Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. J’ai le sentiment qu’il y a, sur certaines travées, une forme de peur de la nouveauté et, finalement, du changement. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Certains de nos collègues s’inquiètent du fait que plusieurs élus représenteront un même territoire.
M. André Reichardt. Eh oui, il y aura des problèmes !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Quels problèmes ? Plusieurs élus d’un même type sur un même territoire : c’est une situation qui existe déjà dans les régions, les communes, au Sénat, à l’Assemblée nationale. Faut-il en faire toute une histoire ?
Que l’on me permette de saluer ceux de nos collègues qui soutiennent le scrutin proportionnel.
M. Michel Le Scouarnec. Merci !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Leur position est claire, simple et compréhensible : avec la proportionnelle, on peut constituer des listes paritaires.
Reste que nombre de nos collègues, sur différentes travées, ne sont pas favorables à la proportionnelle. Ils veulent un ancrage local, dans une circonscription. En même temps, ils sont, comme nous tous, attachés à la Constitution, qui impose la parité. (« Non ! » sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Jacques Hyest. Elle la favorise !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Soit, elle favorise la parité !
M. Bruno Sido. Ce n’est pas pareil !
Mme Jacqueline Gourault. C’est même très différent !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Ceux de nos collègues qui, tout en refusant la proportionnelle au nom de l’ancrage local, combattent le système prévu par le projet de loi, que proposent-ils pour réaliser la parité sans qu’elle soit reportée aux calendes grecques ? Le fait est que, aujourd’hui, certains conseils généraux ne comprennent qu’une ou deux femmes : tout le monde s’accorde à juger que ce n’est pas acceptable.
M. André Reichardt. Bien sûr !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. On a imaginé des pénalités financières, mais cette solution ne marche pas, et du reste je ne crois pas que ce soit un bon moyen de défendre la cause des femmes.
Que proposent les partisans d’un ancrage territorial pour tendre vers la parité ? Il est facile de s’opposer, mais il faut aussi dire ce que l’on veut !
J’ai lu, dans un quotidien régional, un article dans lequel un personnage important prétendait que la réforme envisagée signerait la mort des départements.
M. André Reichardt. Cela n’a rien à voir !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Pensez-vous vraiment que le fait qu’il y ait autant de femmes que d’hommes dans les futurs conseils départementaux marquera la mort des départements ? À ce compte-là, les villes de plus de 3 500 habitants sont déjà mortes, et les régions aussi ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Si l’on rejette la proportionnelle au nom de l’ancrage local tout en voulant, de bonne foi, progresser vers la parité, il faut proposer quelque chose. Or je n’entends aucune proposition !
M. Rémy Pointereau. C’est faux !
M. Bruno Sido. Nous faisons des propositions !
M. André Reichardt. M. Mézard en fait aussi !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. M. Collombat a proposé une forme de proportionnelle infra-départementale.
M. Pierre-Yves Collombat. Oui ! Un système qui garantit la proximité !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Je rappelle que j’ai commencé par saluer les tenants de la proportionnelle. En effet, même si ce n’est pas le projet du Gouvernement, ni celui que nous soutenons, je pense que leur position est cohérente. En revanche, il n’y a pas de cohérence à vouloir à la fois assurer l’ancrage local et faire progresser la parité sans rien proposer à cette fin ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. André Reichardt. Vous faites de la parité un dogme !
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 21 rectifié est présenté par M. Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.
L'amendement n° 147 est présenté par M. Zocchetto et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants-UC.
L'amendement n° 205 rectifié est présenté par MM. Collombat, Barbier, C. Bourquin, Plancade et Tropeano.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour présenter l’amendement n° 21 rectifié.
M. Jean-Jacques Hyest. Les propos de nos collègues sont toujours intéressants, parce qu’ils procèdent d’une expérience. J’ai beau n’être conseiller général que depuis trente-trois ans (Sourires.), j’ai vu mon département évoluer sur le plan démographique. Le redécoupage des cantons était de toute façon indispensable, comme le Conseil d’État le répète depuis un certain temps. J’observe d’ailleurs que, pour les circonscriptions législatives, le redécoupage demandé par le Conseil constitutionnel s’est fait espérer longtemps, alors qu’au Sénat nous avons opéré notre réforme sans attendre, en améliorant la répartition des sièges en fonction de la démographie.
