Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Je voterai les trois amendements de suppression, principalement pour une raison : je ne suis pas convaincu du bien-fondé de ce binôme.
Actuellement, si le conseiller général est un homme, le suppléant est une femme, ou inversement. Le système vaut ce qu’il vaut, mais au moins avons-nous encore des cantons à taille humaine.
Pour ma part, j’ai été élu, en 1998, dans le plus petit canton des Ardennes. Déjà, à l’époque, on soutenait au simple conseiller général que j’étais que ce canton de moins de 2 000 habitants était voué à disparaître. Certes, cela peut faire sourire, mais ce n’est pas parce qu’un canton est petit que les élus n’ont rien à faire. Ils font vivre la ruralité !
Mon canton appartient à un arrondissement rural de 123 communes. Après la réforme, il restera peut-être deux cantons, ce qui fera une soixantaine de communes chacun pour notre binôme homme-femme. Je vous avoue ma perplexité, comme certains de nos collègues l’ont dit avec force, quant à la forme de gouvernance.
Nous défendons le département. Je ne doute pas que les conseils généraux garderont leurs compétences, et je fais confiance au Gouvernement sur ce point. Pour autant, je ne puis que réaffirmer la perplexité que m’inspire le binôme que l’on veut mettre en place, car je ne vois pas comment il pourra fonctionner.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour explication de vote.
M. Jean-René Lecerf. Je suis toujours surpris de constater combien le travail de l’assemblée plénière peut paraître caricatural par rapport à celui effectué en commission.
Monsieur Miquel, j’ai pour vous la plus grande estime, mais il n’y a pas d’un côté les bons et de l’autre les méchants. Votre intervention aurait mérité d’être plus nuancée…
Pardonnez-moi de citer un exemple personnel, mais il se trouve que, en première lecture, j’avais déposé un amendement qui prévoyait la parité pour les fonctions de président et de premier vice-président du conseil départemental : si le président est une femme, le premier vice-président doit être un homme, ou vice-versa. Cet amendement avait reçu un avis défavorable tant de la commission des lois que du Gouvernement. Michel Delebarre ayant depuis avancé dans sa réflexion, la commission l’a accepté en deuxième lecture. Cet exemple montre bien que nous avons une conception qualitative de la parité et pas, contrairement à vous, une vision mathématique.
Cela étant, j’en viens à l’essentiel.
Comme tous mes collègues du groupe UMP, je suis hostile au principe du binôme pour les raisons qui ont été développées notamment par Jean-Jacques Hyest. Si ce dispositif était adopté, j’irai expliquer dans mon département pourquoi j’y étais opposé et que, si j’ai été battu, c’est parce que je suis dans la minorité. Vous auriez fait de même, mesdames, messieurs de la majorité, si le conseiller territorial avait prospéré. Après tout, il s’en est fallu de 1,5 % des voix à l’élection présidentielle pour que le conseiller territorial l’emporte…
Rassurez-vous, je n’ajouterai pas un énième discours à la discussion générale, aux interminables interventions sur l’article 2 et aux explications de vote sur les amendements de suppression. Si je prends la parole, c’est pour expliquer pourquoi, bien que partageant au mot près les arguments de Jean-Jacques Hyest et d’Hervé Maurey, je ne voterai pas les amendements de suppression.
Nous avons tous défendu, notamment dans les rangs de l’opposition, la ruralité et la proximité. Pouvons-nous tenir pour rien l’élargissement de 20 % à 30 % du tunnel, qui permettra de mieux prendre en compte le problème de la ruralité dans chaque canton ?
Je ne souhaite pas, et je crois ne pas être le seul, que le Front national arbitre les seconds tours pour faire élire, au gré de ses caprices, ici des candidats de gauche, là les candidats de droite. Il me semble que le seuil de 12,5 % nous permettra d’éviter cela.
L’élection au suffrage universel direct par le fléchage des conseillers communautaires, des délégués des communes au sein des établissements publics de coopération intercommunale nous semble mériter de la souplesse. Nous avons pu par nos travaux éviter ce cumul de mandat obligatoire pour tous les premiers de liste. À quoi aura servi le travail partenarial et respectueux des opinions de chacun de la commission des lois, à quoi auront servi les innombrables avancées que ce travail a permises, notamment sur les modalités et la transparence du découpage cantonal, par exemple, si l’article 2 venait à être rejeté ? Une telle issue placerait le Sénat dans l’incapacité d’affronter la commission mixte paritaire avec un rapport de force égalitaire.
