M. Alain Néri. C’était une réponse spontanée !
M. Philippe Marini. Au moins le Président de la République d’alors avait-il dénoncé le dumping fiscal, même si ses partenaires ne l’ont pas rejoint sur ce point.
Aujourd'hui, je le répète, sur le taux d’impôt sur les sociétés de 10 % applicable à Chypre, je n’ai pas entendu l’ombre d’une seule parole, si je puis ainsi m’exprimer ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Mes chers collègues, en ce début d’après-midi, je me félicite d’avoir su éveiller votre attention sur un sujet européen, ce qui n’est pas nécessairement chose facile !
M. Alain Richard. Le propos, lui, est facile !
M. Philippe Marini. Il est encore plus gênant d’observer les ambiguïtés en matière bancaire. On ne sait plus vraiment quel est le but politique recherché à travers l’union bancaire. On nous dit qu’il faut rompre le lien entre dette souveraine et dette bancaire mais aucun accord sur les conditions dans lesquelles le Mécanisme européen de stabilité pourra prêter directement aux banques ne semble se dessiner. Certes, monsieur le ministre, vous en avez parlé, mais il ne s’agit là que d’une figure de style convenue : il n’existe aucun calendrier ni aucun progrès réel en ce sens, et vous le savez fort bien.
Dès lors, il faut peut-être tâcher de rendre un sens politique à ce que nous faisons dans le cadre de la construction européenne. Sans doute est-il nécessaire que les parlements nationaux utilisent mieux l’article 13 du TSCG, alors que, jusqu’à présent, les rencontres qui se sont multipliées demeurent désespérément formelles. Sans doute est-il également nécessaire de s’approprier dans le débat national – ce qui nécessite du travail – les notions, les procédures et les instruments qui nous parviennent du droit communautaire, en particulier de ce « two-pack » qui vient d'être finalement adopté. Mais encore faudrait-il que nous sachions exactement comment s’enchaînent diverses notions, des « contrats de croissance et de solidarité » aux « plans budgétaires nationaux », en passant par bien d’autres choses…
L’ambiguïté dans laquelle nous sommes, sans doute réside-t-elle aussi dans la distance entre les recommandations adressées par le Conseil européen à la France en matière de réforme structurelle et la manière dont le Gouvernement, de façon erratique et, à mon sens, souvent contradictoire, décline sa politique. Les chantiers à ouvrir en matière de compétitivité, de réforme du marché du travail, de fiscalité écologique, de TVA, de formation professionnelle et de salaire minimum me semblent, à tout le moins, marqués du sceau de l’ambiguïté, entre le langage européen, que nous recevons et acceptons, et le langage national que nous pratiquons.
Mes chers collègues, notre pays, même s’il semble abandonner dans l’immédiat l’objectif d’un déficit nominal de 3 % du PIB en 2013, a le devoir de demeurer crédible. Or, ainsi que le Gouvernement l’a indiqué lors du Conseil des ministres du 27 février dernier, des mesures supplémentaires de gestion budgétaire – au-delà de celles qui sont déjà mises en œuvre – sont désormais considérées comme inopportunes pour l’année en cours. Dès lors, monsieur le ministre, que répondra-t-on si, à la table du Conseil, on nous demande dans quelle mesure nous resterons sans rien faire lorsqu’il s’avérera que le déficit pour 2013 s’approchera des 4 %, ce qui est probable ? Que répondra-t-on lorsqu’on nous demandera s’il est crédible de conserver comme objectif un déficit compris entre 2,5 % et 3 % en 2014, alors que les prévisions macroéconomiques de la Commission européenne, comme des meilleurs experts, nous indiquent que, sans mesures supplémentaires de consolidation budgétaire, nous risquons encore d’avoisiner les 4 % de déficit ?
En tout état de cause, puisqu’il n’est pas prévu d’efforts supplémentaires en 2013, nous savons que, pour 2014, compte tenu de l’ensemble des facteurs à prendre en compte, il faudrait que les mesures supplémentaires représentent – c’est un ordre de grandeur – entre 20 et 40 milliards d'euros, soit l’équivalent de 1 à 2 points de PIB. Il s’agit en effet d’un effort gigantesque, qui, n’étant ni documenté ni précisé à ce stade, ne paraît pas réellement vraisemblable, ce qui, me semble-t-il, est de nature à porter atteinte au crédit de notre pays.