Avec la réforme envisagée, ce n’est pas quatre, mais jusqu’à huit cantons que certains départements ruraux vont perdre. Des arrondissements entiers n’éliront plus que deux conseillers, alors qu’avec 130 ou 140 communes ils sont presque aussi étendus qu’une circonscription législative ! Or ce n’est pas tout à fait la même chose d’être député ou conseiller départemental.
Dans la foulée, vous proposez d’instaurer un binôme. Comme je l’ai déjà expliqué, nous allons être confrontés à un problème avec votre souci de maintenir à tout prix la parité : si l’un des membres du binôme décède au cours de la première année du mandat et qu’il n’a pas de remplaçant – cela peut arriver –, que se passera-t-il ? Le siège restera vacant pendant cinq ans ! (Marques de dénégation sur les travées du groupe socialiste.) Mais si, puisque vous ne pouvez pas organiser une élection où ne pourrait être candidat qu’un homme ou une femme !
Pour ces raisons qui me paraissent dirimantes, je doute de la pertinence de ce binôme sur le plan juridique. Bien sûr, il sera finalement créé, puisque le dispositif a été adopté à l’Assemblée nationale, mais nous nous devions de réaffirmer en deuxième lecture notre opposition à cette bizarrerie juridique.
Plusieurs de nos collègues ont exprimé leurs inquiétudes, non pas pour eux-mêmes, mais pour le département. N’oublions pas que ce dernier sera confronté à d’autres évolutions, en particulier en matière de compétences. Pourtant, je pensais que le département avait gagné la bataille après la création du conseiller territorial.
M. Gérard Miquel. Ça, c’est sûr, il avait gagné…
M. Jean-Jacques Hyest. Aujourd’hui, il risque de beaucoup y perdre.
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Maurey, pour présenter l'amendement n° 147.
M. Hervé Maurey. Beaucoup de choses ont déjà été dites sur ce mode de scrutin, qui est à la fois ubuesque, ou croquignolesque, et néfaste.
Ubuesque, parce qu’on n’a jamais vu, pour employer une expression triviale, deux crocodiles dans le même marigot. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Éliane Assassi. Merci pour l’image !
M. Hervé Maurey. Élire deux personnes sur un même territoire fait d’ailleurs beaucoup sourire nos concitoyens quand on leur parle de cette mesure.
Néfaste, parce que, comme cela a été expliqué à plusieurs reprises, ce nouveau mode de scrutin s’accompagne d’un redécoupage qui portera un très mauvais coup à la ruralité. Nous aurons en effet des cantons immenses, qui, dans certains cas, réuniront 60, 70 ou 80 communes. Des cantons de cette taille, ce ne sont plus des cantons !
Ce dispositif n’est pas seulement critiqué par des élus de droite. Comme tous mes collègues, je rencontre sur le terrain de nombreux conseillers généraux, maires, conseillers régionaux. Tous ces hommes et ces femmes se sentent « interpellés », pour utiliser un terme très mesuré, par ce mode de scrutin pour le moins bizarre.
Yves Krattinger a certainement raison quand il dit que les préoccupations liées au binôme masquent vraisemblablement une inquiétude au sujet du redécoupage. C’est vrai qu’il faut redécouper les cantons, afin de parvenir à une meilleure équité démographique entre chacun d’entre eux. Mais ce qu’on nous propose ici est complètement différent : on cherche à redessiner l’ensemble de la carte cantonale ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) On nous invite à diviser par deux le nombre de cantons et, accessoirement, à supprimer – on n’en parle pas pour l’instant, mais peut-être que ce sera le cas plus tard – de très nombreux chefs-lieux de cantons. Sachez-le, mes chers collègues, les conséquences sur les communes concernées seront importantes, notamment en termes de dotations.
M. André Reichardt. Absolument !
M. Hervé Maurey. Pour la première fois, le découpage qui nous est proposé, contrairement à la tradition républicaine, n’aura pas l’obligation de respecter la limite des circonscriptions. Ainsi, tout est permis au Gouvernement !
M. André Reichardt. Eh oui !
M. Hervé Maurey. Il est donc normal que de légitimes inquiétudes se fassent entendre. D’ailleurs, un certain nombre d’élus se demandent avec quel canton leur propre canton sera regroupé. Or la situation est bien pire !
