent des difficultés – les meilleures d’entre elles doivent faire face à la péréquation et les autres sont dans une situation délicate –, on va exiger d’elles encore plus pour accompagner les efforts de redressement, au demeurant nécessaires, que l’État doit mener. La pérennisation des emplois d’avenir pèsera donc lourdement sur elles, et nous le savons bien.
Nous aurions souhaité une extension du dispositif aux PME – nous en avons longuement débattu, mais vous avez refusé cette idée –, car c’est en leur sein que les jeunes auraient trouvé le meilleur accompagnement, la meilleure préparation à leur réinsertion sur le marché du travail.
Le succès de ce type de mesures repose également sur la formation. À cet égard, nous nous réjouissons du renforcement du volet formation du texte, mais nous craignons que la réalité ne soit tout autre sur le terrain.
Dans le contexte difficile que nous connaissons, la véritable question est celle des moyens alloués au service public de l’emploi et à la formation professionnelle, notamment à l’alternance. Nous aurions souhaité que le dispositif en faveur de l’alternance soit mieux abondé. C’est, selon nous, plus adapté aux nécessités du moment.
D’importantes interrogations restent sans réponse. Comme l’a souligné notre collègue Jean Desessard, les conditions dans lesquelles ce texte a été préparé ne nous ont malheureusement pas permis d’aborder toutes les questions que nous aurions souhaité poser et d’obtenir toutes les réponses que nous attendions. Ce n’est pas la première fois que cela se produit : cela avait déjà été le cas avec le projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social. Il serait souhaitable que nous puissions travailler dans de meilleures conditions à l’avenir.
Le présent projet de loi ne réglera bien évidemment pas le problème du chômage des jeunes. Ce sera un plus pour un certain nombre de jeunes très éloignés de l’emploi ; nous reconnaissons que c’est déjà un progrès. Nous nous réjouissons aussi que le Gouvernement ait prévu un volet formation. C’est pourquoi notre groupe s’abstiendra sur le texte.
M. le président. La parole est à M. André Reichardt.
M. André Reichardt. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je fais partie des sénateurs de l’opposition qui, jusqu’à ce soir, n’avaient pas définitivement arrêté leur position sur le projet de loi. Certes, j’étais plutôt opposé à un texte coûteux que notre pays n’a pas les moyens de mettre en place dans les circonstances actuelles.
Cela a été dit – vous l’avez vous-même rappelé, monsieur le ministre –, les conséquences du texte sur le budget de l’État seront très importantes : 2,3 milliards d’euros en 2013. Le dispositif pourra-t-il être financé entièrement ? La question reste ouverte...
Pour autant, de telles mesures peuvent offrir une véritable chance d’insertion ou de réinsertion à des jeunes sans qualification ou en difficulté. Et même si c’est seulement temporaire et si cela ne débouche sur aucun emploi durable, a-t-on véritablement le droit de s’y opposer ?
À l’issue du débat, force est malheureusement de constater que je ne peux pas soutenir ce texte, notamment parce que les emplois dits « d’avenir » n’ont par essence pas le caractère durable que les jeunes et la société dans son ensemble attendent d’un emploi.
J’en veux pour preuve le sort que vous avez réservé à un amendement de M. Dassault, monsieur le ministre. Notre collègue proposait de subordonner l’octroi d’une aide à la validation du projet professionnel et à la vérification de l’opportunité d’opter pour un emploi d’avenir plutôt que pour un contrat d’apprentissage. Et ce que vous avez répondu démontre que le dispositif est une mystification. Vous avez indiqué qu’une telle vérification ne se justifiait pas, le public visé par les emplois d’avenir ne pouvant en aucun cas prétendre entrer en apprentissage, car trop éloigné de ce type d’emploi.
M. André Reichardt. J’ai entendu ce que vous avez dit, monsieur le ministre !
M. André Reichardt. Les emplois d’avenir ne permettent pas aux jeunes concernés de construire de véritable projet professionnel s’inscrivant dans la durée. Autrement, vous auriez accepté l’amendement de M. Dassault.
De tels emplois n’offriront pas de réelles perspectives d’avenir. Ils ne constituent pas une réponse structurelle au cancer que constitue le chômage des jeunes dans notre pays.
Au lieu de créer une catégorie d’emplois précaires supplémentaire, clones des emplois-jeunes d’une période pas si lointaine, et très majoritairement destinés – Marie-Hélène Des Esgaulx vient de le rappeler – au secteur non marchand, pourquoi n’a-t-on pas tenté de trouver avec les milieux professionnels du secteur marchand des solutions, comme l’alternance ou l’apprentissage, susceptibles d’offrir aux jeunes les perspectives durables qu’ils attendent ? Je pense notamment aux secteurs de l’artisanat et du petit commerce, où on recherche de manière récurrente de la main-d’œuvre sans toujours en trouver.
Nous savons que le taux d’insertion dans un emploi durable des jeunes issus de l’apprentissage et de l’alternance est remarquable. Permettez à l’Alsacien que je suis d’observer ce qui se passe en Allemagne : c’est ce qu’on appelle le « dual system » qui contribue à la réussite économique de tant et tant de PME !
M. Alain Bertrand. Mais qu’a fait Sarkozy ?
M. André Reichardt. En outre, pourquoi écartez-vous du dispositif la quasi-totalité des entreprises du secteur marchand ? Vous affirmez vouloir éviter les effets d’aubaine. Mais les collectivités territoriales, les associations et les autres personnes morales de droit public ne connaissent-elles pas également des difficultés financières pouvant les conduire à remplacer certains postes par des emplois dits « d’avenir » ? Même nos collègues du groupe CRC le pensent ; ils ont déposé toute une série d’amendements en ce sens, et vous les avez rejetés.
