M. le président. La parole est à M. Robert Tropeano.
M. Robert Tropeano. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi relative à l’instauration du 27 mai comme journée nationale de la Résistance ponctuera le calendrier commémoratif national d’un nouvel hommage, légitime et très attendu, envers tous les combattants de l’ombre qui ont été et resteront pour toujours l’honneur de la France.
Au cours de ces dernières années, le Parlement a adopté plusieurs textes destinés à entretenir la mémoire collective. À l’occasion de leur examen, j’ai pu apporter tout mon soutien et celui du RDSE à des initiatives exprimant la reconnaissance de la nation envers toutes les victimes civiles ou militaires des tragédies de notre histoire.
Chaque fois, il est question de ne pas oublier tous les sacrifices endurés au nom de la défense des idéaux de paix et de liberté. Commémorer, c’est aussi transmettre la flamme du souvenir d’une génération à une autre, c’est raconter le courage de nos aînés pour mieux valoriser le prix de la démocratie auprès de nos enfants.
Dans cette perspective, il est important de bien marquer tous les événements qui sont le fruit d’une exceptionnelle fraternité collective dont nous sommes aujourd’hui comptables. La Résistance en fait partie. En effet, la résistance à l’occupation nazie et à la collaboration a dévié le destin de notre pays. Répondant à l’appel du 18 juin 1940 lancé par le général de Gaulle, les partisans de la France libre allaient s’organiser et prendre le maquis.
À tous ces résistants, nous devons un moment de recueillement national à la hauteur de leur engagement. Certes, la Seconde Guerre mondiale n’est pas absente du calendrier commémoratif actuel, mais les résistants ne sont pas spécifiquement honorés, alors que des milliers d’entre eux ont été torturés et assassinés.
Plus de 88 000 personnes ont été déportées pour des raisons autres que raciales. Parmi elles, 35 000 moururent dans les camps. Dans l’Hérault, le 6 juin 1944, une embuscade tendue au col de Fontjun, à proximité de ma commune, a coûté la vie à neuf personnes d’un groupe parti rejoindre les Forces françaises libres de la Résistance. Dix-huit résistants arrêtés cette nuit-là ont été fusillés le lendemain à Béziers.
Aujourd’hui, nous allons enfin répondre à l’attente d’un hommage appuyé à tous les hommes et toutes les femmes qui ont bravé l’ennemi au péril de leur vie. L’instauration d’une journée nationale de la Résistance est en effet une demande ancienne et consensuelle, comme en témoignent les nombreuses propositions de loi déposées tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale.
Le dispositif proposé à l’article 1er devrait donc être approuvé à l’unanimité, et je m’en réjouis.
Le choix du 27 mai, préconisé à l’article 2, est également partagé par nous tous. Comme vous le savez, mes chers collègues, le Conseil national de la Résistance s’est réuni pour la première fois le 27 mai 1943, jetant ainsi les bases de l’unification politique de tous les acteurs de la Résistance.
Derrière cette organisation, il y a un homme, un symbole de la Résistance, une grande figure de l’engagement et du patriotisme le plus intransigeant : Jean Moulin, qui présida le CNR jusqu’à sa capture à Caluire, avant sa mort tragique.
Courage, grandeur, dévouement, abnégation, le champ lexical de l’héroïsme est inépuisable pour qualifier le comportement si admirable de l’homme au chapeau. Né à Béziers, étudiant à Montpellier, Jean Moulin fait la fierté du département de l’Hérault.
Au-delà des hommages locaux que les maires de l’Hérault et moi-même lui avons souvent rendus, une journée nationale de la Résistance offrira une occasion supplémentaire de mettre en lumière son action remarquable ainsi que celle de ses compagnons.
Leur rendre hommage, c’est aussi transmettre aux jeunes un exemple fort de fraternité dans le combat pour la liberté, leur rappeler l’héritage politique et social du CNR dont nous profitons tous aujourd’hui, notamment à travers la sécurité sociale.
Dans cet esprit, l’article 3 s’attache à garantir la transmission de la mémoire et des valeurs de la Résistance par le biais d’actions éducatives dans les établissements du second degré.
Pour ma part, j’approuve la formulation plus souple retenue par la commission des affaires sociales.
