M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Je ne peux que voter contre l’amendement de notre collègue Capo-Canellas. D’ailleurs, je trouve qu’il manque un cosignataire à cet amendement : Jeanne Bécu. Il est vrai qu’elle n’aurait pas pu le signer puisqu’elle n’a jamais été sénatrice – le Sénat n’existait pas encore. Surtout, parce qu’elle est montée sur l’échafaud le 8 décembre 1793. Arrivée en haut des marches, un peu chancelante, elle s’est alors tournée vers Sanson pour lui dire : « Monsieur le bourreau, encore un instant s’il vous plaît. » C’était Mme du Barry.
Mes chers collègues, je ne voudrais pas être sévère, et je dis cela avec l’humour nécessaire, mais tout de même ! Que nous est-il proposé dans cet amendement ? De geler la situation actuelle ! Effectivement, la métropole ne se financerait que grâce à la progression des recettes fiscales des EPCI existants ou des communes non membres d’un EPCI. Vos intentions sont clairement affichées !
Monsieur Marseille, je suis d’accord avec vous : tout n’est pas clair dans le texte. Je l’ai déjà dit au cours de la discussion générale, et je le redis ici. Bien des aspects m’inquiètent et devront être clarifiés. C’est le but des amendements. De même, l’Assemblée nationale et la commission mixte paritaire s’y emploieront certainement. Je le répète, nous sommes bien d’accord : le texte est imparfait, il n’est pas abouti et il faudra y revenir.
Le choix est très clair : ou nous créons une métropole en amendant l’article 12, ou, au contraire, nous choisissons de geler la situation actuelle. Ne prétendons pas que cet amendement, s’il est adopté, permettra de créer une métropole puissante ; c’est impossible, car les financements ne seront pas là !
Effectivement, il faut partager la richesse économique, et je comprends que ce soit difficile pour certains. Mais c’est un impératif ! Il faudra même aller plus loin. J’ai entendu Mme Lipietz et M. Collombat regretter que j’aie retiré mon amendement ; c’est vrai que si l’on va au bout de ma logique, à savoir l’absorption des départements, l’effet péréquateur permettra de financer les politiques sociales et l’on aura tout réglé. J’espère donc que nous y viendrons dans un second temps. En tout cas, c’est sur ce chemin que je veux que nous nous engagions tous ensemble.
Depuis que Paris Métropole existe, il ne sort rien du syndicat mixte, alors qu’il se réunit des heures et des heures. (M. Claude Dilain, rapporteur pour avis, et M. Vincent Eblé applaudissent.) Ah si ! Aujourd’hui, il en est sorti quelque chose ! Pourquoi ? Parce que la grande trouille est passée par là ! Tout à coup, ils se sont tous réunis et se sont mis d’accord pour dire qu’il était contre quelque chose. Ça, c’est facile, mais Paris Métropole n’a jamais pu proposer une solution innovante qui permette de partager la richesse économique. Alors prenons nos responsabilités pour aller vers la création d’une métropole, votons contre l’amendement n° 183 rectifié bis et essayons d’amender le texte de la commission ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Hugues Portelli applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Christian Favier, pour explication de vote.
M. Christian Favier. Entre ceux qui soutiennent le texte de la commission, qui a largement modifié la version de l’Assemblée nationale, et ceux qui défendent l’amendement de réécriture de l’article 12 présenté par notre collègue Capo-Canellas, on voit bien que des divergences demeurent, encore que tout le monde semble s’accorder pour limiter les compétences de la métropole à des domaines vraiment stratégiques. C’est donc la nature de ces derniers qui varie selon les propositions.
Je dois dire qu’aucune des positions ne satisfait totalement notre groupe. Pour notre part, nous penchons pour une plus grande liberté de coopération entre les membres sur des axes structurants en matière d’aménagement, de logement et d’environnement, tout en favorisant en toutes circonstances le principe de subsidiarité pour les communes ou les EPCI des territoires de la métropole. Ces principes supposent donc la poursuite de la mise en place de l’intercommunalité en petite couronne et la prise en compte des projets de territoire ainsi que des dynamiques locales pour construire la métropole.
Une autre différence entre ces textes réside dans la structure juridique du futur établissement public : nous avons le choix entre un syndicat mixte ou un EPCI à fiscalité propre.