À moins que M. le ministre nous dise le contraire, et j’en serai ravi, il ne s’agit pas de redécouper les cantons, mais, je le répète, de tout redessiner, sans forcément tenir compte des cantons déjà existants. C’est la porte ouverte à tout ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) J’ai d’ailleurs lu dans le rapport de la commission des lois qu’il n’était pas envisagé que ces futurs cantons soient définis en fonction des bassins de vie ou des intercommunalités, ce qui aurait pourtant été le gage que le redécoupage n’est pas uniquement le fait du prince. Nous avons d’ailleurs déposé un amendement sur le sujet.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour présenter l'amendement n° 205 rectifié.
M. Pierre-Yves Collombat. Jacques Mézard et moi-même avons été suffisamment explicites pour n’avoir pas à développer à nouveau nos arguments. Nous considérons donc que cet amendement a été défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Delebarre, rapporteur. Nous nous trouvons dans un contexte un peu particulier. Quasiment au même moment, en Europe, se tiennent deux démarches assez analogues.
À Rome, les cardinaux sont réunis pour choisir un pape. (Rires.) Chose extraordinaire, ils ont réussi.
M. André Reichardt. Ils n’élisent pas un binôme !
M. Michel Delebarre, rapporteur. À Paris, les sénateurs sont réunis pour essayer de faire progresser un texte que je crois positif. Ils n’y arrivent pas. Je n’en tire aucune leçon, je constate simplement que, depuis maintenant un certain temps – les deux dernières heures ont été riches d’expressions diverses –, nous discutons et argumentons.
Nous sommes tous d’accord pour atteindre deux objectifs.
Le premier est d’avancer dans le sens de la parité. Or, en la matière, ce n’est faire injure à personne que de le reconnaître, ce n’est pas la caractéristique première des conseils généraux, ce qui ne signifie pas que certains d’entre eux n’aient pas progressé En tout cas, ces dernières années ne montrent pas une formidable réussite. C’est plutôt un échec.
Mme Nathalie Goulet. C’est vrai !
M. Michel Delebarre, rapporteur. Le second objectif est de donner un souffle nouveau à cette instance, de la dynamiser, de la mettre en phase avec le monde d’aujourd’hui.
Quand on essaie de trouver les modes de scrutin permettant de répondre à ces deux objectifs, aucune solution ne réussit à emporter l’adhésion ou à recueillir l’enthousiasme, hormis peut-être une proportionnelle généralisée, qui constituerait un autre choix.
L’option retenue par le Gouvernement nous permet d’avancer dans les deux directions que je viens d’indiquer. C’est la raison pour laquelle je me trouve dans une situation quelque peu délicate : à titre personnel, je suis favorable à la proposition gouvernementale et donc défavorable aux amendements de suppression ; en tant que rapporteur, je dois vous dire, au nom de la commission, que je suis favorable à ces trois amendements identiques. (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)
M. André Reichardt. C’est dur !
M. Michel Delebarre, rapporteur. Disant cela, je retrouve le chemin de Rome. (Sourires.) En effet, je ne peux me sortir d’une telle situation qu’avec un certain esprit de sacrifice, dans lequel j’essaierai de ne pas me complaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. André Reichardt. Monseigneur Delebarre ! (Sourires.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre. Sans chercher à imiter Michel Delebarre à l’instant, je dirais que nous arrivons à un moment de vérité. (Sourires.) Je l’avais d’ailleurs annoncé au cours de mon intervention liminaire.
Le conseiller territorial a été supprimé.
MM. Rémy Pointereau et André Reichardt. Hélas !
M. Manuel Valls, ministre. D’abord au Sénat, puis à l’Assemblée nationale, il ne s’est pas trouvé de majorité pour le maintenir. Il n’y a pas non plus de majorité, cela vient d’être dit par Jean-Pierre Sueur, pour mettre en œuvre un scrutin de liste à la proportionnelle dans les départements, quel que soit le mode retenu, départemental ou intercommunal, ce deuxième choix dévoyant totalement les fondements de l’intercommunalité.
M. Pierre-Yves Collombat. Ah bon ?
M. Manuel Valls, ministre. Certains se font ici les chantres de la connaissance du terrain. Personne, même un ministre qui a par ailleurs un mandat d’élu, n’a à donner de leçons sur la capacité à représenter un territoire, que celui-ci se trouve en Île-de-France, en PACA, en Bretagne, dans l’Est…
Mme Nathalie Goulet. Ou en Normandie !