Mme Nathalie Goulet. Eh oui !
M. Jean-René Lecerf. Je souhaite défendre l’institution sénatoriale. Le Sénat, avec les responsabilités éminentes qui sont les siennes dans la défense des collectivités territoriales de la République, peut-il se laver les mains d’un texte qui est au cœur de notre organisation administrative ? Va-t-il laisser tout pouvoir à l’Assemblée nationale ? Si tel devait être le cas, l’avenir du bicamérisme ne me paraîtrait guère radieux.
Mes chers collègues, il n’y a pas de plan B. Si l’article 2 venait à être rejeté, nous ferions aussi bien d’interrompre nos travaux et de laisser l’Assemblée nationale décider, en allant peut-être gentiment écouter les discussions qui s’instaureront entre les députés lors de la seconde lecture.
M. Alain Fauconnier. Tout à fait !
M. Jean-René Lecerf. Ce n’est pas mon souhait. C’est la raison pour laquelle, bien qu’étant en harmonie, au mot près, je le répète, avec les arguments de Jean-Jacques Hyest, je ne voterai pas ces amendements de suppression. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et du groupe écologiste. – Mmes Nathalie Goulet et Jacqueline Gourault applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Je suis restée jusqu’à présent relativement silencieuse, ne trouvant que peu d’intérêt à ces polémiques sur qui a dit quoi, où, comment. J’ai surtout le sentiment qu’une certaine amnésie frappe certaines travées de cet hémicycle. Tout cela ne donne pas d’éclat aux débats démocratiques et, en général, sereins qui ont lieu ici, au Sénat.
Mon groupe ne votera pas les amendements de suppression pour une raison qui ne surprendra personne : nous ne voulons pas faire le deuil d’une discussion sur l’ensemble de l’article 2. Grâce à cette discussion, nous espérons obtenir des réponses aux questions que nous poserons au travers de deux amendements.
L’une porte sur la parité, et personne ne peut faire grief au groupe communiste de ne pas être attaché à ce principe. On peut certes en débattre, mais, pour les élus que nous sommes, la parité doit être considérée comme une valeur fondamentale qui ne souffre aucune remise en cause.
Une autre valeur fondamentale pour nous, c’est la proportionnelle intégrale. Pour autant, nous ne sommes pas enfermés dans un dogme. Nous pouvons concevoir que notre pays n’est pas encore mûr pour ce mode de scrutin. C’est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement de repli visant à instaurer un scrutin mixte, avec une dose de proportionnelle à 30 %.
C’est donc en toute responsabilité – je pèse mes mots –, parce que nous portons les valeurs que je viens d’évoquer, que nous ne voterons pas les amendements de suppression et que nous nous déterminerons sur l’article 2. Je me refuse en effet à faire le deuil d’une évolution du Gouvernement sur certaines questions latentes, qui ne préoccupent pas seulement les élus communistes. Les choses ne sont pas aussi simples au sein de la gauche. De nombreux élus s’interrogent sur le nouveau mode de scrutin. Peut-être est-il temps que le Gouvernement écoute non seulement les élus communistes, mais plus largement celles et ceux qui aujourd’hui composent sa majorité.
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. Sans dramatiser la situation, je tiens à souligner que l’heure est sinon grave, du moins importante.
En qualité de président de la commission des lois, vous le savez, monsieur Sueur, il y a eu d’autres propositions que le scrutin binominal. C’est pourquoi je considère que vous avez exagéré et que vous n’auriez pas dû tenir les propos que nous avons entendus de votre part.
Cela étant, des choses fausses ont été dites. Je tiens donc à rétablir la vérité.
Si le redécoupage des cantons est nécessaire, c’est grâce au conseiller territorial. Je vais expliquer pourquoi, parce que ce n’est pas tout de l’affirmer encore faut-il que chacun comprenne afin que l’on ne soit plus contraint d’y revenir.
