M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires économiques, mesdames, messieurs les sénateurs, nous voici de nouveau réunis pour examiner le projet de loi visant à mobiliser le foncier public et à renforcer les obligations des communes en matière de production de logement social. Ce texte, je le rappelle, est l’une des premières pierres du dispositif qui permettra de répondre à l’impératif social d’aider nos concitoyens à accéder à un logement enfin adapté à leurs moyens.
Je tiens à remercier tout particulièrement M. le président de la commission des affaires économiques de la présentation qu’il a faite des travaux de la commission mixte paritaire, ainsi que l’ensemble des membres de la Haute Assemblée de l’énergie et du temps qu’ils ont consacrés à l’examen de ce projet de loi, dans des conditions, j’en conviens, parfois quelque peu difficiles,…
M. Daniel Raoul, rapporteur. C’est un euphémisme !
Mme Cécile Duflot, ministre. … qui n’ont cependant pas entaché la qualité du travail parlementaire. La durée des débats, la qualité des amendements et la tâche considérable accomplie par la commission mixte paritaire témoignent de l’intérêt porté par les parlementaires à cette question essentielle du logement.
Afin de répondre à l’objectif très ambitieux de construction de logements fixé par le Président de la République et rappelé par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale, vous avez examiné voilà quelques semaines ce projet de loi qui vise à la mobilisation de l’ensemble des acteurs : il s’agit de permettre la cession du foncier de l’État et de ses établissements publics avec une forte décote, pouvant aller jusqu’à la gratuité, pour la production de logement social, et de renforcer les dispositions introduites par l’article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, au travers notamment du relèvement de 20 % à 25 % de l’objectif en matière de logement social et du quintuplement des pénalités pour les communes qui ne respectent pas leurs engagements.
À l’occasion de l’examen du texte par la Haute Assemblée, puis par l’Assemblée nationale, un certain nombre d’amendements sont venus enrichir le projet du Gouvernement. Les travaux de la commission mixte paritaire, qui a réuni les représentants de vos deux chambres pour parvenir à une position commune, ont permis d’aboutir, ce dont je me félicite, à un texte qui renforce de manière équilibrée les principes et la portée du projet de loi.
S’agissant de la mobilisation du foncier public, je salue l’adoption des mesures qui permettront aux communes de disposer du foncier nécessaire, sans qu’il soit hors de prix, pour prendre part à l’effort collectif de production de logement. Ainsi, l’application d’une décote, qui pourra aller jusqu’à 100 %, sur la valeur vénale de ces terrains, nus ou bâtis, appartenant à l’État ou à ses établissements publics est de nature à permettre l’équilibrage d’opérations de logement social qui, sans elle, ne pourraient pas voir le jour.
La décote sera obligatoire lorsque la cession est consentie au profit de certains bénéficiaires et à condition que le terrain concerné soit inscrit sur une liste dressée par le préfet, à partir de données fiables et partagées entre tous les services chargés d’inventorier et d’évaluer les propriétés de l’État.
Vous avez souhaité légitimement que le préfet consulte, pour l’établissement de cette liste, le comité régional de l’habitat, le maire de la commune sur le territoire de laquelle les terrains se trouvent et le président de l’établissement public de coopération intercommunale compétent, toutes ces autorités qui participent à la politique de l’habitat au niveau local ou en sont chargées. Vous avez prévu que cette liste soit mise à jour annuellement.
Vous avez souhaité également, à juste titre, préciser la gouvernance de ce dispositif. Ainsi, au niveau national, le pilotage du dispositif sera assuré par une instance interministérielle dédiée à la mobilisation du foncier public en faveur du logement : la Commission nationale de l’aménagement, de l’urbanisme et du foncier. Elle sera composée de parlementaires, de représentants de l’État désignés notamment par les ministres chargés du logement et de l’urbanisme, de représentants du ministre chargé du Domaine, de représentants des associations des collectivités locales, des organismes de logement social, des professionnels de l’immobilier, des organisations de défense de l’environnement. L’ensemble des personnes concernées se retrouveront donc autour de la table pour évaluer la pertinence du dispositif, ainsi que la mobilisation des uns et des autres.
Ces dispositions sont de nature à assurer l’efficacité, la lisibilité et la transparence du déroulement des opérations projetées ou en cours, ce qui a visiblement fait défaut par le passé. Désormais, les délais, les conditions et les prix de cession des terrains feront l’objet d’un rapport annuel au Parlement. Le texte adopté prévoit également des garanties quant à la bonne utilisation de ce foncier, pour lequel le principe de la décote a été renforcé.
