M. Jean-Jacques Hyest. Eh oui !
M. Alain Gournac. M. le rapporteur aura changé d’avis !
Mme Muguette Dini. … au motif de la non-disponibilité du corps humain.
Où est la cohérence dans tout cela ? Où est l’égalité ?
Nous aurons l’occasion de reparler de l’AMP, expression qui comporte le terme « médical » et qui sous-entend donc des soins. Je rappelle que l’assistance médicale à la procréation est prévue pour les couples dont l’un des membres est stérile. Néanmoins, rien ne permet d’affirmer que les femmes lesbiennes seraient plus souvent stériles que les femmes hétérosexuelles. Dès lors, pourquoi auraient-elles recours à une assistance médicale ?
J’en conviens, toutes ces questions ne figurent pas dans le texte que nous abordons aujourd’hui, mais, nous le savons, elles viendront rapidement en débat.
M. Jean-Louis Carrère. Et c’est Dieu qui vous l’a dit ?
Mme Muguette Dini. Je confirme que je ne suis pas opposée au mariage entre personnes de même sexe. Ainsi, pour ne pas me placer en contradiction avec la suite de mon propos, je m’abstiendrai sur cet article. En revanche, je voterai contre l’ensemble du présent texte, en raison de ses conséquences sur la filiation, et surtout sur les enfants de ces familles qui n’auront pas demandé à être ainsi distingués, pour ne pas dire marginalisés.
M. Bruno Sido. Absolument !
Mme Muguette Dini. Je ne conteste pas la décision prise par des adultes d’unir leur vie par le mariage. En revanche, la décision prise pour les enfants qui seront accueillis dans ces familles – évidemment sans leur avis – ne me semble pas aller dans le sens de leur intérêt supérieur et de leur équilibre. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière, pour explication de vote.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Une fois de plus – je le dis à l’intention de Mme la garde des sceaux, même si elle est s’est absentée –,…
Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Exact !
Mme Marie-Thérèse Bruguière. … je déplore l’attitude du Gouvernement et de la majorité, qui ne prennent pas ce débat au sérieux, sûrs qu’ils sont d’avoir déjà gagné. Sauf que la société n’a rien à gagner avec ce projet !
Chers collègues de la majorité, depuis près d’un an, vous avez divisé le pays ; à la division classique entre une France dite de droite et une France dite de gauche, s’ajoute la division entre ceux que vous soupçonnez d’être riches et ceux que vous appelez pauvres, ceux qui sont nés Français et ceux qui souhaitent le devenir. Et vous tentez à présent de fâcher les couples hétérosexuels, qui seraient des privilégiés, et les couples homosexuels, que l’État discriminerait ; les citoyens qui seraient arriérés, rétrogrades,…
M. Jean-Louis Carrère. Et ils sont nombreux !
Mme Marie-Thérèse Bruguière. … ou débiles, et ceux qui seraient humanistes et progressistes.
Hier soir, j’ai encore entendu un collègue siégeant sur les travées de la majorité nous accuser d’homophobie !
M. Jean-Jacques Hyest. Eh oui !
M. Jean-Louis Carrère. Oh ! Ça, c’est vilain !
Mme Marie-Thérèse Bruguière. C’est tout de même désolant ici.
Quoi qu’il en soit, le mariage s’inscrit dans une réalité biologique que nul ne peut nier. L’objectif de cette institution est de protéger juridiquement le lien de filiation entre un père et son enfant, par le biais de la présomption de paternité. C’est pourquoi nous souhaitons préserver l’altérité sexuelle dans le mariage.
Certes, nous ne sommes pas d’accord sur ce point, puisque vous souhaitez réduire le mariage à la reconnaissance sociale de l’amour entre deux personnes, qu’elles soient ou non du même sexe. Or ce choix ouvrira inévitablement la porte à des revendications, au mieux ridicules, au pis intolérables, comme c’est déjà le cas à l’étranger.
Par ailleurs, vous savez ce que nous pensons de l’altérité sexuelle d’un point de vue juridique. C’est un principe fondamental. Cette réforme nécessite donc une révision constitutionnelle, voire un référendum.
