M. François Fortassin. À l’époque, on nous présentait la mise en place des fameuses listes grises et noires de l’OCDE comme une avancée majeure dans la lutte contre les paradis fiscaux. On sait ce qu’il en est aujourd’hui.
Immédiatement après l’établissement de ces listes, les États ou territoires dits « non coopératifs » ont pu sortir de la liste noire dès lors qu’ils avaient signé au moins douze conventions fiscales prévoyant l’échange de renseignements et respectant les standards du modèle OCDE. Or quoi de plus facile, pour un paradis fiscal, de conclure avec ses semblables ou avec des territoires comme le Groenland, qui ne feront pas de difficultés, bien entendu, pour transmettre tous les renseignements voulus, cette douzaine d’accords d’échange de renseignements ?
La liste des paradis fiscaux, ou plutôt des États et territoires non coopératifs, puisque tel est le terme officiel, s’est donc rapidement vidée. En France, chaque État qui signe aujourd’hui une convention d’échange de renseignements avec notre pays sort de facto de cette liste. Bien sûr, il peut théoriquement y être réintégré dès lors que l’échange d’informations n’est pas effectif, mais, monsieur le ministre, combien de fois ce cas de figure s’est-il présenté ? J’espère que vous pourrez nous donner une réponse.
Méfions-nous donc des déclarations dithyrambiques sur la fin de l’évasion fiscale et saisissons-nous des propositions concrètes existant à l’échelon européen pour renforcer la lutte non seulement contre l’évasion fiscale, mais aussi contre la concurrence fiscale déloyale.
La révision de la directive Épargne, véritable serpent de mer, pourrait, si elle aboutit, constituer une grande avancée. Tout en continuant de plaider et d’être une force de propositions à l'échelle internationale pour la transparence fiscale, agissons dès aujourd’hui de façon coordonnée avec nos partenaires européens pour montrer l’exemple.
Le groupe RDSE soutiendra le Gouvernement dans toutes les actions concrètes pour lutter efficacement et au quotidien contre la fraude et l’évasion fiscales. À cet égard, il me semble, monsieur le ministre, comme cela a déjà été souligné, que la cinquantaine de propositions issues du rapport sénatorial de la commission d’enquête sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales serait une source d’inspiration toute trouvée pour le Gouvernement.
J’ajouterai qu’il ne faut pas négliger l’homme de la rue qui, pour l’instant, ne croit pas à la transparence en matière fiscale. Les eurocrates de Bruxelles, convaincus de leur savoir, sont peut-être les seuls à penser qu’elle existe. Il faut dire que, cravatés comme des notaires de province et ressemblant à des plantes de serre, ils ne sont pas forcément d’une grande efficacité, car on a surtout besoin de chênes de plein vent pour affronter cette rude tempête. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste.)
Mme Nathalie Goulet. Quelle poésie !
M. Philippe Marini. Quelle belle chute !
M. le président. La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d’entamer mon propos, je voudrais tout d’abord remercier le groupe CRC, en particulier M. Bocquet, d’avoir demandé l’inscription à l’ordre du jour de notre assemblée de ce débat sur l’efficacité des conventions fiscales internationales.
Il s’agit là d’un sujet qui prend un relief tout particulier au regard de l’actualité, et il est plus que temps pour les pouvoirs publics et la représentation nationale de s’en préoccuper sérieusement.
Les notions que ce débat mobilise sont en effet structurantes dans notre vision du monde et le fonctionnement de nos États. Les enjeux de fond qui s’y rattachent concernent la solidarité au niveau des nations et entre les nations elles-mêmes, la bonne gouvernance, l’équité internationale et la juste imposition. Pas moins ! Or leur méconnaissance a malheureusement occupé, dans un passé récent, une place prépondérante dans la marche du monde ou plutôt, devrais-je dire, dans ses titubations.
Nous devons donc nous en emparer sans tarder, comme, d’ailleurs, le Président de la République et le Gouvernement semblent aujourd’hui déterminés à le faire.
Je ne reviendrai pas sur la définition de ces conventions fiscales ou sur les politiques qui ont été mises en place jusqu’à aujourd’hui à leur égard. Les orateurs précédents s’y sont déjà brillamment attachés. Mon propos visera simplement à replacer cette question dans un cadre un peu plus large.
