M. Stéphane Mazars. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collèges, le projet de loi que nous examinons ce soir est difficilement identifiable si l’on s’en tient à son seul titre. En réalité, les termes utilisés recouvrent des dispositions très diverses. On trouve dans ce texte des mesures relatives aussi bien aux conditions de travail des gens de mer, à la responsabilité des armateurs, à l’exercice de la profession de vétérinaire qu’à la prévention des risques industriels, aux transports ou encore à l’énergie. Chacune de ces mesures soulève des enjeux importants qu’il est impossible d’évoquer en quelques minutes à cette tribune.

Aussi, j’ai fait le choix de m’attarder sur certaines des dispositions relatives à l’énergie et à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, en raison du débat en cours sur la transition énergétique et de la forte implication des politiques européennes sur cette question de fond.

Plusieurs points du projet de loi participent à la réalisation du triple objectif fixé par l’Union européenne pour 2020 visant à réduire de 20 % nos émissions de gaz à effet de serre, à améliorer de 20 % notre efficacité énergétique et à produire 20 % d’énergie à partir de sources renouvelables.

L’article 29 transpose l’article 8 de la directive du 25 octobre 2012 relative à l’efficacité énergétique en rendant obligatoire la réalisation d’audits énergétiques pour les grandes entreprises de manière indépendante, et ce au plus tard pour le 5 décembre 2015. La compétitivité des entreprises sera assurée aussi par la réalisation d’économies sur leur facture énergétique. Ce sont environ 5 000 entreprises qui seront concernées par ces dispositions. Ces audits réalisés tous les quatre ans seront l’occasion d’identifier des points d’amélioration de la performance énergétique desdites entreprises.

Les transpositions effectuées permettront également de contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans le secteur des transports. Le report modal est notamment encouragé par la modulation des péages en fonction du niveau d’émissions polluantes des poids lourds et de la congestion du trafic.

Par ailleurs, la réduction des émissions de gaz à effet de serre est également favorisée par la transposition en droit national de l’objectif de 10 % de la part d’énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie dans le secteur des transports d’ici à 2020. En outre, les fournisseurs de carburants devront réduire de 10 % les émissions de gaz à effet de serre par rapport à 2010.

La ratification de l’ordonnance du 14 septembre 2011 nous donne surtout l’occasion de nous féliciter de l’application de critères de durabilité aux biocarburants et aux bioliquides. Les avantages fiscaux dont ils bénéficient, à savoir la réduction de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques ou la réduction de la taxe générale sur les activités polluantes, seront conditionnés au respect de ces critères.

Désormais, ces biocarburants doivent présenter un potentiel de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’au moins 35 % par rapport aux carburants et combustibles fossiles. Ce taux devra être porté à 50 % en 2017 et à 60 % en 2018. Les biocarburants et bioliquides ne doivent plus être produits à partir de matières premières provenant de terres de grande valeur en termes de biodiversité, présentant un important stock de carbone ou ayant le caractère de tourbières. Enfin, ils ne doivent pas être produits à partir de matières premières qui ne respectent pas les bonnes conditions agricoles et environnementales applicables dans le cadre de la politique agricole communautaire.

La transposition de ces critères de durabilité n’est qu’une étape. Un projet de directive actuellement en discussion fait l’objet de fortes attentes, car il devrait permettre de réduire les impacts des changements d’affectation des sols. Il en va de même pour la deuxième génération des biocarburants, dont il faut rappeler qu’elle ne constitue pas l’unique solution pour renforcer la part des énergies renouvelables dans le secteur des transports. On peut mieux faire, et l’énergie électrique doit prendre toute sa place.

En effet, l’utilisation d’électricité d’origine renouvelable dans les transports et l’amélioration de son efficacité énergétique constituent également des leviers utiles pour la décarbonisation. Les systèmes de transport intelligents – la directive-cadre relative à ces systèmes est transposée à l’article 26 du projet de loi – doivent jouer un rôle déterminant. Ces objectifs sont d’autant plus essentiels que nous sommes dans l’incapacité de respecter les seuils d’émission de polluants atmosphériques.