Si vous souhaitez agir par la voie législative, soit ! Nous aurions même été ravis que vous participiez avec nous à l’élaboration d’une union civile permettant aux couples de même sexe de bénéficier d’un statut plus protecteur.
Ainsi, conscients des réalités biologiques qui s’imposent à nous, il nous aurait été possible d’améliorer le cadre juridique de l’union des couples de même sexe. Dès lors, nous aurions été disposés à débattre de ce sujet de manière calme et dépassionnée, afin de répondre à toutes les interrogations, contrairement à vous qui, depuis le début de nos débats, évitez toute discussion et esquivez toute réponse aux questions que mes collègues vous ont posées à plusieurs reprises, depuis quelques jours.
Ces enjeux concernent notamment la dilution de la présomption de paternité, fragilisée par l’instauration d’une parenté virtuelle, par la PMA et même par la GPA, qui, en réalité, constituent la suite logique du cheminement que vous tracez.
En ce qui concerne l’égal accès des enfants à une famille, qui devrait être l’un des enjeux majeurs de ce débat, je rappelle, après nombre de mes collègues, que beaucoup de pays qui ouvrent l’adoption à des couples français agissent notamment sur la base de leur situation matrimoniale ! Cette position peut vous déplaire : elle n’en constitue pas moins une réalité.
Je sais que toutes ces questions seront de nouveau soulevées dans la suite de nos débats. Toutefois, force est de constater que les alinéas du présent article constituent le cœur du texte. Aussi, s’ils ne concernent pas directement les questions de l’adoption ou de la PMA, n’y sont-ils pas tout à fait étrangers, dans la mesure où ils en composent le fondement.
Hélas, étant donné votre attitude, je peine à concevoir que vous serez mieux disposés dans quelques jours, voire dans quelques mois, que vous ne l’avez été jusqu’à présent.
Bien entendu, je voterai contre cet article, car le droit au mariage pour les couples homosexuels entraînera leur droit à l’adoption, et conduira nécessairement à l’élargissement de la PMA, puis tout droit à l’ouverture de la GPA. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.– M. Yves Détraigne applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jackie Pierre, pour explication de vote.
M. Jackie Pierre. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cet article 1er n’est bien sûr pas acceptable.
Il n’est pas acceptable car, en tant que telle, l’ouverture du mariage aux couples de même sexe est un contresens.
Il n’est pas acceptable, car on ne peut pas dissocier le mariage de la question des enfants.
En conséquence, deux raisons justifient ma position, largement admise par ma famille politique.
Tout d’abord, en faisant abstraction du lien pourtant indéfectible entre mariage et filiation, ouvrir le mariage aux personnes de même sexe est, à mes yeux, un contresens. Le mariage, c’est l’altérité sexuelle, la célébration de la différence et de cet instant précaire où deux mondes se rencontrent, celui des hommes et celui des femmes, qui ont chacun leur manière d’envisager l’amour, la vie à deux et l’éducation des enfants.
Cela ne signifie pas que tous les hommes sont masculins, ou toutes les femmes féminines.
M. Bruno Sido. Bien sûr !
M. Jackie Pierre. Il y a naturellement autant de manières de vivre sa féminité ou sa masculinité qu’il y a de femmes et d’hommes.
M. Bruno Sido. Exact !
M. Jackie Pierre. Toutefois, le mariage doit rester la consécration sociale de la destinée biologique des hommes, en accentuant s’il le faut les traits féminins et les traits masculins.
Chacun, après le mariage, peut endosser le rôle qu’il souhaite. Simplement, même si l’homme est un animal social, un être de culture et non pas seulement une entité biologique, il ne faut pas casser ce rite qui structure notre société depuis si longtemps, car il permet à l’homme de se souvenir qu’il ne pourra jamais totalement s’affranchir de la nature.
Le mariage est certes une mise en scène. Mais croyez-vous vraiment que les hommes et les femmes prendraient la peine de se marier, partout dans le monde et de tout temps, si ce n’était qu’une cérémonie anecdotique ? Non ! L’ouverture du mariage aux couples de même sexe, en tant que telle, ne peut être acceptée.