M. Manuel Valls, ministre. … ou en Normandie, d’ailleurs très éprouvée ces dernières heures.
En la matière, une chose est claire : faire reposer une nouvelle circonscription sur l’arrondissement, que personne ne connaît, ou sur l’intercommunalité, encore en plein mouvement, ne permettrait pas de l’asseoir véritablement. Comme de toute façon il est nécessaire de redécouper la carte électorale, en respectant les règles constitutionnelles rappelées par le Conseil d’État, faisons-le avec le sens de la mesure, de l’équité et de l’intérêt général.
À partir du moment où aucune majorité ne s’exprime en faveur du conseiller territorial ou du scrutin proportionnel et que le principe de la parité est incontournable, le mode de scrutin binominal s’impose, même si j’entends les noms d’oiseaux tout à fait sympathiques dont ses détracteurs le qualifient.
Au moment de la mise en œuvre du binôme, qui représentera un changement important, il faudra bien évidemment expliquer son fonctionnement. Au demeurant, en s’en tenant au statu quo, mais dans le cadre d’un nouveau découpage, aucun département n’aurait comptabilisé des cantons de 1 000 ou 2 000 habitants. Une campagne d’explication aurait donc été nécessaire.
Le scrutin binominal permet une meilleure représentation et la parité. Certains distinguent l’évolution vers la parité de l’obligation de parité. Mais cela ne fonctionne pas ainsi ! Dans le cadre d’un scrutin de liste, la parité s’impose, en effet. S’il s’agit d’un scrutin majoritaire, comme c’est le cas jusqu’à présent pour les élections législatives, l’élection est régie par des lois très précises concernant les formations politiques et leur financement, ce qui n’est pas envisageable pour les élections départementales, comme l’a d’ailleurs très bien expliqué Gérard Longuet.
L'autre système, c’est donc celui du suppléant – de la suppléante, en l'occurrence. Vous avez vu le résultat ? En 2011, la parité a connu une régression. Et, alors même que cela n’a pas été possible jusqu’à présent, vous voudriez nous faire croire que, en gardant le système ancien, on assisterait subitement à un changement et que celle-ci progresserait !
Il faut que les choses soient claires : le vote qui va suivre sera non seulement important pour la suite de la discussion de ce texte par le Sénat, mais il éclairera également les prochains débats à l'Assemblée nationale. Il appartient donc à chacun de prendre ses responsabilités.
Je vais dire les choses très directement : certains veulent le rejet de cet article pour des raisons politiques, mais, in fine, nous devrons bien nous retrouver autour de ce mode de scrutin. Il serait dommage de perdre du temps – je ne me place pas sur le plan individuel – et que le Sénat ne porte pas lui-même cette réforme. J'écoute évidemment les uns et les autres avec la plus grande attention et chacun est ici totalement libre, mais sachez que ce scrutin représentera une vraie révolution pour la représentation des territoires à travers la parité.
Le président de la commission des lois et son rapporteur doivent savoir que, pendant les débats, je resterai ouvert à deux évolutions qu’ont évoquées certains d’entre vous : d’une part, la possibilité de modifier, pour des raisons que j’expliquerai, le tunnel de 20 % ; d’autre part, les conditions de qualification pour le second tour, même si nous n’allons pas engager un débat théologique ou idéologique sur 10 % ou 12,5 %.
M. André Reichardt. C’est important !
M. Manuel Valls, ministre. Si ce sont des conditions pour aboutir à un accord, le Gouvernement ne s'opposera pas à ces mesures.
M. Rémy Pointereau. Ah !
M. Manuel Valls, ministre. J'ai déjà eu l'occasion de le dire lors de l’examen du texte en première lecture.
S’agissant de l’évolution du tunnel de 20 % à 30 %, le travail mené au Sénat et à l’Assemblée nationale, en particulier par Frédérique Massat et Laurent Wauquiez, tous deux élus de zones de montagne, montre que, compte tenu des critères qui ont présidé au redécoupage, la fixation d’un seuil de 30 % est nécessaire dans de nombreux départements.
L’Assemblée nationale a intégré les critères de zone de montagne, de zone littorale, de superficie et du nombre de communes. Ne pensez-vous pas que la prise en compte de l’ensemble de ces critères et le passage à 30 % du tunnel permettra une représentation juste et équilibrée des territoires ? Ne pensez-vous pas, dès lors, qu’il faut en finir avec tous ces arguments que nous avons entendus depuis le début ? Comme si certains, ici, voulaient remettre en cause les départements ruraux !