Mes chers collègues, c’est au moment où le Conseil européen de printemps va examiner les grandes orientations de politique économique que ces questions se posent. Pardonnez-moi, monsieur le ministre, de devoir les poser, même si elles vous semblent désagréables. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Richard. Et surtout, non pertinentes !
M. le président. La parole est à M. Michel Billout pour le groupe CRC.
M. Michel Billout. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les auspices sous lesquels se prépare le Conseil européen de cette semaine sont bien sombres. Les nuages s'accumulent. Partout, en Espagne, au Portugal, en Grèce, en Bulgarie, en Italie et même dans notre pays, les conséquences des orientations européennes voulues et défendues par les gouvernements montrent les limites de leur efficacité économique et ont surtout des conséquences dramatiques pour les peuples. La croissance est partout en berne, et les prévisions pour cette année ne sont guère optimistes.
Les chiffres du chômage explosent. N'avons-nous pas dépassé ce trimestre, dans notre pays, la barre symbolique des 10 % de chômeurs indemnisés ? Sans compter celles et ceux qui n'ont pas droit aux allocations et qui, de ce fait, n'apparaissent pas dans les statistiques…
Cette politique « austéritaire », voulue et orchestrée par l'Union européenne et les États qui la composent, conduit à une impasse. Partout, elle provoque des crises sociales, économiques et politiques. Le pacte budgétaire ratifié en octobre dernier, que notre groupe a refusé de voter, portait en lui les germes des drames sociaux que nous vivons au sein de l'Union. Le volet de cet accord consacré à la croissance, qui devait nous apporter un « mieux » économique et social, n'a pas résisté aux dogmes libéraux qui sous-tendaient le traité.
L'austérité est bien pour maintenant. La croissance, elle, est pour plus tard, peut-être...
Monsieur le ministre, vous allez discuter avec vos collègues, pendant deux jours, de la coordination des politiques dans le domaine économique, budgétaire et de l'emploi ainsi que des orientations des programmes de stabilité et de convergence. Beau programme s'il en est ! Mais si l'on traduit la « novlangue » européenne, tout cela veut dire : accord sur la logique de récession et d'austérité.
Cette logique, nous le voyons bien, a aussi des conséquences sur le code du travail. L'accord national interprofessionnel sur la sécurisation de l'emploi en France est bien de la même veine. Ces recettes seront-elles aussi le fil conducteur de la future réforme des retraites et des allocations familiales ? Je vous pose la question.
Les mêmes recettes n'ont-elles pas déjà été appliquées en Espagne, en Italie, en Grèce, après l’avoir été en Allemagne même ? Avec quels résultats ?
Le patron de Renault expliquait récemment qu'il ne comprenait pas pourquoi l'accord de compétitivité dans son entreprise n'était pas accepté par tous en France, alors qu'il avait obtenu l’accord des salariés en Espagne. Mais croyez-vous que, lorsque l'on a le couteau sous la gorge, on est en mesure de négocier d'égal à égal ?
Cependant, cette crise n'est pas un moment difficile à passer pour tout le monde. Il y a cette année 200 milliardaires de plus dans le monde et la première fortune française, celle de Mme Bettencourt, s'est encore accrue cette année. Que doit-on en penser ? Que l'Europe qui aurait pu, qui aurait dû jouer le rôle de bouclier social, d’exemple mondial de mieux-disant social, a décidé au contraire de s'aligner sur le moins-disant social. Dans ces conditions, la course vers une meilleure compétitivité de l'économie européenne, face aux économies des pays émergents et de la puissance états-unienne, risque bien d’être perdue d'avance.
C'est exactement l'inverse qu'il faut faire. C'est par la relance du marché intérieur européen que l'on peut espérer un nouvel élan de l'économie. Et la relance passe non seulement par une politique d'investissements tant européens que nationaux, mais aussi par une politique salariale volontariste qui permettrait aux Européens de reprendre le chemin de la consommation, donc de la croissance et de l'emploi.
