compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Patrick Courtois
vice-président
Secrétaires :
Mme Michelle Demessine,
M. Hubert Falco.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Dépôt de rapports du gouvernement
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre :
- le rapport retraçant l’évolution des missions de surveillance et de financement du cantonnement exercées par l’Établissement public de financement et de restructuration, établi en application de l’article 4 du décret n° 95-1316 du 22 décembre 1995 ;
- le rapport retraçant l’évolution des missions de surveillance et de financement du cantonnement exercées par l’Établissement public de réalisation de défaisance, établi en application de l’article 4 du décret n° 96-125 du 20 février 1996.
Acte est donné du dépôt de ces rapports.
Ils ont été transmis à la commission des finances et sont disponibles au bureau de la distribution.
3
Questions orales
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
rayonnement culturel de la france à l'étranger
M. le président. La parole est à M. Louis Duvernois, auteur de la question n° 222, adressée à Mme la ministre de la culture et de la communication.
M. Louis Duvernois. Madame la ministre, au cours de mes missions à l’étranger, je suis très souvent interpellé par nos compatriotes expatriés sur l’impossibilité pour eux de télécharger numériquement des ouvrages édités en France et toujours soumis au régime des droits d’auteur.
Ainsi, à titre d’exemple, l’article 11.2 des conditions de téléchargement des livres numériques de la FNAC précise que « les fichiers de livres numériques proposés dans le cadre de l’offre de livre numérique sont réservés aux clients résidant sur le territoire français à la date d’achat ».
Nos compatriotes s’interrogent sur la légalité de cette clause. De toute évidence, cette attitude constitue un frein à la diffusion de biens culturels français et peut, plus largement, s’analyser également en une atteinte au rayonnement de la culture et de la langue françaises dans le monde.
En conséquence, madame la ministre, pourriez-vous nous faire savoir si les différents éditeurs n’outrepassent pas leurs droits en limitant aux seuls résidents français la possibilité d’accéder aux ouvrages récents, ce qui est manifestement injuste envers les Français expatriés ? Serait-il juridiquement possible d’étendre cet accès à tous ceux qui, hors du territoire national, manifestent un réel « besoin de France », comme je ne cesse de le constater lors de mes déplacements ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, le Gouvernement partage bien évidemment votre préoccupation s’agissant de la diffusion des livres français à l’étranger, notamment pour nos compatriotes établis hors de France.
Les limitations que nos compatriotes expatriés rencontrent parfois lors de l’acquisition de livres peuvent avoir plusieurs origines. Elles peuvent d’abord résulter de la titularité des droits. Ainsi, un éditeur peut ne disposer des droits que pour le territoire sur lequel il exerce son activité – je pense en particulier aux cas des traductions et des illustrations incluses dans certains livres.
Ces limitations peuvent également être la conséquence de difficultés techniques – il peut arriver que le revendeur ne sache pas gérer les moyens d’accès aux différents pays – ou encore fiscales, les contraintes fiscales différant d’un pays à l’autre. Le coût de maintenance d’un système qui prend en compte ces disparités peut alors excéder les retours attendus de la distribution, ce qui explique les difficultés d’accès rencontrées par nos compatriotes.
Ces difficultés peuvent enfin provenir de stratégies commerciales particulières. Les ventes sont quelquefois limitées à une zone géographique ou conditionnées à la présence de points de vente physiques locaux. En outre, le marché du livre numérique est encore trop peu développé sur certains territoires.
Les techniques numériques offrent naturellement de grandes facilités dans la mise à disposition des livres auprès de nos compatriotes, et la diffusion la plus large de ces livres est bien évidemment de l’intérêt des éditeurs, des auteurs et des lecteurs. Cette diffusion n’est cependant pas encore complètement assurée. À ce sujet, je vous informe, monsieur le sénateur, que je mettrai prochainement en place une mission sur la numérisation du patrimoine écrit.
Il faut toutefois être conscient que les limitations que vous avez évoquées, lorsqu’elles existent, ne concernent pas spécifiquement les éditeurs et revendeurs français, ni même seulement le livre. Elles trouvent le plus souvent leur origine dans un coût de distribution supérieur au retour attendu.