Mai j’ai une seconde raison de m’opposer à l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe, et sans soute la plus grave.
Le mariage ne peut être vu seul. Il constitue en quelque sorte la partie émergée de l’iceberg. En effet, il ouvre non seulement des droits patrimoniaux substantiels, mais aussi et surtout des droits matrimoniaux.
Par ailleurs, le mariage s’accompagne de la présomption de paternité.
De surcroît, le mariage est une institution dans laquelle se glissent les règles de la procréation.
Ouvrir le mariage aux couples de personnes de même sexe, c’est leur accorder un régime matrimonial qui ne peut s’appliquer à eux sans entraîner des situations absurdes.
Pourquoi cette ouverture susciterait-elle de tels cas de figure totalement incontrôlables et impossibles à rationaliser par le législateur que nous sommes ? Tout simplement parce que le projet parental n’est pas le même !
De fait, pour de tels couples, la procréation implique l’intervention d’un tiers, même si ce dernier se trouve dans une éprouvette !
M. Jean-Louis Carrère. Encore un grand discours !
M. Jackie Pierre. Pour les couples de même sexe qui ne veulent pas associer le tiers au projet parental, il faut savoir que celui-ci pourra être conduit à s’y introduire, par sa volonté ou par celle de l’enfant.
En conséquence, en ouvrant le mariage aux couples de même sexe, on transpose les règles applicables en termes de filiation à des ménages qui ne pourront exercer ces mêmes règles. Le droit applicable en termes de filiation ne le sera plus pour les couples de personnes de même sexe.
Cette situation l’illustre clairement : si le lien entre mariage et filiation relève de l’évidence pour ce qui concerne les couples de sexe différent, il ne peut être automatique en ce qui concerne les couples de même sexe.
Comment appliquer la présomption de parenté ? Comment appréhender la pluriparentalité ? (M. Jean-Louis Carrère s’exclame.) Monsieur Carrère, laissez-moi parler !
Ce n’est pas une lubie, car un couple homosexuel doit bel et bien recourir à un tiers. Que faire de ce parent biologique ou de la mère porteuse lorsque celle-ci n’est pas la mère biologique ? Comment des droits matrimoniaux peuvent-ils s’appliquer à des couples dont les enfants seront systématiquement issus de tiers ? Est-ce bien logique ?
En fait, via ce projet de loi, vous déconsidérez et vous dévalorisez totalement les vrais couples, donc le vrai mariage. Une chose est sûre : si le mariage entre personnes de sexe différent ne peut être séparé de la filiation, la nature des choses ne permet pas d’établir le même lien entre le mariage de personnes de même sexe et la filiation.
M. Jean-Louis Carrère. Courage, le temps de parole est bientôt écoulé !
M. Jackie Pierre. Pour cette raison évidente, nous ne pouvons accepter que les couples homosexuels puissent se marier, car cela reviendrait à détourner le mariage de sa fonction première, sauf à mentir sur la vérité de la filiation des enfants. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Bruno Sido. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.
M. Charles Revet. Sans doute n’en étonnerai-je pas beaucoup ici en annonçant que, comme nombre de mes collègues, je ne voterai pas l’article 1er. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
Mme Christiane Demontès. Quel scoop !
Mme Dominique Gillot. Quelle nouvelle !
M. Charles Revet. Ce ne sera pas un scoop, j’en conviens !
Chers collègues de la majorité, peut-être avez-vous manqué l’occasion d’aboutir à un certain consensus hier soir, lorsque nous avons défendu des amendements portant articles additionnels avant l’article 1er, qu’ils aient pour auteur le doyen Gélard, François Zocchetto, moi-même ou d’autres encore !
Nous formulions des propositions qui, à nos yeux, correspondaient à l’objectif même du présent texte : prendre en compte la situation des personnes de même sexe qui veulent vivre ensemble et souhaitent que nous apportions des solutions à leurs difficultés.
La solution proposée apportait une réponse sans remettre en cause ce à quoi nous sommes attachés : le mariage et tout ce qui en découle.