Est-ce à dire qu'il ne faut pas s'intéresser aux modes de production et aux choses produites ? Non, bien entendu ! L'Europe reste un espace où la recherche et l'inventivité sont encore une réalité, mais pour combien de temps ? À chaque fois que l’on ferme un laboratoire, on fait reculer notre capacité d'innovation et donc de réussite. Or il nous faut absolument développer la recherche, car la relance de l’économie européenne ne peut que passer par le respect des critères de développement durable et du progrès social.
Vous allez engager la discussion après-demain sur les orientations européennes pour une durée de sept ans. L'accord sur le budget européen, que vous avez négocié en février dernier et que vous avez qualifié de bon compromis, a été rejeté par la quasi-totalité des groupes au Parlement européen. Pervenche Berès, présidente de la commission de l’emploi et des affaires sociales au Parlement européen, a ainsi une tout autre lecture que la vôtre, monsieur le ministre. Au cours d'une récente réunion à Bobigny avec des élus et des acteurs départementaux de la solidarité, elle a annoncé qu'elle s'opposerait à sa ratification en l'état par le Parlement. Que faut-il en penser ?
Cet accord est en fait la consécration des égoïsmes de certains États. Croyez-vous sincèrement qu’il fallait réduire de 1 milliard d'euros les budgets de solidarité et élargir le nombre de pays éligibles alors que l'Europe s'enfonce dans la crise et que, partout, le nombre de bénéficiaires de ces aides ne cesse de croître ? C'est pourtant le message que la France et l'Europe envoient aux 25 % de la population de l'Union qui vit en dessous du seuil de pauvreté.
La confédération européenne des syndicats ne s'y est pas trompée. Pour la première fois, celle-ci a demandé aux parlementaires européens et nationaux de ne pas ratifier un traité européen. Croyez-vous que cela soit une nouvelle lubie de la gauche de la gauche ? Non, la confédération confirme dans son appel à manifester à Bruxelles le 14 mars que « l'Europe n'est pas une zone de libre-échange mais un espace dont l'objectif est le progrès économique et social ». Dans sa déclaration, elle ajoute qu’« une feuille de route sur la dimension sociale de l'UEM dans le cadre d'une coordination renforcée des politiques doit tendre à une convergence ascendante pour s'attaquer aux inégalités, à la pauvreté, au chômage et au travail précaire qui sont éthiquement inacceptables et créent une situation d'urgence sociale ».
Dans cette négociation, voilà quelle devrait être votre feuille de route, monsieur le ministre. Vous ne seriez pas isolés, car vous auriez le soutien du monde du travail, des exclus, des précaires et des forces vives européennes.
Si, en revanche, l'Union européenne poursuit le même chemin, elle contribuera à créer de la désespérance et, de fait, à renforcer les nationalismes, la xénophobie et les égoïsmes. Les résultats des élections en Italie devraient nous y faire réfléchir.
Bien sûr, le chemin est étroit et difficile, mais pensez que la France n'est jamais aussi grande que lorsqu'elle tient le discours de la justice et de l'égalité. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour le groupe UDI-UC.
Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà plusieurs mois que j'ai le plaisir de participer aux travaux de la commission des affaires européennes. Je me réjouis de la qualité générale de nos débats et des propositions stimulantes de nos collègues, qui ont su établir un diagnostic juste tant sur le fonctionnement de l'Union que sur les actes législatifs qui y sont produits.
Voilà pourquoi on ne peut que regretter que le débat préalable au Conseil européen soit finalement un exercice un peu stérile de commentaires – pourtant toujours intéressants – sur un ordre du jour qui nous dépasse et nous interpelle, quoi qu’on en dise, par sa vacuité politique ! Je regrette le caractère essentiellement tribunicien du rôle laissé au Parlement en l'absence d'une procédure qui nous permettrait, sur le modèle de l'article 88-4 de la Constitution, de peser davantage sur le Conseil européen.
