M. Raymond Vall, président de la commission du développement durable. Eh oui !
M. Jean Bizet. Certes, ce projet de loi apporte des réponses juridiques pratiques à des difficultés rencontrées par l’État et d’autres agents publics. Il tente de faire appliquer une fiscalité écologique élaborée sous la précédente législature – je m’en souviens ! Cependant, certaines dispositions du présent texte suscitent toujours des interrogations.
Je n’oublie pas que j’ai voté, en 2009, la loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement. Je n’oublie pas davantage la nécessité d’envisager l’économie avec un certain nombre d’exigences environnementales – c’est une évidence !
Toutefois, l’économie de marché est trop occultée à mon goût. Souvenons-nous de l’approche économique adoptée par nos voisins allemands depuis plus de cinquante ans : l’économie de marché autant que possible, l’État autant que nécessaire !
J’ai eu beau chercher, je n’ai pas trouvé dans la discussion de ce projet de loi la marque d’une préoccupation majeure qui devrait nous mobiliser tous : la compétitivité de l’industrie de notre pays. La baisse de l’industrialisation de la France atteint pourtant un seuil critique : l’industrie ne représente plus que 12 % du PIB de la France, soit presque 50 % de moins qu’en Allemagne, qui est notre principal partenaire.
Soyons honnêtes : cette baisse ne date pas d’hier,…
M. Raymond Vall, président de la commission du développement durable. Ah !
M. Jean Bizet. … mais d’avant-hier ! Elle est très antérieure à mai 2012. Reste que le différentiel de compétitivité entre la France et l’Allemagne atteint aujourd’hui un degré tel qu’il affecte jusqu’à l’équilibre du couple franco-allemand.
M. Daniel Raoul. Ah, le mariage pour tous !
M. Jean Bizet. Je pourrais ajouter un couplet très important sur l’équilibre de ce couple, car il affecte toutes nos décisions en matière européenne.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean Bizet. Certes, le Président de la République, François Hollande, souligne que le couple franco-allemand doit montrer la voie. Mais permettez-moi de me demander sans malice quelle peut être cette voie quand ce couple ne parle pas d’une seule et unique voix ? Voilà un fameux problème !
L’écotaxe proposée par le Gouvernement, appliquée sans discernement, portera directement préjudice à notre tissu de PME et de TPE. Je l’ai déjà souligné lors du précédent débat.
Je suis malheureusement contraint, faute de temps, d’écourter mon intervention. Je dirai donc que, à mon sens, l’esprit du présent texte n’est pas celui de la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement.
Comme je l’ai expliqué en première lecture, j’aurais souhaité une approche plus pragmatique qui tolère un certain nombre d’exemptions ; une approche éloignée de l’écologie punitive mais ouverte à une écologie incitative et réformatrice, voire réparatrice.
Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe UMP s’abstiendra. (M. François Trucy applaudit.)
M. Raymond Vall, président de la commission du développement durable. C’est déjà un progrès !
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission du développement durable, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, deux mois après avoir examiné ce texte en première lecture nous débattons aujourd’hui des conclusions de la commission mixte paritaire.
Pourtant, l’Assemblée nationale a voté ce texte voilà seulement deux jours, et la commission mixte paritaire s’est tenue hier. Nous plaidons, vous le savez, pour rompre avec cette accélération du calendrier législatif qui ne nous permet pas de travailler dans d’excellentes conditions !
Au demeurant, les dispositions du présent texte doivent s’apprécier au regard d’un contexte plus global. Je songe à ce titre à la remise imminente du rapport Bianco et aux évolutions européennes attendues. En effet, les questions de séparation entre les activités de gestionnaire d’infrastructure et d’opérateur, abordées à la marge par ce projet de loi, sont d’une actualité brûlante à travers la proposition de directive dite du « quatrième paquet ferroviaire », présentée en janvier dernier par la Commission. Cette dernière semble vouloir dresser des frontières tellement importantes qu’elles reviennent en réalité à imposer une séparation totale.