Je tiens à saluer le travail de la commission du développement durable et de son rapporteur, ainsi que celui de M. Courteau, rapporteur pour avis. S’agissant d’un texte particulièrement technique aux dispositions très hétéroclites, les rapporteurs n’ont disposé que d’un délai restreint – tous les orateurs l’ont relevé – pour apporter quelques corrections à ce projet de loi de transposition et en améliorer la qualité.

L’Union européenne ne manque pas d’ambition à l’heure de définir la politique européenne énergétique et climatique. Cependant, le chemin sera long pour mener à son terme l’Europe de l’énergie, capable de mobiliser les capacités de production diversifiées nécessaires à un approvisionnement sûr et respectueux du climat et de notre environnement. Les moyens ne sont pas à la hauteur de ces ambitions, reconnaissons-le. L’absence d’une vision globale et commune de la politique européenne en la matière est dommageable et a des conséquences parfois absurdes.

Alors que l’Union européenne s’impose des objectifs contraignants pour lutter contre le changement climatique, elle relance ses centrales au charbon, car cette source d’énergie, pourtant beaucoup plus polluante, coûte bien moins cher que le gaz. Pour l’heure, le Conseil européen du 22 mai dernier a évoqué l’exploitation du gaz de schiste. Où en est-on de ce dossier, qu’il convient d’aborder sereinement et sans passion ?

Je rappelle que le RDSE est favorable à l’exploitation des gaz de schiste, mais pas par la technique de la fracturation hydraulique, bien trop polluante. Cela signifie, comme l’ont indiqué non seulement le rapport Gallois, mais aussi le Président de la République, que la priorité doit être donnée à la recherche pour trouver des alternatives permettant peut-être, à terme, l’exploitation des gaz de schiste sans porter atteinte à l’environnement. Telle est la position du Gouvernement, et nous la partageons.

Quant aux centrales à gaz, elles sont menacées, alors qu’elles permettent de compenser l’intermittence des énergies renouvelables que l’on veut par ailleurs promouvoir. Mes chers collègues, si le choix du mix énergétique relève de la souveraineté des États membres, nous ne pouvons pas faire l’impasse sur la nécessaire complémentarité des capacités de production et sur le développement des interconnexions pour assurer notre sécurité énergétique.

Madame la ministre, en attendant les conclusions du débat national sur la transition énergétique et en espérant que les prochaines transpositions de directives seront réalisées de façon moins précipitée et avec davantage de cohérence, le groupe du RDSE apportera son soutien à l’ensemble des dispositions du projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Mme Laurence Rossignol. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, les textes portant adaptation de diverses dispositions d’ordre social, fiscal et désormais environnemental – ce qui est un signe de maturité pour l’environnement – sont toujours des textes difficiles, particulièrement pour les rapporteurs. À cet égard, avant de commencer mon intervention sur ce projet de loi qui n’a pas la cohérence d’autres textes et de contribuer au débat sur les questions relatives à l’environnement et au droit européen, je tiens à saluer le travail réalisé par Odette Herviaux et Roland Courteau.

Je voudrais dans mon propos m’attacher à deux sujets : la dimension européenne de la politique énergétique et les certificats d’économies d’énergie. Le contexte s’y prête, puisque le Conseil européen, qui s’est réuni le 22 mai dernier, a évoqué les enjeux de la politique énergétique européenne. Le Président de la République a annoncé lors de sa dernière conférence de presse qu’il défendra le projet d’une Communauté européenne de l’énergie. C'est donc le moment de réfléchir aux propositions que peut porter la France, par votre intermédiaire, madame la ministre, avec le soutien du Parlement.

L’Union européenne a débuté par la création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier. L’énergie constitue donc, en ce sens, à la fois son histoire et son futur. La France a récemment évoqué un projet de coopération renforcée concernant les interconnexions et la recherche et développement ; c’est dans ce sens que nous devons aller.