L'ordre du jour du prochain Conseil appelle la conclusion de la première phase du semestre européen, consacrée à l'examen des efforts de coordination entrepris par les États membres en matière de politique budgétaire.
On ne peut que se satisfaire de la montée en puissance du principe de coordination, qui reste l'un des grands acquis du pacte pour l'euro adopté il y a deux ans. Pourtant, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne peux que mesurer l'insuffisance du présent exercice et de la réunion du Conseil face à la crise et au ressentiment qui traversent l'Europe.
Les dernières élections en Italie ont été l'occasion d’une sanction dramatique du gouvernement de Mario Monti, mis à mal par la progression spectaculaire de formations populistes. Ce phénomène est identique dans beaucoup de pays membres.
La récente déclaration de David Cameron relative à une éventuelle sortie de la Grande-Bretagne de l'Union européenne par la voie d'un référendum attise aussi les tensions populistes, que l'on retrouve également en France. N'oublions pas que les formations eurosceptiques et populistes ont cumulé près de 30 % des suffrages exprimés…
Au même moment, le Parlement français, notamment le Sénat, a été privé d'un véritable débat et d'une véritable explication sur le budget européen. Pourtant, ce débat sur les modalités consternantes d'adoption d'un budget qui, à bien des égards, ne peut que nous sidérer, a été demandé conjointement par Jean-Louis Borloo à l’Assemblée nationale et, ici même, par François Zocchetto. À moins d'un an des prochaines élections européennes, ce budget engagera la prochaine Commission et le prochain Parlement. Comment ne pas souligner une telle anomalie institutionnelle ?
Ce budget est également consternant du fait qu’il se trouve pour la première fois en nette diminution, ce qui pourrait remettre en cause, à terme, les investissements d'avenir, dont nous avons terriblement besoin pour démontrer à nos concitoyens que l'Europe n'est ni un carcan ni un poids, mais au contraire une force d'avenir, une force pour l'emploi, pour la formation, l'éducation et l'avenir de nos enfants.
Le groupe UDI-UC avait demandé à plusieurs reprises un débat spécifique sur cette question, mais, à chaque fois, on nous renvoie au débat préalable sans plus de précisions comme si l’Europe, finalement, n’avait qu’une place restreinte au Parlement.
Ainsi, nos discussions masquent mal le fossé qui se creuse sans cesse entre l’Union, les citoyens et l’idéal européen que nous devrions tous partager. L’Europe, de la manière dont elle fonctionne, ne correspond plus aux aspirations de la population. Peut-être a-t-on mal mesuré les racines profondes du référendum du 29 mai 2005 : à certains égards, le « non » à la Constitution a été le signe avant-coureur de la crise morale que traverse le continent aujourd’hui.
Les générations actuelles n’ont pas connu la guerre. Aussi ne pouvons-nous plus uniquement invoquer le souvenir des pères fondateurs de l’Europe comme l’argument d’autorité suprême dans le débat européen. L’Europe ne peut plus se vivre seulement comme un idéal, alors que nos concitoyens nous demandent une Europe concrète, une Europe protectrice, une Europe de la prospérité, une Europe de l’emploi, bref, une Europe de l’avenir et pas seulement une Europe mémorielle qui se reposerait sur les lauriers du travail accompli.
Le groupe UDI-UC se veut le porte-parole de la voie européenne dans le débat public national, et c’est justement parce que nous sommes viscéralement attachés à l’idée européenne que nous nous permettons d’être critiques à l’égard du fonctionnement actuel de l’Union.
J’ai eu l’occasion, dans le cadre de ma mission sur l’Europe du numérique, de travailler avec l’administration bruxelloise. Force est de constater, je suis désolée de le dire, que nous faisons face à une administration d’un autre temps. L’Europe doit redevenir une aventure politique tournée vers l’avenir et ne saurait rester une machine purement technocratique.
Le ressentiment de nos concitoyens est désormais trop palpable, la crise est trop grave, vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, pour que nous en restions à un tel degré de complexité et d’éloignement entre l’Union et le peuple. Ce ressentiment doit nous alerter sur la marche à suivre désormais, et il nous faut impérativement resserrer le lien entre l’Union et les citoyens.