Dans la mesure où le Gouvernement s’est cru obligé de supprimer le conseiller territorial, il fallait bien élaborer une nouvelle loi et donc procéder à un nouveau découpage des cantons puisque le Conseil constitutionnel exige l’égalité devant le suffrage.
Cette obligation de redécouper les cantons, nous en assumons, nous, UMP, la responsabilité. Nous aurions d’ailleurs dû le faire nous aussi. En effet, il ne suffit pas d’abroger une loi pour que les principes antérieurs s’appliquent de nouveau. Il faut donc adopter un autre texte. Je ne suis pas juriste, mais je sais que c’est un principe de droit.
Pour des raisons que j’ignore, dans la plupart des départements, aucun redécoupage n’a été effectué. On aboutit à des résultats allant de 1 à 47, ce qui est totalement inadmissible !
Sachez que, en Haute-Marne, des redécoupages ont été réalisés voilà maintenant une vingtaine d’années. Cela a également été le cas dans d’autres départements, mais pas dans tous. Comment expliquer cette inertie que l’on a observée sous la IIIe, la IVe, la Ve République ? Disons-le, tout le monde est coupable, et personne ne devrait être fier ici !
Reste que le Gouvernement invente un principe qui n’existait pas jusqu’à aujourd’hui, à savoir que les cantons dépassent désormais les limites de la circonscription législative. D’aucuns ont prétendu le contraire. Non ! Une circonscription législative, c’était une somme de cantons.
J’en viens à la parité, notion fondamentale qui constitue incontestablement une belle idée.
Imaginez que le général de Gaulle nous propose aujourd’hui d’accorder le droit de vote aux femmes. Quelle position adopteriez-vous ? Il y a donc des tournants dans l’histoire que nous sommes, bon gré mal gré, obligés de prendre. En disant cela, je ne prétends pas que le scrutin binominal est la meilleure solution, mais il pourrait être appliqué provisoirement, comme je l’ai dit en première lecture.
Refuser aujourd’hui le redécoupage des cantons pour conserver ceux de 1801 et s’opposer à la parité, c’est complètement ringard. (Oui ! sur les travées du groupe socialiste.) Cela ne va pas le sens de l’histoire !
Le scrutin binominal est-il un « mal nécessaire » ? En soi, ce n’est pas un mal, mais c’est un passage obligé pour aller vers la parité. Pour atténuer ce « mal », je présenterai un amendement visant à créer des sections dans ces nouveaux cantons. J’espère que cette proposition sera adoptée ainsi que celle de M. Hyest, qui tend à prévoir l’utilisation concrète de ces sections.
En résumé, si nous adoptions ces trois amendements de suppression, le Sénat irait à contre-courant de l’histoire. Ne réécrivons pas la même page qu’en première lecture : de longues discussions, quelques avancées obtenues, mais au final aucun texte adopté. Nous avons donc siégé huit jours pour rien, ou presque ! Voilà pourquoi, à titre personnel, je ne prendrai pas part au vote. Je souhaite que nous engrangions les avancées obtenues et que ces mesures soient examinées à l’Assemblée nationale.
Si les propos se sont enflammés à l’instant, monsieur le ministre, vous n’y êtes pas pour rien. Vous avez quelque peu électrisé notre assemblée.
M. Didier Guillaume. Il vit le débat !
M. Bruno Sido. Vous avez le défaut de vos qualités… (Sourires.)
Cela étant dit, vous avez formulé de vraies propositions, et je crois que vous êtes de bonne foi. Je crois également que, si ces dispositions sont adoptées au Sénat, elles survivront à l’Assemblée nationale. Mais peut-être pourriez-vous réitérer vos engagements avant que nous ne passions aux votes… (MM. Jean-René Lecerf et François Pillet applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Comme je l’ai dit en première lecture – je n’ai malheureusement pas changé d’avis –, avec ce texte, nous avions une merveilleuse occasion de rapprocher les électeurs de leurs représentants désormais nommés « conseillers départementaux », occasion que nous sommes en train de rater, en dépit des avancées proposées par M. le ministre.
Introduire plus de parité dans les élections des conseillers généraux est tout à fait louable, mais la voie choisie n’est pas la bonne. Le nouveau mode de scrutin que vous proposez impliquera indéniablement une sous-représentation des territoires, alors même qu’il faudrait tenir compte de leurs spécificités, notamment celles des territoires ruraux, que ce soit en matière de politiques de transport, de petite enfance ou encore de réseaux internet. Il faut absolument faire en sorte que nos concitoyens sachent à quoi ils participent. Malheureusement, avec ce binôme, ils ne le sauront pas.