Nous devrons dépasser nos vingt-sept politiques nationales en investissant dans un marché intérieur intégré en matière d’énergie – objectif désormais inscrit par le Conseil européen à horizon 2014 – afin d’améliorer, notamment, nos infrastructures de réseaux.

Face aux défis du changement climatique, l'Union européenne est le seul émetteur majeur à s’être réellement engagé dans une politique ambitieuse. En ce sens, la politique énergétique européenne ne peut être cohérente que si elle respecte les objectifs climatiques que l’Europe s’est elle-même fixés.

Aujourd'hui, les deux tiers de notre consommation de pétrole sont utilisés pour nos déplacements. Le transport est donc une grosse source d’émission de CO2. La transcription de la directive Eurovignette dans ce texte concourt donc à notre ambition climatique puisqu’elle devrait permettre un report modal et des réductions des émissions de gaz à effet de serre.

À ce sujet, je dois revenir sur les propos du Commissaire européen en charge de l’énergie, qui vient d’ouvrir une brèche quant à l’exploitation du gaz de schiste en Europe, évoquée par mon prédécesseur à cette tribune. Il est nécessaire que notre Gouvernement, qui a affiché une position très claire contre la fracturation hydraulique, soit aussi ferme pour l’Europe que pour la France.

Bien qu’un lobbying acharné soit mené pour nous faire accepter la fracturation hydraulique, il n’existe pour le moment, mes chers collègues, aucune alternative technologique sérieuse. J’attire votre attention sur le fait que l’on devrait s’interroger plus souvent, indépendamment des techniques d’extraction, sur la compatibilité des objectifs dits de facteur 4 – la division par quatre de nos émissions de CO2 d’ici à 2050 – et l’exploitation de cette énergie.

Mme Évelyne Didier. Très juste !

Mme Laurence Rossignol. À ce propos, dire qu’il pourrait y avoir une exploitation propre des gaz de schiste, c'est à peu près aussi crédible que d’imaginer fumer des cigarettes – y compris light – sans s’encrasser les poumons…

En outre, selon l’Agence internationale de l’énergie, le charbon devrait, supplantant le pétrole, redevenir la première source d’énergie avant la fin de cette décennie. La politique européenne n’est pas seulement celle qui se conduit au Parlement européen, c'est aussi celle des banques, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement et la Banque européenne d’investissement, qui financent toujours – et massivement ! –, contre l’avis du Parlement, des énergies comme le charbon.

Le ministère de l’économie et des finances est décisionnaire au sein de ces institutions et il serait souhaitable qu’il prenne position en faveur d’un arrêt des financements du charbon par ces banques, comme l’a fait l’Agence française de développement en décidant de ne plus financer les projets sans captation et stockage du carbone opérationnels.

La dépendance de l’Europe aux énergies fossiles, qui demeurent notre principale source d’énergie, n’est pas seulement un problème environnemental, c'est également un problème économique et social.

L’ambition doit être au cœur de notre action politique, particulièrement l’ambition sociale, en raison des nouvelles précarités énergétiques. Quatre-vingts millions d’Européens ont rencontré cette année des difficultés pour se chauffer ou pour accéder à un minimum d’énergie destinée à leur mobilité. La précarité énergétique est la nouvelle poche de pauvreté de l’Europe.

M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Absolument !

Mme Laurence Rossignol. C'est pourquoi la France pourrait apporter son appui à un projet de directive sur la précarité énergétique à l’échelle européenne, afin de mettre en place un bouclier social qui permettrait aux citoyens européens d’être accompagnés dans la transition énergétique.

Afin que la transition énergétique européenne soit réussie, il faudra faire évoluer nos représentations liées à l’énergie. Le renchérissement des énergies fossiles est programmé et relève d’une contrainte physique. Nous ne réussirons donc pas la transition énergétique si nous envoyons des « signaux prix » biaisés aux industries et aux citoyens. Dans leur intérêt, nous devons assumer la transparence des prix de l’énergie au travers des prix du carbone. Par ailleurs, en nous détournant de la vérité des prix, nous n’intégrons pas la valeur climat.