Au regard du prochain Conseil européen, nous mesurons tous que le TSCG donnera de fait à la Commission un pouvoir considérable en matière budgétaire et donc en matière fiscale. Or nous ne pouvons oublier, en tant que parlementaires, que la première des responsabilités des assemblées est de garantir le respect du principe du consentement à l’impôt et de voter le budget.
Comment voulez-vous assurer le lien démocratique entre l’Union et les citoyens si la Commission décide de tout sans être responsable de rien ? Comment ce lien pourrait-il vivre lorsque des décisions entraînant le destin de millions de citoyens européens se jouent parfois dans des cénacles fermés, entre deux heures et trois heures du matin ?
Pour prendre un exemple précis, la rectification des prévisions de croissance de la France pour cette année vous impose, pour se conformer aux exigences de la programmation prise en conformité avec les dispositions du TSCG, de souscrire à deux hypothèses pour maintenir une trajectoire vertueuse de désendettement : soit vous jouez sur les recettes et vous serez contraints de créer de nouveaux impôts pour combler l’écart de prévision, soit vous jouez sur l’exécution pour imposer des économies aux administrations de l’État.
Dans tous les cas, la simple correction d’un chiffre par Bruxelles entraîne des conséquences lourdes pour nos concitoyens et remet in fine en cause l’autorisation votée en loi de finances initiale. C’est la démocratie parlementaire nationale qui est atteinte par le manque de démocratie à l’échelon fédéral.
Nous devons donc associer les citoyens à la prise de décision politique pour faire de l’Europe une Europe politique. Nous devons renforcer les pouvoirs de contrôle des parlements nationaux. Nous devons également établir une véritable définition du principe de subsidiarité pour enfin sauter le pas. Donnons à l’Union des compétences véritablement fédérales en contrepartie d’une démocratie renforcée qui rendra l’Union politique et stratégique, et non plus administrative et technocratique ! Ainsi, les États s’occuperont de ce qui est de leur ressort naturel.
Je ne compte plus le nombre de fois où je suis interpellée, avec d’autres, par des entreprises qui souffrent d’une concurrence déloyale imposée de fait par Bruxelles à travers un ensemble colossal de normes qui favorisent finalement les entreprises étrangères. Pétroplus, dans mon département, en est un exemple, mais la France en compte bien d’autres.
Monsieur le ministre, comme vous le savez, l’engagement européen est unanime au sein du groupe politique UDI-UC et semble aller de soi. C’est au nom de cet engagement que je souhaiterais que vous nous éclairiez, non pas tant sur la position de la France dans la procédure de conclusion du semestre européen, mais sur les propositions du Gouvernement en matière de restauration du lien de confiance entre l’Europe et ses citoyens. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du RDSE.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d’aborder les enjeux de ce Conseil européen de printemps, qui constitue une étape importante du nouveau semestre européen, j’aimerais revenir un instant sur le compromis budgétaire issu du dernier Conseil européen du mois de février.
Ce n’est évidemment pas le résultat dont nous rêvions. Malgré les efforts de la France pour préserver les politiques traditionnelles, le nouveau cadre financier pour la période 2014-2020 représente une réduction des crédits de l’ordre de 35 milliards d’euros par rapport à la période précédente et de 12 milliards d’euros par rapport à la proposition de Herman Van Rompuy formulée en novembre.
J’entends bien que ce compromis est le moins mauvais possible dans le contexte européen le plus difficile que nous ayons dû affronter, face à des pays conservateurs, majoritaires au sein du Conseil, qui entendaient procéder à des coupes partout.
J’ai le sentiment aussi que nos intérêts nationaux ont été dans une large mesure préservés. Ainsi, si les crédits de la PAC ont diminué, les retours français sont maintenus. Ce résultat très satisfaisant n’était pas gagné d’avance.
Je salue enfin les avancées non négligeables obtenues concernant la jeunesse, qu’il s’agisse des crédits du programme Erasmus ou de l’initiative pour l’emploi des jeunes, voulue par le Président de la République et dotée de 6 milliards d’euros.
