M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Monsieur le ministre, je me félicite de l’action que vous menez. Comme vous l’avez souligné, il est important que les postes qui seront créés cette année permettent, sinon de favoriser les zones rurales, du moins d’examiner plus particulièrement les problèmes auxquels elles sont confrontées.
En effet, il existe des difficultés, liées notamment à un travail moindre dans la famille ou à la fatigue supplémentaire causée par les déplacements, que ne rencontrent pas les enfants vivant en milieu urbain.
Je vous remercie de considérer particulièrement les problèmes qui existent en Dordogne. Je vous demande d’imposer, si cela est possible, des obligations de concertation aux inspecteurs d’académie et aux recteurs. En effet, je le remarque, notamment dans mon département, c’est par la concertation, qui fait quelque peu défaut actuellement, que nous permettrons aux parents d’élèves et aux enseignants, tout à fait demandeurs en la matière, de se rendre compte de la situation et des efforts qui seront réalisés.
réforme des rythmes scolaires et conséquences financières pour les communes
M. le président. La parole est à M. Jean-François Humbert, auteur de la question n° 329, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale.
M. Jean-François Humbert. Monsieur le ministre, j’attire votre attention sur les modalités concrètes de la réforme des rythmes scolaires applicable en 2013 ou en 2014. Je souhaite relayer les craintes exprimées par la grande majorité des maires du département du Doubs dans leurs réponses à un questionnaire relatif à la réforme des collectivités territoriales que je leur ai récemment adressé.
À la lecture de ces réponses, il apparaît clairement que les maires sont très inquiets quant aux conséquences de cette réforme sur la gestion de leur budget. Il en ressort que la majorité des communes rurales pensent ne pas être en mesure de mettre à disposition les activités péri-éducatives, culturelles, artistiques et sportives de qualité que la réforme promet, ni d’assumer cette nouvelle dépense.
En effet, le milieu rural se trouve doublement pénalisé, dans la mesure où il ne dispose pas toujours de structures sportives et culturelles pour accueillir les écoliers après le temps scolaire. C’est pourquoi, dans le département du Doubs, qui compte 594 communes, moins de 10 communes devraient a priori s’engager dans la réforme dès 2013. Hier, la ville de Besançon a ainsi annoncé qu’elle reportait à 2014 son application.
En somme, la mise en œuvre de cette réforme s’annonce bien difficile, et la majorité des maires souhaitent une compensation financière pérenne de l’État, et non une aide ponctuelle, pour assumer cette nouvelle charge.
Je vous rappelle que, juridiquement, la prise en charge des activités périscolaires ne relève pas des obligations des communes, alors que celles-ci assurent généralement un service de qualité aux enfants de leur territoire. Par conséquent, monsieur le ministre, êtes-vous en mesure de rassurer les communes rurales en leur garantissant une prise en charge financière durable ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale. Monsieur le sénateur, vous avez raison de le souligner, la modification des rythmes scolaires est une réforme difficile. J’imagine d'ailleurs que notre pays, s’il veut trouver la voie du redressement, devra réaliser bien des réformes difficiles. Il faudra faire preuve de volonté et fournir un certain nombre d’efforts.
Je viens de rappeler à Bernard Cazeau que le Gouvernement avait affirmé, dès la présentation de son premier collectif budgétaire, que l’école constituait l’une de ses priorités. Cette politique concerne non pas uniquement une partie de la France, mais bien tous les élèves, car il y va de l’intérêt du pays. Gouverner, c’est choisir, et nous avons fait ce choix.
Chacun le sait, la situation de nos élèves se détériore de manière terrible depuis quelques années. Cette dégradation a des causes, auxquelles il faut remédier. Tout le monde s’accorde à considérer nos rythmes scolaires comme l’une de ces causes. Des rapports parlementaires ont montré qu’il existait un consensus politique sur ce sujet. Mon prédécesseur avait d'ailleurs organisé une très longue consultation, qui avait débouché sur des recommandations : revenir à la semaine de quatre jours et demi et limiter les journées d’étude à cinq heures.
Or il arrive un moment où la France doit être capable de réaliser les réformes de structure dont elle a besoin. C’est ce que fait le Gouvernement, même si je conçois que cette mesure soit difficile à mettre en œuvre.
L’éducation nationale reprend trois heures le mercredi matin ; c’est l’essentiel. J’y insiste, nous n’avons pas transféré une seule heure aux collectivités territoriales : nous reprenons trois heures. Certaines communes accueillaient déjà les enfants le mercredi matin, d’autres ne le faisaient pas.