En ce sens, la ratification de l’ordonnance relative au système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre est essentielle, et je me félicite que l’Assemblée nationale l’ait intégrée dans le texte que nous examinons aujourd'hui.

Mme Delphine Batho, ministre. Avec mon soutien !

Mme Laurence Rossignol. Depuis notre première lecture du projet de loi ratifiant cette ordonnance au mois de mars dernier, le Parlement européen a malheureusement donné le coup de grâce au marché des quotas d’émission de gaz à effet de serre et affaibli la politique climatique européenne.

Nous devons rester très vigilants, car le marché du carbone, avec un prix de six euros par tonne, est le couteau sans manche de la politique climatique européenne ! Et à défaut d’une fiscalité carbone européenne – qui n’est malheureusement pas à l’ordre du jour –, ma perplexité est grande face à la dérive du système européen de permis d’émission. Faut-il achever ce marché ? Peut-on le sauver ? J’'avoue éprouver quelques doutes.

Face à une hausse structurelle des coûts de l’énergie, la tentation est forte de lire le problème sous l’angle de la compétitivité-coût, car les industriels européens sont inquiets. Le prix de l’énergie est un facteur important de leur compétitivité. Nous devons donc assurer un volume de production d’énergies renouvelables important pour l’Europe.

Je le répète, la priorité doit être donnée, en Europe, aux réseaux. On nous dit toujours que les énergies renouvelables ont pour principale faiblesse d’être intermittentes, ce qui est parfaitement exact. Mais l’Europe présente une si grande diversité climatique que, grâce à des infrastructures et à des réseaux puissants irriguant l’ensemble du territoire européen, nous pouvons, à cette échelle, contourner ce problème et profiter des moments durant lesquels les énergies renouvelables et intermittentes fournissent de l’électricité.

M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. C'est vrai !

Mme Laurence Rossignol. J’en viens à mon second sujet, qui concerne la mise en œuvre de la directive européenne sur l’efficacité énergétique : les certificats d’économies d’énergie, ou CEE.

Depuis 2006, les vendeurs d’énergie – que l’on appelle des « obligés » – sont tenus de faire réaliser des économies d’énergie à leurs clients. Des certificats d’économies d’énergie leur sont ensuite délivrés en fonction des résultats atteints, à moins que ne leur soient infligées des amendes, le cas échéant, s’ils ne respectent pas les objectifs assignés.

Vous avez, madame la ministre, fait un certain nombre d’annonces à l’Assemblée nationale concernant la réforme de ce dispositif, sa simplification, ainsi que la priorité qui serait donnée, à l’avenir, à la rénovation des passoires thermiques et des logements précaires. Vous avez annoncé l’ouverture, dans l’attente du démarrage de la troisième phase des CEE, d’une période transitoire avec un taux d’effort maintenu au niveau de la seconde phase qui s’achève, ainsi qu’un objectif minimum de 200 térawatts-heure par an pour cette troisième phase. Ces annonces me semblent particulièrement importantes et je veux ici vous faire part de la satisfaction de tous ceux qui, au Sénat, se penchent sur ces sujets.

En matière de lutte contre la précarité énergétique, force est de constater que le bilan des CEE est un échec et qu’une réforme s’impose : faute d’obligations chiffrées, seuls 1 % des certificats d’économies d’énergie délivrés depuis 2006 l’ont été au titre de la précarité énergétique, alors qu’il s’agit d’une obligation légale. Il serait bon qu’en la matière, à l’instar de ce que pratiquent nos voisins britanniques, nous fixions un objectif chiffré aux « obligés ». Le dispositif anglais s’est en effet montré particulièrement efficace, en dédiant 40 % de l’obligation à la précarité énergétique.