Tout d’abord, outre la convention qui fixe les conditions d’utilisation du terrain cédé et détermine le contenu du programme de logements à réaliser, vous avez renforcé les obligations des acquéreurs, qui devront rendre compte de l’avancement du programme de construction.
Les clauses « anti-spéculatives » qui s’imposent aux acquéreurs des logements construits dans des conditions ayant permis d’en maîtriser le coût ont vu leur durée portée à dix ans.
Je note enfin avec satisfaction que, sans alourdir la procédure de cession, vous avez retenu des mesures permettant à l’acquéreur de disposer de données sur le patrimoine naturel du terrain cédé.
Une dernière amélioration apportée au texte, que je veux souligner, est l’explicitation du dispositif de la décote appliquée aux baux emphytéotiques. Elle sera extrêmement utile à de nombreux élus de terrain.
Le dispositif législatif est donc prêt. Les décrets utiles seront pris sans délai, pour que l’État et ses établissements publics participent à l’effort considérable de construction de logements qui s’impose à nous. Il reviendra ensuite aux communes de construire davantage de logements sociaux. À cet égard, c’est une grande satisfaction pour moi que le Parlement ait approuvé avec enthousiasme le titre II du projet de loi, qui est d’une importance majeure.
Je suis venue devant vous, voilà quelques semaines, pour vous proposer de renforcer les dispositions de l’article 55 de la loi SRU.
J’étais convaincue que cette proposition était non seulement indispensable, au regard de la pénurie de logements et des difficultés croissantes de nos concitoyens à se loger, mais également juste, car l’effort de mobilisation en faveur du logement social doit être l’affaire de tous. Je savais également qu’elle était très ambitieuse, qu’atteindre les objectifs fixés nécessiterait un effort très important de la part des collectivités et que vous y seriez attentifs.
Les échanges au sein de la Haute Assemblée ont montré votre attachement, très largement partagé sur l’ensemble des travées, à cette disposition garante du développement mixte de l’offre de logements. Qui aurait pu imaginer un tel consensus sur les principes il y a dix ans, à l’époque du débat houleux autour de la loi SRU ? Il est réconfortant de constater que le travail parlementaire s’inscrit dans la durée.
J’ai noté également votre attachement à ce que les dispositions proposées soient réalistes et applicables, votre souci permanent de tenir compte le plus finement possible des réalités du terrain, auxquelles vous faites face en tant qu’élus locaux.
Je crois que le texte approuvé par le Parlement parvient à concilier ces deux nécessités. Il vient confirmer, améliorer et finalement clarifier les dispositions de l’article 55 de la loi SRU, en revenant au cœur de l’esprit de l’obligation qu’il a instituée.
Il s’agit de parvenir à une part de logements sociaux de 25 % dans les communes en « zone tendue » et de 20 % dans les communes en « zone détendue » d’ici à 2025. Le taux est renforcé là où c’est nécessaire. L’échéancier n’est plus glissant. L’obligation de résultat est non plus théorique, mais réelle.
Par ailleurs, loin d’infirmer, d’atténuer ou de vider de son contenu le projet initial du Gouvernement, vous avez souhaité le renforcer et l’enrichir, avec finesse et intelligence, ce dont je me félicite.
En premier lieu, le périmètre d’application a été étendu afin que tous les territoires où existent des besoins participent à l’effort de solidarité.
Ainsi, les communes dont la population est comprise entre 1 500 et 3 500 habitants et qui sont incluses dans une agglomération ou un EPCI de plus de 50 000 habitants sous tension sont désormais visées, à la suite des travaux de la commission mixte paritaire. Cet ajout, qui s’inspire de la règle en vigueur pour l’Île-de-France, représente une évolution significative par rapport au texte initial. Je puis vous indiquer que 334 communes seront concernées. Cette extension ne s’appliquera pas de façon brutale. Au contraire, à la suite d’échanges dans lesquels les sénateurs ont, je crois, joué un rôle déterminant, la commission mixte paritaire a souhaité que sa mise en œuvre soit équilibrée, grâce à la fixation d’un taux de 10 % et à l’entrée en vigueur différée des prélèvements, à compter du 1er janvier 2017.