Votre position, manifestement idéologique et dogmatique, est inquiétante,…
M. Jean-Louis Carrère. Parlez pour vous !
M. Charles Revet. … notamment en raison des conséquences qui s’y attachent.
Aux questions qui sont posées, vous n’apportez aucune réponse.
M. Jean-Louis Carrère. Et vous ?
M. Charles Revet. Lorsque je suis intervenu dans la discussion générale, j’ai conclu mon propos en demandant à Mme le garde des sceaux où elle voulait nous emmener.
M. Jean-Louis Carrère. C’est vrai, ça, où voulez-vous qu’elle vous emmène ?
M. Charles Revet. Sa réponse, laconique, a été la suivante : jusqu’où le précise le texte de loi !
Chaque fois que des questions vous ont été posées, madame la ministre, vous n’avez pas répondu. Nous n’avons entendu qu’un propos très alarmant de la part de Mme le garde des sceaux : « Nous sommes face à un changement de civilisation. »
M. Bruno Sido. Au moins !
M. Charles Revet. Madame le ministre, j’ai donc deux questions à vous poser. Je ne sais si vous y répondrez vous-même ou si Mme le garde des sceaux s’en chargera, mais j’espère bien obtenir cette fois des réponses.
M. Bruno Sido. Pas comme tout à l'heure !
M. Charles Revet. Comme vous avez bien évidemment réfléchi aux conséquences de l’adoption de ce texte - je ne peux pas penser qu’il en soit autrement -, pouvez-vous nous indiquer à quel type de société vous souhaitez aboutir, sachant que, demain, nos enfants devront y vivre ?
M. Jean-Louis Carrère. Allons ! On ne pose pas de questions dans une explication de vote, enfin !
M. Charles Revet. Ma seconde question concerne la GPA et la PMA, dont nous avons beaucoup parlé.
Madame le ministre, vous n’avez pas su nous dire si l’on reviendrait sur ce texte ni dans quelles conditions, mais, si le projet de loi est adopté et la loi publiée au Journal officiel, et si une famille, ou une structure quelconque, introduit un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme, pouvez-vous nous affirmer que la France ne risque pas de se voir imposer, au nom de l’égalité, des dispositions concernant, par-delà l’adoption simple ou plénière, la PMA ou la GPA ?
M. Philippe Marini. Bonne question !
M. Jean-Louis Carrère. Mais non ! Ce n’est pas cela que nous votons !
M. Charles Revet. Vous ne pouvez pas ne pas nous répondre, à nous qui sommes ici et qui sommes interpellés, car nos travaux sont aujourd’hui suivis avec attention.
Madame la ministre, ces réponses, vous nous les devez, à nous et à tous nos concitoyens : nous les attendons ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.– On applaudit également sur certaines travées de l’UDI-UC.)
M. Jean-Louis Carrère. Une vraie manipulation !
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Mme la garde des sceaux a donc pris la parole. Le fait est assez exceptionnel pour être noté. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Ce n’est pas vrai !
Mme Nicole Bonnefoy. Quel mépris !
M. Philippe Bas. Elle a pris la parole (Brouhaha sur les travées du groupe socialiste.) et a esquissé l’amorce d’un début de commencement de réponse (Oh là là ! sur les travées du groupe socialiste.) à la question de notre président de groupe.
Je tenais à la remercier de cet égard pour notre président.
M. Jean-Louis Carrère. Nous, nous ne vous remercions pas !
M. Jean-Marc Todeschini. Quand on n’a rien à dire…
M. Philippe Bas. Il a ainsi obtenu, du moins partiellement, ce à quoi nous n’étions pas parvenus en quatre jours d’efforts !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Vous faites bien trop d’efforts !
M. Philippe Bas. Je préfère la remercier et réagir avec optimisme à ce qui augure, je l’espère, d’une plus grande disponibilité du Gouvernement (M. Jean-Louis Carrère mime le geste d’un violoniste.) afin que le débat se noue enfin. Car je constate que nous exprimons des objections, certes, mais pas uniquement ! Nous formulons également des propositions. Malheureusement, il est peu fréquent que nous obtenions des réponses, ce qui est bien dommage. N’est-ce pas la vertu de la délibération parlementaire que de nous permettre de nous retrouver, de dialoguer et d’essayer d’écrire ensemble la loi ?