La mission sur la numérisation devra permettre d’aborder les différents moyens de lever les obstacles à la diffusion des textes auprès de nos compatriotes à l’étranger.
M. le président. La parole est à M. Louis Duvernois.
M. Louis Duvernois. Madame la ministre, j’ai bien pris note de votre réponse.
recherche concernant la myofasciite à macrophages
M. le président. La parole est à M. Philippe Madrelle, auteur de la question n° 172, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
M. Philippe Madrelle. Madame la ministre, dans un contexte relativement anxiogène – un certain nombre de médicaments sont aujourd'hui contestés par des médecins, des spécialistes et d’éminents scientifiques –, ma question, qui porte sur le grave problème de l’utilisation des sels d’aluminium comme adjuvants vaccinaux, aurait peut-être mérité d’être inscrite à l’ordre du jour dans des délais plus rapides.
Une grève de la faim initiée par l’association E3M, ou Entraide aux malades de myofasciite à macrophages, et menée pendant vingt-quatre jours a permis de porter au grand jour ce sérieux problème de santé publique.
Madame la ministre, en votre qualité de médecin hospitalier reconnu, vous savez bien mieux que moi et que l’immense majorité d’entre nous que la myofasciite à macrophages est une maladie invalidante. Elle touche environ 600 personnes en France – en réalité plusieurs milliers, du fait d’une importante sous-notification – et se caractérise par un épuisement chronique et des douleurs musculaires permanentes, associés à des troubles neuro-cognitifs.
Vous imaginez, mes chers collègues, à quel point les victimes de cette maladie sont lasses et épuisées de devoir se débattre dans de multiples démarches administratives et judiciaires longues et coûteuses.
Saluons le courage de ces malades qui ont lancé l’alerte et se battent pour faire enfin reconnaître la pathologie dont ils sont injustement victimes. Grâce à leur ténacité et leur persévérance, quelques avancées ont été obtenues.
En juin 2012, l’Académie de médecine a admis que les sels d’aluminium injectés dans l’organisme atteignent le cerveau. En novembre dernier, le Conseil d’État a rendu un arrêt dans lequel est reconnu et établi le lien entre la myofasciite à macrophages et la vaccination.
De nouvelles publications internationales, dont l’une récente émanant de chercheurs du Massachusetts Institute of Technology, l’une des universités scientifiques les plus réputées des États-Unis, confirment la très forte probabilité de lien entre cet aluminium vaccinal et plusieurs pathologies très graves comme l’autisme. Cet adjuvant est aussi mis en cause dans la survenue de cas de scléroses en plaques post-vaccinales, de scléroses latérales amyotrophiques, de lupus, etc.
Madame la ministre, je suis certain que vous le reconnaîtrez, nous ne sommes plus devant les signaux de faible intensité évoqués en réponse à une question de Mme Brigitte Allain, à l'Assemblée nationale.
Nous ne pouvons donc que nous féliciter que le financement des travaux de recherche menés par l’unité INSERM de l’hôpital Henri-Mondor de Créteil ait été accepté pour l’année 2013. N’oublions pas que cette équipe française de chercheurs est leader dans le monde sur la question des sels d’aluminium vaccinaux. Pouvez-vous nous apporter des précisions quant à la hauteur du financement de ces travaux ?
Nous vous faisons confiance pour que le comité de pilotage mis en place présente toutes les garanties de neutralité afin que les professeurs Gherardi et Authier puissent travailler dans les meilleures conditions sur le sujet de la toxicité de l’aluminium.
On peut légitimement s’interroger sur les raisons qui ont poussé l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé à préconiser de « ne pas utiliser les produits cosmétiques contenant de l’aluminium sur peau lésée », sans prendre de mesure particulière quant à l’utilisation de ces mêmes sels d’aluminium injectés au cœur de l’organisme.
Madame la ministre, mes chers collègues, l’association E3M mène un combat non pas contre les vaccins – bien au contraire ! –, mais contre l’utilisation de l’aluminium comme adjuvant.