Ce texte, avec les modifications qui y seront apportées et avec les évolutions qu’accepte le Gouvernement, permettra à la fois la représentation des territoires et la parité. Elle est là, la modernité ; il est là, le changement ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Didier Guillaume. Bien sûr !
M. Manuel Valls, ministre. Dans les quelques instants qui restent avant le vote, je vous invite à y réfléchir. Le Sénat – et je m’adresse à la fois aux élus de la majorité et aux élus de l'opposition – s'apprête à supprimer un article, alors même que le Gouvernement est prêt à accepter des avancées afin d’assurer la représentation de tous les territoires, quels qu’ils soient – urbains, périurbains, ruraux –, afin de renforcer les liens entre les élus et les citoyens.
Cessons de dire que deux élus ne pourront pas représenter un territoire : ils seront élus ensemble, ils mèneront campagne ensemble, ils seront souvent élus pour le premier du chef-lieu, pour le second de l'autre partie du territoire ; ils seront capables de représenter et de quadriller ce territoire, d’en défendre les intérêts, lequel territoire sera d'ailleurs mieux défendu par un homme et par une femme, grâce au renouvellement que les électeurs permettront à travers ce processus. Ce sera cela, le changement ! Et vous vous apprêteriez à dire non à cet article et à ces avancées du Gouvernement à la fois sur la représentation des territoires et sur la parité ? Mais, enfin, le Sénat a l'occasion de se montrer profondément moderne, en avance, et de changer nos territoires ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, travaillons à cette avancée. Je l’ai déjà dit, et il est important de le souligner, le Conseil d'État sera saisi et émettra un avis sur chaque projet de redécoupage des départements.
Par ailleurs, il est déjà prévu que chaque conseil général donne également son avis.
M. Didier Guillaume. C’est nouveau !
M. Manuel Valls, ministre. Non, mais ce qui est nouveau c’est que, pour la première fois, un gouvernement va procéder à un redécoupage général, puisque deux tiers des cantons n'ont subi aucune modification depuis 1801.
Je m'engage évidemment à respecter ces avis. Bien sûr, il y aura parfois des avis négatifs pour des raisons politiques, mais grâce à ce travail avec les conseils généraux, grâce à cette consultation des grands élus départementaux, je suis sûr que nous parviendrons à respecter l'intérêt général.
Ne comparons pas ce processus avec celui qui prévaut pour le redécoupage des circonscriptions législatives. Certes, il existe une commission, mais, si l’on s’en tient au dernier redécoupage, honnêtement, on ne peut pas dire que celui-ci ait donné entière satisfaction dans l’ensemble des départements, bien que cette commission ait eu à sa tête une personnalité tout à fait honorable, ancien président du Conseil constitutionnel, mais aussi ancien secrétaire général du RPR…
En tout cas, l’objectif est bien de procéder à un redécoupage général qui soit aussi juste qu’équilibré.
Mesdames, messieurs les sénateurs, avant que vous ne passiez au vote, je veux vous dire qu’il serait regrettable que le Sénat, représentant des collectivités territoriales, ne porte pas lui-même ce texte. Le Gouvernement, pour sa part, tiendra son rôle, ici et à l’Assemblée nationale, jusqu’à l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire. Il fera preuve de sa capacité d'écoute et manifestera sa volonté de trouver une solution.
Je veux également dire aux élus de la majorité qu’il est tout à fait normal qu’il existe des différences entre nous et qu’il est cohérent de défendre la proportionnelle. Mais la majorité doit saisir l'occasion de se retrouver sur ces thèmes de la représentation des territoires et de la parité. Que chacun prenne ses responsabilités pour ne pas laisser passer cette possibilité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Miquel, pour explication de vote.
M. Gérard Miquel. Dans cette assemblée, nous sommes habitués aux postures politiques. Éric Doligé nous a ainsi rapporté les déclarations d’un certain nombre de sénateurs de gauche, présidents de conseil général. À mon tour, je voudrais rappeler ce que disait notre collègue lors du bureau de l'Assemblée des départements de France qui s’est tenu le 10 juillet 2012 : à cette occasion, il s'était déclaré favorable au scrutin binominal, ajoutant que le redécoupage cantonal ne devrait pas favoriser les agglomérations.
