M. le président. L'amendement n° 685 rectifié, présenté par Mme Lienemann, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 85
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… - Après l’article 10 de la loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975 relative à la protection des occupants de locaux d’habitation, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. 10-… - Quiconque exécute ou fait exécuter les travaux visés aux premier et deuxième alinéas de l’article 2 de la loi n° 67-561 du 12 juillet 1967 relative à l'amélioration de l'habitat, ou au e) de l’article 7 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 sans avoir fait la notification, prévue auxdits articles, ou sans respecter les conditions d'exécution figurant dans la notification ou encore malgré une décision d'interdiction ou d'interruption des travaux prononcée par le juge du tribunal d'instance, statuant par ordonnance de référé, encourt les sanctions prévues à l’article L. 480-4 du code de l’urbanisme.
« Le tribunal peut, en outre, ordonner la remise en état des lieux aux frais du condamné.
« Les premier, troisième et quatrième alinéas de l’article L. 480-1, des articles L. 480-2, L. 480-3, L. 480-7, L. 480-8 et L. 480-9 du code de l'urbanisme sont applicables aux infractions visées au premier alinéa du présent article. »
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Si vous en êtes d’accord, monsieur le président, je présenterai en même temps l’amendement n° 686.
M. le président. J’appelle donc en discussion l'amendement n° 686, présenté par Mme Lienemann, et qui est ainsi libellé :
Après l'alinéa 85
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… - Au premier alinéa de l’article 59 bis de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 portant modification et codification de la législation relative aux rapports des bailleurs et locataires ou occupants de locaux d’habitation ou à usage professionnel et instituant des allocations de logement, les mots : « sera puni d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 4 500 euros », sont remplacés par les mots : « encourt les sanctions prévues à l’article L. 480-4 du code de l’urbanisme ».
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Les dispositions de ces deux amendements procèdent de la même intention ; elles s’appliquent simplement à deux cas différents de locataires, ceux qui bénéficient encore d’un bail soumis à la loi de 1948 et les autres.
L’idée est la suivante : en cas de travaux abusifs, il doit être possible de prévoir une sanction pénale. Actuellement, c'est déjà le cas en matière de fraude au permis de construire. Cette formule présente un avantage : la sanction pénale est à l’appréciation du juge, lequel pourra la proportionner à l’importance des problèmes rencontrés.
Je propose donc que, en cas de travaux abusifs, le juge puisse, en plus d’ordonner une interruption des travaux, prononcer une sanction pénale. Dans cette perspective, j’ai repris les sanctions habituellement visées dans le code de l’urbanisme.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Dilain, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote sur l'article.
M. Jean-Claude Lenoir. Notre groupe votera contre l’article 1er.
Je saisis l’occasion de cette intervention pour clarifier les éléments du débat relatifs à la construction de logements en France. Hier, de façon assez cursive et non polémique, j’ai cité à la tribune quelques chiffres qui montraient le grave déficit en matière de financement de logements sociaux enregistré lorsque la gauche était au pouvoir. Je ne pensais pas que les chiffres que j’avançais pouvaient être contestés, car ils étaient tirés de rapports rédigés par des membres de la majorité sénatoriale.
Pour autant, un peu plus tard, notre collègue Marie-Noëlle Lienemann est intervenue – je le comprends, car elle a été ministre du logement…
M. Didier Guillaume. Une excellente ministre du logement !
M. Jean-Claude Lenoir. … pendant la période que j’évoquais –, pour contester non pas les chiffres que j’avais cités, lesquels provenaient de tableaux du ministère de l’égalité des territoires et du logement, mais la lecture que j’en avais faite. Elle laissait entendre qu’il y avait, d’un côté, les financements, et, de l’autre, la réalité des choses : les constructions viennent plus tard et on ne peut pas dire dans quel délai les logements financés une année donnée verront le jour.
Son intervention m’a évidemment interpellé. Je n’aime pas laisser les choses dans le flou et je n’aime pas non plus l’idée de m’être trompé. J’ai donc poursuivi mes recherches. J’ai consulté un organisme qui ne peut être contesté, l’INSEE, l’Institut national de la statistique et des études économiques.