M. Jean-Louis Carrère. Vous n’exprimez rien du tout, vous parlez pour ne rien dire !
M. Philippe Bas. J’ai pu observer que Mme le garde des sceaux, qui elle, cher collègue, ne parle pas pour ne rien dire, appréciait la poésie et la littérature (Oh ! sur les travées du groupe socialiste.) et qu’elle aimait aussi le fromage. (Sourires.)
M. Bruno Sido. Le fromage picotant !
M. Philippe Bas. J’ai de grandes divergences de vues avec Mme le garde des sceaux, mais nous avons aussi quelques points communs. J’aime moi aussi René Char, ainsi que beaucoup de nos collègues ici. Et comme certains de nos collègues de droite, de gauche et du centre, j’apprécie Aimé Césaire.
En écoutant Mme le garde des sceaux, je pensais à André Gide disant très injustement à propos de François Mauriac qu’on ne fait pas de bonne littérature avec de bons sentiments. Et je me disais que l’on ne fait pas non plus de bons textes avec seulement de bonnes intentions !
M. Jean-Louis Carrère. Vous êtes un expert !
M. Philippe Bas. Quant au fromage, j’en suis également amateur…
M. Bruno Sido. Normal, pour un Normand !
M. Philippe Bas. … et nous sommes nombreux sur ces travées à pouvoir vanter les productions de nos départements. En ce qui me concerne, je tiens à faire l’éloge du camembert au lait cru de Lessay (Ah ! et très bien ! sur les travées de l'UMP.).
M. Jean-Claude Lenoir. Dans l’Orne !
M. Philippe Bas. Puisque Mme Taubira nous a gratifiés de ses confidences, au reste très émouvantes, j’ajoute que j’aime, comme elle, le gruyère. Le gruyère de son enfance, avec ses picotements, qui est un peu sa madeleine de Proust, a subi une forme particulière d’affinage (Protestations sur les travées du groupe socialiste, où l’on crie au hors sujet.). En principe, ce n’est pas le gruyère que l’on affine, c’est le comté. Et l’affinage du comté demande des mois et des mois. (Protestations continues sur les mêmes travées.)
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Arrêtez, c’est indigne !
M. Philippe Bas. C’est un peu la même chose pour le droit. Produire un bon texte, cela exige du temps, des soins, de l’attention et du professionnalisme. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. – Pitoyable ! sur les travées du groupe socialiste.)
Je ne suis pas certain que toutes ces conditions ont été réunies pour ce texte, qui a été décidé avant d’avoir été pensé. (Oui ! sur certaines travées de l'UMP.) Nous sommes aujourd’hui contraints d’en débattre alors même que beaucoup des questions qu’il suscite n’ont été que partiellement traitées.
Parmi ces questions, il y a celles que nous ne cessons de poser concernant les implications de ce texte sur l’assistance médicale à la procréation. Nous n’avons pas besoin d’attendre un autre texte, dont on ne sait pas s’il va oui ou non être présenté, Mme Bertinotti y étant favorable, au contraire du Premier ministre… (Mme la ministre fait des signes de dénégation.)
Sans avoir besoin, donc, d’attendre un hypothétique autre texte, nous savons que, parce que l’adoption sera ouverte à l’épouse d’une mère qui aura bénéficié d’une assistance médicale à la procréation, ce texte permettra immédiatement de reconnaître des enfants qui auront été conçus pour n’avoir pas de père.
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est fini, il faut vous arrêter !
M. Jean-Marc Todeschini. Le temps de parole est écoulé !
M. Philippe Bas. Sachez bien que là réside le motif principal de notre opposition à votre texte ! Nous considérons qu’il n’est pas possible d’être parent d’un enfant sans être sa mère ni son père, et nous tenons que c’est une vue de l’esprit que de penser le contraire.