La Fondation Abbé Pierre propose un objectif de 30 % et je crois savoir que l’ADEME, l’Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, vous a également fait des propositions. Madame la ministre, pourriez-vous nous éclairer un peu plus sur vos intentions à ce sujet ?

S’agissant des passoires thermiques, les CEE n’ont pas non plus donné les résultats escomptés. Il faut dire que le système actuel ne permet pas de vérifier si les travaux sont pertinents en termes d’efficacité énergétique. Bien souvent, ce sont des opérations simples, comme le renouvellement d’équipements devenus vétustes, qui donnent lieu à la délivrance d’un CEE.

Pour la troisième période des CEE, nous devrons impérativement privilégier la rénovation globale des logements et rendre le dispositif plus transparent pour les consommateurs. Aujourd’hui, sur les 269 opérations éligibles aux CEE, une seule concerne la rénovation globale ! Ce n’est pas satisfaisant. Il faut favoriser davantage les bouquets de travaux.

Pour finir, je souhaite appeler votre attention, madame la ministre, sur les objectifs de réduction de consommation d’énergie que les « obligés » de la troisième phase des CEE devront atteindre. Vous avez évoqué, à l’Assemblée nationale, un objectif de 200 térawatts-heure par an qui devrait permettre, selon la direction générale de l’énergie et du climat, la DGEC, de respecter nos obligations communautaires de réduction de notre consommation énergétique globale de 1,5 % par an.

Toutefois, au regard du potentiel d’économies d’énergie de notre pays – 7 100 térawatts-heure selon l’ADEME, dont 3 700 pour le seul parc résidentiel –, on peut penser que cet objectif pourrait être plus ambitieux. L’ADEME propose une réduction de 900 térawatts-heure sur trois ans et le Comité de liaison des énergies renouvelables, le CLER, une réduction de 1032 térawatts-heure.

Ces propositions me semblent sérieuses et permettraient de financer davantage d’opérations de rénovation énergétique et d’atteindre plus aisément l’objectif de sobriété énergétique indispensable au succès de la transition énergétique sur la voie de laquelle notre pays est engagé. Cette transition énergétique a donné lieu, samedi dernier, à une bien belle journée citoyenne que je voulais, en conclusion, saluer et dont je tenais, madame la ministre, à vous féliciter en raison du débat, difficile mais passionnant, auquel elle a donné lieu (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Delphine Bataille.

Mme Delphine Bataille. Monsieur le président, madame la ministre, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui vise à opérer, de manière urgente, la transposition obligatoire de six directives européennes, à améliorer l’application de plusieurs autres directives déjà transposées et à ratifier douze ordonnances. Ce texte très fourni, transversal et particulièrement complexe comporte des enjeux majeurs pour notre pays. Parmi ses nombreuses dispositions, j’évoquerai quelques articles dont la commission de l’économie a été saisie au fond ou pour avis.

L’article 9 permet de compléter la transposition de la directive « services » dans le domaine de la profession de vétérinaire. Il revient sur deux freins, relevés par la Commission européenne, concernant la liberté d’établissement en France de vétérinaires venant des autres États membres. Il ouvre ainsi la possibilité aux personnes morales, au même titre que pour les personnes physiques, d’accéder à la libre prestation de service et permet d’élargir à toutes les sociétés la possibilité d’exercer la profession de vétérinaire.

En France, les vétérinaires jouent un rôle essentiel en matière de santé publique. Ce texte prévoit donc quelques garanties afin d’éviter certaines dérives. Toutefois, la mise en place de cette directive a suscité des craintes quant au niveau de formation des médecins vétérinaires et à leur indépendance.

En ce qui concerne les qualifications nécessaires à l’exercice de cette profession, je rappelle que la directive « services » complète une autre directive, relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, qui harmonise les conditions d’accès à la profession de vétérinaire.

Notons que les jeunes professionnels qui arrivent sur le marché du travail en France sont déjà, pour près de 40 % d’entre eux, issus d’écoles vétérinaires européennes. Par ailleurs, il est indéniable que, dans le contexte actuel d’une baisse de la démographie de cette profession en milieu rural, l’ouverture européenne est plus que nécessaire.

