M. Gaëtan Gorce. Vous avez supprimé les RASED !
M. Gérard Larcher. On les retrouve quelques années plus tard, sortant du système scolaire sans diplôme et sans qualification.
La « grande loi de programmation pour l’école », annoncée par le ministre de l’éducation nationale, permettra-t-elle d’apporter les modifications nécessaires à notre système éducatif?
Un plan pluriannuel devra permettre de réduire très significativement le nombre de « décrocheurs », à savoir les jeunes sortant du système scolaire sans diplôme ni qualification.
M. Bruno Retailleau. Très bien !
M. Gérard Larcher. Cet objectif volontariste suppose, je l’ai dit, de revoir l’accompagnement des élèves en difficulté, et ce dès l’école primaire.
Il faut recentrer l’action pédagogique sur les apprentissages fondamentaux, la lecture, l’écriture, l’arithmétique et la maîtrise des valeurs universelles, humanistes et républicaines.
M. Ronan Kerdraon. C’est bien de le découvrir maintenant !
M. Gérard Larcher. Il faut aussi renforcer l’action en faveur d’une orientation professionnelle plus en lien avec le monde économique, ouverte à tous et tout au long de la vie.
L’amélioration de notre système d’orientation doit être radicale. Pour se préparer à la vie professionnelle dès la formation initiale ou pour développer ultérieurement ses compétences et changer de métier, il est nécessaire d’accéder plus facilement à une information complète sur les formations, les certifications, les métiers, les emplois. C’est cette mission qui a été confiée au Service public de l’orientation, le SPO, par la loi du 24 novembre 2009 : il s’agit de mettre en œuvre le droit à être informé, conseillé et accompagné tout au long de la vie en matière d’orientation professionnelle.
La mise en place du SPO doit se poursuivre par la création de véritables plateformes de l’orientation, à l’instar des « cités des métiers », lieux uniques, qui émergent peu à peu dans les départements et les régions.
Une cité des métiers régionale serait chargée de l’animation concrète de structures labellisées SPO, de la fourniture de ressources, de l’élaboration de pratiques professionnelles communes à l’ensemble des structures.
Notre système éducatif souffre d’une insuffisante valorisation des formations professionnelles. Nos jeunes doivent savoir que les formations par apprentissage et en alternance ouvrent sur des embauches sûres et sont des voies de réussite et d’excellence.
M. Ronan Kerdraon. Et les filières fermées ?
M. Gérard Larcher. Année après année, les rencontres sénatoriales de l’apprentissage en témoignent.
Enfin, pour les décrocheurs, ceux pour lesquels le plan annoncé n’aura pas d’effet, il nous faut construire un droit à une seconde chance de formation.
Beaucoup d’initiatives existent déjà sur le terrain : les centres de l’EPIDE, l’établissement public d’insertion de la défense, les écoles et lycées de la seconde chance, les écoles de production. Le système scolaire fait des dégâts considérables chez les jeunes qui en sont éliminés. La « pédagogie du détour » s’impose donc tout naturellement. Des dispositifs doivent être mis en place pour faciliter l’accès à un premier emploi, sans avoir à repasser par les bancs du collège, lequel est souvent rejeté par ces jeunes.
Les écoles de production, dont nous avons parlé voilà deux semaines à l’occasion de l’examen d’une proposition de loi déposée par notre collègue Jean-Claude Carle, nous donnent l’exemple d’une voie parallèle. Le débat sur ce sujet n’est pas vain et ne doit pas être éternellement repoussé dans l’attente d’études.
Je propose dès à présent un maillage territorial étroit des initiatives existantes, au moyen d’un « pacte de réussite professionnelle » De quoi s’agirait-il ? Une convention régionale entre Pôle emploi, le rectorat et la région permettrait d’établir les responsabilités de chaque partenaire. Une telle voie, que je considère de réussite sociale, professionnelle et humaine, serait destinée à tous les jeunes sortis du système éducatif sans qualification suffisante.