En revanche, pour la première fois dans l’histoire de notre République, nous avons créé un fonds, doté de 250 millions d'euros, pour aider les collectivités territoriales à assumer leurs activités périscolaires. Vous aurez noté que nous n’avons pas consenti le même geste en faveur des professeurs, qui devront pourtant travailler le mercredi matin et qui n’en sont pas toujours ravis.
Le Président de la République a souhaité que ce fonds permette de faire un geste particulier en direction des communes rurales. La première année, ces dernières bénéficieront donc de 90 euros par élève, soit 40 euros de plus que les autres communes, et nous envisageons d’allouer 45 euros par élève en 2014.
Monsieur le sénateur, vous me dites que la plupart des communes de votre département ne souhaitent pas bénéficier de ces aides. Nous le comprenons, car il leur faut peut-être du temps pour trouver les activités les mieux adaptées aux élèves. Nous partageons cette préoccupation, mais si nous voulons réussir cette réforme, dont personne ne conteste la nécessité pour les élèves – récemment encore, l’Académie de médecine a encouragé les élus que vous êtes à aller dans cette direction –, nous devons nous mettre en mouvement.
L’État, plus particulièrement le ministère de l’éducation nationale, assume ses responsabilités. Dès notre premier collectif budgétaire, nous avons créé des postes, dont certains dans votre département, monsieur le sénateur, et nous allons maintenant reprendre trois heures le mercredi matin, tout en aidant les collectivités locales, si elles le souhaitent, à définir progressivement leurs projets éducatifs de territoire. Pour celles qui ne peuvent pas appliquer la réforme en 2013, nous verrons en 2014. Puis, lorsque la réforme aura été mise en œuvre, nous déciderons si nous pérennisons les soutiens financiers. En tout cas, pour le moment, les aides existantes ne sont même pas toutes utilisées par les collectivités locales.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Humbert.
M. Jean-François Humbert. Monsieur le ministre, je n’ai pas remis en cause la réforme que vous défendez et je n’ai pas l’intention de le faire. Étant issu d’une famille d’enseignants, je considérais depuis très longtemps qu’il fallait en arriver là.
En revanche, je n’ai pas eu de réponse à la question que je vous ai posée : la modeste aide financière de l’État sera-t-elle pérenne ? Si elle n’est prévue que pour l’année scolaire 2013-2014, les communes se trouveront inévitablement ensuite devant le problème que j’ai évoqué. Je dis oui à la réforme, mais pas dans ces conditions, monsieur le ministre !
langues de france
M. le président. La parole est à M. Alain Fauconnier, auteur de la question n° 332, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale.
M. Alain Fauconnier. Monsieur le ministre, nous le savons tous, la France est multilingue, et ce malgré les nombreuses tentatives, dans un passé plus ou moins ancien, d’éradiquer les langues régionales, longtemps appelées « patois ». Cette attitude a assis notre réputation de pays « glottophage », pour reprendre l’amusante expression d’un écrivain contemporain.
Aujourd’hui encore, ces langues concernent 13 des 26 régions françaises, soit la moitié de notre territoire national. Que ce soit dans l’Hexagone ou dans les départements d’outre-mer, le français coexiste avec l’occitan, le breton, le provençal ou le créole. Elles sont encore parlées quotidiennement par de nombreux citoyens et sont inscrites dans la toponymie du territoire national comme dans l’histoire et la culture de notre nation. Depuis 2008, elles sont reconnues officiellement par la Constitution comme appartenant au patrimoine de la France.
Ces langues constituent bien souvent des vecteurs de solidarités transrégionales et transnationales. Jean Jaurès, voilà exactement un siècle, l’avait perçu, puisqu’il recommandait aux enseignants de les prendre en compte, à une époque où Frédéric Mistral, prix Nobel de littérature en 1904, était déjà considéré comme l’un de nos grands auteurs.
C’est bien l’intérêt éducatif de l’enseignement des langues de France qui doit être reconnu et valorisé par la loi. Ainsi, comme le soulignent nombre d’experts, le bilinguisme précoce paritaire français-langue régionale apporte des résultats tout à fait satisfaisants dans trois domaines principaux : la maîtrise de la langue nationale ; celle des disciplines scolaires comme les mathématiques ou les sciences ; celle, enfin, des langues étrangères. L’enseignement des langues régionales facilite donc un véritable plurilinguisme.