Cette disposition a pu susciter des inquiétudes, notamment parce qu’elle n’a pas fait l’objet, puisqu’elle résulte d’un ajout de l’Assemblée nationale, d’une étude d’impact approfondie. Un travail va être mené, sous l’égide du Premier ministre, pour évaluer très finement les conséquences de son application. J’écrirai à chacun des élus concernés afin d’avoir une vision très précise des possibilités de mise en œuvre et des effets de la disposition. Je tiendrai bien sûr à votre disposition le bilan de son application.
Dans la même logique, il a également été décidé d’intégrer dans le champ du dispositif les communes de plus de 15 000 habitants en forte croissance démographique lorsque l’insuffisance de leur parc de logements appelle un effort supplémentaire de production de logements sociaux. Les besoins de ces communes sont réels, il était légitime d’en tenir compte. Dans ce cas aussi, les communes concernées bénéficieront d’une période transitoire de quatre ans durant laquelle le prélèvement ne sera pas effectué. Ainsi, aucune ne sera prise au dépourvu.
En second lieu, vous avez souhaité renforcer le régime des obligations qui pèsent sur les communes, ce qui témoigne de votre attachement à ce que l’objectif de mixité sociale ne soit pas un vœu pieux, mais bien une réalité s’imposant à chaque collectivité. C’est l’esprit même du projet de loi que vous avez ainsi confirmé.
À cette fin, vous avez introduit, avec l’article 4 ter, une disposition novatrice et puissante. Elle prévoit l’obligation, pour les communes faisant l’objet d’un constat de carence, c’est-à-dire celles qui n’ont pas contribué à l’effort de solidarité, de prévoir, dans toute opération de construction d’immeuble de plus de douze logements ou de plus de 800 mètres carrés, une part minimale de 30 % de logements sociaux.
Cette disposition s’inspire directement de pratiques ayant déjà été mises en place par de nombreux élus volontaires. Elle s’imposera désormais systématiquement à ceux qui avaient choisi de ne pas la mettre en œuvre spontanément. Nous ne pouvons accepter que, dans des communes où manquent des logements sociaux, continuent à se réaliser des opérations ne comportant aucun logement social : cela ne sera plus possible, et je m’en félicite.
Cette disposition permettra également de développer une mixité au plus près des quartiers. La place du logement social dans notre société et la revalorisation de son image sont des enjeux essentiels pour mon ministère. Assurer l’accessibilité du logement pour toutes et tous, en particulier les jeunes ou les familles en situation de rupture, doit être une mission partagée par l’ensemble des acteurs : se loger est un besoin essentiel.
Il faut que cessent les discours de stigmatisation du logement social ou de ses occupants. Je crois que l’état d’esprit respectueux dans lequel ce projet de loi a été débattu participe de cette revalorisation de l’image du logement social à laquelle je souhaite contribuer ardemment dans les années qui viennent.
Toujours dans un souci d’efficacité du dispositif, vous vous êtes par ailleurs intéressés à la déclinaison de l’obligation de production de logements sociaux en fonction de leur type de financement. Cela est essentiel, car le niveau des loyers, entre un logement PLAI et un logement PLS, peut parfois varier du simple au double. Ces deux types de logements ne présentent donc évidemment pas le même intérêt au regard de l’accueil des ménages modestes, et donc de la mixité sociale.
Par conséquent, vous avez décidé de limiter à 30 % la part de PLS, voire à 20% si la commune comporte peu de logements sociaux, au sein de l’obligation triennale. À l’inverse, la part de PLAI devra être, quant à elle, au minimum de 30 %. L’obligation de production de logements sociaux n’est donc plus seulement quantitative : elle est désormais également qualitative. C’est une amélioration fondamentale.
Enfin, vous avez veillé à ce que le dispositif renforcé soit aussi plus équilibré et plus juste.
Vous vous êtes naturellement assurés que les communes qui ne participent pas à l’effort de solidarité soient lourdement sanctionnées, mais vous avez aussi fait en sorte que celles qui, au contraire, se mobilisent pour agir ne soient pas injustement pénalisées et qu’il soit tenu compte des contraintes qui s’imposent à elles.
Ainsi, vous avez souhaité exonérer de l’obligation les communes dont le territoire est grevé par des inconstructibilités liées à des plans de prévention des risques, technologiques, naturels ou miniers. Cela est juste : notre but n’est pas d’exiger l’impossible, mais de fixer des objectifs qui, bien que très ambitieux, restent atteignables par l’ensemble des collectivités concernées.