Dans ma commune de Saint-Chinian, les professeurs et les associations sont très actifs dans l’organisation de projets éducatifs autour de la guerre, et je dois dire que les élèves sont très réceptifs. Comme l’a indiqué le rapporteur, à la lumière de l’accueil qui avait été réservé à la lecture obligatoire en classe de la lettre du jeune Guy Môquet, il est préférable de respecter la liberté pédagogique des enseignants, d’autant que ceux-ci sont souvent spontanément animés de bonne volonté sur la question des grandes guerres.
Mes chers collègues, Stéphane Hessel nous quittait le 27 février dernier, comme ont disparu avant lui d’autres résistants, notamment Raymond et Lucie Aubrac, grands résistants s’il en fut, qui, pendant de nombreuses années, sont allés à la rencontre des collégiens et des lycéens pour leur expliquer le rôle de la Résistance.
Ils ont emporté avec eux un morceau d’histoire de la Résistance. Seuls vingt-trois des trente-huit compagnons de la Libération sont encore en vie. Aussi, l’adoption de la présente proposition de loi permettra de maintenir le lien mémoriel entre les générations.
Le RDSE approuvera ce texte porteur d’un hommage à ceux qui, selon les mots touchants d’André Malraux, lors du transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon, « sont morts dans les caves sans avoir parlé », à « tous les rayés et tous les tondus des camps de concentration », aux « 8 000 Françaises qui ne sont pas revenues des bagnes », au « peuple né de l’ombre et disparu avec elle – nos frères dans l’ordre de la Nuit ».
Presque cinquante ans plus tard, il nous revient d’apporter notre pierre au bel édifice de la mémoire collective. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a un peu plus d’un an, notre assemblée adoptait à l’unanimité un texte visant à faciliter la mise en œuvre de la loi créant le Conseil national des communes « Compagnon de la Libération ».
La proposition de loi qui nous est soumise s’inscrit dans une démarche très similaire : il s’agit de pérenniser la mémoire de la Résistance, de faire en sorte que son apport historique, politique, social et culturel survive à l’extinction progressive de celles et de ceux qui en furent les humbles et glorieux acteurs.
Un à un, en effet, celles et ceux qui avaient survécu à la déportation et aux camps, au combat forcément inégal face à l’occupant, aux sévices de la torture ou encore aux blessures et aux souffrances subies finissent par disparaître.
Il y a un peu plus d’un an à cette tribune, je rendais hommage à Stéphane Hessel, à ses combats passés et à ceux qu’il continuait de mener avec une ténacité hors pair. Cet homme exceptionnel, avec qui j’ai eu la chance d’échanger souvent au cours des dernières années, nous a, depuis, malheureusement quittés.
Avant lui, il y eut aussi le départ d’autres grands noms de la Résistance. Je pense à Lucie et Raymond Aubrac, Lise London, Maurice Voutey, Germaine Tillion et bien d’autres encore. Toutes ces femmes et tous ces hommes n’ont eu de cesse de consacrer jusqu’à leur dernier souffle l’énergie souvent impressionnante qu’il leur restait à témoigner toujours et encore des moments à la fois terribles et remplis d’espoir qu’ils avaient vécus.
Pour la plupart d’entre eux, le message ne se limitait pas à rappeler l’histoire ou à transmettre leur expérience incroyable et singulière aux nouvelles générations ; il visait aussi à actualiser en permanence et à faire vivre au présent et au quotidien l’esprit de la Résistance, qui un jour les avait emportés et ne les avait jamais quittés depuis.
Disons-le sans détour, leur disparition laissera à tout jamais un vide qui ne pourra être comblé. Plus le temps passera, plus leur absence se fera vive et plus la flamme qui les portait semblera difficile à incarner dans un pays qui, par un bonheur qu’il semble souvent ignorer, n’aura jamais connu une aussi longue période de paix au cours de toute son histoire.
Je ne peux, en mon nom et en celui du groupe écologiste du Sénat, que féliciter notre collègue Jean-Jacques Mirassou d’avoir proposé l’instauration d’une journée nationale de la Résistance en guise de point d’orgue annuel d’un ensemble d’initiatives visant à faire vivre au temps présent les combats de la Résistance.
Je le dis avec d’autant plus de force et de sincérité que le mouvement politique auquel j’appartiens a été et reste toujours extrêmement réticent à l’endroit de lois que l’on peut qualifier de « mémorielles »…
M. François Rebsamen. C’est vrai !
M. André Gattolin. … ou du développement de ce que d’aucuns appellent l’« industrie de la commémoration » dans notre pays. Mais, en l’espèce, ce n’est pas de cela qu’il s’agit.