Par ailleurs, une meilleure reconnaissance de notre multilinguisme historique dans les écoles de France est aussi un bon argument pour conforter la légitimité de la politique de promotion du français dans le monde. Ce « gisement linguistique national » doit donc être de nouveau valorisé et utilisé.
Or, depuis la rentrée scolaire 2002, ces disciplines ont perdu une grande partie de leurs possibilités et moyens d’enseignement. Leur valorisation aux examens a été réduite. Pour 2013, malgré une augmentation de 35 % des recrutements dans l’éducation nationale, l’ensemble des CAPES de langues régionales, lesquels représentent 0,1 % des effectifs de ces enseignants, n’a pas évolué.
Rappelons que, pour l’heure, le projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République n’évoque ni plurilinguisme ni langues régionales, si ce n’est en annexe, ce qui est éminemment regrettable.
Monsieur le ministre, je vous remercie de nous faire part des mesures que vous comptez prendre ou proposer pour encadrer la reconnaissance des langues de France et le développement de leur enseignement, notamment dans le projet de loi d’orientation.
Comment comptez-vous traduire concrètement cette légitime reconnaissance, en nombre de postes au CAPES et en moyens horaires, afin de rattraper le retard accumulé depuis bientôt dix ans et mettre en œuvre le changement attendu et annoncé ? Le devoir de mémoire est souvent invoqué, dans toutes sortes de domaines. Convenez qu’il s’applique parfaitement à ce sujet !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale. Monsieur le sénateur, je voudrais tout de même souligner la persistance de l’effort de l’État sur ce dossier.
Vous l’avez fort bien rappelé, c’est au plus haut niveau de l’ordre juridique interne que les langues régionales ont été consacrées. L’article 75-1 de la Constitution dispose, sans que personne ne songe à l’interroger, qu’elles appartiennent au patrimoine français.
À cet égard, une attention toute particulière est portée, de manière continue depuis un certain temps, à leur apprentissage. Ainsi, la loi du 10 juillet 1989 d’orientation sur l’école, dite « loi Jospin », et la loi du 23 avril 2005 d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école, dite « loi Fillon », ont affirmé la possibilité pour les élèves qui le souhaitent de suivre un enseignement dans une des langues régionales, dans les régions où celles-ci sont en usage. Dans ces territoires, la promotion et le développement des langues et cultures régionales sont encadrés par des conventions liant l’État et les collectivités territoriales, comme vous le savez.
J’ai déjà eu l’occasion de dire, lors d’une séance de questions à l’Assemblée nationale, que je souhaitais voir ce mode de collaboration avec les associations concernées, qui n’existe pas dans toutes les régions, mais qui a été couronné de succès, maintenant généralisé. En tout cas, l’État y est prêt.
Permettez-moi de donner quelques chiffres : cet engagement bénéficie à 272 000 élèves, répartis dans 13 académies et pratiquant onze langues régionales. Il faut savoir que, en deux ans, de 2009 à 2011, une augmentation de 24 % du nombre d’élèves concernés a été constatée.
Les moyens attribués, notamment les effectifs de professeurs, n’ont peut-être pas toujours suivi. Je me suis engagé à corriger cela, notamment en augmentant le nombre de postes offerts aux concours d’enseignants pour répondre à une demande réitérée.
Le débat parlementaire a déjà permis, à l’Assemblée nationale, d’enrichir notre texte du point de vue de la reconnaissance des langues régionales, en particulier s’agissant de la possibilité de les pratiquer dès le plus jeune âge. À ce sujet, monsieur le sénateur, vous avez eu raison de rappeler que les études dont nous disposons montrent que, même pour l’apprentissage du français, qui demeure constitutionnellement la seule langue de la République, le fait de pratiquer une langue régionale est bénéfique pour les élèves.
À l’occasion des débats qui se tiendront bientôt au Sénat, nous verrons si nous pouvons encore avancer, raisonnablement – en effet, bien des propositions qui m’ont été adressées étaient anticonstitutionnelles –, dans la voie de cette reconnaissance des langues régionales, que nous souhaitons accompagner.
M. le président. La parole est à M. Alain Fauconnier.
M. Alain Fauconnier. Monsieur le ministre, je vous remercie de vos engagements. Sachez que nous serons quelques-uns au Sénat à tenter d’enrichir le texte sur la refondation de l’école.