En revanche, nous admettons que l’on peut tout à fait jouer un rôle très important auprès de l’enfant en étant le compagnon du père ou la compagne de la mère. Nous aurions dû travailler ensemble pour définir et construire ce rôle. Alors, nous aurions fait œuvre utile.
M. Jean-Marc Todeschini. Cinq, quatre, trois, deux, un : c’est terminé !
M. Philippe Bas. Et voilà pourquoi, mes chers collègues (Protestations sur les travées du groupe socialiste.), je ne peux en aucun cas voter cet article 1er, dont les conséquences sont très graves. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Louis Carrère. C’est du cinéma de bas étage !
M. Philippe Bas. Parce que c’était plus brillant avec Mme le garde des sceaux ?
M. David Assouline. Elle est bien plus brillante que vous ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Mme Esther Benbassa. Cela s’excite, à l’UMP !
M. le président. La parole est à M. Philippe Darniche, pour explication de vote.
M. Philippe Darniche. Je vais à mon tour, confirmant mes propos précédents, vous dire pour quelles raisons, avec mes collègues sénateurs non inscrits, je ne voterai pas ce texte.
Nous avons probablement manqué aujourd’hui une occasion unique (Mais oui ! sur les travées du groupe socialiste.) d’avancer sur un sujet compliqué, mais qui nous tient à cœur comme à vous : l’avancement des droits des couples homosexuels.
Le contrat d’union civile était, à mon sens, une bonne proposition, qui permettait de progresser sur ce sujet et qui correspondait à ce que souhaitait la très grande majorité des homosexuels, tout en étant exempt des inconvénients considérables que renferme votre texte, madame la ministre.
Je pense que le Gouvernement ment et fait preuve d’hypocrisie. Car assurément, en votant pour cet article 1er, nous voterions pour l’adoption plénière, pour la PMA et pour la GPA, et nous imposerions ces trois pratiques à notre pays, ainsi que je vais le démontrer.
L’article que nous examinons confère, en effet, un statut identique aux couples de personnes de sexe différent et de personnes de même sexe. Or la Cour européenne des droits de l’homme dispose d’un lourd dispositif anti-discrimination et défend l’application de droits identiques en cas de statut identique. Si les couples de personnes de sexe différent bénéficient d’un droit d’adoption et de procréation, la CEDH considérera que les couples de personnes de même sexe doivent en jouir également. Certes, les arrêts de la CEDH ne modifient pas directement les droits internes, mais ils s’imposent aux pays membres du Conseil de l’Europe, dont la France, qui doivent les respecter sous peine de s’exposer à de lourdes condamnations.
Ainsi, l’adoption plénière et la PMA seront automatiquement imposées à la France.
Je voudrais encore rappeler que la faculté réservée à un homme et une femme de se marier ne résulte pas de la réprobation d’une pratique sexuelle, l’homosexualité, mais d’une réalité biologique : la différence des sexes.
Cette réalité s’impose de la même manière à toute l’humanité, à tous les âges et sous toutes les civilisations. Une minorité agissante souhaite distiller l’idée que la nature n’existe pas et que la détermination sexuelle résulterait simplement de la conscience de l’homme. La théorie du genre, qui apparaît aujourd’hui en pleine lumière, est totalitaire et destructrice.
Mme Esther Benbassa. Ah ah !... Nous y sommes !
M. Philippe Darniche. En ce jour probablement historique, vous vous apprêtez à défigurer la société en piétinant une institution, le mariage. Vous allez augmenter la souffrance d’enfants qui ne connaîtront pas leurs origines. Le droit à l’enfant l’emportera entièrement sur le droit de l’enfant.
Vous avez refusé l’union civile, dont je répète qu’elle satisfaisait probablement la majorité des couples homosexuels, et, au nom du principe d’égalité et afin de satisfaire une minorité, vous avez considéré qu’il fallait emprunter un autre chemin.
Avec tout le respect que je vous porte, chers collègues, je dirais que vous souffrez d’égalitarisme chronique.