Cette proposition de loi, contrairement à d’autres, n’a aucune visée électoraliste, tant les survivants de cette époque sont aujourd’hui peu nombreux.
Mme Françoise Laborde. Tout à fait !
M. André Gattolin. Elle ne traduit aucune intention de récupération politique d’un événement ou d’une période historique. Elle ne s’inscrit pas non plus dans une perspective de nature nationaliste ou cocardière, tant l’évocation de la Résistance renvoie automatiquement et en parallèle au passé collaborationniste d’une partie de notre pays à la même époque. Et « notre » Résistance renvoie aussi et naturellement à toutes les composantes extranationales qui y participèrent, ainsi qu’aux résistances antitotalitaires qui virent le jour à la même époque dans de nombreux pays d’Europe, Allemagne comprise.
Cette journée n’est pas non plus un nouveau jour férié ou chômé dans un calendrier déjà chargé en la matière au printemps. Non, c’est d’abord un jour intense de travail de mémoire mis au service du présent pour aider les jeunes générations à mieux s’approprier leur avenir de personne libre et de futur citoyen.
Le choix d’une date pour ce type de journée est souvent délicat et suspecté d’une volonté de donner une orientation partisane particulière à l’événement consacré.
Deux possibilités s’offraient à nous : celle du 27 mai 1943, marquant la première réunion du Conseil national de la Résistance, le CNR, et celle du 15 mars 1944, jour d’adoption du premier programme dudit CNR. C’est la première date qui a été retenue, et ce choix est, à mon sens, judicieux à un double titre.
Tout d’abord, il est judicieux parce que Jean Moulin, la cheville ouvrière du CNR, était à l’époque bel et bien vivant, ce qui n’était plus le cas le 15 mars 1944.
Ensuite, il l’est également, de manière plus prosaïque, parce que cette date se situe en dehors des périodes de vacances scolaires. Or l’objet premier de cette journée est précisément de sensibiliser nos enfants à cette période de notre histoire récente et ô combien porteuse de valeurs civiques à préserver et à entretenir.
Cependant se pose une question : ce débat sur les valeurs de la Résistance doit-il rester limité à l’enceinte des écoles ? Si la discussion ne se fait pas aussi dans d’autres lieux, comment combattre efficacement les idées populistes et démagogiques qui se développent aujourd'hui en France et en Europe ? Le 27 mai doit être un jour permettant à toutes et à tous d’y réfléchir.
Au titre des améliorations que je propose, il conviendrait de dépasser une autre limite.
En effet, cette célébration intelligente et judicieuse ne doit pas être limitée dans les écoles au seul champ des cours d’histoire, de géographie et d’éducation civique. Les thèmes de la Résistance peuvent également être abordés pendant les cours de français, de langues étrangères ou encore d’arts, de poésie et de philosophie. Ne serait-ce pas l’occasion de découvrir les écrits de Jacques Decour, les peintures d’André Girard, fondateur du réseau Carte, les poèmes sublimes de René Char dans son recueil intitulé Feuillets d’Hypnos ou encore Le Chant des Marais du musicien allemand Rudi Goguel, œuvre née dans l’univers concentrationnaire de Börgermoor ?
Pour donner toute son actualité à cette réflexion, il serait également souhaitable de diffuser et d’étudier l’Appel des Résistants aux jeunes générations, cet appel formidable et trop peu connu lancé, le 8 mars 2004, par les grands résistants que j’ai évoqués au début de mon intervention et qui ont aujourd'hui, pour la plupart, disparu.
Ce texte est un passage de témoin. L’ensemble des acteurs de la vie publique, mais aussi les simples citoyens, les exploités et les humiliés sont appelés à ne pas démissionner et à ne pas se laisser impressionner par les dérives du temps présent qui menacent la paix et la démocratie.
Les remarques que je viens de formuler ne viennent évidemment ébranler en rien le soutien que le groupe écologiste accorde à cette proposition de loi : il votera à l’unanimité en sa faveur. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Gisèle Printz. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous célébrons, chaque année, le 8 mai, qui nous rappelle la victoire des alliés sur la barbarie nazie, une victoire acquise au prix de sacrifices inouïs, une victoire des valeurs démocratiques et humanistes sur une conception raciste et barbare de la société.
La France a dû toutefois surmonter d’abord la période d’abandon et d’indignité qui a débuté le 10 juillet 1940, quand une majorité de parlementaires ont voté les pleins pouvoirs au maréchal Pétain. La République a ainsi été souillée par l’esprit collaborationniste, qui a conduit à la rafle du Vél’ d’Hiv et aux exactions de la milice.