Vous avez également veillé à ce que les efforts des communes actives pour combler leur retard soient pris en compte. Les possibilités de déduction du prélèvement annuel de dépenses engagées pour la construction de logements sociaux ont été élargies. La dépollution ou les fouilles archéologiques y sont désormais éligibles et les déductions pourront être étalées sur trois années.
Tel est bien l’esprit de ce projet de loi : inciter à faire, en limitant les prélèvements supportés par les communes qui s’engagent dans un effort accru de production ; obliger à faire, en sanctionnant celles qui choisissent délibérément de ne pas respecter la loi.
Je me félicite enfin de ce que vous ayez approuvé le titre III du projet de loi. Il permet de remettre en cohérence et en compatibilité les contrats de développement territorial et le schéma directeur de la région d’Île-de-France, de prendre le temps que peut demander la signature des contrats et d’associer à la démarche, quand ils le souhaitent, le conseil régional d’Île-de-France et les conseils généraux concernés.
Je me réjouis de l’apport parlementaire, unanime, sur la sécurisation juridique de cette mise en cohérence, rendue nécessaire entre le moment où le conseil régional adoptera son nouveau SDRIF et celui où ce dernier sera mis en œuvre à l’issue de l’enquête publique.
Je profite de cette occasion pour réaffirmer, au nom du Gouvernement, mon attachement au projet de métro automatique Grand Paris Express.
Pour être mis en œuvre, ce projet de nouveau réseau de transport, indispensable aux déplacements des Franciliens, doit être érigé en priorité et financé. Je redis que l’État sera au rendez-vous des financements et que son engagement de doter le capital de la Société du Grand Paris d’un montant – de 1 milliard d’euros s’il le faut – permettant de lever les premiers emprunts nécessaires aux travaux sera tenu.
M. Jean Desessard. Très bien !
Mme Cécile Duflot, ministre. En ce qui concerne la SOGINORPA, monsieur le président de la commission des affaires économiques, un amendement qui avait été défendu notamment par Mme Létard lors de la discussion de la proposition de loi visant à abroger la majoration de 30 % des droits à construire avait fait l’objet d’une attention marquée de ma part. J’avais alors donné rendez-vous à ses auteurs à l’examen du présent projet de loi, afin de laisser à cette suggestion le temps de mûrir. Un amendement la reprenant a été adopté ; je m’en félicite.
Il en va de même en ce qui concerne les établissements publics fonciers. J’ai dit à plusieurs reprises, au Sénat comme à l’Assemblée nationale, que nous prendrions le temps nécessaire pour bien évaluer le dispositif, s’agissant notamment du statut des EPF, de la possibilité de couverture de l’ensemble du territoire et de l’équilibre entre les établissements publics fonciers existants et les établissements publics fonciers locaux. Ce temps sera pris, mais je vous confirme, monsieur le président de la commission, que nous mènerons, lors de la discussion du prochain projet de loi, un travail spécifique sur le statut et la carte des établissements publics fonciers. Cela me paraît être une bonne méthode de travail, permettant d’aboutir à des dispositions législatives robustes, utiles et partagées.
Je tenais à remercier personnellement et très sincèrement chacune et chacun d’entre vous, quelles que soient vos convictions, pour la qualité de nos échanges et de ce débat parlementaire. Le résultat est, je crois, à la hauteur de l’enjeu. Vos travaux ont très largement contribué à l’enrichissement et au renforcement du texte, qui demeure pour autant tout à fait fidèle à l’ambition initiale du Gouvernement et à nos engagements.
Mesdames, messieurs les sénateurs, dans dix ans, le travail que vous avez accompli sera considéré comme le départ d’une nouvelle étape dans l’histoire de la mixité sociale, dans l’amélioration de la place et de l’image du logement social. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois.
M. Daniel Dubois. Madame la ministre, à l’issue de la première lecture de ce texte au Sénat, le groupe de l’UCR s’était montré dubitatif. Le moins que l’on puisse dire est que le projet de loi a évolué depuis.
Ainsi, nous nous félicitons de la suppression de l’article 3 bis, qui imposait qu’il n’y ait qu’un seul établissement public foncier de l’État par région : si l’on avait voulu renforcer la mainmise de l’État et de la région sur le logement, on ne s’y serait pas pris autrement !