Quant au portage des projets, il faudra soit procéder à un découpage géographique entre les deux coconseillers, ce qui, semble-t-il, n’est pas possible, soit trouver un point d’accord, au risque, dans un cas comme dans l’autre, de fragiliser lesdits projets.
Je vois bien que vous avez recherché avec la parité les moyens de masquer des choses moins avouables. Osons le dire, en prévoyant deux élus pour un même territoire, vous faites preuve d’une imagination débordante pour procéder à un redécoupage à votre guise, dont vous espérez qu’il vous assurera la victoire dans des départements lors des échéances futures. Avec cette réforme, qui risque fort de sacrifier les territoires ruraux, vous allez, ni plus ni moins, porter atteinte à l’équilibre de notre République ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Marc Todeschini. Rien que ça !
M. André Reichardt. Surtout, vous allez provoquer un vice de fonctionnement dans la mesure où, avec deux représentants sur le même territoire, vous fragiliserez le portage des projets.
Selon moi, votre texte comporte trois risques.
Le premier, c’est l’éloignement, voire l’effacement des territoires ruraux. Je le répète, derrière cela, se profile l’éloignement des électeurs de leurs conseillers départementaux.
Le deuxième risque, à n’en pas douter, c’est la fragilisation du portage des projets avec deux porteurs par territoire, alors que, jusqu’à présent, il n’y en avait qu’un.
Le troisième risque, c’est celui des triangulaires, voire des quadrangulaires. Les départements vont devenir ingouvernables.
Le système « baroque » que vous nous proposez, ce mode de scrutin hybride et inédit, va encore se complexifier avec les suppléants, le remplaçant devant être du même sexe que le candidat. Je crains que l’existence de ce couple à deux, qui va en réalité devenir un ménage à quatre sur le bulletin de vote, ne favorise pas la lisibilité et ne permette pas à nos concitoyens de se retrouver, comme ils le faisaient par le passé, autour de leur conseiller général. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Enfin, et ce point n’a pas été évoqué, si ce binôme permet certes d’atteindre la parité, cela se fera au détriment du pluralisme, voire de la démocratie. En effet, que vous le vouliez ou non, ce mode de scrutin favorisera le bipartisme : là où coexistaient deux élus de sensibilité différente, on trouvera désormais deux élus de la même sensibilité.
Mes chers collègues, il faut ce soir faire preuve de raison et remplir pleinement notre fonction de défenseur des collectivités territoriales en abandonnant ce mode de scrutin binominal. Je voterai donc pour ces trois amendements de suppression.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.
M. Dominique de Legge. Je ne vais pas reprendre les arguments de fond qui ont déjà été développés. Je veux simplement dire que nous souhaitons tous trouver un accord. (Ah ! sur les travées socialistes.)
M. Gérard Miquel. Allons-y !
M. Dominique de Legge. Il semble que vous le souhaitiez également, monsieur le ministre. Mais croyez-vous vraiment vous être donné les moyens d’y parvenir ?
M. Jean-Marc Todeschini. La réponse est oui !
M. Dominique de Legge. En vous entendant, j’ai vraiment eu le sentiment que vous demandiez au Sénat de voter d’abord l’article 2 et que vous condescendriez ensuite à écouter nos propositions sur des sujets déjà décidés à l’avance. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Dominique de Legge. J’aurais été beaucoup plus convaincu si vous aviez sollicité la réserve de l’article 2 et si nous avions discuté de sujets choisis ensemble. Telle n’a pas été votre démarche.
Je suis assez inquiet quant au sort de ce texte, car je n’ai pas perçu votre volonté de faire entendre la voix du Sénat à l’Assemblée nationale. C’est la raison pour laquelle je voterai les amendements de suppression de l’article 2.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote.