Mais, dans le même temps, la résistance à l’occupation était en marche.
Souvenons-nous, mes chers collègues, des quatre-vingts parlementaires qui, à Vichy, avaient refusé de voter les pleins pouvoirs au maréchal Pétain.
Cette résistance, née ce 10 juillet, a été diverse, dispersée, mal organisée, mais elle était bien réelle, avec des hommes et des femmes dotés d’un formidable courage et d’une foi inébranlable dans les valeurs de la République. Citons les époux Aubrac, Germaine Tillion, Stéphane Hessel, Françoise Seligmann, Pierre Mendès France, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Simone Veil et bien d’autres moins connus.
Pour vaincre un ennemi comme le nazisme, il était nécessaire d’être uni pour être plus fort.
Cette résistance de l’intérieur complétait la résistance conduite par le général de Gaulle et la France Libre, à la suite de l’appel du 18 juin 1940.
C’est à sa demande et sous la présidence de Jean Moulin que l’unification de toutes les forces de la Résistance a pu se faire au sein du Conseil national de la Résistance le 27 mai 1943.
Dans son programme, le CNR définit les conditions d’un véritable redressement. Il appelle à l’engagement massif des Français dans un combat immédiat, incessant et multiforme. Les mesures à appliquer dès la libération du pays sont définies dans les domaines politiques, économiques et sociaux. Le CNR promet une République nouvelle, démocratique et sociale. La vie politique française sera durablement marquée par l’héritage de la Résistance et le programme du CNR.
Le Préambule de la Constitution de 1946, qui installe la IVe République, donne aux valeurs de la Résistance leur pleine reconnaissance. Ces valeurs constituent toujours le bloc institutionnel de référence qu’est chargé de faire respecter le Conseil constitutionnel. La IVe République mettra en œuvre les propositions politiques élaborées par le Conseil national de la Résistance.
Ce sont les résistants qui, à la sortie de la guerre, ont été les garants des avancées démocratiques et sociales ayant permis à la nation tout entière, dépassant ses anciennes divisions, de s’engager collectivement dans l’œuvre du redressement national. C’est cet esprit dont nous avons besoin aujourd’hui.
L’une des figures emblématiques du CNR est Jean Moulin, son premier président ; ce n’est pas un hasard si on le présente comme l’unificateur de la Résistance.
André Malraux, dans son discours du 19 décembre 1964, lors du transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon, souligne le rôle essentiel joué par celui-ci dans la création de l’armée des ombres. Ce jeune préfet républicain avait le sens de l’État. Il était attaché aux valeurs de la République et au respect de la parole donnée, tout ce qui a fait la « Résistance ».
Arrêté le 21 juin 1943, Jean Moulin est conduit au siège de la Gestapo à Lyon, où il est interrogé et torturé. Puis emmené en Allemagne le 8 juillet 1943, il meurt durant son transfert en gare de Metz, où une stèle est érigée à son nom.
Pour toutes les raisons que je viens d’exposer, le 27 mai s’impose comme une exigence de l’histoire pour être celle de « la journée nationale de la Résistance ».
Cette journée, non fériée, non chômée, aura pour objet de rappeler l’héritage légué par le CNR, dont le rôle est allé bien au-delà de la libération de la France. Elle permettra également de faire mieux connaître aux écoliers, collégiens et lycéens tout un pan de leur histoire, une page glorieuse de notre pays, qui vit sa jeunesse se sacrifier pour que vivent les valeurs auxquelles nous sommes attachés et que nous défendons. Des actions éducatives pourront ainsi être organisées, ce qui permettra de franchir un pas supplémentaire vers la transmission des valeurs et des combats de la Résistance, de ses idéaux de progrès et de justice sociale. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Didier Guillaume. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je remercie M. Jean-Jacques Mirassou d’avoir déposé la présente proposition de loi, qui nous permet non pas de revisiter l’histoire, mais tout simplement de la mettre en lumière pour que l’avenir de notre pays ne ressemble pas au passé qu’il a connu.
M. Jacky Le Menn. Bien dit !
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Didier Guillaume. Merci, monsieur Mirassou, d’avoir pris cette initiative, soixante-dix ans après qu’une poignée d’hommes, à quelques encablures du Sénat, se sont réunis dans l’appartement de M. Corbin pour lancer le Conseil national de la Résistance !