Placé sous le pilotage des régions, en lien étroit avec les rectorats, ce pacte favoriserait une meilleure coordination et une plus grande synergie. L’objectif est d’insérer rapidement tous les jeunes, dès leur inscription à Pôle emploi ou dans une mission locale, dans une formation qualifiante et certifiante. Les financements existants, mieux orientés et plus ciblés sur cette finalité, devraient être suffisants, notamment pour l’apprentissage, avec la réorientation de la taxe afférente, que je souhaite voir affecter prioritairement sur les niveaux de formation IV et V. Aujourd’hui, en effet, la taxe d’apprentissage n’est pas destinée à celles et ceux qui en ont le plus besoin.
Telles sont les propositions que je souhaitais formuler. Elles figurent dans un rapport publié au mois d’avril dernier.
Pour paraphraser un journal de l’après-midi, il y a urgence pour nos jeunes sans diplôme, les plus fragiles, qui s’appauvrissent. Le monde qu’on leur propose doit être porteur d’espérance. En somme, il faut passer d’une gestion fataliste du chômage des jeunes à une gestion dynamique de leur entrée dans l’emploi.
Nous avons le devoir de trouver les voies et moyens d’une nouvelle école et d’une nouvelle dynamique de la formation professionnelle.
Quant à l’AFPA, vous trouverez, monsieur le ministre, dans le rapport précité, quelques propositions qui ne sont pas très éloignées de celles que j’ai pu entendre. Il faut veiller, selon moi, à ne pas laisser cet outil tomber en désuétude. J’avais d’ailleurs attiré l’attention du précédent gouvernement sur ce sujet.
M. Claude Jeannerot. En vain !
M. Gérard Larcher. Les partenaires sociaux mènent actuellement des négociations sur l’emploi et la compétitivité. À cette occasion, je souhaite qu’ils prennent à bras-le-corps la question du premier emploi des jeunes.
M. Bruno Retailleau. Absolument !
M. Gérard Larcher. Le paradoxe, c’est que notre droit du travail est un facteur d’éviction des jeunes du premier emploi.
M. Bruno Retailleau. Bien sûr !
M. Gérard Larcher. Au fond, ces jeunes qui « galèrent » entre intérim et CDD sans cesse renouvelés avant d’aborder le CDI tant espéré sont les victimes d’une certaine approche de notre droit du travail actuel. Il faut avoir à l’esprit que ces jeunes, en dehors de leur fonction sociale et sociétale, sont l’un des éléments de la compétitivité de notre économie. C’est pourquoi les partenaires sociaux doivent s’emparer de cette question du premier emploi ; on ne peut pas parler de compétitivité et d’emploi en excluant la frange de ceux qui construiront notre pays demain !
Voilà, mes chers collègues, les quelques observations que je souhaitais formuler dans ce débat. Les femmes et les hommes de bonne volonté devraient pouvoir se retrouver autour de ce sujet majeur. Si près de 23 % de nos jeunes sont maintenus en dehors du champ du travail, cela signifie qu’ils seront demain dans l’incapacité de fonder une famille, de se loger, d’appartenir et de contribuer pleinement à notre société. C’est un échec collectif dont nous portons la responsabilité. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès.
Mme Christiane Demontès. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le présent débat sur l’emploi, la formation et la qualification des jeunes est effectivement extrêmement important, parce que ces trois thèmes sont évidemment liés et conditionnent l’avenir de notre pays, ni plus ni moins.
Claude Jeannerot l’a dit avant moi : le surchômage des jeunes est un phénomène récurrent en France. Depuis les années soixante-dix, jamais le taux de chômage de cette catégorie n’a été inférieur à 15 %.
Depuis 2008, sous le double effet de la crise économique et de l’échec des politiques menées par le précédent gouvernement, le chômage des jeunes n’a cessé de croître, pour atteindre près de 23 % en moyenne et parfois plus de 50 % dans certains de nos territoires.
Pourtant, face à cette situation, entre 2002 et 2012, les budgets consacrés à l’emploi ont baissé, passant de près de 17 milliards d’euros à moins de 10 milliards d’euros !