Derrière ce débat, c’est aussi la question financière et budgétaire qu’il faut trancher. Pour notre part, nous l’avons dit clairement, nous refusons la structure d’EPCI à fiscalité propre, qui ferait remonter à la métropole l’essentiel des ressources, notamment l’ensemble de la fiscalité économique, au détriment des communes, et qui interdirait en son sein d’autres EPCI à fiscalité propre, entérinant ainsi la mort des intercommunalités existantes, quel que soit leur bilan, lequel est parfois important. La dynamique des territoires dans cette région a en effet été très souvent portée par ces intercommunalités.
Sur le périmètre de la future métropole, quelles que soient les propositions, nous craignons toujours, il faut le dire, l’effet de frontière de la mise en place d’une région à deux vitesses entre le cœur de cette région et sa périphérie.
Enfin, sur la gouvernance, nous restons attachés à l’association des communes, des EPCI, des départements et de la région, c’est-à-dire que nous sommes en faveur d’une coopération des différents échelons.
Ce ne sont pas exactement ces propositions-là qui nous sont faites. Pour autant, comme nous sommes confrontés à un choix, nous allons bien évidemment prendre nos responsabilités et voter l’amendement de M. Capo-Canellas. Nous voulons – nous l’avons dit dès le début – qu’un texte sorte du Sénat. Nous ne sommes effectivement pas partisans de la page blanche. Nous préférons un texte qui s’engage sur la voie d’une métropole évolutive, progressive, un texte qui ne prive pas les communes et les intercommunalités de leur fiscalité et qui permette aussi de préserver la dynamique de leur territoire.
Cet amendement est sans doute ce qui se rapproche le plus, aujourd’hui en tout cas, de ce qui est porté par le syndicat mixte Paris Métropole, dont je rappelle que les trois quarts des membres, voilà encore quelques jours, se sont prononcés contre le texte présenté par le Gouvernement.
Sur le financement du syndicat mixte, j’ai entendu les explications un peu laborieuses de notre rapporteur, malgré tout son talent, pour essayer de nous expliquer tout le mal qu’il en pensait. Pourtant, une chose au moins est certaine : le financement tel qu’il est proposé par M. Capo-Canellas sera beaucoup moins spoliateur que celui qui a été imaginé par le Gouvernement et qui, malheureusement, a été repris par le rapporteur. En effet, selon le texte de la commission, toute la fiscalité va continuer de remonter à la métropole, ce qui ne sera pas le cas avec la proposition de M. Capo-Canellas, laquelle préserve pour les intercommunalités et les communes les moyens d’exercer leurs compétences.
Nous le voyons bien – d’ailleurs cela a été proposé par certains de nos collègues socialistes –, derrière la proposition qui nous est faite par le Gouvernement, on veut encore créer un nouvel échelon institutionnel.
M. Christian Favier. C’est très clair puisque, comme l’ont dit certains, il faudra mettre très vite en place l’élection au suffrage universel direct des membres siégeant au sein de cette métropole.
Ceux qui parlent de réduire le millefeuille vont au contraire en rajouter une couche ! Cette nouvelle couche éloignera beaucoup plus encore les citoyens des lieux de décision. Ce sera donc une structure largement moins démocratique que celle qui est proposée dans le cadre d’une métropole solidaire et évolutive. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Louis Nègre, pour explication de vote.
M. Louis Nègre. Je tiens à souligner la qualité du débat au sein de cette assemblée : nous voyons des personnes qui s’engagent, nous entendons des arguments très sérieux et nous examinons des propositions, comme la vôtre, cher collègue Capo-Canellas, extrêmement fouillées. C’est là la partie positive de ce que je peux dire. (Sourires.) Venons-en au reste.
Je viens d’une métropole qui se porte suffisamment bien pour que – alors qu’elle est composée d’une très grande majorité UMP –…
M. Roger Karoutchi. Tant mieux !
M. Louis Nègre. … les maires communistes de deux communes demandent, par presse interposée, à en faire partie. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Cécile Cukierman. Vous feriez mieux de savoir ce qui se passe dans votre métropole !
M. Louis Nègre. C’est dire que la métropole qui a fait peur…
Mme Cécile Cukierman. Vous ne le savez pas !
M. Louis Nègre. Madame, voudriez-vous avoir la courtoisie élémentaire de bien vouloir me laisser parler. Peut-être qu’on l’ignore au parti communiste, mais cela s’appelle la démocratie ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Mes chers collègues, seul M. Nègre a la parole.
M. Louis Nègre. Vous essayez de couvrir la voix de l’orateur, mais vous n’y arriverez pas : on connaît ces méthodes de déstabilisation, qui sont complètement inopérantes.