Il est communément admis aujourd’hui que le système de conventions fiscales que nous connaissons a quelque chose de singulièrement absurde lorsqu’il s’agit de lutter contre la fraude fiscale et d’assurer un fonctionnement harmonieux et équilibré de l’économie et de la société. Les grandes entreprises et les particuliers les plus aisés profitent à merveille de la division des tâches opérée par les places financières pour répartir au mieux leurs actifs, leurs passifs, leurs activités réelles et leurs implantations fictives. Mieux, ils le font le plus souvent en respectant la légalité !
Tant que nous réfléchirons comme nous l’avons fait jusqu’à présent, cela ne changera pas.
Dans cette affaire, l’Union européenne s’est trop souvent montrée passive et s’est trop longtemps soustraite au rôle qui devrait être le sien. Quelques-uns de ses États membres pratiquent en effet un dumping fiscal acharné ; certains de ses territoires sont des paradis fiscaux à part entière, de même que plusieurs de ses partenaires commerciaux. L’île de Jersey, la Suisse, l’Autriche, la City de Londres, le Luxembourg ou Chypre : nombreuses sont les places financières qui entretiennent ou entretenaient encore récemment, pour les unes, l’opacité, pour les autres, la dérégulation du secteur financier.
Du fait de la règle de l’unanimité qui prévaut en matière fiscale, l’Union européenne n’a toujours pas su se doter de règles harmonisées en la matière.
Quand elle avance, comme pour le texte sur l’assiette commune consolidée de l’impôt sur les sociétés, ou encore sur la TVA appliquée aux produits vendus sur internet, elle le fait à pas extrêmement ralentis et parfois de manière anachronique.
Faut-il rappeler ici, en présence de M. Marini, les effets de ces disparités sur les librairies et autres disquaires, quand ils se trouvent concurrencés par des entreprises opérant via Internet et répartissant leurs filiales de manière à échapper, y compris légalement, à l’impôt ?
M. Philippe Marini. Certes !
M. André Gattolin. Des soucis du même ordre se font jour quand il s’agit de conclure des accords de commerce bilatéraux avec le Canada, les États-Unis ou le Japon, qui auront pour effet d’abaisser encore un peu plus les droits de douane. Ceux-ci étant déjà quasi inexistants entre nos pays et ces partenaires-là – ils sont en moyenne de 4 % entre les États-Unis et l’Union européenne –, a-t-on besoin d’affaiblir encore les finances de l’Union européenne, en particulier ses ressources propres, alors que nul n’ignore que la puissance publique manque cruellement de moyens ?
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’Europe a trop longtemps manqué d’ambition et de cohérence en ces domaines. D’ailleurs, des pays comme le Luxembourg ou l’Autriche ont sans doute davantage évolué sous les coups de boutoir des États-Unis que par solidarité avec leurs partenaires !
Pis, la France elle-même a traîné les pieds et s’est montrée très en retard dans la réflexion autour de la lutte contre les paradis fiscaux ou au sujet des nouvelles formes de fiscalité. Nos difficultés actuelles à parler d’une fiscalité du numérique digne de ce nom en témoignent.
M. Philippe Marini. Absolument !
M. André Gattolin. Les écologistes se félicitent donc des annonces récentes du Président de la République, qui visent notamment à établir un échange automatique des informations bancaires ou la mise en place d’une comptabilité détaillée et circonstanciée, pays par pays, non seulement pour les banques mais aussi pour les autres grandes entreprises.
Nous avons d’ailleurs nous-mêmes proposé de telles mesures dans nos amendements sur la loi bancaire, mais ils ont été, dans un premier temps, en partie repoussés, tant la pression de certains établissements financiers, qui disaient craindre pour leur compétitivité, a été forte.
Publication de la nature et de l’activité des filiales et de leurs effectifs, des chiffres d’affaires et de leurs bénéfices, des impôts qu’elles paient et des subventions qu’elles reçoivent partout dans le monde : ces dispositions sont les seules à même de déceler et de lutter contre les abus, les incohérences et les dérives dues à l’excès de globalisation et de financiarisation de l’économie.
Surtout, elles rencontrent aujourd’hui un soutien croissant. L’OCDE, qui y a longtemps été hostile, semble, en ce moment même, opérer sa conversion. Le G20 a, le week-end dernier, encouragé les États à faire de l’échange automatique d’informations le standard international.
Notre ministre de l’économie, qui participait à ce sommet, a récemment réclamé, avec plusieurs de ses collègues européens, que la législation de l’Union évolue pour se rapprocher des nouvelles politiques américaines en la matière.