Nous ne pouvons nous résoudre à laisser une partie de plus en plus importante de nos concitoyens, en particulier nos jeunes, sur le bord du chemin de l’emploi. La mobilisation de tous les acteurs de la société, notamment des politiques publiques, est un impératif. Le Président de la République a d’ailleurs fait de la jeunesse l’une des priorités de son quinquennat.
La formation tout au long de la vie est une belle formule, mais la formation initiale est fondamentale. On le sait bien : ceux qui sortent les mieux formés du système de formation initiale ont en général moins de difficultés à s’insérer. C’est ce qu’indique en effet l’article qu’a évoqué notre collègue Gérard Larcher.
Ce sont aussi ceux qui sortent les plus diplômés du système de formation initiale qui profitent le plus des dispositifs de formation continue. C’est pourquoi il importe de permettre à tous les jeunes de réussir leur formation initiale.
Monsieur Larcher, qu’a fait le gouvernement Fillon pendant toutes ces années ?
M. Jean Desessard. Ah !
Mme Christiane Demontès. Il a supprimé 80 000 postes d’enseignant (Eh oui ! sur les travées du groupe socialiste.), démantelé les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, les RASED,…
M. Gérard Larcher. Cela ne marchait pas !
M. Bruno Retailleau. Nous verrons bien quels résultats vous obtiendrez !
Mme Christiane Demontès. … grâce auxquels des professionnels accompagnaient les enfants rencontrant quelques difficultés, il a stigmatisé les enseignants. Il ne faut donc pas être surpris de la régression de notre pays dans tous les palmarès éducatifs internationaux...
Dès le projet de loi de finances pour 2013, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault, avec vous-même, monsieur le ministre, a entendu redonner toute sa place à la formation initiale, car elle est décisive pour le parcours d’un jeune. Nous nous en réjouissons.
Pourtant, chaque année, entre 130 000 et 150 000 jeunes sortent du système scolaire sans qualification ou avec une qualification insuffisante. Malheureusement, cette situation est appelée à perdurer encore quelque temps. On a vu, parfois depuis longtemps, se développer des dispositifs pour ces jeunes : les écoles et les lycées de la deuxième chance, les établissements publics d’insertion de la défense. Des crédits budgétaires sont maintenus pour 2013, à hauteur de près de 70 milliards d’euros, et c’est tant mieux.
Récemment, dans le cadre de l’examen de la proposition de loi relative aux écoles de production, nous avons eu l’occasion, dans cet hémicycle, d’évoquer la nécessité d’une réflexion globale sur les formations professionnalisantes. D’ailleurs, à la fin de ce débat, monsieur le ministre, la commission de la culture, de l'éducation et de la communication a souhaité, sur la proposition de notre collègue Françoise Laborde, la création d’une mission d’évaluation et d’inspection des dispositifs de formation en alternance. Ceux-ci sont bien sûr utiles, mais, mes chers collègues, il est nécessaire de réorienter le système de formation initiale sur la prévention de l’échec scolaire. On ne peut pas se contenter de dire que 140 000 jeunes chaque année ne sont pas adaptés à l’école ! Ces échecs ne sont pas une fatalité ; ils sont la conséquence notamment de l’orientation par l’échec au collège, de la suppression de sections de BEP au profit du « bac pro » en trois ans, alors que celui-ci était une réussite lorsqu’il durait quatre ans.
Mme Annie David. Eh oui !
Mme Christiane Demontès. En outre, le nombre d’apprentis stagne autour de 400 000, avec une part de plus en plus grande d’apprentis en post-baccalauréat, c'est-à-dire dans l’enseignement supérieur.
Voilà des sujets qui doivent être étudiés sérieusement !
Des décisions qui vont dans le bon sens ont été prises dans le projet de loi de finances pour 2013. Comme l’a dit Claude Jeannerot, nous aurions pu renforcer les dispositions en question si le débat s’était poursuivi au Sénat. Je pense, par exemple, à l’abondement d’un fonds dédié à la création de dispositifs d’accompagnement des apprentis et de leur maître d’apprentissage pour empêcher les sorties prématurées de l’apprentissage.