Ces hommes étaient peu nombreux ; ils n’avaient pas forcément les mêmes opinions politiques, ni la même religion, mais ils avaient un même idéal : l’amour de la patrie, l’amour de la nation et la volonté d’avoir un avenir. Ils voulaient que la flamme de la Résistance continue de vivre et que notre pays se libère du joug de l’occupation.
Le Conseil national de la Résistance a un visage : celui de Jean Moulin. Premier parmi les premiers, il a voulu unifier la Résistance. C’est lui qui nous permet aujourd’hui d’être ce que nous sommes.
Mes chers collègues, comment ne pas se rappeler l’appel du 18 juin du général de Gaulle ? Dans l’histoire de notre pays, ces quelques phrases qui résonnent encore ont été une ligne directrice essentielle. Comment ne pas se rappeler l’œuvre de Jean Moulin, et quelle a été sa fin ? Comment ne pas se rappeler les femmes et les hommes célèbres qui, à l’image de Lucie et de Raymond Aubrac, se sont battus pour refouler l’envahisseur ? Comment ne pas évoquer la mémoire de Stéphane Hessel, résistant et déporté, qui nous a quittés il y a quelques jours ? Comment ne pas citer Elsa Triolet et Louis Aragon qui, pendant toutes ces années de maquis, ont diffusé dans les journaux des messages destinés à redonner force et vigueur aux Français ?
Cependant, mes chers collègues, la Résistance, c’est aussi une foule d’anonymes : peut-être certains d’entre vous, nos parents, nos grands-pères et nos grand-mères. (M. le ministre et Mme Frédérique Espagnac acquiescent.) Ces individus sans nom avaient des visages différents, mais la même volonté d’y aller.
Je veux saluer les quatre-vingts parlementaires courageux du 10 juillet 1940. Qui peut dire aujourd’hui ce qu’il aurait fait s’il avait été à leur place ? Arrêtons de dire que nous aurions voté comme eux car nous n’en savons rien ! (Mme Françoise Laborde et M. Robert Tropeano acquiescent.) Ne regardons pas derrière, mais devant nous. Simplement, je sais que nous devons tout à ces quatre-vingts parlementaires qui ont voulu que la France reste debout. (Mme Frédérique Espagnac. acquiesce.)
La Drôme a connu le plus grand maquis de France : celui du Vercors. Terrible, ce maquis fut la maison de ceux qui ne voulaient pas aller au STO, il fut l’ADN des femmes et des hommes qui refusaient la barbarie nazie et l’occupation. Le Vercors a connu des drames terribles, mais aussi des joies : les nazis ont été harcelés et, même en arrivant par milliers, ils ne parvenaient pas à prendre le plateau ; sous la houlette du colonel Triboulet et de tous les organisateurs de la Résistance, le Vercors a tenu. Si le Vercors a souffert, c’est parce qu’à certains moments les choix politiques faits à Grenoble ou ailleurs l’ont mis en difficulté.
J’ai une pensée pour La Chapelle-en-Vercors où, en juillet 1944, seize hommes et enfants ont été fusillés dans le village incendié. (M. Jean-Jacques Mirassou acquiesce.) J’ai une pensée aussi pour Vassieux-en-Vercors, où M. le ministre se rendra le 21 juillet prochain pour une commémoration avec les quatre autres communes « compagnon de la Libération ».
M. Jean-Jacques Mirassou. Très bien !
M. Didier Guillaume. Soixante-douze planeurs allemands ont détruit ce village et tué tous ses habitants.
M. Roland Courteau. Barbarie !
M. Didier Guillaume. J’ai une pensée enfin pour la grotte de la Luire, l’hôpital de la Résistance, dont les personnels soignants ont été déportés et tous les blessés achevés.
M. Roland Courteau. Barbarie !
M. Didier Guillaume. Ne serait-ce qu’en souvenir de ce qui s’est passé dans ces lieux, Jean-Jacques Mirassou a eu raison de nous proposer de faire du 27 mai la journée nationale de la Résistance.
Je le répète : nous ne voulons pas revisiter l’histoire. Nous voulons préparer l’avenir. De ce point de vue, il est heureux qu’il reste encore des femmes et des hommes qui, sans cesse, dans les écoles et les collèges de nos départements, transmettent, expliquent et font vivre le devoir de mémoire. (M. Robert Tropeano acquiesce.) Car si nous oublions, rien demain ne sera comme aujourd’hui.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je renouvelle mes remerciements à Jean-Jacques Mirassou. En instituant une journée nationale de la Résistance, le Sénat accomplira une œuvre essentielle pour la nation. Nous sommes unis pour une seule cause : la défense de la France, de la liberté et de la République. Les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité étaient comme un souffle pour les résistants ; elles le sont aujourd’hui encore, pour que vivent la République et la France ! (Applaudissements.)