C’est dire que le contexte semble aujourd’hui porteur, encourageant, et que nous avons là une possibilité d’agir comme jamais nous n’en avons eu jusqu’à présent. Je conclurai donc logiquement en mettant l’accent sur l’importance de ne pas gâcher cette occasion.
Monsieur le ministre, vous avez, sur ce sujet, le soutien entier et résolu des écologistes, impliqués depuis de nombreuses années dans ces questions, pour aller aussi loin que possible. Nous savons que le Gouvernement est ambitieux en la matière. Nous savons aussi que bien des promesses ont été faites dans le passé, mais que fort peu d’entre elles se sont concrétisées.
Nous espérons que la France se fera aussi bruyante qu’incontournable au sein des institutions européennes et multilatérales pour faire avancer ses préconisations. Nous espérons aussi que les moyens législatifs que vous nous soumettrez, les sanctions que vous envisagerez pour les contrevenants, les propositions que vous ferez pour révolutionner la fiscalité française, européenne et internationale seront à la hauteur des enjeux. (Applaudissements.)
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Philippe Marini.
M. Philippe Marini. Monsieur le ministre, je tiens tout d’abord à vous saluer puisque c’est la première fois que je suis amené à me trouver face à vous en séance publique dans vos nouvelles fonctions.
Je voudrais aussi rendre, à mon tour, hommage au groupe CRC, qui est à l’initiative de ce débat particulièrement opportun, alors qu’une nouvelle commission d’enquête sur ce sujet va entamer ses travaux au sein de notre assemblée. Un tel rendez-vous doit être l’occasion pour le Gouvernement, je l’espère, de nous faire part de l’état des discussions internationales, en particulier du contenu du G20 de la semaine dernière.
Comme chacun sait, la commission des finances s’intéresse de près aux conventions fiscales, car elle traite au fond les projets de loi de ratification. Notre tradition, amorcée par nos anciens collègues Adrien Gouteyron et Nicole Bricq, reprise maintenant par Michèle André, est d’approfondir la recherche autant qu’il est possible, afin d’éclairer l’ensemble des membres de la Haute Assemblée sur les enjeux.
La commission des finances est donc bien placée pour mesurer l’ampleur du changement de braquet de la politique conventionnelle de la France au cours de ces dernières années, tant pour ce qui concerne le nombre de conventions conclues que pour ce qui est du contenu de ces textes et de l’ambition qui y est affichée. À cet égard, je souhaite préciser que ce changement de braquet résulte de l’impulsion donnée par le président Sarkozy (D’un geste, M. Jacques Chiron manifeste son désaccord.), et je me réjouis que celle-ci ait été prolongée par le gouvernement actuel.
En effet, à l’automne 2008, lorsque la crise financière a éclaté, et alors que Nicolas Sarkozy présidait le Conseil européen, il a su agir de manière efficace pour que le G20 se mette en place, puis pour mettre à l’ordre du jour du sommet de Londres la lutte contre les paradis fiscaux, bancaires et judiciaires. C’est dans la foulée de cette action internationale que le modèle de convention de l’OCDE, qui dormait dans des cartons ou dans les greniers du château de la Muette depuis des années, s’est imposée comme le standard mondial : désormais, le Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales de l’OCDE veille, en principe, à ce que les engagements pris par les États ou territoires afin de sortir des listes « noires » ou « grises » de l’Organisation soient bien suivis d’effets.
En conséquence, la France a, depuis 2009, conclu ou révisé des conventions avec vingt-huit États ou territoires dont, par exemple, Andorre, la Suisse, le Liechtenstein ou Jersey, afin de les rendre conformes au modèle de l’OCDE, qui interdit à la partie requise de s’abriter derrière le secret bancaire pour refuser de répondre à une demande individuelle.
Les progrès sont donc réels par rapport à la situation qui prévalait avant 2009.
Au demeurant, je me réjouis de constater que l’actuel Gouvernement a conservé le même cap en soumettant à la ratification du Parlement plusieurs nouvelles conventions, avec les Philippines, Oman ou Aruba, elles aussi calquées sur le modèle de l’OCDE.
Après ce rappel, je souhaiterais insister sur ce qui constitue notre préoccupation permanente, à savoir, au-delà de la simple existence de ces accords, l’effectivité de leur mise en œuvre. Notre commission des finances n’a jamais fait preuve d’une naïveté béate face à la réalité : les rapports et les débats de notre assemblée démontrent notre volonté de ne pas nous contenter de mots, fussent-ils inscrits dans des conventions, et de veiller à l’application effective des nouvelles dispositions conventionnelles. J’en donnerai quelques exemples.