Aujourd’hui même, le ministre de l’éducation nationale lance une réflexion pour prévenir le décrochage scolaire. Une grande loi sur la refondation de l’école est en préparation. Nul doute qu’elle visera à la réussite de tous les élèves.
Je ne peux pas, dans le cadre de ce débat, passer sous silence la mise en œuvre par le Gouvernement des emplois d’avenir destinés à ces jeunes sans qualification ou peu qualifiés et qui perdent très vite pied. Ce sont ainsi 150 000 emplois d’avenir qui seront créés en deux ans, destinés aux jeunes âgés de seize à vingt-cinq ans vivant dans les territoires dont je parlais tout à l’heure et où le taux de chômage des jeunes dépasse les 50 %.
Je veux vous dire, monsieur le ministre, le formidable espoir que suscitent ces emplois non seulement pour ces jeunes dont l’avenir est parfois un trou noir, mais aussi pour ceux qui les accompagnent : les conseillers des missions locales, les animateurs sociaux, les éducateurs.
Je veux dire à ceux qui objectent qu’il s’agit d’emplois précaires que trois ans, c’est beaucoup pour ces jeunes qui n’ont souvent comme seule expérience du travail que le stage de découverte en entreprise qu’ils ont fait lorsqu’ils étaient au collège – stage qui s’est bien souvent effectué à la mairie ou dans une association locale, car comment aller frapper à la porte d’une entreprise quand on n’y connaît personne ? – ou encore un job d’été dans le cadre du dispositif « ville-vie-vacances », car leurs parents au chômage ne peuvent pas leur ouvrir les portes de l’entreprise.
Et je dis à ceux qui soutiennent que les emplois d’avenir ne sont pas de vrais emplois et qu’ils coûtent cher à la collectivité qu’un jeune qui travaille, c’est un jeune qui reprend confiance en lui, qui peut se projeter dans l’avenir, accéder à un logement, construire sa vie.
Je voudrais insister aussi sur l’impatience que suscite le projet des contrats de génération parmi ceux qui ont réussi à l’école, qui ont des qualifications, mais qui habitent dans des quartiers défavorisés, urbains ou ruraux. Les partenaires sociaux ont, semble-t-il, trouvé un accord. Il faut maintenant le projet de loi. Les jeunes l’attendent, nos concitoyens âgés de plus de cinquante ans, les seniors, les entreprises aussi, en tout cas certaines. Pouvez-vous nous éclairer sur le calendrier à venir de ces contrats de génération, monsieur le ministre ?
Je voulais évoquer la situation de l’AFPA. Dans la mesure où Claude Jeannerot et Gérard Larcher ont l’un et l’autre abordé ce sujet, je n’insisterai pas. Néanmoins, les questions de la sanctuarisation des formations des publics les plus fragiles à l’AFPA et du périmètre des formations considérées comme services d’intérêt économique général restent posées. Je ne doute pas que vous apporterez des réponses, monsieur le ministre.
Voilà un peu plus d’un mois, le Conseil économique, social et environnemental, le CESE, a remis un avis intitulé L’emploi des jeunes. Dans cet avis est proposé un socle stratégique qui, sur bien des aspects, rejoint celui que met en œuvre le Gouvernement : développement des formations professionnelles initiales, dispositifs de « deuxième chance », renforcement de la politique de l’emploi dans les quartiers prioritaires. Aussi, sachant que votre méthode est guidée par les deux principes que sont la prise en compte du point de vue des personnes et l’instauration d’un dialogue permanent avec tous les acteurs de la formation et de l’apprentissage, pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, quelles sont les intentions du Gouvernement eu égard aux propositions du CESE ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les chiffres du chômage au deuxième trimestre de 2012 confirment une tendance catastrophique. En France, le taux de chômeurs atteint 10,2 %. Les jeunes sont toujours les plus touchés : près de 23 % de ceux qui sont âgés de quinze à vingt-quatre ans sont au chômage. L’analyse de ces chiffres nous révèle en outre que, si le taux de chômage a augmenté toutes catégories confondues, celui des jeunes a progressé plus fortement que les autres.