C’est un combat de santé publique pour que, notamment, un vaccin DT-Polio sans aluminium puisse être mis sur le marché et que les jeunes générations puissent en bénéficier. On peut aisément imaginer que l’un des premiers travaux de réflexion du comité de pilotage portera sur la possibilité d’une commande publique de fabrication et de commercialisation de ce vaccin sans aluminium.
Madame la ministre, je connais l’extraordinaire pugnacité dont vous faites preuve lorsqu’il s’agit de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire de la santé une priorité dans notre pays. On ne peut imaginer que cette priorité soit soumise à la dictature des marchés financiers. Il s’agit d’éviter qu’un nouveau scandale sanitaire n’éclate et de protéger les générations à venir.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie. Monsieur Madrelle, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé, qui est en déplacement à l’étranger.
Dans un contexte d’une possible perte de confiance envers la vaccination, il est primordial, dans l’intérêt de la population, de donner les meilleures assurances de sécurité des vaccins. Ainsi, Mme la ministre des affaires sociales et de la santé est particulièrement attentive à la nature des adjuvants utilisés dans la fabrication des vaccins, en particulier les sels d’aluminium. Ceux-ci sont en effet à l’origine d’un débat sur leur éventuelle implication dans la survenue de pathologies graves, comme la myofasciite à macrophages, dont je me permets de rappeler qu’elle a été mise en évidence et étudiée par des chercheurs bordelais.
Mme la ministre a donc saisi conjointement, en juillet 2012, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et l’Institut de veille sanitaire afin de dresser un état des lieux sur les effets sanitaires, connus ou suspectés, des adjuvants à base d’aluminium entrant dans la composition des vaccins et sur l’apport des adjuvants dans la composition vaccinale.
Les agences sanitaires interrogées ont rendu leurs conclusions le 1er octobre 2012. Elles reconnaissent que les vaccins à base d’aluminium sont à l’origine d’une lésion focale au niveau du point d’injection qui constitue la myofasciite à macrophages, dont la réalité n’est pas remise en question. L’expertise scientifique disponible à ce jour n’apporte toutefois pas d’arguments pour une atteinte systémique secondaire responsable d’un syndrome clinique identifié.
Selon la nature de l’antigène, les adjuvants sont parfois indispensables pour obtenir ou améliorer la réponse immunitaire et ainsi protéger individuellement et collectivement les Français de maladies infectieuses aux conséquences importantes en termes de morbidité et de mortalité.
Le projet du professeur Gherardi intitulé « Transport particulaire systémique par les phagocytes : sécurité des adjuvants vaccinaux » a fait l’objet d’une décision de refus de financement dans le cadre de l’appel à projets de recherche pour 2012 organisé par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l’ANSM. Ce projet de recherche a été soumis à un processus d’évaluation et d’expertise transparent, imposé à tout projet déposé dans le cadre des appels à projets de recherche organisés par l’ANSM. Il n’a toutefois pas été classé en rang suffisant pour obtenir un financement. Le débat reste cependant ouvert sur les adjuvants.
Des travaux supplémentaires sont souhaitables afin de poursuivre les campagnes de vaccination en vue de protéger la population contre les pathologies sévères, tout en s’assurant de la sécurité maximale des produits utilisés. Mme la ministre souhaite donc la poursuite des travaux de recherche. Elle a ainsi demandé à l’ANSM et à la direction générale de la santé d’installer en ce tout début d’année un comité de pilotage associant des scientifiques de haut niveau, dont l’équipe de recherche de Créteil dirigée par le professeur Gherardi, et des représentants tant de l’association Entraide aux malades de myofasciite à macrophages que de collectifs de patients, afin de restaurer une dynamique de recherche de qualité sur ce sujet.
M. le président. La parole est à M. Philippe Madrelle.
M. Philippe Madrelle. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Je vous fais totalement confiance pour insister auprès de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé pour que le Gouvernement suive cette affaire de très près et qu’il soit le plus vigilant possible afin que d’autres scandales sanitaires n’éclatent pas. Je fais confiance à votre sens des responsabilités et à votre éthique, que nous saluons, pour que de telles pratiques ne se reproduisent plus !
Toutes les personnes que j’ai eu l’occasion de rencontrer m’ont véritablement lancé un appel angoissé.