M. Jean-Michel Baylet. Très bonne initiative !
M. Jean-Claude Requier. Le chômage frappe, en effet, durement les jeunes : plus d’un sur deux en Grèce, en Espagne et dans certaines régions de l’Italie et du Portugal. L’Union européenne est parvenue à sauver ses banques en dépensant 700 milliards d’euros, mais peine à dégager les milliards d’euros indispensables pour soutenir directement les catégories victimes de la crise.
Cela étant, nous avons des doutes quant à la capacité de ce budget à relancer la croissance et à renforcer la compétitivité de l’économie européenne, car c’est bien de cela qu’il s’agit aujourd’hui.
Quoi qu’il en soit, cette proposition de cadre financier pluriannuel doit encore être approuvée par le Parlement européen ; ce ne sera pas chose facile si l’on en croit les déclarations des responsables des principaux groupes politiques qui ont tous dénoncé un budget d’austérité.
Dans un tel contexte, le moins qu’on puisse attendre du Conseil européen est qu’il se montre ouvert à l’égard de la volonté de négocier affichée par le Parlement européen, dont la position est positive et constructive sur plusieurs points importants. Je pense notamment à la flexibilité entre rubriques ou à la nécessité d’envisager de nouvelles ressources propres. Comment progresser sur cette dernière question, en particulier sur la taxation des transactions financières que nous appelons de nos vœux et dont le principe a été décidé ?
Au fond, le principal intérêt du Conseil européen à venir sera de nous en dire plus sur la portée politique réelle de l’ensemble des réformes de la gouvernance économique entreprises ces dernières années.
La crise a rappelé la très forte interdépendance des pays européens, et donc l’utilité d’une approche à la fois large et coordonnée des choix économiques et sociaux nationaux.
Sur ce sujet, quels sont les progrès ? Aujourd’hui, le projet européen semble se limiter à une gestion disciplinaire des politiques budgétaires et à quelques recommandations économiques sans grandes incidences concrètes.
Oui, il est indispensable de réduire les déficits ! Pour autant, cette stratégie doit être mise en œuvre avec discernement. D’ailleurs, l’OCDE et le FMI – qui ont pourtant prêché pendant de longues années une discipline budgétaire absolue comme seule et unique voie de rédemption – nous invitent aujourd’hui à sortir de l’austérité.
Les gouvernements et les peuples qui ont entrepris des ajustements à la fois nécessaires et douloureux ne peuvent se faire sans cesse rappeler à l’ordre par la Commission, sauf à considérer celle-ci comme une « maison de redressement » budgétaire. Il semble que celle-ci soit disposée à une certaine flexibilité à l’égard de plusieurs pays dont la France. Pouvez-vous nous le confirmer, monsieur le ministre ?
La plupart des pays de l’Union européenne sont actuellement confrontés à des perspectives de récession, voire de dépression. Selon les prévisions de la Commission, treize d’entre eux auront un déficit excessif, c’est-à-dire supérieur à 3 % du PIB, en 2013.
La consolidation des comptes publics est certes nécessaire, mais ce qui compte, ce sont avant tout les orientations prises par les gouvernements de l’Union européenne, moins que le calendrier, qui doit être réaménagé chaque fois que nécessaire.
Les difficultés que notre pays traverse actuellement sont essentiellement liées à la conjoncture, comme le prouvent nos bons résultats en matière de déficit structurel. La Cour des comptes a d’ailleurs souligné dans son dernier rapport qu’en réalisant un « effort structurel » de 1,4 point en 2012, notre pays a non seulement respecté ses engagements, ce qu’a reconnu la Commission, mais également entrepris un effort jamais réalisé depuis plusieurs décennies.
Le Conseil européen doit évoquer l’état d’avancement du pacte européen pour la croissance et l’emploi, notamment en ce qui concerne le marché unique : quelles sont les principales priorités ?
Il faut mettre en œuvre sans délai le volet financier de ce pacte, c’est-à-dire confirmer la mobilisation des 60 milliards d’euros de fonds structurels non utilisés, l’augmentation des capacités de prêt de la Banque européenne d’investissement et le lancement de project bonds. C’est encore plus nécessaire qu’il y a un an, compte tenu de l’évolution de la croissance et de la nature du compromis sur le budget communautaire qui vient d’être conclu par le Conseil européen.