En fait, en ne faisant pas confiance aux entreprises, vous faites le choix de ne pas engager une mesure structurelle dans un domaine, l’emploi, qui en a pourtant bien besoin.
Je suis d’avis, comme bien d’autres, que notre jeunesse a besoin de repères et de perspectives d’avenir. Pour s’attaquer au chômage des jeunes, il faut prioritairement, cela a été dit, entreprendre une réforme structurelle, en profondeur, du système éducatif, en y associant les professions.
Trop de jeunes quittent chaque année le système scolaire sans qualification pour trouver un emploi. À cette absence de qualification professionnelle vient s’ajouter une grosse difficulté : l’absence totale d’éducation à l’orientation de notre jeunesse.
En attendant l’indispensable réforme structurelle du système public de l’éducation nationale, notamment de l’orientation et de l’éducation au travail, il aurait été utile de s’engager dès aujourd'hui dans une autre voie pour anticiper, voire pour préparer cette démarche. Vous vous y refusez. Je ne peux donc pas vous suivre dans vos choix. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Très bien !
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary.
M. René-Paul Savary. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, permettez-moi de confirmer ce que j’ai déjà eu l’occasion de dire en séance et en commission.
Les emplois d’avenir sont destinés aux collectivités locales, qui sont les donneurs d’ordres sur leur territoire. Vous connaissez leurs difficultés.
Ces collectivités, notamment les départements, ont l’habitude de gérer les emplois aidés, dans le cadre des politiques d’insertion et de l’emploi, avec des moyens qui ne cessent de diminuer.
Tant que le problème de la compensation des prestations sociales n’aura pas été réglé, les départements, qui sont les principaux acteurs de la politique des emplois aidés, ne pourront pas jouer le rôle nécessaire. Il nous faut donc être attentifs à cette question.
Nous savons que nous avons une responsabilité en matière de déficit public. Nous devrons, cela a été dit, contribuer à l’équilibre budgétaire. Or que nous propose-t-on aujourd'hui ? Un accroissement de la dépense publique ! Ce n’est, me semble-t-il, pas le meilleur service que nous puissions rendre aux jeunes. Il faudrait plutôt nous tourner – plusieurs orateurs l’ont souligné – vers le secteur marchand, afin de créer de la compétitivité pour permettre à nos jeunes de trouver demain un emploi.
Je pense véritablement que nous ne sommes pas sur la bonne voie. Je ne soutiendrai donc pas ce texte. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. François Rebsamen.
M. François Rebsamen. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous sommes parvenus à la fin de l’examen du projet de loi, qui a été étudié dans la sérénité par l’ensemble de la Haute Assemblée, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter.
Je souhaite m’adresser aux orateurs qui viennent de s’exprimer. J’imagine qu’ils sont de bonne foi, mais je constate que leur raisonnement relève du sophisme.
Mon cher collègue André Reichardt, vous venez de dresser un terrible constat. Mais c’est l’état dans lequel nous avons trouvé la France en arrivant aux affaires ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) La France compte aujourd'hui 3 millions de chômeurs. Dans certains quartiers, le taux de chômage des jeunes atteint 25 % ou 30 %.
Voilà qui devrait – je le dis de façon tout à fait cordiale, dans le cadre d’un débat serein – vous amener à faire preuve d’un peu plus de tolérance et de modestie.
Vous avez évoqué notre compétitivité. Ce matin encore, la presse dressait le constat de l’état dans lequel vous avez laissé la France : un pays en perte de compétitivité, des entreprises qui n’embauchent plus les jeunes et 150 000 jeunes qui quittent chaque année le système scolaire sans qualification. Voilà votre bilan !
Quand on vous écoute aujourd'hui, on se dit que les emplois d’avenir sont une chance. Ils font partie d’un ensemble ; M. le rapporteur l’a souligné, et je salue son travail, ainsi que celui de Mme la présidente de la commission des affaires sociales. Aux mesures que nous adoptons aujourd’hui viendra demain s’ajouter le contrat de génération, qui s’adressera plus particulièrement au secteur marchand, dont vous avez abondement parlé...
En 2007, lorsque vous avez proposé des emplois dits « durables », mais avec moins de garanties, pour les jeunes, nous avons opté pour une démarche de rassemblement. Pour nous, la priorité, c’est l’emploi des jeunes ; la jeunesse est au cœur de la République ! En adoptant ce projet de loi, le Sénat va adresser ce soir un message de confiance et d’espoir à la jeunesse de notre pays !
Chers collègues de l’opposition, vous êtes peut-être de bonne foi lorsque vous soulevez vos interrogations, mais votre conclusion ne peut pas nous satisfaire. Après avoir passé dix ans au pouvoir, vous pourriez au moins constater l’échec des politiques qui ont été menées, un échec que nous essayons de corriger. Peut-être les réponses que nous proposons ne sont-elles pas parfaites, mais elles ne sont qu’une partie du dispositif que nous voulons mettre en place. Discussion entre les partenaires sociaux, contrat de génération, contrat d’avenir, relance des contrats aidés par M. le ministre : nous prévoyons une palette de mesures.
Je vous invite donc sincèrement à reconsidérer en toute bonne foi votre position. Nous aimerions que l’ensemble des parlementaires, au-delà de la gauche, se rassemblent autour de ce texte. C’est à la jeunesse de notre pays que nous nous adressons ce soir. C’est à elle que nous devons envoyer un message d’espoir.
Vous avez mené nos jeunes sur la voie du désespoir. Nous voulons leur redonner confiance. C’est le sens de ce vote ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Monsieur Rebsamen, vous devrez mettre deux euros dans la boîte en carton de M. le ministre, pour avoir employé le mot « contrat », et non pas « emploi » d’avenir. C’est la règle qui a été fixée ! (Sourires.)