Si cette directive n’invalide pas le projet français, force est de constater qu’elle ne l’encourage pas non plus.
Monsieur le ministre, nous espérons que vous prendrez en considération la résolution adoptée par le Sénat le 2 avril dernier, indiquant que la Commission européenne a outrepassé ses pouvoirs en interdisant implicitement « la création de toute entreprise ferroviaire verticalement intégrée », ainsi que la proposition de résolution déposée à l’Assemblée nationale qui va dans le même sens.
La voix de la France doit porter pour permettre de garantir la possibilité de relations poreuses entre gestionnaire d’infrastructure et opérateurs, gage de réalisation mais surtout de réussite de l’unification du système ferroviaire et du futur pôle public.
En tout état de cause, l’intérêt de ce projet de loi réside essentiellement dans l’entrée en vigueur de la taxe poids lourds.
Depuis l’instauration du principe de ce prélèvement, il est prévu que les transporteurs puissent répercuter cette taxe sur les chargeurs. Toutefois, un certain nombre de nos collègues ont estimé que ce principe portait atteinte à la compétitivité des entreprises, notamment dans les zones enclavées.
Nous considérons qu’il s’agit d’un véritable enjeu. Plus largement, la question de l’essor de nos entreprises, et notamment de nos PME, appelle prioritairement une politique d’aménagement du territoire par un maillage des services publics, par la performance de tous les réseaux – y compris le très haut débit –, par la relance du fret ferroviaire, par le dynamisme de la Banque publique d’investissement et par bien d’autres pistes.
Les modalités de répercussion de la taxe poids lourds sont simplifiées par le présent projet de loi, qui se fonde sur une majoration du coût de transport différenciée au niveau régional. Nous sommes en accord avec ce mode de répercussion plus lisible, qui ne change rien ni au volume escompté de rendement ni aux principes devant guider la définition de cette taxe, à savoir son affectation au financement du rééquilibrage modal.
Nous approuvons que cette taxe entre enfin en vigueur après de nombreuses années d’attente, pour être opérationnelle à compter du 1er octobre prochain. Nous approuvons également les évolutions du projet, à savoir une évaluation des conséquences de la mise en œuvre de cette taxe et une définition du caractère évolutif du domaine routier concerné.
Pour autant, plusieurs questions demeurent, selon nous. Alors que la taxe poids lourds devrait rapporter 1,2 milliard d’euros, son rendement pour la société Ecomouv’, à laquelle la collecte de cette taxe a été confiée par l’ancien gouvernement par la voie d’un contrat de partenariat, se situe à quelque 230 millions d’euros par an sur plus de dix ans, soit plus de 2 milliards d’euros au total, pour un investissement de 600 millions d’euros. Nous préférerions parier sur la performance du service public, en l’occurrence du service des douanes !
Huit cents millions d’euros par an issus de la mise en œuvre effective de cette taxe seront versés à l’AFITF pour le financement des infrastructures. Mais reconnaissons d’ores et déjà que cela ne suffira pas à mettre en œuvre la totalité des projets définis par le Schéma national des infrastructures de transport, le SNIT, et que cela ne dédouane donc aucunement le Gouvernement de réfléchir aux moyens de renationaliser les concessions autoroutières afin d’apporter de nouveaux financements à l’AFITF.
Il faut notamment repenser les dispositifs fiscaux existants, qui sont particulièrement favorables aux transporteurs. Ainsi, les exonérations de TIPP coûtent chaque année 330 millions d’euros au budget de l’État. Dans ce cadre, le nouvel article 11 bis, permettant l’évaluation des conséquences des autorisations de poids lourds de 44 tonnes, nous apparaît comme le début de la remise en cause de ces derniers. Vous savez que nous avons toujours soutenu qu’ils portaient atteinte au rail en organisant une concurrence déloyale, particulièrement envers les autoroutes ferroviaires.