L’INSEE a notamment produit un document en janvier 2003 qui m’a permis de trouver des statistiques relatives non pas à une seule année, mais aux cinq années, entre 1997 et 2002, pendant lesquelles le gouvernement de Lionel Jospin a dirigé le pays. J’ai aussi repris des chiffres couvrant la période 2007-2012, pendant laquelle le Président de la République était Nicolas Sarkozy et le Premier ministre François Fillon.
Dans son rapport publié en janvier 2003, l’INSEE a tiré le bilan de l’ère Jospin en termes de construction de logements. Il y est précisé que, entre le 2 juin 1997 – nous nous souvenons bien de cette date ! – et le 31 juin 2002, quelque 1 600 000 logements neufs avaient été mis en chantier, soit 250 000 logements par an environ.
Encore plus surprenant, le rapport de l’INSEE nous apprend que la part des logements sociaux dans ces constructions était de 19 % en 2002 après cinq années de majorité socialiste, contre 30 % en 1996, alors que la droite était aux affaires depuis plus de trois ans.
Pour ce qui concerne la période 2007-2012, les chiffres en termes de constructions brutes sont les suivants. En 2012, 445 000 logements neufs ont été construits. S’agissant des mises en chantier, après une baisse en 2009 – la crise est passée par là – et une stabilisation en 2010, elles sont remontées à 390 000 en 2011, soit leur niveau de 2008.
Quand elle était au pouvoir entre 1997 et 2002, c'est-à-dire en pleine phase de croissance économique, la gauche faisait construire 250 000 logements par an. Et si l’on considère les logements livrés, le chiffre s’élevait à 265 000 par an.
Pour ce qui concerne la droite, entre 2007 et 2012, ce sont presque 600 000 logements – 588 000 pour être précis – qui ont été livrés chaque année, alors même que notre pays connaissait la crise économique !
Il me semblait que la Haute Assemblée devait prendre connaissance de ces chiffres, qui sont tout à fait incontestables.
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour explication de vote.
Mme Élisabeth Lamure. Madame la ministre, l’examen de cet article 1er donne un aperçu inquiétant de la nature de votre projet de loi.
Si l’on étudie attentivement les dispositions qui ont été soumises à notre examen – je pense par exemple à l’interdiction d’introduire dans le bail des clauses relatives aux pénalités contractuelles, à la rémunération des intermédiaires ou encore au délai de prescription qui est porté à trois ans pour l’ensemble des actions en paiement dérivant d’un contrat de bail –, on se rend compte que ce texte ne fait que déséquilibrer la relation entre bailleurs et locataires.
Pour les pénalités contractuelles, le projet de loi ne tendait à l’origine qu’à prévoir des pénalités pour retard de paiement pouvant s’élever jusqu’à 30 %, un taux fortement dissuasif pour les mauvais payeurs.
Ce taux a par la suite été supprimé au profit de pénalités qui ne pourront pas dépasser 5 %, un taux qui n’est, pour le coup, absolument pas dissuasif. Par cette mesure, vous participez, encore une fois, à la légitimation des impayés, qui ne relèvent d’ailleurs pas tous des accidents de la vie.
Pour la rémunération des intermédiaires, vous partez du postulat que le locataire ne profite nullement du travail des intermédiaires qui assurent pourtant la relation entre l’offreur et le demandeur. Ainsi, les bailleurs hésiteront demain à s’adresser à des professionnels, compte tenu du coût de leur intervention qu’ils seront seuls à supporter. Cette mesure, en plus de nous sembler déséquilibrée, va, comme beaucoup d’autres, scléroser le marché, non parce que les opérations ne se feront plus, mais parce que les propriétaires essayeront de contourner ces intermédiaires ou de retarder leur intervention.