Mme Cécile Cukierman. On connaît les vôtres de méthode !
M. Louis Nègre. Je poursuis…
On constate que, lorsqu’on fait une métropole et qu’on lui donne les moyens de sa politique, on a un outil extrêmement efficace pour réaliser des projets. Or ce que j’entends en ce moment, je l’ai vécu il y a une dizaine d’années avec des manifestations et même des référendums contre la métropole, qui allait prétendument laminer les communes. Aujourd’hui, tout le monde veut entrer dans la métropole !
Moi qui viens aussi de province, de loin, je veux dire que Paris mérite mieux, et j’ai l’impression que nous ne sommes pas tout à fait à la hauteur de l’enjeu du débat.
Dans le contexte de mondialisation que nous connaissons, on dote des villes-monde comme Paris d’un statut qui n’est pas approprié. Alors, on discute, en disant qu’on a le temps, qu’il faut encore réfléchir... Peut-être, mais sachez que le temps manque !
Dans la compétition internationale, il faut tirer cette locomotive qu’est Paris vers l’avant. Il faut que Paris soit un phare en France, en Europe et dans le monde !
Mme Éliane Assassi. Paris vaut bien une messe…
M. Louis Nègre. Donnons-nous les moyens ! Ayons une ambition ! Or cette ambition, aujourd’hui, je ne la retrouve pas.
Mme Éliane Assassi. C’est pathétique !
M. Louis Nègre. Il est vrai qu’en volant aussi bas on n’arrive pas à avoir d’ambition.
Je réclame pour la France un Grand Paris,…
Mme Éliane Assassi. Paris libéré !
M. Louis Nègre. … une métropole qui ait de la consistance, qui puisse être un phare pour nous, pour l’Europe, et pour le monde !
M. le président. La parole est à M. Philippe Kaltenbach, pour explication de vote.
M. Philippe Kaltenbach. J’en conclus, monsieur Nègre, que vous allez soutenir le texte de la commission. En tout cas, c’est ce qu’il faut faire si l’on veut une vraie métropole pour Paris et la petite couronne.
Mes chers collègues, j’ai assisté à l’ensemble du débat, et je constate avec atterrement que les conservatismes se rejoignent. (Vives exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Éliane Assassi. Quand on n’est pas d’accord avec vous, on est nécessairement conservateur !
M. Philippe Kaltenbach. On est conservateur quand on ne veut rien changer !
Mme Cécile Cukierman. On a quand même le droit de ne pas être d’accord avec vous !
M. Philippe Kaltenbach. Monsieur Capo-Canellas, vous écrivez cinq pages d’amendement pour ne rien changer à l’organisation territoriale de la zone dense de la région parisienne : vous conservez les communes – tant mieux ! –, vous conservez les EPCI et vous ajoutez un syndicat mixte avec peu de pouvoirs et peu de moyens. Voilà une métropole qui ne servira vraiment pas à grand-chose, sauf à créer une couche supplémentaire, à distribuer des postes et quelques prébendes.
M. Philippe Kaltenbach. Cette structure ne sera en aucun cas efficace pour répondre aux attentes des habitants de notre région, qui souhaitent plus d’efficacité et une métropole qui soit forte.
Venons-en au fond du débat. Je suis président d’un EPCI en petite couronne. Je l’ai créé en 2005 ; j’observe donc comment il fonctionne depuis huit ans.
En petite couronne, tout le monde était contre les EPCI, parce qu’il est vrai que les communes sont de taille suffisante pour offrir des services de proximité. En conséquence, aucune collectivité ne voulait se marier. Mais il se trouve que la carotte financière était importante, ce qui a favorisé les regroupements…
Avec le recul, je constate dans mon intercommunalité qu’il y a des compétences où celle-ci est utile, principalement le développement économique et l’emploi, ainsi que tout ce qui concerne le développement durable. En revanche, les équipements publics que l’on a transférés pour faire du CIF, le coefficient d’intégration fiscale, et afin de toucher la DGF pourraient très bien revenir au sein des communes, ce qui serait peut-être plus efficace pour la qualité du service.
Le schéma proposé pourrait donc prévoir une métropole à l’échelle de 124 communes, des conseils de territoire pour gérer, avec délégation de la métropole, le développement durable, le développement économique, les politiques de l’habitat.
M. Roger Karoutchi. Ah la la !
M. Philippe Kaltenbach. Les communes, elles, reprendraient toutes les compétences de proximité, en particulier les équipements publics et les services à la population.