Ce projet de loi comporte également un important volet relatif à l’énergie. Parmi les principaux points faisant débat, le terme de « biocarburants » avait déjà fait l’objet de longues discussions lors du Grenelle de l’environnement. Certains voudraient faire cesser l’amalgame qui condamne systématiquement tous les biocarburants qui ne sont pas certifiés « bio », préférant les dénommer « agrocarburants ». Néanmoins, le terme générique de biocarburant renvoie à tous les carburants produits à partir de la biomasse. De surcroît, il constitue un terme de référence dans tous les textes européens. Ainsi, après la modification apportée par l’Assemblée nationale, notre commission, sur la proposition de Roland Courteau, a adopté un amendement visant à préserver la version initiale mentionnant le terme de « biocarburants ».

La transposition prévue à l’article 27 permet de réaffirmer l’objectif fixé à la France d’atteindre une consommation de 23 % d’énergies renouvelables en 2020 et précise que 10 % devront concerner le secteur des transports. En réalisant des économies d’énergie et en introduisant des énergies renouvelables, l’objectif est de limiter la proportion de CO2 dans l’atmosphère et de lutter contre le réchauffement climatique. Pour atteindre cet objectif, la France devra quasiment doubler la part actuelle des énergies renouvelables dans sa consommation finale. Celui-ci sera donc relativement difficile à atteindre, comme d’ailleurs dans la plupart des États membres.

C’est pourquoi l’Europe préconise des efforts supplémentaires et prévoit un certain nombre de mesures obligatoires. Elle propose notamment de développer la cogénération dans les usines de production d’électricité, ou encore de soumettre les grandes entreprises à un audit de leur consommation d’énergie afin d’identifier les leviers d’économies possibles.

Néanmoins, la France se distingue par ses faibles rejets de CO2 par habitant du fait, notamment, de la part de l’énergie nucléaire dans la production d’électricité. À cet égard, l’Allemagne n’est pas forcément un exemple à suivre puisque l’arrêt des centrales nucléaires et le rendement moins important qu’attendu de l’énergie éolienne l’amènent à relancer les centrales électriques à flamme, au charbon et au lignite.

Le texte que nous examinons permet aussi, à l’article 28, la transposition du troisième paquet énergie. Le Gouvernement, qui a choisi, dans le cadre de la libéralisation du marché de l’énergie, l’option gestionnaire de réseau de transport indépendant, préserve le modèle français de transport d’électricité, fondé plus sur l’intérêt général que sur le respect des règles de la concurrence.

L’instauration d’un audit énergétique est explicitée à l’article 29, mais la directive impose un calendrier strict, assorti de sanctions en cas de non-respect. Le délai limite de réalisation du premier audit est le principal sujet d’inquiétude des professionnels. Cependant, les délais sont fixés par la directive elle-même et je crois, madame la ministre, que vous contribuerez à les rassurer en vous engageant à publier rapidement les textes réglementaires.

Par ailleurs, si l’on s’interroge sur l’opportunité et l’efficacité d’un audit réalisé en interne, il faut souligner que ce type d’audit est tellement particulier qu’il est difficile de trouver des organismes extérieurs capables de les mener. De plus, on peut s’interroger à juste titre sur la neutralité et la compétence d’organismes prétendument indépendants, dont l’objectif inavoué est parfois de déséquilibrer les grands acteurs de l’énergie.

L’article 30 bis A, quant à lui, renforce les politiques de soutien à la cogénération. Il permet le recours à un dispositif de financement transitoire en attendant la mise en œuvre d’un mécanisme de capacité.

En conclusion, la plupart des dispositions contenues dans ce projet de loi ne soulèvent pas trop d’inquiétudes, et le débat au Parlement nous permet non seulement d’approfondir notre réflexion sur les thématiques abordées, mais aussi de corriger certaines mesures.