Enfin, le délai de prescription est porté à trois ans. Le locataire pourra donc réclamer un trop-perçu de loyer ou de charges pendant trois ans, alors que le propriétaire qui a omis de faire application de la clause contractuelle de révision des loyers n’a qu’un an pour remédier à son oubli. Là encore, rien ne nous semble justifier une telle différence de traitement.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, cet article 1er est d’ores et déjà une preuve du déséquilibre de ce projet de loi, déséquilibre d’autant plus étrange que vous semblez, madame la ministre, être consciente de la situation des propriétaires. Vous l’avez vous-même dit au cours de la discussion générale, tous les propriétaires ne sont pas des rentiers assoiffés par l’appât du gain. La plupart d’entre eux sont comme leurs locataires : ils ne connaissent pas forcément l’ensemble de leurs droits.
Certes, il y a peut-être des propriétaires peu soucieux de vos considérations éthiques, mais nul doute qu’il existe chez certains locataires les mêmes dérives procédurières.
Encore une fois, madame la ministre, la propriété, si elle est une sécurité dans la vie, engage également des responsabilités pour les propriétaires.
Aussi, même si votre article 1er n’est pas entièrement à abandonner – je pense à l’état des lieux type, qui d’ailleurs n’est pas équilibré, puisqu’il existe une possibilité pour le locataire de compléter l’état des lieux pendant une semaine, ce qui risque d’entraîner de nombreux contentieux entre locataires et propriétaires –, vos mesures sont pour l’essentiel assises sur des préjugés à l’encontre des propriétaires.
Pardonnez-nous ces répétitions, mais le meilleur moyen de mettre le locataire en situation de force par rapport au propriétaire, c’est de construire des logements et, par la même occasion, de fluidifier le marché de l’immobilier. Or vous faites exactement le contraire !
Pour cette raison, le groupe UMP votera logiquement, mais sans plaisir, contre l’article 1er.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Je désire compléter les arguments qui ont été évoqués par mes collègues.
L’article 1er me semble l’illustration de ce projet de loi, qui, à la fois, instaure la défiance entre bailleurs et locataires, entraîne une complexification supplémentaire de leurs rapports et se révèle de nature à décourager les petits investisseurs. Ceux-ci ont investi leurs économies en vue, certes, de tirer un bénéfice de la location du logement qu’ils ont acquis, mais aussi, parfois, pour des raisons civiques, afin de contribuer au développement sociétal à travers un investissement personnel. Ces propriétaires méritent qu’un certain nombre de dispositions assurent la simplification des relations, parfois particulièrement difficiles, qu’ils peuvent entretenir avec leurs locataires.
Il faut reconnaître qu’un certain nombre d’améliorations ont été apportées. Je pense notamment au rétablissement de la caution personnelle, qui est tout à fait significatif.
Tout à l'heure, le Sénat a également adopté un amendement relatif à la colocation, dont les dispositions permettront véritablement aux propriétaires de s’engager plus facilement dans ce type de location.
La colocation est très importante : on sait le service qu’elle rend aux étudiants. Cependant, les propriétaires peuvent rencontrer des difficultés à récupérer la part de loyer due par chacun des colocataires. En outre, il s’agit de locations relativement précaires, avec des changements réguliers – parfois difficiles à gérer – de locataires, notamment en période de vacances.
Il faut donc essayer de trouver des mesures de simplification. Or, madame la ministre, de telles mesures, je n’en ai pas vu dans ce projet de loi, que ce soit pour les colocataires ou pour les locataires !
Au contraire, le texte prévoit des modèles types obligatoires de bail ou d’état des lieux. Il prévoit également un alignement du régime des locations de meublés sur celui des locations de logements vides et permettra que le locataire puisse remettre en cause le loyer qu’il avait pourtant accepté lors de la conclusion du bail, lui donnant la possibilité d’intenter une action en diminution de loyer ou en renouvellement de bail.
Ce texte se caractérise donc par une complexité extraordinaire, laquelle va à l’encontre des propos du Président de la République. Celui-ci avait appelé à un « choc de simplification ». Pour ma part, je vois plutôt, dans cet article 1er, une source de complexité supplémentaire, qui laissera la défiance s’instaurer ! Il en va de même pour la garantie universelle de loyer ; nous aurons l’occasion d’en reparler. Par conséquent, ce texte découragera les investisseurs potentiels.