Enfin, l’Europe a besoin d’incarnation politique et surtout d’une dimension sociale pour une authentique union économique et monétaire. Cette réflexion est finalement entamée, sous l’impulsion de la France. Dans le contexte actuel, avec un taux de chômage qui ne cesse de battre des records de mois en mois au sein de l’Union européenne – plus encore au sein de la zone euro – et tous les indicateurs qui virent au rouge – pauvreté, précarité énergétique –, il faut rééquilibrer l’approche privilégiée jusque-là envers la crise. Le projet politique de l’Europe ne peut pas se limiter à sauver les banques ; il doit être tourné vers la prospérité, la création de richesses, l’innovation, la formation, l’emploi et surtout la croissance.
Telle est la voie sur laquelle le Gouvernement peut être assuré de l’entier soutien des radicaux de gauche, qui plaident pour une Europe plus forte, plus démocratique et plus solidaire.
En matière d’Europe, arrêtons les normes, les interdits et l’omniprésence des réglementations ! Redonnons du souffle, du corps et de la hauteur à cette belle idée toujours d’avenir ! Monsieur le ministre, parlez-nous d’Europe et essayez de nous faire un peu rêver ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour le groupe socialiste.
M. Alain Richard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens au préalable à saluer la décision de la conférence des présidents d’inscrire ce débat à un horaire convenable, comme vient de le souligner le président Sutour, et à remercier M. le ministre de sa capacité de dialogue avec le Parlement. C’est un exercice qu’il apprécie comme ancien parlementaire, et il le pratique avec beaucoup de talent.
Je m’efforcerai de développer, au nom du groupe socialiste, une perspective générale de politique européenne – même si l’un des orateurs précédents a eu la tentation assez visible de détourner le débat vers des questions de politique intérieure, qui n’ont d’ailleurs pas forcément tourné à son avantage – et ce que nous sommes capables d’en faire entre nos vingt-sept nations.
Il me semble que nous nous approchons de la sortie de la crise financière, si j’en juge par les avancées relatives à la gestion des finances publiques des Vingt-Sept et à celle de notre système bancaire commun.
Le nouveau dispositif de préparation concertée des budgets et des comptes nationaux commence à être au point. Le dialogue avec le Parlement européen gagne en profondeur. Il faut encourager la Commission, et nous comptons à cet égard sur le Gouvernement, à jouer pleinement la carte d’un dialogue ouvert avec le Parlement européen tenant compte dans la préparation des perspectives budgétaires des impératifs économiques et de croissance.
Les dialogues avec les parlements nationaux doivent également être approfondis, afin que puissent s’exprimer toutes les opinions démocratiques sur les politiques financières de nos pays et, plus largement, sur la politique que nous menons en tant qu’Union – y compris les opinions de ceux qui continuent de défendre l’opportunité d’accumuler les déficits, d'ailleurs.
Il faut laisser jouer la persuasion, me semble-t-il. La valeur relative des différentes opinions doit pouvoir être testée. Il faut donc considérer comme bienvenu le développement de ce système maintenant acquis, fondé sur des décisions définitives.
Toutefois, dans nos démocraties, le fait majoritaire finit par reprendre ses droits. Une fois passé le temps de l’expression des opinions et du dialogue avec les institutions européennes, il appartient dans chaque pays au Gouvernement et à la majorité qui le soutient de prendre leurs responsabilités concernant les options budgétaires à retenir, en instaurant – c’est un point sur lequel il m’arrive d’insister de façon parfois un peu déplacée – un climat de confiance entre États européens et entre autorités budgétaires.
Je rappelle tout de même que si nous en sommes là, si les technocrates, que vous avez mis en cause, madame Morin-Desailly, sont obligés de vérifier les comptes des différents États, c’est parce que la situation désastreuse dans laquelle nous nous sommes trouvés voilà trois ans résultait de falsifications de comptes.