Mme Mireille Schurch. L’article 101 de la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion, dite « loi MOLLE », avait inventé un remarquable statut de « résident temporaire », summum de la précarité du logement assumée.
Il suffit de se souvenir des deux premiers alinéas de cet article : « Il est institué, à titre expérimental, un dispositif visant à assurer la protection et la préservation de locaux vacants par occupation par des résidents temporaires » – lesquels, je le précise, ne bénéficient d’aucun des droits théoriquement attachés au bail ! Il est vrai que la proposition de faire payer un droit d’usage à l’occupant précaire d’un immeuble, voire d’un hangar, était sans doute plus alléchante que celle consistant à payer un gardien…
Je rappelle qu’une telle démarche était portée par une entreprise d’origine néerlandaise nommée Camelot, qui offrait ses services pour protéger les « bâtiments, provisoirement vacants, […] exposés à des risques tels que le squat, le vandalisme, le vol ou encore la dégradation naturelle », le locataire précaire versant, par ailleurs, un loyer de 200 euros pour risquer sa vie dans un hangar exposé à un risque de vandalisme ! Cette société est aujourd’hui florissante.
Il est temps que la loi mette un terme à l’expérience, qui pourrait même s’apparenter à du travail dissimulé et prospère sur la misère et sur la gravité de la crise du logement dans notre pays. Voilà pourquoi nous proposons de supprimer l’article 101 de la loi MOLLE.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Dilain, rapporteur. Madame Schurch, vous avez raison, cet article était de nature à entraîner des abus, et c’est d'ailleurs ce qui s’est passé.
Pour cette raison, il fallait l’encadrer. C’est pourquoi l’Assemblée nationale a demandé à ce que les opérations soient agréées par le préfet. En termes d’efficacité, cette solution était mauvaise, parce que le préfet devait donner son accord très rapidement, c'est-à-dire sans procéder à une véritable étude de l’opération. Si le préfet avait dû donner son accord après une longue étude, cela n’aurait servi à rien non plus…
La commission des affaires économiques du Sénat a donc adopté un amendement afin de remplacer l’agrément opération par opération par un agrément de l’opérateur responsable du bon achèvement de l’opération. En effet, on ne peut accepter que des logements transitoires provisoires censés devoir être transformés en vrais logements ne le soient finalement pas – les bureaux deviendront d’autres bureaux.
Dans la solution retenue par notre commission, c’est l’opérateur qui est garant. Dès lors que le problème est réglé, je ne crois pas qu’il faille supprimer ce dispositif, qui, encadré, peut quand même rendre service à un certain nombre de locataires.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Cécile Duflot, ministre. Je partage l'excellente et subtile argumentation du rapporteur. L’avis est donc défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch, pour explication de vote.
Mme Mireille Schurch. Nous parlons de personnes logées dans un coin de hangar, qui ont un contrat locatif d'exception renouvelable tous les trois mois, dont l'expulsion est possible durant la trêve hivernale sans relogement et qui sont obligées de surveiller des locaux vacants susceptibles d'être soumis à des actes de vandalisme.
Voilà pourquoi nous considérons que l'article 101 de la loi de 2009 doit être supprimé.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Très franchement, cet article est un peu étonnant, surtout après ce que nous venons d’entendre. Si le problème se pose en ces termes, toilettons la législation dès la première lecture !
Pour ma part, je voterai l’amendement.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 553, présenté par Mme Benbassa, M. Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 21
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 relative à l'exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe est abrogée.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Le groupe écologiste se félicite que le présent projet de loi ait pour ambition de supprimer les inégalités de droit entre les différentes catégories de personnes sans domicile ni résidence fixe en France : bateliers, gens du voyage, SDF. En effet, l’article 21 accorde aux personnes sans domicile stable les mêmes droits civils qu’aux personnes ayant une résidence fixe et sort l’élection de domicile du seul champ de l’action sociale.
Toutefois, tant que la loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 ne sera pas abrogée, l’élection de domicile rénovée par le présent projet de loi risque dans certains cas de faire doublon avec la commune de rattachement prévue dans la loi dite « pour les gens du voyage ».
Nous souhaitons donc abroger cette loi discriminatoire, dont certaines dispositions ont été récemment censurées par le Conseil constitutionnel.
M. le président. L'amendement n° 554, présenté par Mme Benbassa, M. Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 21
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le titre II et les articles 7 à 10 de la loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 relative à l'exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe sont abrogés.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Cet amendement de repli, qui recouvre la même réalité que le dispositif précédent, tend à n’abroger que la partie de la loi de 1969 relative à la commune de rattachement.
Je le répète, tant que la loi de 1969 ne sera pas abrogée, l’élection de domicile rénovée par le présent projet de loi risque de faire doublon.