Cependant, en matière d’efficacité énergétique et, plus globalement, de développement durable, les efforts des États membres sont encore insuffisants, et l’Europe est de surcroît bien isolée par rapport aux grands pays que sont les États-Unis, la Russie et la Chine. En effet – faut-il le rappeler ? –, la lutte contre le réchauffement climatique concerne non pas la France ou l’Europe seules, mais la planète tout entière.

Madame la ministre, au moment où le Gouvernement engage résolument la démarche d’excellence environnementale promise par le Président de la République, il faut souligner que notre politique en matière de développement durable, pour être efficace et cohérente, doit se construire sur le plan européen et être reprise à l’échelle planétaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Delphine Batho, ministre. Monsieur le président, je tiens tout d’abord à remercier les deux rapporteurs et l’ensemble des orateurs.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nombre d’entre vous ont souligné la complexité de l’exercice des projets de loi portant diverses dispositions d’adaptations du droit de l’Union européenne. C’est un exercice dont le Parlement est maintenant coutumier. L’adoption, depuis quelques années, de quatorze ou quinze projets de loi de cette nature a permis à la France d’avoir un taux de transpositions satisfaisant, puisque seuls 0,3 % ou 0,4 % des textes ne sont pas transposés, alors que le maximum autorisé est de 1 % et la moyenne de l’Union européenne de 0,6 %.

Monsieur Dantec, en ce qui concerne la réduction du risque à la source, les industriels ont investi un milliard d'euros au cours des cinq dernières années. Sur le reste à charge dans le cadre des PPRT, les plans de prévention des risques technologiques, on constate des évolutions importantes en ce qui concerne le plafond de prise en charge par l’État et la clef de répartition des financements, que nous avons introduite dans le projet de loi par le biais d’un amendement, adopté à l’Assemblée nationale, qui visait à reprendre une disposition du projet de loi de finances censurée par le Conseil constitutionnel.

L’objectif est de réduire le reste à charge, et c’est pour régler certaines situations difficiles que nous mobilisons les programmes de droit commun de l’ANAH sur la part restante de 10 %. Nous pouvons transposer la directive qui modifie le code de l’énergie sans préjudice des dispositions futures du projet de loi de programmation sur la transition énergétique.

Monsieur Bizet, je vous remercie tout d’abord de votre soutien au projet de loi. Je le répète, les scores de transposition des directives nous placent, sauf erreur de ma part, au cinquième ou au septième rang dans l’Union européenne.

Vous avez évoqué, monsieur le sénateur, la nécessité de clarifier les dispositions sur les navires câbliers. Nous reviendrons sur ce point à l’occasion de la discussion d’un amendement.

Madame Didier, les dispositions de l’ordonnance sur la situation du marché carbone européen, dont la ratification avait donné lieu à un large débat, sont reprises dans le présent projet de loi.

Depuis que cette ordonnance a été prise, les choses ont évolué, dans la mesure où, effectivement, le back loading a été rejeté par le Parlement européen. L’élément nouveau tient au fait que neuf ministres de l’énergie et de l’environnement, dont moi-même, ont pris position en faveur d’une réforme structurelle du système ETS, et pas seulement d’une intervention à court terme pour soutenir le prix du CO2, ce qui est absolument nécessaire.

Nous reviendrons sur la question des vétérinaires au cours de la discussion des articles.

Des études de danger sont effectuées dans le cadre des PPRT. Les commissions de suivi des sites peuvent tout à fait demander des contre-expertises. Nous avons d’ailleurs, et cela devrait répondre à votre préoccupation, donné des instructions afin de renforcer le rôle des commissions de suivi des sites.

Vous avez souligné un certain nombre d’avancées, notamment en ce qui concerne le statut des gens de mer, et je vous en remercie.

Monsieur Tandonnet, il faut en effet toujours éviter les « surtranspositions ». Nous y avons veillé dans la préparation de ce projet de loi. C’est ce même principe qui m’a conduit à donner, à l’Assemblée nationale, un avis défavorable à certains amendements dont les dispositions qui allaient dans ce sens.