J’ajouterais à ce schéma la proposition de M. Dallier, qui me semble être de bon sens,…
Mme Éliane Assassi. Il faut changer de parti !
M. Philippe Kaltenbach. … à savoir fusionner les départements et la métropole. Nous arriverions alors à un résultat efficace pour répondre aux attentes de la population et faire évoluer l’organisation territoriale.
Je constate que certains ne veulent pas la faire évoluer…
Mme Cécile Cukierman. C’est ça ! C’est nous qui sommes conservateurs !
M. Philippe Kaltenbach. … et souhaitent garder l’organisation actuelle dont on constate pourtant les limites. Nous, nous voulons faire en sorte que la région d’Île-de-France avance, qu’elle ne soit plus enlisée dans ses dysfonctionnements, avec des centaines de communes, huit départements, une région, une centaine d’EPCI. Essayons d’avoir une organisation simple, cohérente et qui surtout – c’est pour moi le plus important – partage la richesse.
Mme Éliane Assassi. Parlons-en !
M. Philippe Kaltenbach. Les EPCI que vous défendez aujourd'hui sont assis sur des tas d’or. Je vais vous donner deux exemples : l’EPCI Courbevoie-Puteaux a un potentiel fiscal par habitant de 1 600 euros ; l’EPCI Grand Paris-Seine Ouest a un potentiel fiscal par habitant de 1 500 euros.
M. Hervé Marseille. Et Paris ?
M. Philippe Kaltenbach. C’est ça que vous voulez conserver ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC.) Vous voulez conserver ces EPCI que vous érigez en modèle et où en fait les riches se sont mis ensemble pour conserver leurs avantages au détriment des autres communes, qui, elles, souffrent. Alors oui, si l’on veut construire une métropole, il faut partager les richesses entre ceux qui sont assis sur un tas d’or et ceux qui souffrent !
M. Roger Karoutchi. Bien sûr ! bien sûr !
M. Philippe Kaltenbach. Seule la métropole peut permettre cette répartition à l’échelle de la zone dense.
Mme Éliane Assassi. N’importe quoi !
M. Roger Karoutchi. Mais Paris va payer, voyons !
M. Philippe Kaltenbach. C’est pourquoi je félicite M. Dallier de ses interventions courageuses, étant donné le groupe politique auquel il appartient. Je voyais bien les bonds que faisait M. Karoutchi quand M. Dallier proposait de partager la richesse.
M. Roger Karoutchi. Mais oui ! Mais oui !
M. Philippe Kaltenbach. On ne pourra pas faire avancer l’Île-de-France en conservant des poches de pauvreté à côté de zones où la richesse est insolente. Aujourd’hui, un système efficace nous est proposé pour répondre aux attentes des habitants et pour partager la richesse en Île-de-France. C’est le seul moyen de faire en sorte que cette région progresse et que tous ensemble nous puissions construire la grande métropole que chacun appelle de ses vœux.
M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, pour explication de vote.
M. Yves Pozzo di Borgo. J’étais bien tranquille dans mon coin à écouter tout le monde, mais je me suis dit que, étant sénateur de Paris et président d’un groupe d’opposition au conseil de Paris, je me devais d’intervenir.
Élu à Paris depuis 1998, je suis un peu surpris par cette petite ville de 2 millions d’habitants enfermée dans son périphérique. Ce n’est pas seulement un enfermement géographique, c’est aussi dans les têtes, même dans celles des élus.
J’étais conseiller municipal de Paris depuis trois ans quand le changement de majorité est intervenu. Avant l’arrivée de Delanoë, on m’a raconté que les maires de Paris et ceux de la périphérie se rencontraient pour boire du cognac et fumer le cigare, mais qu’ils ne parlaient jamais de leurs problèmes communs. Lorsque Delanoë est arrivé, il a commencé à organiser des contacts – c’est d’ailleurs un élu communiste qui l’a fait, Mansat – entre les maires des communes de banlieue et les maires de Paris. Même si j’étais dans l’opposition, je me suis dit « tiens, c’est pas mal ». Ce travail a donné naissance à Paris Métropole. Je suis quand même obligé de constater que, au bout de quelques années, tout ça ronronne et que rien n’a bougé.
En ma qualité de vice-président de la commission des affaires étrangères, j’effectue quelques voyages où le Sénat m’envoie avec d’autres membres de la commission. Or, à cette occasion, nous voyons toutes les grandes villes du monde s’organiser. Ne parlons pas de Londres, qui est devenu une grande ville de 7,8 millions d’habitants en 1997. Les Londoniens ont compris qu’il leur fallait une structure importante. Ne parlons pas de Moscou,…
Mme Éliane Assassi. Ah non, pas Moscou ! (Sourires.)