Permettre le rééquilibrage modal doit également conduire à agir sur le niveau des conditions de travail du secteur routier, qui sont aujourd’hui déplorables. La France doit porter l’exigence d’une harmonisation sociale par le haut à l’échelle de l’Europe. Vous vous y êtes engagé, monsieur le ministre, et nous serons à vos côtés !
Concernant le secteur fluvial, il faut cesser la saignée des emplois publics, alors que la dernière loi de finances a encore supprimé 128 postes dans ce domaine. Permettre l’essor de la voie d’eau, c’est respecter l’engagement pris d’un financement à hauteur de 840 millions d’euros. Pour cela, la réponse apportée par le Gouvernement ne peut résider uniquement dans la valorisation des terrains qui seraient donnés en pleine propriété à Voies navigables de France, ou VNF, mais doit se doubler d’un effort en termes de dotation budgétaire.
Permettre le rééquilibrage modal – et nous y sommes particulièrement attachés –, c’est encore déclarer d’intérêt général le fret ferroviaire et l’activité du wagon isolé.
Toutes ces questions devront être traitées dans la réforme du système ferroviaire, puisque, au-delà des questions de gouvernance, ce sont les missions mêmes du service public qu’il nous faudra redéfinir et renforcer.
Au regard de tous ces éléments, nous voterons en faveur du présent texte, tout en renouvelant notre appel, monsieur le ministre, à être associés à la construction de la future réforme. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.
M. Vincent Capo-Canellas. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission du développement durable, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous arrivons au terme de l’examen de ce projet de loi portant diverses dispositions en matière d’infrastructures et de services de transports.
Comme je l’avais indiqué lors de la discussion ici même, ce texte arrive légitimement à bon port ! (Sourires.) Une grande partie des mesures techniques qu’il contient font consensus. Certes, la discussion a été un peu plus compliquée pour le Gouvernement à l’Assemblée nationale, nos collègues députés étant parfois plus turbulents… (Sourires.)
M. Vincent Capo-Canellas. Au final, le texte issu de l’Assemblée nationale, au-delà d’un certain nombre de modifications rédactionnelles positives, ressemble fortement au résultat des travaux du Sénat. Au titre des apports utiles, je veux évoquer les précisions bienvenues enrichissant le contenu du rapport prévu à l’article 7, sur les effets de la majoration sur les prix du transport.
Rappelons tout d’abord que nous discutons dans ce texte non pas du principe de l’écotaxe, mais bien des modalités de sa mise en œuvre et de sa répercussion sur les transporteurs. L’évaluation approfondie, prévue par ce rapport, est donc indispensable pour mesurer l’incidence économique de l’écotaxe poids lourds et les éventuels dysfonctionnements ou insuffisances du dispositif de majoration. Souhaitons que ce bilan d’étape prévu puisse rassurer les professionnels, inquiets de la mise en œuvre d’un dispositif, qui, reconnaissons-le, peut paraître complexe à bien des égards.
Depuis l’examen de ce texte par le Sénat, monsieur le ministre, vous avez annoncé deux décisions qui correspondent à nos souhaits : le report au 1er octobre de l’application de l’écotaxe et la mise en place d’une expérimentation à blanc. Nous saluons ces décisions de bon sens, dont le Sénat aurait volontiers pris acte durant les débats.
Quelques mesures nouvelles, introduites par le Gouvernement, ont curieusement fait leur apparition, mais cela n’a pas empêché la commission mixte paritaire de parvenir à un texte commun, chaque chambre faisant un pas en direction de l’autre ; à cet égard, je veux saluer ici la contribution éminente de notre rapporteur.
La commission mixte paritaire a ainsi pu rétablir dans le texte la disposition, proposée par le Sénat et à laquelle les sénateurs tenaient beaucoup, exemptant d’écotaxe les véhicules d’entretien des routes appartenant à l’État et aux collectivités territoriales.
Logiquement, le texte de la CMP conserve quelques modifications proposées par nos collègues députés. Deux sont majeures, l’une d’elles figurant d’ailleurs au nombre des suggestions émises sur de nombreuses travées de cette assemblée.