Je voudrais simplement vous dire que, en 1988, avec Lionel Jospin, la ville de Saint-Affrique, dont je suis le maire, s’est engagée avec Albi dans le plurilinguisme, de la maternelle jusqu’au lycée. Nous disposons donc aujourd’hui d’un recul de vingt-cinq années et je reste très attaché à cette pratique, car je peux mesurer au quotidien, auprès des familles et des enfants, combien cette expérience a été un succès. Les jeunes concernés ont bien réussi, les familles se sont investies et une véritable dynamique s’est créée autour des écoles bilingues.
Cependant, je trouve que les choses se sont dégradées depuis une dizaine d’années, même si nous avons pu maintenir la qualité de l’enseignement grâce aux associations, au militantisme des maîtres et à l’engagement des parents. Aujourd’hui, tous sont en droit d’espérer que le changement sur lequel vous vous êtes quelque peu engagé aujourd’hui se concrétise rapidement, car ils sont épuisés par les coupes claires ayant affecté les moyens depuis des années.
Pour finir sur le problème des rythmes scolaires, qui a été évoqué précédemment, sachez que la ville de Saint-Affrique s’engagera à appliquer la réforme avec enthousiasme, en associant les parents, les enseignants et les associations. Enfin, monsieur le ministre, je vous remercie de tout ce que vous faites pour l’école.
impact de la modification des rythmes scolaires sur les communes
M. le président. La parole est à M. Robert Tropeano, auteur de la question n° 336, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale.
M. Robert Tropeano. Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur les conséquences de la mise en place des nouveaux rythmes scolaires dans les communes, notamment en milieu rural.
Sans vouloir remettre en cause la nécessité de cette réforme, qui est très largement fondée, les élus s’inquiètent de son impact sur le budget de leur commune.
L’organisation d’activités périscolaires nécessite, tout d’abord, de répondre à plusieurs questions : quelles activités extrascolaires faut-il prévoir et avec quels intervenants ? Quelle organisation des transports scolaires, de la cantine et, enfin, quel coût cette modification entraînera-t-elle ?
Trouver des intervenants qui viendraient travailler une heure par jour sur quatre jours par semaine sera probablement plus difficile en milieu rural qu’en zone urbaine, où les temps et les coûts de déplacement ne sont pas les mêmes.
Si une telle démarche n’était pas engagée, le plus grand risque serait de voir se développer des garderies, qui ne répondraient en rien à l’ambition voulue par le Gouvernement pour son système éducatif.
C’est pourquoi, j’y insiste, il est indispensable d’apprécier et de prendre en compte la diversité des réalités territoriales et géographiques et d’adapter le soutien de l’État en fonction de celles-ci.
Le second point de ma question concerne le transfert de compétences vers les collectivités locales. Malgré la mise en place du fonds d’amorçage de 250 millions d’euros, uniquement pour la rentrée 2013, les élus restent cependant très réservés quant à une application de ces nouveaux rythmes scolaires dès cette échéance.
Une base forfaitaire de 50 euros par élève, augmentée de 40 euros pour les communes éligibles à la dotation de solidarité rurale cible ou à la dotation de solidarité urbaine cible, sera accordée aux collectivités mettant en place la réforme dès la rentrée 2013. Pour l’application à la rentrée 2014, seules les communes éligibles à ces dotations percevront 45 euros par élève. Autant dire que très peu de communes seront concernées.
Par ailleurs, le Gouvernement ayant déjà annoncé la diminution des dotations aux collectivités à l’horizon 2014-2015, il est légitime que les élus se préoccupent de l’équilibre des finances de leur commune.
C’est la raison pour laquelle je souhaite que, au regard des premiers retours d’information de la part des élus et des services académiques dont vous disposez, vous puissiez nous informer des adaptations pérennes que vous envisagez de mettre en place pour aider et soutenir les élus locaux, afin que ce projet ambitieux, que je soutiens pleinement, soit une véritable réussite.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale. Monsieur le sénateur, la France s’est passionnée, ces dernières semaines, pour la question des rythmes scolaires et éducatifs. Je vois d’ailleurs comme un premier acquis de l’action du Gouvernement le fait que, partout dans le pays, on ait parlé des élèves et des enfants.
Il s’est noué des dialogues qui n’existaient pas entre les associations périscolaires, les collectivités locales, les parents, les professeurs, pour essayer de répondre à une question dont personne, dans la majorité comme dans l’opposition, ne nie l’intérêt essentiel pour les élèves.