M. Philippe Adnot. Mes chers collègues, si vous supprimez l’article 2, vous ne pourrez plus examiner les amendements visant à proposer d’autres systèmes et vous laisserez le soin à l’Assemblée nationale de décider. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)
Vous ne faites pas confiance à M. le ministre ? Vous avez peut-être raison, mais le pire qui puisse vous arriver, ce serait que l’article 2 soit supprimé. Si vous refusez le dispositif proposé par cet article, mieux vaut vous abstenir lors de la mise aux voix des amendements de suppression. Vous permettrez ainsi à certains de nos collègues de proposer des systèmes différents ou des aménagements et vous donnerez au moins la possibilité au Sénat de pouvoir défendre une position face à l’Assemblée nationale. À cet égard, l’attitude de Bruno Sido, dont on connaît l’engagement à l’UMP, est remarquablement courageuse.
Vous n’avez peut-être pas mesuré la signification des plus ou moins 30 %. Dans mon département, les cantons comptent 9 000 habitants en moyenne. En divisant le nombre de cantons par deux, la moyenne passera à 18 000. Par conséquent, l’adoption des plus ou moins 30 % permettrait de passer à 23 400 habitants, soit une augmentation non négligeable.
Je peux vous assurer que la défense du milieu rural est dans ce dispositif et non dans la politique qui consiste à enfouir la tête dans le sable ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – MM. Gérard Bailly et Gérard Roche applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Je voudrais avant tout présenter mes excuses à M. Sido si j’ai pu le blesser par quelque parole.
En tant que président de la commission des lois, je veux dire que la force du Sénat, au sein duquel nous sommes un certain nombre à siéger depuis quelque temps, tient au fait que le débat progresse peu à peu et que, parfois, des convergences de vues apparaissent.
Nous avons eu en commission des débats extrêmement positifs, nonobstant les désaccords qui existent entre nous et que, par correction, je ne souhaite à aucun moment gommer.
Nous nous sommes réunis à deux reprises pour la deuxième lecture : la première fois, le 27 février, nous avons adopté soixante amendements, émanant à la fois de la majorité et de l’opposition ; la seconde fois, ce matin, nous avons adopté cinquante-sept amendements, provenant également de l’opposition et de la majorité. Au total, cent dix-sept amendements ont été retenus par la commission des lois.
Je m’adresse maintenant à tous nos collègues présents, quelle que soit leur appartenance politique : chacun gardera évidemment, est-il besoin de le dire, sa liberté au moment du vote final sur le texte. Reste que, dans la phase de la navette et de la commission mixte paritaire, nous avons intérêt, me semble-t-il, à ce que le travail du Sénat pèse dans le débat et contribue à façonner le texte.
Les votes qui vont intervenir, dans un instant et un peu plus tard, détermineront le sort de ces cent dix-sept amendements et, par conséquent, le rôle du Sénat, qui représente les collectivités locales de la République, dans l’élaboration d’un texte qui ne porte que sur ces dernières.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Manuel Valls, ministre. Monsieur de Legge, ne mettez pas en cause ma bonne foi. Je l’ai déjà expliqué à l’occasion des débats en première lecture, je l’ai répété ici même à plusieurs reprises aujourd’hui : au-delà des désaccords, qui honorent les débats, au-delà de ma volonté d’électriser la discussion – pour mieux vous convaincre –, le Sénat sera d’autant plus fort et convaincant vis-à-vis de l’Assemblée nationale qu’un vote sera intervenu sur les questions qui nous occupent à l‘instant. Telle est la logique du système bicaméral ! Au reste, je serai moi-même d’autant mieux armé pour tenir mes engagements, monsieur Sido.
Il n'y a donc aucun chantage de ma part ! Je n’ai jamais dit que je reviendrai sur les engagements qui ont été les miens si le Sénat ne votait pas ces dispositions. Je ne l’ai dit ni en première ni en deuxième lecture. J’ai simplement évoqué l’issue de la commission mixte paritaire concernant les choix qui ont été ceux de la commission des lois ou les conclusions des discussions que nous avons eues sur les critères présidant au découpage – je pense notamment à l’élargissement du tunnel à 30 %. C’est une évidence dans le cadre de la procédure parlementaire qui est la nôtre.
Le Gouvernement s’engage devant vous à porter devant l’Assemblée nationale trois mesures. Bien entendu, il y en aura peut-être d’autres, car, en disant cela, je ne préjuge pas des amendements qui pourraient être adoptés – j’ai entendu Mme Assassi nous annoncer que son groupe présenterait un certain nombre d’amendements – ou du vote final. Je suis respectueux des discussions que nous aurons et des choix que vous ferez.