M. Philippe Madrelle. Actuellement, trop nombreux sont ceux qui souffrent de telles pratiques ; trop nombreux sont les scandales qui éclatent, très anxiogènes pour toutes les personnes concernées !
référendum d'autodétermination au sahara occidental
M. le président. La parole est à Mme Leila Aïchi, auteur de la question n° 282, adressée à M. le ministre des affaires étrangères.
Mme Leila Aïchi. Madame la ministre, la situation politique au Sahara occidental semble dans l’impasse, tandis que la condition des réfugiés sahraouis constitue un véritable sujet de préoccupation.
Je vous rappelle que le Sahara occidental a été occupé par les Espagnols et que, sous pression de l’ONU, Madrid a promis, en 1974, d’organiser un référendum pour décider du statut de ce territoire.
À la demande du Maroc, la Cour internationale de justice de La Haye s’est saisie de la question et a donné un avis favorable sur l’application de la résolution 1514 de l’ONU quant à la décolonisation du Sahara occidental et à l’application du principe d’autodétermination des populations du territoire.
Cependant, le Maroc a dans le même temps organisé la « marche verte » sur Laâyoune, en mobilisant 350 000 civils, pour récupérer le Sahara occidental. Le Conseil de sécurité a condamné cet acte mais n’est pas intervenu. À la suite de la signature des accords de Madrid, en novembre 1975, l’Espagne a cédé le Sahara occidental au Maroc et à la Mauritanie, ce que l’ONU a considéré comme non recevable au regard du droit international.
Le Front Polisario, né en mai 1973, a mené la guerre contre les deux forces. Un cessez-le-feu a été signé avec la Mauritanie et le combat s’est intensifié avec le Maroc, lequel a annexé les territoires cédés par cette dernière. En 1991, l’ONU a décidé un cessez-le-feu et un référendum, tout en établissant la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental, la MINURSO.
Depuis, la situation stagne, alors que des milliers de réfugiés sont répartis, depuis plus de trente ans, sur cinq grands camps : 27-Février, Dakhla, Smara, Aousserd et Laâyoune, nommés suivant les villes sahraouies qui sont sous occupation marocaine. La population s’élève à 166 000 personnes, selon les Sahraouis, et à 90 000 personnes, selon les autorités marocaines.
Le processus de sortie de crise semble à l’arrêt en raison de conceptions antagoniques : le Maroc propose une large autonomie, sous sa souveraineté, tandis que les indépendantistes du Polisario militent pour « le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination » via un référendum.
Je souhaite mettre l’accent sur le fait que le Sahara occidental est inscrit sur la liste des « territoires non autonomes » de l’Organisation des Nations unies, liste qui répertorie les territoires « dont les populations ne s’administrent pas encore complètement elles-mêmes ».
À ce titre, il faut affirmer avec force le principe d’autodétermination des Sahraouis et s’interroger sur l’évaluation du travail de la MINURSO.
Dans cette perspective, madame la ministre, quels sont les efforts entrepris par la France pour redynamiser le processus onusien et pour que les Sahraouis puissent enfin se prononcer sur leur propre destinée ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger. Madame la sénatrice, vous avez appelé l’attention du Gouvernement sur la question du Sahara occidental, où les enjeux sont de taille.
Ces enjeux sont d’abord politiques : le différend entretient des tensions entre le Maroc et l’Algérie, de manière bilatérale comme dans les enceintes internationales. Il handicape la construction d’un Maghreb uni, stable et prospère, au détriment des peuples de la région et de l’Union européenne.
Les enjeux sont aussi sécuritaires : le différend accroît le risque sécuritaire, dans le contexte d’instabilité que connaît la région du Sahel.
Les enjeux sont enfin humanitaires : comme vous l’avez rappelé, les familles sont séparées. Les réfugiés des camps de Tindouf dépendent entièrement de l’assistance humanitaire de la communauté internationale, assistance à laquelle la France participe.
Notre pays souhaite un règlement de la question du Sahara occidental, laquelle est très complexe.
Cette dernière implique plusieurs acteurs, avec lesquels nous dialoguons : tout d’abord, le Maroc, qui, en 2007, a proposé un plan d’autonomie, que la France soutient comme base sérieuse et crédible pour une solution négociée ; ensuite, le Front Polisario, qui revendique la tenue d’un référendum d’autodétermination ; enfin, l’Algérie, qui indique qu’elle se conformera à toute solution qui sera acceptée par le Front Polisario.