D’autres modifications font de certains articles de moindres maux. Par exemple, la nouvelle rédaction de l’article 11 ter est préférable à celle qu’avait retenue l’Assemblée nationale, qui risquait de fragiliser les schémas de cohérence territoriale en imposant l’introduction dans le document d’orientation et d’objectifs d’un chapitre de synthèse justifiant sa cohérence. Il est maintenant prévu que « le document d'orientation et d'objectifs assure la cohérence d'ensemble des orientations arrêtées dans ces différents domaines », rédaction qui écarte quelque peu le risque de fragilisation des SCOT.
Pour l'article 4 ter, c'est finalement la rédaction de l'Assemblée nationale que la commission mixte paritaire a décidé de retenir, et nous ne pouvons que nous en réjouir.
Cet article, dans la version issue des travaux du Sénat, prévoyait un minimum de 30 % de logements financés par des PLAI pour les communes faisant l'objet d'un arrêté de carence. L'Assemblée nationale a assoupli son dispositif en prévoyant que ce quota de 30 % pourrait recouvrir tant des PLAI que des PLUS. C'est un moindre mal, mais ce n'est pas idéal, parce que, dans certaines communes, les PLS concourent à la mixité sociale. Il est parfois nécessaire de faire de la mixité « par le haut ».
En définitive, madame la ministre, l’article 11 ter illustre la méfiance à l’égard des élus qui irrigue tout ce texte. Quant à l'article 4 ter, c’est l'absence de souplesse qui le caractérise. Si l'on ne peut pas faire confiance aux élus et aux territoires, il faut les contraindre : voilà votre credo. Cela correspond à la philosophie de votre projet de loi, fondé sur la contrainte, la sanction, au détriment de l'accompagnement et du soutien.
Cette logique se retrouve naturellement dans la modification la plus lourde apportée par l’Assemblée nationale et conservée par la commission mixte paritaire, à savoir l’extension des obligations de la loi SRU aux communes comptant de 1 500 à 3 500 habitants, hors Île-de-France. Il s’agit simplement de contraindre et de sanctionner. Certes, la CMP a heureusement restreint le champ de cette extension aux zones tendues, mais cette modification n’en demeure pas moins problématique.
Madame la ministre, on ne résoudra pas le problème du logement en contournant les élus, notamment les parlementaires, consultés à la va-vite. Parce qu'il change l'architecture du texte et concerne les collectivités locales, ce nouvel article introduit à l'Assemblée nationale aurait mérité de faire l’objet d’un réel débat au Sénat. Naturellement, aucune étude d'impact n'a été réalisée, aucun débat en commission n'a eu lieu.
Ce texte est injuste pour les collectivités. C’est en effet sur elles que tout l’effort portera, l’État s’étant en grande partie désengagé, puisqu’il apporte 600 euros en moyenne pour un PLUS, et même 1 euro dans de nombreux départements, alors que, dans un certain nombre de cas, les collectivités apportent de 10 000 à 50 000 euros. En vertu du présent projet de loi, elles devront de surcroît s’acquitter de prélèvements de plus en plus lourds. Est-ce ainsi que l’on s’imagine encourager les collectivités ?
Nous ne résoudrons pas non plus le problème du logement en éludant des questions aussi fondamentales que celles des recours abusifs ou de la complexité de la réglementation. Or, sur ces sujets, le texte est muet. Si elle est abordée, la question du foncier reste entière. La mobilisation du foncier de l’État ne pourra en aucun cas remédier à la rareté du foncier en zone dense. On ne fera pas l’économie d’une réflexion sur la problématique de la densification.
Grave lacune à nos yeux, le texte ignore l'accession sociale à la propriété, qui est pourtant essentielle dans la construction des parcours résidentiels. Il nous paraissait essentiel de la prendre en compte au titre des obligations posées par la loi SRU. Plus globalement, il faut mieux tenir compte des réalités locales. Les objectifs fixés par la loi SRU sont trop rigides ; leur respect devrait être apprécié à l’échelle de l’agglomération, et non pas commune par commune.
De même, ne serait-il pas préférable de fixer des objectifs par unité de logement, et non par nombre de logements, ce qui incite à construire des barres de studettes ?
Madame la ministre, lors de la première lecture, la majorité des sénateurs de l’UCR s'étaient abstenus sur votre projet de loi. Compte tenu de l'évolution qu’a connue le texte à l’occasion de la CMP, en particulier l’extension aux communes de 1 500 habitants à 3 500 habitants, hors Île-de-France, des obligations prévues par la loi SRU, les membres de mon groupe voteront majoritairement contre. (Applaudissements sur les travées de l'UCR.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur la précipitation qui a marqué les conditions d’examen de ce texte ; je me suis déjà exprimé à ce sujet.