M. Alain Gournac. C’est une grave maladie !
M. Philippe Darniche. Au nom de cela, vous avez sacrifié l’enfant !
M. Philippe Marini. Très bien !
M. Philippe Darniche. Parce que cet article est destructeur de la définition même du mariage, parce que ce qui est en jeu, c’est une certaine idée de la vie, et peut-être n’avons-nous pas la même, je ne voterai pas cet article 1er. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.
Mme Catherine Deroche. L’article 1er institue le mariage pour les couples de même sexe. Nous connaissons tous des couples homosexuels dans nos familles, parmi nos amis. Ils vivent souvent une vie de couple fondée sur un attachement sincère et, à ce titre, méritent le respect. Nous souhaitons tous que ces homosexuels ne souffrent ni de la vie qu’ils mènent ni de la qualité de leur couple.
À cet égard, le PACS, tel qu’il existe actuellement, ne remplit pas toutes les conditions requises pour que ces hommes et ces femmes soient respectés dans leur vie de couple. Je regrette, pour ma part, que le gouvernement précédent n’ait pas pris l’initiative d’une amélioration du PACS, sur ses aspects tant patrimoniaux que symboliques. Je déplore, notamment, que l’on ne puisse célébrer une union civile, qui correspondrait mieux au respect dû aux couples homosexuels.
C’était l’objet de l’union civile que nous souhaitions établir dans ce texte et que vous avez rejetée.
M. Jean-Marc Todeschini. M. Karoutchi disait hier que M. Sarkozy n’en avait pas voulu !
Mme Catherine Deroche. Je ne sais pas ce que M. Sarkozy désirait, je ne suis pas sa porte-parole !
M. Jean-Marc Todeschini. Cela a été dit hier sur vos travées !
Mme Catherine Deroche. Je vous donne mon avis personnel : pour ma part, je le regrette ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Cet article 1er pose problème : le mariage a des implications. La demande des associations homosexuelles n’est d’ailleurs pas tant le mariage lui-même - les homosexuels disent bien qu’ils ne se marieront pas systématiquement, comme d’ailleurs les couples hétérosexuels -, que l’adoption. Ce que veulent les associations, c’est la possibilité, pour les couples homosexuels, d’avoir une famille et d’élever des enfants.
Or, nous le savons bien, l’adoption sera difficile pour les couples homosexuels et, inévitablement, au nom de l’égalité, ce texte nous contraindra à aller plus loin.
Les couples homosexuels que nous avons pu entendre nous ont fait part du vide dans leur vie que représente l’absence d’enfant, ce que nous pouvons le comprendre. Mais, si l’on entend cette souffrance, il me semble que le texte proposé ouvre sur trop d’incertitudes et de difficultés à venir. À ce titre, nous ne pouvons y souscrire.
Le vide d’enfants existe chez des couples homosexuels comme chez des couples hétérosexuels, ou chez des personnes qui ont fait un choix de vie particulier, du fait, par exemple, de leur engagement religieux. À ce moment du débat, je voudrais cependant dire que l’on peut réussir sa vie et lui donner du sens sans enfant, même si les enfants sont source d’un vrai bonheur.
À l’UMP, nous disposons de la liberté de vote, ainsi qu’à l’UDI-UC, je pense. Nous pouvons nous en réjouir. Pour ma part, je ne voterai pas l'article 1er. Quant à vous, mesdames et messieurs de la majorité, nous vous sentons très unis sur ce texte… Vous n’avez pas de liberté de vote : le Gouvernement vous l’a dit, puisqu’il ne s’agit que de mariage et d’adoption, vous devez voter comme un seul homme ! (M. Jean-Louis Carrère s’exclame.)
Mais je vous donne rendez-vous dans quelques mois, lorsque nous débattrons du texte sur la PMA et la GPA. Nous verrons alors si vous êtes aussi joyeux, et si, comme le Président de la République, vous êtes toujours blagueurs. Car voilà au moins une qualité que tout le monde lui reconnaît ! (Oh ! sur les travées du groupe socialiste.)
Rendez-vous dans quelques mois ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.– M. Jean-Louis Carrère proteste énergiquement.)