Premièrement, afin de prendre en compte la spécificité du transport de la denrée périssable qu’est le lait, les députés ont exclu les véhicules de collecte de lait de l’écotaxe poids lourds, dans la mesure où ces véhicules sont dispensés de chronotachygraphes. Cette mesure aura pour effet de conforter l’activité de la filière laitière. Elle pouvait faire craindre que l’on n’ouvre la boîte de Pandore des exemptions à l’écotaxe, et nous n’avions donc pas tranché en sa faveur. Toutefois, cette exception peut maintenant être validée, car elle se fonde sur la directive européenne Eurovignette qui permet de dispenser de l’écotaxe cette catégorie particulière de véhicules. Saluons cette subtile évolution et souhaitons qu’elle ne conduise pas à un imbroglio juridique !
Deuxièmement, nos collègues de l’Assemblée nationale ont souhaité majorer les taux de minoration de l’écotaxe pour les régions périphériques, afin de réduire l’incidence de la mesure dans ces régions. Ce sujet a donné lieu à un long débat en commission mixte paritaire. Cet aménagement de l’écotaxe pour les régions périphériques et péninsulaires, lié à leurs caractéristiques de production, est en effet discutable, car il réduit d’autant les recettes qui viendront financer l’AFITF. Mais c’est peut-être le prix à payer pour une mise en place rapide de l’écotaxe poids lourds, et c’est cet argument qui a prévalu dans nos échanges en commission mixte paritaire. Nous avions également en tête les débats au Sénat en première lecture, durant lesquels un certain nombre de nos collègues de ces régions s’étaient largement exprimés.
Quant aux autres dispositions, elles ne justifient pas d’opposition de notre part. L’organisation d’une conférence nationale de la logistique ne pourra que nous inciter à réfléchir à l’importante question de l’optimisation des chaînes du transport intermodal, et nous avons compris, monsieur le ministre, que vous aimez bien les débats et les commissions ! (Sourires.)
M. Raymond Vall, président de la commission du développement durable. Enfin, seulement au Sénat !
M. Vincent Capo-Canellas. Si la création du centre d’études et d’expertises sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement, le CEREMA, a été insérée par le Gouvernement de façon un peu cavalière, comme l’a aimablement souligné M. le rapporteur tout à l'heure, nous ne souhaitons pas nous opposer au regroupement et à la rationalisation de divers organismes, qui, nous l’espérons, permettront des économies et un surcroit d’efficacité. Il faudra peut-être vérifier qu’il en sera bien ainsi à l’usage.
Nous avions été favorables à l’adoption de ce texte parce qu’il apportait un certain nombre de réponses techniques attendues par le secteur des transports, et surtout parce que sa principale mesure, la mise en œuvre de l’écotaxe, résulte directement du Grenelle de l’environnement qui avait été voté à la quasi-unanimité sous la précédente majorité.
S’il n’est pas totalement satisfaisant, le système de majoration forfaitaire prévu par le projet de loi comme mécanisme de répercussion de l’écotaxe est sans doute le moins mauvais possible. Il fallait trouver une solution pour permettre l’application rapide de l’écotaxe, initialement prévue pour 2010. Nous devions prendre en compte la spécificité et la fragilité économique des entreprises de transports.
Nous estimons que les objectifs de l’écotaxe poids lourds, cohérents avec les principes du Grenelle de l’environnement, sont bons. L’écotaxe favorise en effet les modes de transport plus vertueux grâce au report modal, et vise à développer une politique des transports plus durable, en apportant un financement pérenne à l’AFITF.
Pour ces raisons, le groupe UDI-UC maintient donc son vote favorable à ce projet de loi.
Cependant, monsieur le ministre, la discussion de ce texte technique, consacré à l’ensemble des modes de transports, s’apparente pour nous à une mise en bouche, et nous avons encore beaucoup d’appétit pour ce domaine des transports (Sourires.).