En ce qui concerne les alcools de bouche, la mise en consultation des projets de décrets par l’administration a permis – c’est sa vertu – de repérer des problèmes qui ont ainsi été immédiatement signalés et résolus, afin d’éviter tout malentendu.

Monsieur Mazars, et ma réponse s’adresse aussi à Mme Rossignol, en ce qui concerne l’Europe de l’énergie, le Conseil européen du 22 mai dernier a permis une prise de conscience sur la nécessité d’un changement dans la politique européenne de l’énergie qui, ces derniers temps, s’est essentiellement concentrée sur la question du marché intérieur, avec les demandes régulières faites à la France s’agissant de nos tarifs réglementés.

Il est nécessaire d’avoir aujourd'hui une vision nouvelle – c’est la proposition que porte la France – pour faire de l’Europe le continent de la transition énergétique, pour avoir un plan européen de développement des infrastructures de réseaux, pour aller vers des projets de recherche et développement européens dans le domaine des énergies renouvelables. Il convient aussi de faire évoluer la réglementation, notre conception des aides d’État et les mesures de soutien au secteur industriel en fonction de la compétitivité liée au coût de l’énergie, notamment pour les industries électro-intensives.

Nous devons, dans les semaines et les mois qui viennent, poursuivre les discussions avec nos partenaires pour aller de l’avant. C’est le sens du travail que je mène avec certains de mes collègues, notamment au travers du rapprochement des positions de la France et de l’Allemagne, malgré des mixtes énergétiques différents dans nos deux pays. C’est une base indispensable si nous voulons progresser.

Madame Rossignol, vous avez à juste raison souligné qu’il n’y avait pas d’exploitation propre des gaz de schiste. J’ai par ailleurs répondu sur le système ETS.

Sur les certificats d’économie d’énergie, l’objectif est de trouver un système plus efficace que le dispositif actuel. J’attends beaucoup du rapport de la Cour des comptes, qui est dans sa phase d’élaboration. Il nous permettra d’avoir des données plus précises sur la gestion du système et sur l’effet de levier des certificats d’économie d’énergie. L’utilisation qui en est faite aujourd’hui déclenche-t-elle la décision de travaux et apporte-t-elle une aide substantielle ? Ces certificats ont-ils un véritable effet de levier par rapport à la masse des moyens ? Il y a là un enjeu majeur pour le financement de la transition énergétique.

Madame Bataille, nous reviendrons sur la question des biocarburants, malgré l’amendement rétablissant le texte du Gouvernement qui a été adopté par la commission. C’est en effet le terme qui apparaît dans toutes les directives européennes et c’est aussi le mot juste, sur le fond, par rapport à la biomasse.

Nous allons également mettre en place des dispositifs destinés à accompagner les audits des entreprises.

Enfin, nombre des préoccupations qui ont été évoquées concernent directement le débat national sur la transition énergétique qui commence à entrer – je le disais tout à l’heure – dans sa phase conclusive. Samedi dernier, nous avons eu un rendez-vous important. Nous avons vécu, au cours de cette journée citoyenne, une démocratie participative simultanée dans onze régions. Cela a donné des résultats intéressants et très encourageants.

Un des groupes politiques du Sénat a demandé un débat sur la politique énergétique du Gouvernement. Ce débat aura lieu le 12 juin au soir ; c’est du moins ce qui est inscrit dans mon agenda. Je suis persuadée que nous pourrons alors poursuivre la discussion.

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles du texte de la commission.

TITRE Ier

DISPOSITIONS RELATIVES À L’ENVIRONNEMENT, À LA SANTÉ ET AU TRAVAIL

Chapitre Ier

Dispositions relatives à la prévention des risques

Section 1

Dispositions transposant la directive 2012/18/UE du Parlement européen et du Conseil, du 4 juillet 2012, concernant la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses, modifiant puis abrogeant la directive 96/82/CE du Conseil