Vous avez néanmoins noté, madame la ministre, la qualité du travail parlementaire et des propositions formulées par les différents groupes. Cela témoigne d’ailleurs de l’intérêt qu’il y a à ce que des parlementaires soient aussi présidents d'exécutifs locaux… (Sourires.)
M. François Patriat. C'est bien de le dire !
M. Jacques Mézard. Ce texte est sous-tendu par deux objectifs fondamentaux que nous partageons et qui justifient le vote positif émis par une très forte majorité des membres de notre groupe lors de la première lecture. Il s’agit, d’une part, de la mise à disposition du foncier de l'État et de ses établissements publics pour faciliter la construction, et, d’autre part, de l'augmentation des pénalités sanctionnant le non-respect des quotas de logements sociaux et du relèvement du seuil de logements sociaux à 25 % dans certaines communes, même si la délimitation actuelle entre zones tendues et zones non tendues devra néanmoins, nous semble-t-il, être revue à l’avenir.
Madame la ministre, dans cet hémicycle, nous sommes très majoritairement d’accord sur ce constat : il faut construire, car ce n’est qu’ainsi que l’on réduira la pénurie.
Construire, c'est trouver du foncier.
Construire, c'est diminuer les contraintes administratives et faciliter la densification.
Construire, c'est sanctionner les recours abusifs contre les permis.
Construire, c'est dégager des financements, en commençant par le logement social, mais c'est aussi ne pas décourager les investisseurs privés.
Construire, c'est favoriser une offre diversifiée, y compris dans le logement social. Selon nous, il est nécessaire de développer le logement très social : on sait quelles difficultés découlent de sa pénurie.
Au cours des débats, par les amendements qu'il a déposés, notre groupe a souligné quelques points forts.
Je pense tout d'abord à la nécessité d'accomplir un effort en faveur des ménages les plus modestes : c’est l'article 7, avec le relèvement à 30 % au moins de la part de logements financés au moyen de prêts locatifs aidés d'intégration.
Je pense aussi à la suppression du prélèvement sur le potentiel financier des organismes d’HLM, à l'article 17, disposition à laquelle nous tenions beaucoup. Cette ponction, que nous avons toujours considérée comme injustifiée et pénalisante, a été supprimée, mais cette mesure n’entrera pas en vigueur immédiatement, ce que nous regrettons.
Je pense encore à la garantie d’une participation financière de l’État aux opérations de réalisation de logements sociaux contribuant au rattrapage des retards sur les objectifs.
Je pense enfin à l'amendement que nous avions déposé à l'article 10, et qui a été adopté, permettant de garantir que le fonds national de développement d’une offre de logements locatifs sociaux soit exclusivement dédié au financement de la construction de logements destinés aux ménages les plus en difficulté, ceux dont la situation justifie un accompagnement social ou une minoration de loyer.
Je ne reviendrai pas sur le long débat que nous avons eu à propos des établissements publics fonciers. Madame la ministre, nous avons pris note de votre engagement de revenir sur cette question à l’occasion de l’examen d’un prochain texte.
J'en viens aux principales modifications apportées au texte par l'Assemblée nationale, qui ont trait à l'article 55 de la loi SRU.
L'article 4 du projet de loi initial portait de 20 % à 25 % le taux obligatoire de logements locatifs sociaux dans les communes de plus de 1 500 habitants en Île-de-France, notamment. L'Assemblée nationale est allée beaucoup plus loin, beaucoup trop loin, en particulier en prévoyant d’imposer aux communes hors Île-de-France de plus de 1 500 habitants et de moins de 3 500 habitants un taux obligatoire de logements locatifs sociaux de 10 %.
Certes, un nouveau ciblage sur les seules zones tendues a été retenu en CMP, mais nous considérons que cela est insuffisant. Toutefois, j'ai pris acte, au nom de mon groupe, de l'engagement du Gouvernement de revoir cette disposition lors de l’examen du prochain texte sur le logement. Sur la foi de cette assurance formelle qui nous a été donnée, nous voterons très majoritairement le texte qui nous est soumis ce soir, n’imaginant pas que notre attente puisse être déçue. (Applaudissements sur la plupart des travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)