Les jeunes, premières victimes de la crise, doivent donc bénéficier d’une attention particulière. On sait également que ceux-ci ne sont pas tous frappés de la même manière par le chômage et que le choix de la formation et le niveau de qualification ont un impact sur l’accès à l’emploi.
Ainsi, les plus désavantagés parmi eux sont ceux qui sortent du système éducatif sans diplôme de l’enseignement secondaire. Une étude de l’INSEE montre que, en 2010, parmi les jeunes actifs sortis du système éducatif depuis moins de cinq ans, 11 % des diplômés du supérieur sont sans travail, alors que ce chiffre atteint 23 % pour les diplômés du secondaire et 44 % pour les non-diplômés ou les diplômés du brevet des collèges – des chiffres qui se rapprochent de ceux qu’a cités Gérard Larcher.
Au total, près de 140 000 jeunes quittent chaque année du système scolaire sans diplôme. Cette réalité est déjà ancienne et remonte sans doute à plus de trente ans.
Tout à l’heure, notre collègue Gérard Larcher indiquait : « Aujourd’hui, 15 % des jeunes sont inactifs : ils ne suivent ni études ni formation et n’occupent aucun emploi. » Si l’on approfondissait un peu, sans doute constaterait-on que ces jeunes en question sont également enfants de chômeurs de longue durée…
Mme Christiane Demontès et M. Gérard Larcher. Oui !
M. Michel Le Scouarnec. … et sont donc soumis à une double peine : un héritage très lourd à porter et une difficulté à trouver leur premier emploi.
Le diplôme et la qualification se révèlent être les meilleures protections contre le chômage. C’est pourquoi, s’ils ne peuvent être envisagés sous ce seul prisme, nous pensons que les enseignements scolaire et supérieur doivent être considérés tous deux comme prioritaires, car ils constituent des moyens de lutte efficace contre le chômage.
Nous nous étonnons par conséquent que le Gouvernement n’ait fait figurer parmi les ministères dits « prioritaires » que l’éducation – c’est bien certes – et ait exclu l’enseignement supérieur, alors même qu’il affirme vouloir faire de la jeunesse l’axe principal de sa politique.
Les universités, en déficit depuis l’entrée en vigueur de la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, réduisent leurs offres de formation, le nombre d’enseignants, et augmentent le nombre d’élèves en travaux dirigés. Pourtant, elles ne seront pas dotées de moyens nouveaux en 2013. C’est contradictoire avec les objectifs affichés de voir réussir les étudiants et de porter 50 % d’une classe d’âge jusqu’à la licence – ce que nous approuvons.
Nous serons particulièrement vigilants à ce que les projets de loi de refondation de l’école et d’orientation de l’enseignement supérieur soient à la hauteur des enjeux. Même si l’école et l’enseignement supérieur ne sont pas dotés de budgets adaptés, nous veillerons à ce que ces textes permettent de relever effectivement le défi de l’élévation du niveau de connaissances et de qualification de tous les jeunes, sans que les diplômes perdent en qualité ou en valeur.
Par exemple, il faut d’urgence réfléchir aux moyens de revaloriser les sections professionnelles et technologiques et de promouvoir la réussite de leurs élèves au baccalauréat, ainsi que la poursuite d’études supérieures.
Le Premier ministre a parlé de réserver à ces bacheliers des places dans l’enseignement supérieur technologique et professionnel, ce que nous jugeons positif ; mais pourquoi les réserver seulement à ceux qui ont obtenu des mentions, alors qu’ils connaissent moins de difficultés que les autres pour poursuivre leurs études ?
De véritables passerelles doivent être établies entre les trois voies, générale, professionnelle et technologique, afin de permettre la construction de projets d’orientation intégrant un droit à l’erreur et à une seconde chance.
Favoriser la réussite de tous, tel doit être l’objectif, mais on ne l’atteindra pas en mettant en œuvre une politique élitiste destinée à faciliter le parcours des seuls plus « méritants ».
Par ailleurs, vous nous savez opposés à la spécialisation précoce. C’est pourquoi nous aimerions savoir si le Gouvernement compte développer l’apprentissage dès l’âge de 14 ans. Forts des constats dressés précédemment, nous ne pouvons que réitérer notre opposition à une telle mesure.