Vous me dites qu’il y a des difficultés d’application. Je m’en suis rendu compte, même si je n’en doutais pas. Une telle perspective a d’ailleurs justifié, dans le passé, que tous ceux qui étaient convaincus de la nécessité de faire cette réforme ne l’aient pas faite. Il y a bien d’autres sujets comme cela en France, mais il arrive un moment où il faut agir !
J’installerai la semaine prochaine un comité de suivi, car, en réalité, ce que je constate sur le terrain, aujourd’hui, est très disparate. Par exemple, il faut savoir que le président de l’Association des maires ruraux de France appliquera la réforme dès cette année dans sa commune, à l’instar de ce qui se passera dans l’ensemble des communes du Tarn-et-Garonne, un département rural s’il en est, où j’étais récemment. J’ai pu faire le même constat dans le département de l’Aude.
Par ailleurs, vous aurez remarqué que, hormis Paris, Nantes et quelques autres, les grandes villes ont beaucoup de difficultés. Tel est le cas pour Lyon, Lille, soit des municipalités qui, politiquement, nous sont assez proches.
L’opposition entre le rural et l’urbain n’est donc pas si nette, de même que celle qui se fonde sur le critère de la richesse. J’ai noté, par exemple, que la ville la plus pauvre de France, Denain, appliquera la réforme en 2013 et se réjouit de la chance que l’État lui accorde au travers du fonds d’amorçage, considérant qu’elle n’a jamais eu autant de moyens pour ses enfants.
Je souhaite donc que cette passion bien française, qui s’est agitée ces derniers temps, se calme. Il faut examiner la question de façon rationnelle, parce que nous voulons tous réussir cette réforme, comme vous l’avez rappelé.
Il nous faut impliquer les différents ministères concernés – je tiens d’ailleurs à saluer Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille, ici présente, qui est très engagée dans cette réforme – pour observer précisément ce qui se fait sur le terrain, d’autant que nous avons répondu à la demande qui nous avait été faite d’accorder la plus grande liberté possible.
Les associations d’élus nous ont demandé de les laisser construire le dispositif localement, sans trop de contraintes. Il s’agit d’une première, qui a pu poser quelques problèmes aux professeurs, lesquels sont concernés dans leur temps de travail. Le mot d’ordre a été : laissez-nous construire nos projets éducatifs !
Nous tirerons les conclusions de cette première démarche dans les mois qui viennent et continuerons d’accompagner, comme nous le faisons quotidiennement en mobilisant autant que nous le pouvons les services de l’éducation nationale, les élus qui s’engagent dans ce processus. Bien entendu, si le besoin de modifications se fait sentir, tant dans les modalités d’organisation que dans les moyens, nous aurons à en débattre collectivement. Le fonds d’amorçage est d’ores et déjà prévu dans le projet de loi ; le Sénat aura bientôt à en discuter.
M. le président. La parole est à M. Robert Tropeano.
M. Robert Tropeano. Monsieur le ministre, vous avez évoqué dans votre réponse la concertation que les élus ont pu engager avec les associations sportives et culturelles, ainsi qu’avec les parents d’élèves et les enseignants.
Or j’ai réussi à établir ce dialogue dans ma commune de Saint-Chinian, et je dois dire que tout s’est très bien passé. Les parents d’élèves et les associations sont prêts à nous aider afin que cette modification des rythmes scolaires puisse intervenir en 2013, sans attendre 2014.
En effet, si cette réforme est exigeante dans ses ambitions, sa mise en œuvre doit l’être également. Nous nous attacherons donc à ce qu’elle réussisse, avec l’aide de l’ensemble des associations, des parents d’élèves et des enseignants !
proposition d’interdire de fumer en voiture
M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, auteur de la question n° 305, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
M. Yannick Vaugrenard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au travers de cette intervention je soutiens l’idée d’une interdiction de fumer en voiture en présence d’enfants mineurs.
Rappelons que le tabagisme fait aujourd’hui plus de cinq millions de victimes par an dans le monde : toutes les six secondes, une personne meurt du tabac. En France, il tue chaque année plus de 60 000 personnes, soit autant que l’alcool, les accidents de la route, le sida, les suicides, homicides et drogues illicites réunis – ce chiffre est effrayant !
La législation a déjà bien évolué, pour mieux protéger les mineurs, cible particulièrement sensible de la lutte anti-tabac. La loi du 31 juillet 2003 a mis plus particulièrement l’accent sur la protection des mineurs : elle interdit la vente de tabac aux jeunes de moins de seize ans, ainsi que la vente de paquets de moins de vingt cigarettes, qui étaient plus facilement achetés par les mineurs ; elle prévoit aussi, dans le cadre de l’éducation à la santé, une sensibilisation obligatoire au risque tabagique dans les classes de l’enseignement primaire et secondaire. Autant de bonnes mesures !