M. Yves Pozzo di Borgo. … qui est en train de devenir le Grand Moscou, avec le doublement de sa surface. Ne parlons pas non plus de certaines villes chinoises ou indoues, de São Paulo ou d’autres. On se rend très bien compte que la compétition mondiale passe actuellement par les villes.
Parlons de Lyon. Quand a été voté le texte sur les communautés urbaines en 1966, Paris n’était pas une ville : il était dirigé par les préfets, conséquence de la Révolution de 1870. Aucune communauté urbaine n’a donc été créée à Paris, contrairement à Lyon, qui a pris une longueur d’avance importante sur la capitale.
Or les villes-monde – au sens de l’OCDE, c’est une ville qui a un PIB beaucoup plus important que la moyenne nationale – entraînent leur pays tout entier. Le PIB de Paris-Île-de-France, c’est 29 %, dont 7 % est redistribué aux autres régions. Dans ces conditions, il est logique de penser qu’il faut arriver à créer un grand ensemble.
Lorsque le Président Sarkozy a lancé le Grand Paris dans son discours au Trocadéro, auquel avaient assisté Delanoë et le président de région, j’espérais qu’on allait aussi lancer la gouvernance. Un consensus s’était pourtant dégagé sur le Grand Paris, notamment avec cette grande boucle de transport, mais on n’a pas lancé la gouvernance. Je le regrette encore.
J’ai souvent discuté avec Caffet. Lorsque ses amis socialistes sont arrivés au pouvoir, je me suis dit qu’ils allaient peut-être mettre en place cette gouvernance. Puis, lorsque le premier texte nous a été soumis, nous en avons discuté tous les deux, et on s’est rendu compte que les dispositions proposées n’étaient pas très intelligentes – je ne vous répéterai pas ce qu’il m’a dit. (Sourires.)
Je crois que l’article du Monde a fait évoluer la situation, et on est arrivé à un Grand Paris Métropole qui correspond un peu à l’ancien département de la Seine. Je pourrais dire que c’est bien, mais, plus je deviens vieux, plus j’évolue : j’ai maintenant tendance à penser, comme Karoutchi, que le Grand Paris Métropole doit recouvrir la région pour avoir une structure beaucoup plus forte sur le plan économique.
Je suis obligé de te dire, Caffet, que tu ne peux pas limiter cette structure, même si tu dis qu’on supprime certaines choses et qu’on ajoute une couche au millefeuille. Comment cette structure pourrait-elle ne pas s’occuper du développement économique alors que tu en fais une puissance économique ?
M. Jean-Pierre Caffet. Vote ces dispositions !
M. Yves Pozzo di Borgo. Promis, je les voterai, mais le problème est là.
J’ai souvent eu des débats avec mes copains centristes de la périphérie de Paris : Marseille, Capo-Canellas, Santini ou d’autres. Eux, ils ont des EPCI efficaces. Par sympathie pour mes amis qui ont ces structures efficaces, je voterai l’amendement Capo-Canellas, tout en ayant tendance à penser au fond de moi comme Dallier et peut-être comme toi, Caffet.
M. Philippe Dallier. Regrets éternels… (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Collomb, pour explication de vote.
M. Gérard Collomb. Ayant un regard extérieur sur ce débat, je crois pouvoir dire que c’est la position du rapporteur qui permettra une avancée, sinon, mes chers collègues, c’est le statu quo qui prévaudra.
Permettez-moi d’évoquer devant vous deux exemples personnels qui renvoient au débat d’aujourd’hui.
Tout d’abord, je suis en train de travailler à un article sur la métropolisation dans le monde. Pour nos amis du parti communiste, je rappelle que le grand penseur de la métropolisation est Paul Krugman, qui n’est pas tout à fait un économiste de droite. Il constate que, aujourd’hui, dans le cadre de l’économie mondialisée, c’est dans les grandes agglomérations que se concentre la richesse.
M. René Vandierendonck, rapporteur. Absolument !
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas notre faute !
M. Gérard Collomb. Se pose dans le même temps un problème de gouvernance, car il y a, d’un côté, la richesse, et, de l’autre, l’extrême pauvreté. Voilà pour l’aspect théorique de la question !