Lors de l’examen de la dernière loi de finances rectificative pour 2009, au sein de laquelle fut créée la notion d’« État ou territoire non coopératif », j’avais défendu, en qualité de rapporteur général de la commission des finances et avec le soutien du président Jean Arthuis, un amendement dont l’adoption aurait abouti à l’inscription de la Suisse sur la liste des États et territoires non coopératifs, nos voisins ayant alors choisi de suspendre le processus de ratification de l’avenant à la convention franco-suisse en raison de l’affaire dite du « listing HSBC ». Il est d’ailleurs dommage que nous n’ayons pas été suivis à l’époque.
À la fin de 2011, considérant que le Panama n’avait pas la capacité juridique de mettre en œuvre la convention passée avec la France, notre rapporteur général, Mme Nicole Bricq, nous avait incités à rejeter l’avenant, provoquant ainsi la réunion d’une commission mixte paritaire sur un projet de loi une convention fiscale, ce qui est une rareté ! Cela nous avait permis de siéger dans la salle de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, puisque, au Palais Bourbon, c’est à cette commission qu’est confié l’examen au fond des conventions fiscales.
Plus récemment, les rapports de Michèle André rappellent que, s’il est possible de retirer un État de la liste des États non coopératifs, il est également possible de l’y réinscrire, s’il ne respecte pas ses engagements.
L’état des lieux étant dressé, comment aller plus loin ? Que faire, à présent que nous disposons de quelques années de recul sur les premières conventions négociées ou renégociées à la suite de l’aval donné par le G20 de 2009, et tandis que l’enquête dite Offshore Leaks d’un réseau de journalistes internationaux a bien montré que les paradis fiscaux demeuraient une réalité quotidienne ?
Dans cette optique, monsieur le ministre, je souhaite évoquer devant vous trois pistes propres à nourrir la réflexion.
Première piste : développer l’échange automatique, ce qui signerait véritablement la fin du secret bancaire.
La France, nous le savons, plaide depuis longtemps en faveur d’une systématisation de l’échange automatique. Les positions du précédent gouvernement dans le cadre de la renégociation de la directive Épargne ont été heureusement reprises à son compte par le gouvernement actuel.
Avec quatre autres États européens, notre gouvernement vient par ailleurs de lancer un appel au commissaire européen Semeta, chargé de la fiscalité, en vue de la mise en place, en Europe, d’un dispositif inspiré de la réglementation américaine FATCA, sur laquelle nous tâcherons de nous documenter lors du prochain déplacement du bureau de la commission des finances aux États-Unis. Il serait utile, monsieur le ministre, vous nous en disiez un peu plus à ce sujet.
En tout état de cause, il semble que la situation évolue en Europe et, à cet égard, le Conseil européen du 22 mai 2013 pourrait marquer une étape importante ; sans doute nous le direz-vous, monsieur le ministre.
Deuxième piste : il convient de mieux utiliser les outils existants.
À cet égard, je me permettrai de faire une allusion discrète à l’actualité récente et à un dossier très médiatisé, qui m’a amené à m’intéresser de près au fonctionnement concret de deux conventions fiscales, celles que nous avons signées avec la Suisse, d'une part, et avec Singapour, d'autre part.
Je n’évoquerai, pour illustrer mon propos, que la convention franco-suisse, emblématique à bien des égards, et dont le dernier avenant est entré en vigueur le 4 novembre 2010.
Je relève, que le dernier « jaune budgétaire » sur le réseau conventionnel de la France en matière d’échange de renseignements, annexé au projet de loi de finances pour 2013, comprend des passages critiques sur la qualité de notre coopération avec la Suisse. Notre pays avait, au 31 août 2011, adressé 98 demandes d’assistance administrative à la Confédération helvétique et n’avait reçu à la même date que 55 réponses. Ce taux conduit à s’interroger sur le délai de réponse des autorités suisses, mais ne donne pas d’indication quant à la qualité des réponses reçues. Il semble bien qu’un nombre significatif de demandes soient jugées « non pertinentes » par notre voisin.
Pourtant, il est désormais bien connu que l’avenant franco-suisse a été complété le 11 février 2010, comme l’avait relevé Adrien Gouteyron devant notre assemblée, par un échange de lettres entre les directeurs des administrations fiscales de nos deux pays, permettant d’interroger les Suisses même lorsque l’on ne connaît pas avec certitude la banque concernée. Je m’interroge toujours sur les raisons pour lesquelles il semble bien que nous n’utilisions pas pleinement cette faculté.