Madame la ministre, je vous suggère aujourd’hui d’aller plus loin. En effet, dans la lutte contre le tabac, si l’on veut assurer efficacement la protection des mineurs, le véritable problème est la lutte contre le tabagisme passif auquel ceux-ci sont particulièrement exposés.
Les mesures de lutte contre le tabagisme visent notamment à protéger les non-fumeurs contre les risques liés à l’exposition à la fumée de tabac. Cette dernière est très dangereuse, dans la mesure où il n’existe pas de seuil minimal d’exposition sans risque pour la santé, car il n’est pas nécessaire d’être exposé des années pour en subir les conséquences. Au bout de quelques minutes, et même à partir d’une faible exposition, le tabagisme passif représente un réel danger.
C’est pourquoi, dans le cadre d’une politique globale de prévention du tabagisme, l’exposition des mineurs au tabac, dans des endroits clos, tels que les voitures, nécessite une vigilance accrue.
Dans le monde, plusieurs États ont déjà franchi le pas de l’interdiction de fumer en voiture en présence d’enfants mineurs. En Europe, une réflexion sur ce sujet est menée depuis plusieurs mois par l’Irlande, le Royaume-Uni ou encore l’Allemagne. La Grèce a mis en œuvre cette interdiction depuis décembre 2010. Un rapport allant dans le même sens a également été approuvé par le Parlement européen en 2007.
Je souhaiterais donc, madame la ministre, que vous m’indiquiez l’état d’avancement des réflexions de votre ministère sur l’interdiction de fumer dans les voitures en présence d’enfants mineurs. Je pense en effet qu’une telle mesure de santé publique serait salutaire.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Marisol Touraine, la ministre des affaires sociales et de la santé, qui est retenue par d’autres obligations. Votre question porte sur l’interdiction éventuelle de fumer en voiture.
Vous avez rappelé, à juste raison, que le tabagisme était la première cause de mortalité évitable en France ; il entraîne le décès de 73 000 de nos concitoyens chaque année. Le tabagisme passif, celui du fœtus au cours de la grossesse ou celui des personnes côtoyant des fumeurs actifs, est source de morbidité et de mortalité dans des proportions importantes. Il augmente de manière significative les risques de cancer du poumon et de cardiopathie ischémique chez les adultes, de mort subite du nouveau-né et d’infection pulmonaire, d’asthme et d’otites chez les enfants. Chaque année, plus de mille décès sont attribués au tabagisme passif. Sa diminution doit donc rester une priorité.
Le décret du 15 novembre 2006 a sensiblement renforcé l’interdiction de fumer dans les lieux fermés et couverts qui accueillent du public ou qui constituent des lieux de travail, les moyens de transport collectif et les espaces non couverts des écoles, collèges et lycées publics et privés, ainsi que des établissements destinés à l’accueil, à la formation ou à l’hébergement des mineurs. Cette mesure a entraîné un changement majeur de l’exposition passive au tabac en France, en particulier dans les lieux de loisirs et de travail. Toutefois, des améliorations restent possibles.
La protection des mineurs, et plus particulièrement des plus jeunes, contre le tabagisme passif doit être une priorité. D’une part, elle contribue à réduire les pathologies induites par l’exposition au tabac ; d’autre part, elle doit contribuer à rendre le tabac moins attractif pour les plus jeunes générations, en quelque sorte à le « dé-normaliser ».
L’article 8 de la convention-cadre de lutte antitabac de l’Organisation mondiale de la santé et la recommandation du Conseil de l’Union européenne du 30 novembre 2009 relative aux environnements sans tabac suggèrent d’élaborer ou de renforcer des stratégies et des mesures visant à réduire l’exposition des enfants et des adolescents à la fumée de tabac secondaire.
Vous proposez de réfléchir à l’interdiction de fumer dans les voitures en présence d’un enfant mineur. Si cette solution est intéressante, elle peut se heurter au statut privé du véhicule, ce qui ferait douter de la faisabilité d’une telle mesure. D’autres pistes de réflexion doivent être explorées, et nous pensons, en particulier, à l’extension de l’interdiction de fumer dans tous les lieux collectifs où sont présents des mineurs, tels que les parcs publics, les jardins d’enfants et les plages.