Ensuite, il se trouve que je reçois aujourd’hui chez moi le maire de Leipzig, pour une réunion qui était prévue depuis longtemps entre Lyon et cette ville allemande avec laquelle nous sommes jumelés. Or j’ignorais que le présent débat se tiendrait en même temps au Sénat.
Tout a commencé lorsque l’un de mes collaborateurs m’a dit que le maire de Leipzig, qui est par ailleurs un ami, voulait me parler. Au téléphone, ce dernier m’a félicité pour mon travail concernant la métropole et a émis le souhait d’organiser un colloque avec moi à ce sujet. Leipzig est en effet en train de travailler, dans le même esprit que nous, à la grande région de l’Allemagne centrale, avec une réflexion sur une gouvernance qui, au-delà de la simple ville de Leipzig, s’étendrait à Dresde et à d’autres villes.
Des structures sont en train de se mettre en place. Le Grand Londres, lui, a été créé voilà dix ans ! Si l’on ne bouge pas, les autres villes européennes, elles, avanceront, et nous prendrons du retard tant sur le plan économique que social.
Mme Éliane Assassi. En fait, le capitalisme est une bonne chose ! (Sourires sur les travées du groupe CRC.)
M. Gérard Collomb. Mes chers collègues, je note un réel effort de M. le rapporteur pour rapprocher des points de vue que l’on sait divergents, certains voulant aller plus vite pour augmenter l’intégration, d’autres exprimant des craintes. Il n’est pas question de dire qu’il y aurait, d’un côté, les progressistes et, de l’autre, les conservateurs, mais essayons de faire mouvement ensemble, sinon c’est tous ensemble que nous subirons les difficultés ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Avant toute chose, je veux dire que je partage l’appréciation de Louis Nègre, qui a souligné la qualité du débat.
Les choix qui s’offrent à nous sont difficiles. Nous essayons de construire quelque chose de nouveau qui puisse être majoritaire. Face à cette proposition, je constate qu’on ne peut pas parler, comment dirais-je,…
M. Pierre-Yves Collombat. De monolithisme ?
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. … de monolithisme, exactement.
Je partage les propos de Gérard Collomb, avec qui nous travaillons depuis assez longtemps sur ces sujets. Il est évident qu’il faut avoir une vision à l’échelle mondiale. Le phénomène de l’urbanisation est en effet général. Songez au nombre d’urbains en plus chaque jour. C’est considérable !
Mme Éliane Assassi. Le nombre de pauvres aussi !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. On aura beau se rendre sur tous les continents pour décourager les populations de rejoindre les villes et les inciter à rester là où elles sont, ces discours n’auront aucun effet face à ce phénomène mondial.
Par ailleurs, je veux le redire, les métropoles ou les grandes agglomérations doivent être pensées par rapport à l’ensemble de la chaîne des collectivités locales. Pour moi, il y a autant de nécessité, de dignité à organiser une grande aire urbaine qu’à organiser des communautés d’agglomération, des communautés urbaines, des communautés de communes, et toutes ces structures doivent se donner la main.
Il y a donc des réseaux à mettre en place selon diverses modalités – pourquoi pas en étoile ? –, mais faisons en sorte que nos solidarités soient fondées sur des organisations qui ne remettent pas en cause la commune, instance de proximité à laquelle nous tenons tous et qui est l’un des fondements de notre République. Madame la ministre, tel est le sens du travail que nous sommes en train de réaliser.
Dans cette optique, mes chers collègues, je l’ai dit tout à l’heure, il est très important que nous nous rencontrions avant la commission mixte paritaire. Je me propose donc de convier les membres de tous les groupes politiques qui y participeront à une réunion afin que nous puissions faire en sorte que la parole du Sénat soit entendue.
Le travail effectué au sein de la commission avec notre rapporteur est à mon sens un pas en avant : il a abouti à créer une structure plus forte. Mais la métropole n’aura de sens que si elle travaille en lien avec les instances territoriales : les départements, les futurs conseils de territoire, les communes. Nous devons être positifs. C’est la raison pour laquelle je vous propose de voter le texte de la commission. Bien sûr, c’est mon rôle de le demander, mais sachez que nous poursuivrons le dialogue avec ceux d’entre vous qui adopteront une autre position, car le pluralisme peut nous permettre d’avancer.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Il faudrait poursuivre ce débat, car je trouve que les dernières interventions ont pris de la hauteur : elles n’insultent pas des membres de cet hémicycle en les traitant de conservateurs.
Au cours de cette discussion, je me suis aperçue qu’on parlait très peu des gens.