Nous attendons de discuter des réformes majeures qui doivent maintenant intervenir, et ce débat sera sans doute très différent ! Il devra concerner la réforme du système ferroviaire, bien entendu, mais aussi le chantier du SNIT. Pour le moment, vous avez nommé des commissions et lancé les réflexions. Nous attendons désormais la « mise en pratique » et les réformes de fond ! (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste, du RDSE et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Monsieur le président, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier M. le rapporteur de son travail consensuel et M. le ministre de cette capacité d'écoute que nous nous plaisons toujours à lui reconnaître.
Les objectifs de l’écotaxe poids lourds sont louables et légitimes – et bien sûr, nous les soutenons – pour favoriser le report modal et de financer de nouvelles infrastructures de transport. Cependant, les débats autour de l’application de cette écotaxe font apparaître certains doutes et certaines craintes concernant ses effets sur la compétitivité de notre économie, et notamment sur le secteur de l’agro-alimentaire.
Monsieur le ministre, ces préoccupations sont encore plus vives dans les territoires ruraux, pénalisés par l’absence d’alternatives efficaces à la route, comme le rappelait en première lecture mon collègue Alain Bertrand. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avions déposé un certain nombre d’amendements visant à minorer la taxe dans les territoires enclavés.
La question des territoires dans lesquels seule la route permet le désenclavement est en effet systématiquement éludée. Évidemment, dans les régions où l’on bénéficie de routes à quatre voies, d’autoroutes, d’aéroports, de trains à grande vitesse et de fret ferroviaire, on fait face à une situation tout à fait différente ! On peut alors déclamer sur la transition énergétique et sur beaucoup d’autres choses !
Mais en l’absence d’alternative à la route, l’écotaxe sera systématiquement répercutée vers le consommateur final, qui paiera pour un choix qu’il n’aura pas lui-même effectué, ce dernier relevant bien de l’entreprise qui privilégiera en toute logique la route, plus compétitive dans ces cas-là que le fret ferroviaire, trop délaissé.
Pour citer une étude commandée par la SNCF au cabinet Bain & Company, l’écart de prix en Europe entre le mode routier et le fret ferroviaire serait d’environ 25 %, et le déficit du fret ferroviaire pourrait atteindre 5 milliards d’euros en cinq ans. Le rapport prévu par le projet de loi, portant sur les effets de la majoration sur les prix de transport des produits de grande consommation, pourra nous éclairer sur ce point.
Avec ce texte, nous allons adopter des minorations et des exonérations alors qu’aucune expérimentation n’a finalement eu lieu. Les deux exonérations de véhicules, et notamment celle qui concerne les véhicules de ramassage laitier – c’est d’ailleurs une bonne chose pour les producteurs de lait –, révèlent l’absence d’alternative à la route dont vont souffrir certains secteurs de l’économie.
Je me satisfais partiellement de la possibilité de revoir ultérieurement la liste des tronçons de route taxables. J’ai entendu mon collègue Joël Labbé dire qu’il faudrait que toutes les routes le soient ! Il est facile de demander cela depuis une région desservie par tous les modes de transport, alors que, dans certaines régions, il n’existe que des routes nationales où l’on passe à 30 kilomètres à l’heure… Je pense qu’il faudrait enfin s’occuper de l’égalité territoriale ! Il me semble d’ailleurs qu’un ministère en est chargé, encore que je n’aie pas entendu jusqu’ici beaucoup de propositions. Cela étant rappelé, la révision de la liste devra se faire selon la procédure même qui a présidé à son établissement ; j’espère donc que la consultation sera réelle, car ce retour est essentiel.
Je constate, monsieur le ministre, que la région Auvergne, chère à mon cœur, ne bénéficie ni de la minoration de 30 % ni de celle de 50 %, accordées à certaines autres régions. Peut-être est-elle plus proche des autres régions européennes que la Bretagne historique, peut-être n’est-elle pas périphérique… Mais elle reste, hélas ! la région la plus enclavée et donc la plus exposée à l’application de la taxe.