M. François Rebsamen. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Alain Néri.
M. Alain Néri. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cette proposition de loi est d’une importance capitale. Sur l’initiative de Jean-Jacques Mirassou, nous allons rendre hommage à ceux qui se sont battus dans les maquis avec les forces françaises de l’intérieur et les forces françaises libres réunies par le général de Gaulle.
Nous allons rendre hommage aussi à ceux qui, à côté de ces combats journaliers, ont eu le courage, l’audace et la vision de préparer l’avenir. Il convient de leur rendre hommage parce que les avancées sociales dont nous avons le bonheur de bénéficier aujourd’hui, c’est à eux que nous les devons. Elles étaient contenues dans le programme du Conseil national de la Résistance (L’orateur brandit un exemplaire dudit programme.), un petit ouvrage oublié de trop nombreux Français et qui doit être réinscrit dans la mémoire de notre jeunesse, mais aussi des plus anciens.
Le 27 mai 1943, Jean Moulin organise la réunion des mouvements de résistance. La Résistance a déjà commencé : certains sont entrés en résistance après avoir entendu l’appel du général de Gaulle, le 18 juin ; d’autres sont entrés en résistance même sans l’avoir entendu, parce que leur conscience patriotique et leur sens de la République et de la démocratie leur enseignaient qu’il arrive un moment où un peuple doit se lever pour vivre ou se coucher pour mourir.
Les résistants ont fait le choix de se lever pour vivre avec courage et audace, avec aussi parfois l’inconscience de leur jeunesse. Ils mettaient chaque jour en péril leur vie, mais aussi celle de leur famille. Ils mettaient en péril leur jeunesse et leur avenir personnel ; mais ils avaient avant tout à l’esprit l’avenir de la France, l’avenir de la République et l’avenir de la liberté.
À mon tour, j’ai une pensée pour les parlementaires qui ont eu le courage de dire non. Comme Didier Guillaume, je suis stupéfait d’entendre certains assurer qu’à leur place ils auraient agi comme eux. Je crois que nous devons reconnaître avec humilité que personne ne peut savoir ce qu’il aurait fait dans un moment aussi dramatique.
Mme Françoise Laborde. C’est sûr !
M. Robert Tropeano. Exactement !
M. Alain Néri. Pour ma part, si j’avais été confronté à cette situation, j’espère que je ne me serais pas trompé.
Les résistants qui combattaient dans les maquis étaient en quelque sorte les héritiers des sans-culottes de Valmy. Ils luttaient dans les mêmes conditions de précarité d’armement, mais ils avaient au cœur une flamme : la volonté de défendre la liberté. Rappelons-nous la fameuse chanson : « […] Ami, entends-tu les cris sourds du pays qu’on enchaîne ? » Justement, ils ne voulaient pas qu’on enchaîne le pays et ils se battaient pour lui rendre la liberté !
M. Guillaume a rendu hommage aux maquis du Vercors. Permettez-moi d’avoir une pensée pour les maquis d’Auvergne, les maquis du mont Mouchet. Ils furent fidèles à notre dicton auvergnat : on est d’Auvergne, on lâche pas ! Les résistants étaient imprégnés de cette maxime : on ne lâche pas !
Pour ne pas lâcher, il fallait aussi s’organiser. C’est pourquoi l’œuvre de Jean Moulin fut fondamentale. Il fut en quelque sorte l’organisateur de la victoire intérieure en sachant rassembler ceux qui croyaient au ciel et ceux qui n’y croyaient pas dans une même vision de la France, une vision de progrès social.
N’oublions pas que les grandes avancées dont nous bénéficions aujourd’hui, comme la sécurité sociale, sont inscrites dans le programme du Conseil national de la Résistance. De même, le premier pas vers la parité fut le droit de vote donné aux femmes : le suffrage, qui n’était qu’à moitié universel, le devenait véritablement ! Les retraites, l’amélioration des conditions de travail, tout cela est inscrit dans le programme du Conseil national de la Résistance. (L’orateur brandit de nouveau un exemplaire dudit programme.)