Si la formation initiale joue un rôle déterminant pour permettre aux jeunes d’accéder à l’emploi, la formation professionnelle doit également tenir une place majeure pour aider les salariés, et singulièrement les jeunes, à progresser. Tous les salariés doivent pouvoir bénéficier de formations adaptées leur permettant d’évoluer au cours de leur vie professionnelle, en leur facilitant l’acquisition d’au moins un niveau de qualification supplémentaire.
Notre groupe a d’ailleurs soutenu cette exigence lors de l’examen, en séance publique, du projet de loi portant création des emplois d’avenir, et nous serons très attentifs à la nature des formations proposées dans le cadre des contrats de génération.
Toutefois, la formation professionnelle tout au long de la vie ne peut se limiter à ces formations « utilitaires ». C’est pourquoi nous proposons que les organismes de formation professionnelle soient soumis non pas à la libre concurrence, comme cela est le cas aujourd’hui, mais à l’application d’un critère d’utilité sociale. Devraient ainsi être privilégiées les structures qui proposent, hors du champ de la concurrence, les formations les plus qualifiantes et qui ne trient pas leurs stagiaires en fonction de leur capacité probable à atteindre le niveau attendu. Les organismes privés à but lucratif opèrent une telle sélection, car la formation est d’autant moins coûteuse que le stagiaire est assuré d’atteindre le niveau projeté.
Nous posons clairement la question de la construction d’un véritable service public de la formation, outil de sécurisation des parcours professionnels dont les salariés et les demandeurs d’emploi ont besoin pour sortir de la précarité. Seul un tel service public, dans lequel l’AFPA et le GRETA doivent jouer un rôle pivot, est de nature à associer l’ensemble des acteurs concernés. Les organismes complémentaires de formation, d’orientation, d’insertion, d’emploi, mais également l’école : tous doivent être mobilisés au sein d’un grand service public, capable d’instaurer une coopération organisée entre tous ces acteurs, en vue de proposer des formations professionnelles véritablement qualifiantes, et donc efficaces.
Je suis persuadé, tout comme le Président de la République, que l’accès à la formation professionnelle constitue une chance unique, pour les personnes privées d’emploi ou les salariés en début de carrière, de pouvoir bénéficier d’une réelle insertion professionnelle.
Là encore, il faudra veiller, monsieur le ministre – je sais que vous y êtes attaché –, à ce que des liens forts et durables soient tissés entre Pôle emploi et l’AFPA, notamment, qui apparaît aujourd’hui, plus que jamais, comme l’acteur essentiel de la formation professionnelle.
Il faut rompre avec le recours, par le service public de l’emploi, aux opérateurs de formation privés à but lucratif, dont tous les rapports soulignent que l’intervention est plus coûteuse et nettement moins efficace, en termes d’accès à l’emploi, que celle des opérateurs publics : privilégions donc l’efficacité.
Ce service public, qui pourrait évoluer vers un système de sécurité emploi-formation, nous le souhaitons national, condition indispensable pour permettre l’égalité d’accès et de traitement sur tout le territoire et pour garantir le maintien de la certification nationale.
Pour autant, nous ne souhaitons pas que les régions, qui, depuis 2004, jouent un rôle majeur, soient écartées. Les actions de formation qu’elles engagent participent au dynamisme de leur territoire.
Il faut donc trouver un équilibre, afin que les régions puissent pleinement intervenir dans le domaine de la formation sans que l’exercice de cette compétence ait pour effet d’accroître leurs dépenses ou de supprimer le cadre national actuel.
Malheureusement, depuis le transfert des budgets aux régions, les moyens de l’AFPA n’ont cessé de baisser, ce qui menace les emplois de formateur, et même aujourd’hui le fonctionnement d’établissements, et conduit à une contraction du nombre d’offres de formation.
Les enjeux sont fort nombreux et les défis immenses. Vous pourrez compter sur la vigilance du groupe CRC, mais aussi sur son soutien, pour vous aider à les relever. Cette question nous tient à cœur. Nous devons réussir pour que renaisse l’espoir. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)