Il y a malheureusement là un manque de cohérence de l’exécutif : bien que défavorable au relèvement de la minoration applicable à ces régions, il a fini par céder, alors que, si l’on en croit les travaux de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale, le taux régional applicable à la Bretagne dans la répercussion de la taxe tenait bien compte de la minoration, puisqu’il a été établi à 3,3 %, au lieu de 5,5 %. Il semblerait que nous ne disposions pas des mêmes forces de persuasion – je n’ose parler de « forces de dissuasion », même si l’on peut y penser… (M. le ministre et M. le président de la commission du développement durable sourient.)
Toutefois, ce texte est indispensable pour clarifier et rendre lisibles les modalités de répercussion de la taxe auprès des chargeurs. À ce titre, il recueille un avis favorable des transporteurs routiers.
Monsieur le ministre, je veux maintenant attirer brièvement votre attention sur le financement de l'Agence de financement des infrastructures de transports de France, ou AFITF, financement qui nous préoccupe tous. Comme j’ai déjà eu l’occasion de vous le dire, si le RDSE est le seul groupe à ne pas être représenté au sein de la commission « Mobilité 21 », ses membres se sentent particulièrement concernés par ce sujet.
Extrêmement préoccupante, la question du financement de l’AFITF nécessite une attention toute particulière de votre part – je sais que vous la lui accordez –, d'abord parce que le report de l’application de l’écotaxe constitue une perte financière pour l’Agence, mais aussi parce que nous craignons que les rentrées d’argent liées à la mise en place de cette taxe n’aboutissent non à un véritable renforcement du financement de l’AFITF, mais bien au résultat contraire. Pour nous, en effet, et nous le constatons tous les jours, le développement de l’offre de transport sans logique d’aménagement du territoire est voué à l’échec.
Par conséquent, monsieur le ministre, nous souhaitons que vous veilliez particulièrement à ce financement.
Nous savons aussi que du financement de l’AFITF dépend celui des programmes de modernisation des itinéraires routiers, les PDMI, que nous considérons comme fondamentaux, comme j’ai déjà eu l’occasion de vous le dire.
Cela étant, monsieur le ministre, le projet de loi est louable dans son objet, et son adoption constituerait un pas en avant important. C'est la raison pour laquelle les membres du RDSE voteront très majoritairement en sa faveur. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Michel Le Scouarnec applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, permettez-moi d’emblée de saluer la qualité du travail accompli par notre rapporteur.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Michel Teston. Mon intervention portera sur les dispositions du projet de loi relatives aux transports ferroviaire et routier.
Quelques mots, tout d’abord, sur le volet ferroviaire.
Le Sénat a adopté un amendement faisant obligation à la SNCF de transmettre aux régions les comptes d’exploitation des lignes de TER. L’Assemblée nationale a renforcé cette obligation de transparence, en précisant que la SNCF devra fournir chaque année aux régions les comptes d’exploitation retraçant la totalité des opérations afférentes à l’exécution de la convention d’exploitation, les comptes détaillés ligne par ligne, une analyse de la qualité du service et une annexe permettant d’apprécier les conditions d’exploitation du transport régional de voyageurs.
Les députés ont aussi renforcé les dispositions de l’article 4, en étendant le champ des catégories d’agents assermentés pouvant constater des infractions sur le réseau, comme les vols de cuivre. Désormais, les personnels habilités pour constater les infractions seront non seulement ceux de la SNCF, mais aussi ceux des entreprises « agissant pour le compte de Réseau ferré de France ou ayant conclu une convention avec Réseau ferré de France. »
J’en viens au volet « routier » du projet de loi.
Les conseils généraux avaient été quelque peu échaudés par le volume et par la forme du transfert des routes nationales opéré à la suite de l’adoption de la loi du 13 août 2004. Or le présent projet de loi prévoit, en son article 5, le transfert de routes ou sections de route nationales déclassées aux communes et aux conseils généraux. En première lecture, nous avions été nombreux, tant en commission qu’en séance, à demander des précisions. Ces précisions nous ont été apportées puisque M. le ministre a communiqué la liste exhaustive des linéaires transférés : il s’agit, effectivement, principalement de délaissés.