Quant à notre collègue Bruno Sido, il déclarait au cours de ce même bureau que le temps était compté pour se positionner, faisant remarquer que le report des élections cantonales n'était pas encore décidé. Il se montrait alors défavorable au scrutin proportionnel et plutôt favorable au scrutin binominal majoritaire.
Mes chers collègues de l'UMP, qu'avez-vous fait ce soir de vos collègues femmes ? Je n'en vois pas ! Serait-ce qu’elles n'ont pas voulu entendre vos propos sur la parité ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Exclamations sur les travées de l'UMP.) Elles n'auraient sans doute pas apprécié certains d’entre eux qu'elles auraient pu parfois qualifier de machistes.
M. André Reichardt. Oh !
M. Gérard Miquel. La démonstration vous a été faite que ce mode de scrutin ne mettait pas à mal la représentation des territoires ruraux.
M. Alain Fouché. Mais si !
M. Gérard Miquel. Bien au contraire, mon cher collègue !
M. Alain Fouché. Dans la Vienne, vous faites disparaître la représentativité des territoires ruraux !
M. Gérard Miquel. Je suis l’élu d’un département rural.
M. Alain Fouché. Moi aussi !
M. Gérard Miquel. Mon département comptera trente-six élus au lieu de quinze !
M. Alain Fouché. Chez moi, le nombre d’élus passera de trente-huit à dix-neuf !
M. Gérard Miquel. Vous ne comptez pas les conseillers régionaux, moi si !
Mme la présidente. Mes chers collègues, veuillez éviter les interpellations.
M. Gérard Miquel. Mes chers collègues, sur un tel sujet, nous devons faire bien attention aux décisions que nous prenons. Le Sénat, en tant que représentant des collectivités territoriales, s'honorerait à poursuivre l’examen de ce projet de loi.
Gérard Bailly nous a déclaré qu’un tunnel de 30 % serait largement préférable. Eh bien, mon cher collègue, ne votez pas ces amendements de suppression si vous voulez vraiment parvenir à cet objectif et permettez ainsi au débat de se poursuivre.
M. Rémy Pointereau. Avec quelles garanties ?
M. Gérard Miquel. Le ministre vous a donné ces garanties. Vous pouvez attacher du prix à sa parole !
M. Rémy Pointereau. L’intérêt des collectivités territoriales, ce n’est pas du marchandage !
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Je n’avais pas l’intention d’intervenir, mais je ne peux accepter sans rien dire vos propos, monsieur le ministre. (Ah ! sur les travées de l'UMP.)
Vous le savez, j'ai combattu pied à pied le conseiller territorial parce que je pensais que c'était une calamité, et je continue à le penser. J'ai pris mes responsabilités, et je continuerai de les prendre parce que j’estime que le mode de scrutin qui nous est proposé n'est pas bon. S’il n’en existait pas d’autre, comme vous le prétendez, je l’aurais accepté, car concilier une représentation des territoires avec la parité est un bon objectif.
Quand vous dites que je dévoie l'intercommunalité en faisant de celle-ci la base des circonscriptions, de qui se moque-t-on ? Dévoie-t-on la commune parce que celle-ci désigne des délégués pour l’élection des sénateurs ? En quoi ma proposition est-elle extraordinaire ? Le découpage auquel vous allez procéder est-il appelé à la même longévité que les intercommunalités ? On peut très bien imaginer de se fonder sur les intercommunalités pour définir les circonscriptions. Vous ne devriez pas insulter l'avenir : je suis persuadé que c'est vers ce mode de scrutin que l'on ira, parce qu’il permet d'articuler les intercommunalités, qui sont désormais un élément fondamental de notre organisation territoriale, avec le département, leur référent normal.
Il est quand même étrange de passer son temps à faire de l'intercommunalité le nec plus ultra, la panacée pour régler tous les problèmes et de ne pas suivre, dans le cas présent, cette logique.
L’occasion nous était offerte de donner un contenu concret à ces circonscriptions, d’en faire des circonscriptions à taille humaine dans lesquelles les gens se seraient reconnus, d’introduire un mode de scrutin proportionnel et donc de régler le problème de la parité. Ce n’est pas la voie qui a été choisie. Pourquoi ? Non pas pour des raisons de fond, mais parce que la décision avait préalablement été prise !
Moi, je ne suis pas là pour négocier un seuil de 20 % ou de 30 %, même si c’est cette seconde solution qui recueille mon adhésion. Vous prendrez vos responsabilités et nous verrons bien la suite !