Quoi qu’il en soit, s’agissant de la Suisse, la question qui se pose est la suivante : sommes-nous à l’aube d’une nouvelle ère de la coopération franco-suisse, ou bien les difficultés identifiées dans le « jaune budgétaire » à l’automne dernier subsistent-elles ?
Un cas récent a permis de montrer que les autorités suisses pouvaient répondre de manière rapide et constructive lorsque les bonnes questions lui étaient posées. Un nouveau test important nous permettra de nous faire une idée du niveau réel de collaboration de notre partenaire suisse. Selon la presse, en effet, la France a effectué des demandes d’assistance administrative concernant quelque 353 contribuables qui auraient été démarchés par la banque UBS.
De manière plus générale, il est important, pour les parlementaires qui ne peuvent participer aux discussions entre administrations fiscales, de mieux comprendre les difficultés concrètes auxquelles se heurte notre direction générale des finances publiques. J’ai le sentiment que certains États limitent leur assistance à la simple confirmation des informations obtenues par les services français, qui doivent recueillir par eux-mêmes des données très détaillées avant de pouvoir espérer des réponses.
Sans verser dans la naïveté, on aurait pu penser que, eu égard aux discours publics des gouvernements et à l’intérêt de contenir l’évasion des capitaux, les autorités des pays bénéficiaires des mouvements contribueraient à l’analyse des mouvements suspects, par exemple lorsqu’un même établissement bancaire procède à des transferts massifs de comptes depuis un pays dans lequel les règles sont sur le point de se durcir. Je souhaiterais connaître votre analyse sur ces sujets, monsieur le ministre.
Ne pensez-vous pas, qu’il faudrait aussi, même si la France est déjà aux avant-postes, toujours plus stimuler notre réseau conventionnel, afin de faire comprendre aux États requis que le « principe de proportionnalité », derrière lequel ils s’abritent souvent pour justifier leur peu d’empressement à diligenter des recherches, doit aussi valoir pour la requête, qui ne peut pas toujours être d’une extraordinaire précision ?
En cas de refus trop fréquent d’un partenaire qui ne permettrait pas une application satisfaisante de notre loi fiscale malgré la conclusion d’une convention, ne devrions-nous pas être en mesure de solliciter le Forum mondial de l’OCDE pour qu’il procède à une nouvelle investigation ? Ne devrions-nous pas aller jusqu’à assumer l’inscription ou la réinscription de l’État concerné sur notre liste des États et territoires non coopératifs ?
Troisième piste, enfin : renforcer le contrôle démocratique.
La souveraineté fiscale de nos États est aujourd’hui menacée, plusieurs d’entre nous l’ont dit très justement, par les pratiques à la fois illicites et immorales d’évasion fiscale, mais aussi par la manipulation de leurs bases d’imposition par les grandes entreprises.
Une bonne information des citoyens et du Parlement est donc essentielle. À cet égard, monsieur le ministre, le « jaune budgétaire » sur les conventions fiscales annexé au projet de loi de finances me paraît toujours un peu maigre. Il doit a minima être enrichi de données qualitatives sur le caractère satisfaisant ou non des réponses adressées à la France par chaque pays partenaire.
Je regrette, par ailleurs, que l’annexe au projet de loi de finances, créée par la loi de finances initiale pour 2011, et dans laquelle doit être présenté un bilan annuel des contrôles effectués par l’administration fiscale, n’ait toujours pas été publiée. Un tel document fournirait pourtant au Parlement des informations précieuses, notamment sur les demandes de documentation, procédures et contrôles concernant la « manipulation des prix de transfert ». C’est un enjeu essentiel, sur lequel j’insiste à mon tour.
Il ne s’agit là évidemment que de quelques pistes, en préambule de travaux de la commission d’enquête sur le rôle des banques et des acteurs financiers dans l’évasion des ressources financières, conduits sous la houlette de nos collègues Éric Bocquet et Philippe Dominati,…
Mme Nathalie Goulet. Notamment !
M. Philippe Marini. … et qui s’annoncent très riches. Je leur adresse par avance, ainsi qu’à tous ceux qui s’associeront à leurs efforts, tous les encouragements de la commission des finances. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Mme Nathalie Goulet et M. André Gattolin applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Michèle André.