Comme l’a rappelé le Président de la République à Tlemcen, ce sont les Nations unies qui mènent la médiation entre les parties : la MINURSO assure, depuis 1991, la préservation et l’observation du cessez-le-feu.
J’ajoute que la France, membre du Groupe des amis du Sahara occidental, soutient pleinement les efforts de l’ONU. Elle entretient de nombreux contacts avec l’Envoyé personnel du Secrétaire général de l’organisation, M. Christopher Ross. Celui-ci souhaite mener une diplomatie de navette, afin de relancer le processus politique, ce qui nous semble être une bonne méthode.
Nos contacts bilatéraux avec le Maroc et l’Algérie sont fréquents et nous encourageons les efforts de rapprochement entre ces deux pays, efforts qui permettront de rompre un statu quo qui n’est dans l’intérêt de personne.
Enfin, nous sommes attachés à l’amélioration des droits de l’Homme au Sahara occidental et dans les camps de Tindouf. Nous entretenons un dialogue régulier avec les autorités marocaines sur cette question, que Laurent Fabius a évoquée avec son homologue, en marge de la Rencontre de haut niveau franco-marocaine, en décembre dernier.
Néanmoins, ce sujet des droits de l’Homme doit être remis dans son contexte. Depuis l’accession au pouvoir du roi Mohammed VI, le Maroc a effectué d’importants progrès en la matière : adoption d’une nouvelle constitution en juillet 2011 ; renforcement de l’indépendance du Conseil national des droits de l’Homme ; invitation de plusieurs rapporteurs spéciaux du Conseil des droits de l’Homme des Nations unies.
Ces mesures s’appliquent également au Sahara occidental et permettent un suivi de la situation des droits de l’Homme. Nous souhaitons que les efforts engagés par le Maroc se poursuivent et que des mesures semblables soient prises par le Front Polisario en ce qui concerne la situation des réfugiés sahraouis dans les camps de Tindouf.
lutte contre la désertification médicale de nos campagnes
M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, auteur de la question n° 254, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
M. Michel Le Scouarnec. Madame la ministre, le mois de janvier est traditionnellement celui des vœux, et d'abord des vœux de santé. Cela prouve que la santé est, pour chacun, le bien le plus précieux !
Toutefois, l’accès à la médecine de proximité n’est pas égal pour tous nos concitoyens sur l’ensemble de notre territoire.
Selon les atlas régionaux de la démographie médicale, le nombre total des médecins en activité devrait diminuer de 10 % à l’horizon 2025. Demain, le manque de médecins généralistes sera criant, et les patients auront à en souffrir.
Pour preuve, alors que, en France, un bassin de vie compte, en moyenne, 4,2 médecins généralistes pour 5 000 habitants, 50 % des bassins de vie bretons sont caractérisés par une densité inférieure à cette moyenne. C’est le cas, par exemple, de nombreuses communes du Centre-Bretagne, telles La Trinité-Porhoët, ou de plusieurs communes du canton du Faouët, dans le Morbihan.
La situation est encore plus dramatique lorsque l’on examine les chiffres concernant les médecins spécialistes. Ainsi, selon une étude de l’UFC-Que choisir relative à la cartographie sanitaire en Bretagne, 21 % de la population bretonne réside à plus de 40 kilomètres d’un spécialiste, taux qui s’élève à 27 % pour les spécialistes dits « de secteur 1 ».
Que dire des spécialités comme la gynécologie médicale et obstétrique ? En Bretagne, 110 des 142 bassins de vie ne recensent aucun de ces médecins, dont les compétences sont pourtant indispensables à la santé des femmes ! Selon une enquête de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, l’INSERM, et de l’Institut national d’études démographiques, l’INED, 12,2 % des jeunes femmes de 20 à 24 ans ont déclaré ne pas bénéficier de suivi gynécologique en 2010, contre 6,9 % en l’an 2000. Est-il acceptable qu’une femme morbihannaise soit contrainte de faire plusieurs dizaines de kilomètres ou de subir des délais d’attente excessifs pour accéder à un tel suivi ? Bien évidemment, la question se pose également pour les femmes des autres départements ! C’est une régression dans la lutte des femmes pour leur liberté, pour laquelle l’accès à des soins de gynécologie est une clef essentielle d’émancipation.