De telles mesures ne sont pas tout à fait de nature à responsabiliser davantage les locataires. Or, si notre société connaît actuellement un certain nombre de difficultés, c’est peut-être parce que nous n’avons pas assez pris la mesure du sens des responsabilités que nous devons apprendre à l’usager. Il appartient à ce dernier d’être responsable dans les démarches qu’il entreprend. Quant à nous, il nous revient de faire évoluer la société en ce sens. Je suis sûr qu’il en résulterait davantage de croissance.
En économie, on aboutit parfois à des résultats inverses de ceux qui sont recherchés. Il faut construire des logements : c’est le seul moyen de réguler les loyers. Toutefois, croyez-vous que tirer les loyers vers le bas, même dans les zones tendues, soit un signe encourageant pour les investisseurs potentiels ?
M. Charles Revet. Très bien !
M. René-Paul Savary. Pour ce qui me concerne, il me semble que d’autres dispositions seraient autrement plus incitatives !
Au reste, cela vaut également pour les rénovations, un sujet que nous n’avons pas encore évoqué : au nom du développement durable, on demande aux propriétaires de faire des efforts pour mieux isoler leur logement et le rendre moins gourmand en énergie, et, parallèlement, on baisse le montant des loyers. Il y a là aussi une contradiction qui mérite d’être soulignée.
Bien entendu, je voterai contre l’article 1er, symbole de cette volonté de complexification, de désengagement et de déresponsabilisation.
M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote. (Marques de lassitude sur les travées du groupe socialiste.)
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Le compte est bon !
M. Daniel Dubois. Monsieur le président de la commission, vous m’en voyez désolé, mais je vais moi aussi m’exprimer !
M. Charles Revet. Cela fait partie du débat démocratique !
M. Daniel Dubois. Madame la ministre, je vous rejoins sur un point : il y a sans aucun doute de mauvais propriétaires. Nous aurons l’occasion d’en parler, au sujet du logement indigne et des marchands de sommeil. Sur ces questions, un certain nombre de vos propositions sont tout à fait intéressantes.
Cela dit, il y a aussi à l’évidence de mauvais locataires, ainsi que, comme vous l’avez déclaré, de très petits propriétaires qui ont besoin d’une relation équilibrée avec leurs locataires.
Comme l’a très clairement indiqué mon collègue Lenoir tout à l'heure, les chiffres sont terriblement…
M. Jean-Claude Lenoir. Accablants !
M. Daniel Dubois. … accablants, en effet.
Cette année, nous construirons, au mieux, 320 000 logements, alors que l’objectif est de 500 000 logements.
M. Charles Revet. Et cela va encore diminuer !
M. Daniel Dubois. Vous n’ignorez pas que vous adressez ainsi des signes extrêmement négatifs aux investisseurs.
Nous n’atteindrons pas l’objectif de 500 000 logements construits si nous ne permettons pas que l’argent privé continue d’être investi dans le logement, ce que vous savez aussi très bien. D’ailleurs, vous le savez d’autant mieux que vous êtes en train de réfléchir à un statut particulier du logement intermédiaire pour les « zinzins » – assureurs et autres.
Madame la ministre, puisque vous êtes bien consciente qu’il faut investir dans le logement, traitez donc de façon équilibrée les propriétaires et les locataires.
M. Charles Revet. Mme la ministre ne vous écoute pas !
M. Daniel Dubois. J’ignore si la loi des 80-20 s’applique en la matière, mais la plupart des propriétaires sont des gens tout à fait sérieux, qui entretiennent leur logement et n’ont qu’une seule envie : que leurs locataires y vivent dans de bonnes conditions et paient leurs loyers.
Or, au travers de cet article 1er, vous êtes en train de donner un signe extrêmement dévastateur pour la construction de logements dans notre pays,…
M. François Calvet. Tout à fait !
M. Roland Courteau. N’exagérons rien !
M. Daniel Dubois. … alors qu’il s’agit d’une nécessité absolue.
C'est la raison pour laquelle le groupe UDI-UC votera contre l’article 1er.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je veux tout d'abord à répondre à notre collègue Lenoir, avec lequel je suis prête à engager un débat très approfondi sur les chiffres.
M. Jean-Claude Lenoir. Sur TF1 ou sur France 2 ? (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Monsieur Lenoir, vous êtes très précautionneux dans les chiffres que vous citez, puisqu’ils émanent de l’INSEE.