En attendant, je le répète, le Gouvernement s’engage à défendre trois mesures devant l’Assemblée nationale : le passage du tunnel de 20 % à 30 % ; le seuil de 12,5 % des inscrits pour se maintenir au second tour ; le seuil de 1 000 habitants pour le passage à la proportionnelle. Voilà les choix que vous avez faits, sachant que nous étions tous bien conscients que le débat pouvait évoluer, au regard notamment des propositions formulées par l’Assemblée des départements de France.
Ces trois choix que vous avez opérés sont aussi trois engagements que je prends devant vous ce soir. Pour aller jusqu’au bout, nous devons, en vertu de la procédure parlementaire, non seulement discuter de l’article 2, mais aussi adopter le binôme, auquel ces trois engagements sont liés. Dans le cas contraire, la discussion avec l’Assemblée nationale serait plus difficile.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 21 rectifié, 147 et 205 rectifié.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l'avis de la commission est favorable, tandis que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 107 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 328 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 165 |
Pour l’adoption | 161 |
Contre | 167 |
Le Sénat n'a pas adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
Mme la présidente. L'amendement n° 275, présenté par M. Sido, est ainsi libellé :
I. - Après l'alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 191. - Il est créé dans chaque canton deux sections.
II. - En conséquence, alinéa 2
Supprimer la référence :
Art. L. 191. -
La parole est à M. Bruno Sido.
M. Bruno Sido. Comme je l’ai déjà indiqué, cet amendement vise à créer des sections qui permettront à chaque membre du binôme de disposer de sa propre assise territoriale et donc de pouvoir évoluer dans un milieu déjà connu. L’adoption de cette disposition permettra principalement de donner un fondement à l’amendement que M. Hyest a déposé.
Cela étant, j’espère que ces sections seront créées, parce qu’il me semble important d’apaiser le débat. J’ai parlé tout à l'heure de « mal nécessaire » ; le présent amendement s’inscrit dans cette logique. En créant deux sections dans chaque canton, on amortira le choc culturel que provoqueront ces grands cantons et on reviendra à une situation plus normale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Delebarre, rapporteur. Si le souci qui anime M. Sido est bien compréhensible, il n’a pas été partagé par la commission des lois. Nous avons pensé qu’il était sans doute préférable de laisser une marge de manœuvre aux membres du binôme dans la mise en œuvre de leurs responsabilités plutôt que de systématiquement créer deux sections distinctes.
Dans ces conditions, la commission ne peut émettre un avis favorable sur cet amendement, en dépit des intentions louables de son auteur.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre. Je serai bref, ayant déjà discuté de ce point avec M. Sido.
Si je comprends évidemment l’objet de l’amendement, je rappelle que le projet de loi prévoit la solidarité devant le suffrage au sein d’un même binôme. Or, monsieur Sido, en tendant à créer deux territoires distincts pour chacun des membres du binôme, votre amendement remet en question cette solidarité. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. Bruno Sido. Je m’y attendais !
Mme la présidente. Je suis saisie de dix-neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 178 rectifié, présenté par M. Maurey, Mmes Morin-Desailly et Férat et MM. de Montesquiou, Guerriau, J.L. Dupont, Tandonnet, Marseille, Capo-Canellas et Merceron, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 191. – Les électeurs de chaque canton élisent un conseiller départemental au scrutin uninominal majoritaire à deux tours. »
La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Cet amendement tend à maintenir le scrutin uninominal majoritaire à deux tours pour l’élection des conseillers départementaux. Pour compléter ce dispositif, un autre amendement visait à prévoir des sanctions financières en cas de non-respect de la parité, mais il n’a pas été adopté.
J’ai été étonné d’entendre le président Sueur expliquer que le système des pénalités ne favorisait pas la parité. J’imagine donc que lui-même, le Gouvernement ou la majorité proposeront bientôt de supprimer ce dispositif pour les élections législatives…
En attendant, il vous est donc proposé de maintenir le scrutin uninominal à deux tours, qui existe depuis la création des départements et qui favorise une véritable proximité entre élus et citoyens.