Madame la ministre, vous n’êtes pas responsable de la situation actuelle, marquée par un important recul. Dans le Morbihan, ce dernier s’est notamment traduit par la fermeture de maternités de proximité, comme celles d’Auray et d’Hennebont, dans le cadre des fusions.
Vous avez récemment présenté le pacte « territoire-santé ». Les mesures annoncées vont dans le bon sens pour réduire la fracture sanitaire ; je pense notamment au revenu garanti. Mais des interrogations importantes restent écartées, comme celle de la liberté d’installation des médecins, « intouchable », selon vous, du fait « des craintes d’un déconventionnement des praticiens et notamment des spécialistes ».
De très nombreux maires morbihannais me font part de l’angoisse que suscite chez eux le prochain départ à la retraite de leur médecin généraliste. Plusieurs communes, comme celles de Gourin, Melrand ou encore La Trinité-Porhoët, ont d'ores et déjà accueilli un nouveau médecin généraliste de nationalité roumaine, trouvé sur Internet par le biais d’une petite annonce.
De plus, les spécificités du territoire morbihannais – insularité dans le golfe, population résidentielle et touristique, concentration des services et aménagements sur la bande côtière – aggravent les facteurs d’érosion médicale.
Dans ces conditions, madame la ministre, pourquoi ne pas aborder la question de la nomination, pour un temps donné, des professionnels de santé en fonction des besoins collectifs – et non des intérêts privés – ou, à tout le moins, d’une régulation de leur installation ?
J’ai été attentif à vos récentes annonces, mais pouvez-vous également m’indiquer quelles mesures supplémentaires vous comptez prendre, en termes de prix et de localisation géographique, afin de replacer l’égalité et la justice au cœur de notre système de santé, par un meilleur accès aux soins ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie. Monsieur le sénateur, comme vous le savez, le Gouvernement est très sensible à un sujet qui intéresse nos concitoyens, tant en zone rurale qu’en zone urbaine.
Vous l’avez rappelé, en décembre dernier, Mme la ministre des affaires sociales et de la santé a annoncé plusieurs mesures, réunies dans le pacte « territoire-santé ».
Ce pacte ne réussira qu’à travers l’engagement de tous, de manière résolue. Mme la ministre des affaires sociales et de la santé est attachée à une mise en œuvre rapide et, le 13 décembre, elle a rencontré les directeurs généraux des agences régionales de santé, les ARS, pour les mobiliser. Elle réunira prochainement les vingt-six « référents-installation » de ces agences, lesquels auront pour mission d’accompagner les futurs jeunes médecins.
Le Gouvernement est convaincu de l’utilité de mesures incitatives pragmatiques pour changer la situation sur cette question des déserts médicaux.
La formation initiale doit permettre la découverte au plus tôt de la médecine générale, notamment en parvenant à ce que 100 % des étudiants aient suivi un stage en cabinet, afin d’attirer plus d’internes vers cette spécialité majeure pour notre système de santé.
Le moment de l’installation est stratégique. Il ne s’agit plus de multiplier les dispositifs d’aide, déjà très nombreux. Il est maintenant temps de les faire connaître et de sécuriser les jeunes médecins en les accompagnant dans leur installation.
Il faut aussi transformer en profondeur l’exercice des soins de proximité : constitution d’équipes pluriprofessionnelles, transferts de compétences, télémédecine. C’est par ces nouvelles organisations que nous parviendrons à attirer des jeunes.
Enfin, certains territoires isolés doivent faire l’objet d’un suivi particulier : les médecins salariés, les hôpitaux de proximité, les centres de santé doivent pouvoir leur venir en appui.
Ces mesures ne seront couronnées de succès que si les territoires s’en emparent. C’est pourquoi un travail de concertation régionale, menée par les directeurs généraux d’ARS, permettra d’assurer la réussite du pacte « territoire-santé ».