Ces chiffres, je ne les conteste pas, et je ne les ai jamais contestés. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Simplement, vous leur faites dire des choses qu’ils ne disent pas !
Il est vrai que, sous le gouvernement Jospin, nous avons globalement construit moins de logements que pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy. (M. Jean-Claude Lenoir brandit des documents.) Je ne le nie pas ! J’observe toutefois que, dans vos comparaisons, vous n’avez pas cité les logements sociaux avec beaucoup de précision…
M. Jean-Claude Lenoir. Je l’ai fait hier !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Pour ce qui concerne le logement privé, l’écart entre ces deux périodes provient essentiellement de l’effet des dispositifs de Robien et Scellier, dont je vous ai dit qu’ils avaient été ruineux pour l’État. Or nos collègues qui habitent Tarbes, Quimper ou Montauban – vous voyez que nous ne vivons pas tous à l’intérieur du périphérique ! – savent très bien que toute une série de logements de type Scellier ou Robien sont aujourd'hui vacants.
M. Claude Dilain, rapporteur. Très juste.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Les propriétaires sont même obligés de s’arranger avec les locataires et de les faire tourner entre leurs différents logements pour bénéficier de l’aide fiscale.
Pour notre part, nous considérons que les deux tiers des logements construits sous la présidence de Nicolas Sarkozy correspondent à des loyers ou des traites accessibles seulement au tiers supérieur des revenus.
MM. François Calvet et Jean-Claude Lenoir. Non !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Consultez les chiffres de l’INSEE : vous le constaterez ! Cela a contribué à la hausse des loyers. D’ailleurs, les chiffres de la Fondation Abbé-Pierre et l’INSEE vont dans le même sens.
En revanche, sur le logement social, je vous ai dit hier que vous ne distinguiez pas, dans les chiffres,…
M. Jean-Claude Lenoir. Ce sont ceux du ministère !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. … les dossiers financés des logements effectivement construits.
Surtout, je vous ai rappelé que, quand Jean-Louis Borloo était ministre du logement, le concept de logement social a été élargi à trois reprises.
Tout d’abord, il a été élargi au PLS, le prêt locatif social, créé, du reste, grâce au gouvernement Jospin. Vous semblez omettre cette extension dans vos comparaisons. Or les deux tiers des logements HLM construits sont des PLS !
M. Martial Bourquin. Ça change tout !
M. Philippe Dallier. Il n’existait pas encore !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. De même, davantage de logements ont été construits en PLU, PLUS ou PLAI sous le gouvernement de Lionel Jospin qu’ultérieurement.
M. Jean-Claude Lenoir. Les locataires ne s’en plaignent pas !
M. Claude Dilain, rapporteur. Ceux qui ne trouvent pas de logement s’en plaignent !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cher collègue, comparez ce qui est comparable !
Enfin, sous le gouvernement de Lionel Jospin, les résidences proposant des studios aux jeunes postiers ou les foyers de jeunes travailleurs n’étaient pas comptabilisés dans les logements sociaux. Depuis l’intervention de Jean-Louis Borloo, les cinquante chambres d’un foyer de jeunes travailleurs sont comptabilisées comme cinquante logements sociaux ! Cela relativise vos résultats…
M. François Calvet. C’est de moins en moins clair…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Surtout, combien y avait-il de logements HLM il y a dix ans ? 4 millions ! Combien y en a-t-il aujourd'hui ? On en recensait 4 400 000 à la fin du quinquennat Sarkozy. Autrement dit, 40 000 HLM ont été en moyenne construits chaque année. Prenons les choses telles qu’elles sont, et refaites vos calculs : vous verrez bien que la crise s’est accentuée !
Je n’ai jamais dit que le bilan du gouvernement Jospin en matière de logement social était positif.
M. Jean-François Husson. Vous l’avez dit hier !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je l’ai d’autant moins dit que, à mon sens, nous avions pris conscience trop tard que la construction de logements sociaux devait être relancée ; c’est moi qui, en tant que ministre chargée de ces questions, ai engagé un plan en ce sens.