Les dispositions principales de ce projet de loi figurent à l’article 7 et portent sur l’amélioration du mécanisme de répercussion de l’écotaxe poids lourds.
Dès l’adoption de cette dernière, il avait été prévu de répercuter son paiement sur les utilisateurs de transports de marchandises, c’est-à-dire les chargeurs et les principaux donneurs d’ordres de la filière. Or le mécanisme de répercussion de la taxe avait suscité de vives réserves de la part de l’ensemble des acteurs de la filière.
Monsieur le ministre, vous avez donc fait œuvre utile en procédant à une révision du dispositif et en faisant le choix d’une majoration forfaitaire unique, modulée par région, avec l’objectif de limiter les problèmes de perception et de faciliter les négociations commerciales, dans un cadre plus sécurisé et plus équitable.
Sensible, dans sa majorité, à cet effort de simplification, le Sénat n’avait pas ouvert la voie à des dérogations. Tout au plus avions-nous voté l’exonération pour les véhicules, propriété de l’État ou d’une collectivité locale, affectés à l’entretien et à l’exploitation des routes. Par ailleurs, nous avions décidé de supprimer l’expérimentation alsacienne, dont la pertinence ne nous semblait plus avérée.
Or, lors de l’examen du texte, les 10 et 11 avril dernier, l’Assemblée nationale a supprimé l’exonération pour les véhicules que je viens de mentionner. En outre, elle a exonéré de l’écotaxe une catégorie particulière de véhicules, à savoir les citernes destinées à la collecte du lait. Enfin, elle a fait le choix d’augmenter les minorations au titre de la périphéricité pour trois régions, faisant passer ces minorations de 25 % à 30 % pour l’Aquitaine et Midi-Pyrénées et de 40 % à 50 % pour la Bretagne.
Je veux cependant rappeler que la taxe poids lourds n’a pas été instaurée pour apporter une réponse aux problèmes économiques de telle ou telle filière touchée par la crise, même si ces difficultés sont bien réelles ! En réalité, nul ne l’ignore, la taxe a été instaurée pour contribuer au rééquilibrage concurrentiel entre les différents modes de transport de marchandises. L’importance de sa mise en œuvre est d'autant plus grande que les recettes attendues sont destinées à l’AFITF pour faire face aux très nombreux besoins dans le domaine des diverses infrastructures de transports.
Toutefois, une nouvelle lecture du projet de loi n’était pas envisageable. Les membres de la commission mixte paritaire ont donc pris acte des modifications apportées par l’Assemblée nationale aux articles 6 quater et 6 quinquies nouveaux, tandis que l’exonération pour les véhicules, propriété de l'État ou d'une collectivité locale, affectés à l'entretien et à l'exploitation des routes, a été réintroduite en CMP, ce qui paraît de bon sens.
Pour ces raisons, le groupe socialiste votera ce texte, même s’il n’apparaît pas aussi équilibré et équitable que celui que le Sénat avait voté en première lecture. Mais, ainsi, l’écotaxe, prévue depuis déjà quatre ans, pourra enfin s’appliquer.
Pour terminer, indépendamment de la mise en place de la taxe poids lourds, je reste très préoccupé par le niveau des recettes de l’AFITF. C’est pourquoi, lors de l’examen du projet de loi en première lecture, j’avais évoqué la question de l’aubaine que pourrait constituer cette taxe sur les routes nationales et sur certaines routes départementales pour les sociétés autoroutières, en favorisant un report de trafic sur leurs réseaux et en suscitant ainsi au profit de ces sociétés des recettes supplémentaires…
Ne serait-il pas opportun de tenir compte de ces probables nouvelles ressources pour faire évoluer la fiscalité applicable à ces sociétés, dont les résultats financiers – vous ne me contredirez pas – sont d'ores et déjà plus que corrects ? Je pense qu’il faudra un jour se poser cette question et y apporter une réponse. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)