Toutefois, cela ne vous exonère pas de vos responsabilités dans le durcissement de la crise. La preuve en est que, sous le gouvernement de Lionel Jospin, les Français dépensaient 20 % de leur revenu pour se loger, tandis qu’ils en dépensent aujourd'hui 26 %, voire 27 % ! Vous retrouverez ces chiffres partout.
M. Jean-François Husson. Et c’est de notre faute ?
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Chers collègues de l’opposition, vos questions nous ramènent à la discussion générale. Nous n’allons pas échanger pendant des heures les mêmes arguments ! Je veux simplement répondre à ceux d’entre vous qui affirment que nous ne tenons pas l’engagement du « choc de simplification ».
Bien au contraire, nous simplifions ! Comptant parmi nous des propriétaires de logement, nous sommes parfaitement conscients de la complexité en la matière. Il faut être polytechnicien pour comprendre certaines clauses ! Dans ces conditions, on ne sait pas toujours si on est bien protégé. Dès lors, disposer d’un bail ou d’un état des lieux de référence sera beaucoup plus simple pour tout le monde : tout sera simplifié.
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je terminerai en évoquant le pacte avec les propriétaires. Vous nous attaquez toujours sur ce point.
M. François Calvet. Oui !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Vous l’aviez déjà fait à l’occasion des lois dites « Quilliot » et « Malandain-Mermaz ». Or vous n’avez jamais remis en cause ces textes ! Du reste, il n’est pas vrai qu’ils aient dissuadé les petits propriétaires, les seuls acteurs ayant renoncé à l’investissement locatif étant les intermédiaires, pour des raisons liées, comme je l’ai indiqué, à la loi bancaire, à l’abandon des contraintes fixées par le général de Gaulle – à titre personnel, je considère qu’elles devraient être réinstaurées.
M. Jean-François Husson. Vive l’abbé Pierre et le général de Gaulle… (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. En tout état de cause, les mesures proposées par le Gouvernement permettront de relancer l’investissement dans le logement intermédiaire. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini, pour explication de vote.
Mme Muguette Dini. La capacité des ministres, et particulièrement la vôtre, madame Duflot, à parler à leurs conseillers tout en écoutant les sénateurs qui expliquent leurs votes est tout à fait exceptionnelle… (Applaudissements sur certaines travées de l'UDI-UC.)
Madame la ministre, je tenais à vous dire que je trouve cette attitude particulièrement discourtoise et méprisante. D'ailleurs, votre mépris concerne aussi les collègues de la majorité, puisque vous n’écoutez jamais. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Je pense donc que vous n’avez pas entendu mon collègue Dubois et je vous confirme que le groupe UDI-UC ne votera pas l'article 1er. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Je m'exprimerai brièvement, au nom du groupe écologiste.
L'article 1er, à l'image de cette loi, tend à équilibrer les rapports entre propriétaires et locataires. J’entendais parler tout à l'heure, autour de notre collègue Savary, de défiance à l'égard des propriétaires, mais j’ai entendu au sujet des locataires certains mots qui m'ont semblé extrêmement méprisants. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Or nous avons besoin, aujourd'hui, de confiance, de propriétaires bailleurs et d'investisseurs… Nous avons une population à loger, et vous parlez de défiance. Et encore une fois, quel mépris vous manifestez pour les locataires !
M. Jean-François Husson. Mais pas du tout !
M. Joël Labbé. Lorsque Daniel Dubois parle, avec un certain sourire, de « politique désastreuse », il est dans son rôle, celui de l'opposition : c'est normal. Mais nous, élus écologistes, nous soutenons ce texte et voterons l'article 1er. Il ne s'agit pas d'opposer une France à une autre mais, selon les propos tenus hier par Mme la ministre, de faire France ensemble, et je crois que, ici, c'est notre rôle.
M. René-Paul Savary. Comme c'est mignon ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch, pour explication de vote.
Mme Mireille Schurch. Le texte apporte plus de transparence ; par ailleurs, il traduit une véritable volonté d'équilibre et de sécurisation réciproque entre locataires et bailleurs, ainsi que de simplification.
Nous voterons donc cet article 1er.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.