M. le président. L'amendement n° 556, présenté par Mme Benbassa, M. Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 21
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les personnes rattachées à une commune, en application de la loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 relative à l'exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe, sont domiciliées auprès du centre communal d'action sociale de cette commune ou du centre intercommunal d’action sociale dont dépend cette commune à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Nous anticipons la possibilité que les amendements visant à abroger la loi sur les gens du voyage ne soient pas adoptés. Cet amendement tend donc à mettre en place des mesures dérogatoires en attendant l'adoption de la proposition de loi du député Raimbourg.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Dilain, rapporteur. Il est tout à votre honneur, madame Benbassa, de vous préoccuper de cette partie de nos concitoyens. Il est vrai que la loi de 1969 n’est pas acceptable, à tel point que, depuis quelques mois, un groupe de travail au ministère de l'intérieur prépare une modification législative d’ampleur, qui va se traduire très prochainement, je crois, par une proposition de loi présentée par Dominique Raimbourg. Je dis « je crois », parce que j’ai participé aux travaux de ce groupe de travail, mais j’ai dû arrêter faute de temps, en raison du présent projet de loi.
Je pense que ce douloureux problème ne peut être abordé par petits bouts. C'est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer vos trois amendements au bénéfice de cette future proposition de loi, même si je ne peux pas vous dire quand elle sera examinée. Pour avoir assisté aux premières réunions du groupe de travail, je pense sincèrement que vous serez satisfaite.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Cécile Duflot, ministre. J’ai participé au colloque organisé autour de la proposition de loi de M. Raimbourg, qui contient des dispositions importantes et attendues. J’ai ainsi pu entendre, avec plaisir, que les associations représentant les gens du voyage avaient noté que le Titre IV du projet de loi ALUR comporte, à leur endroit, des dispositions sans discrimination, c'est-à-dire intégrées dans un projet de loi de portée générale.
Le Gouvernement a déjà eu l'occasion d'exprimer son soutien aux propositions que vous avancez, madame Benbassa, notamment l'abrogation de la loi de 1969. Cela se fera dans le cadre de la proposition de loi portée par M. Raimbourg, qui en pilote les travaux préparatoires. Le Gouvernement vous demande donc de bien vouloir retirer ces trois amendements au bénéfice de ce texte.
Vous noterez que j’adopte le même point de vue sur les amendements qui se rattachent à la loi d'orientation agricole ou à la loi de transition énergétique. J’espère ainsi que vous comprendrez la constance de ma position.
M. le président. Madame Benbassa, les amendements nos 553, 554 et 556 sont-ils maintenus ?
Mme Esther Benbassa. La proposition de loi Raimbourg, c'est très bien, mais j’avais déposé, au nom du groupe écologiste, une proposition de loi similaire dès le mois de juin 2012. Je n’ai aucune garantie que celle de M. Raimbourg viendra en discussion dans l'hémicycle. J’attends donc de votre part des garanties sur les délais, après quoi je pourrai me plier à votre demande.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Cécile Duflot, ministre. Il se trouve que le ministre des relations avec le Parlement vient de nous faire le plaisir de nous rejoindre. Il me fait savoir qu’il ne lui est pas possible de répondre de manière très précise sur le calendrier. Ce n’est pas un propos dilatoire : pour ma part, je ne peux pas vous dire à quelle date le présent projet de loi sera examiné en deuxième lecture alors que, vous l'imaginez bien, cette question me tient beaucoup à cœur.
Je comprends votre impatience. Je sais que ces dispositions sont très attendues, je sais le statut discriminatoire que provoquent la loi de 1969 et la tenue du carnet de circulation, mais, je le répète, le Gouvernement soutiendra cette proposition de loi, sans que ni moi-même – je le regrette – ni qui que ce soit d'autre ne puisse répondre de façon précise sur les délais compte tenu, notamment, de la congestion du calendrier parlementaire.
M. le président. Madame Benbassa, que décidez-vous finalement ?
M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis de la commission des lois. Faites confiance à la ministre !
Mme Esther Benbassa. Je retire les amendements nos 553 et 554, mais je maintiens l’amendement n° 556.
M. le président. Les amendements nos 553 et 554 sont retirés.
Je mets aux voix l'amendement n° 556.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 555 rectifié, présenté par Mme Benbassa, M. Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 21
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au premier alinéa de l’article L. 15-1 du code électoral, les mots : « Les citoyens qui ne peuvent fournir la preuve d'un domicile ou d'une résidence et auxquels la loi n'a pas fixé une commune de rattachement » sont remplacés par les mots : « Les personnes sans domicile stable mentionnées à l'article L. 264-1 du code de l’action sociale et des familles » et les mots : « code de l'action sociale et des familles » sont remplacés par les mots : « du même code » ;
II. – Au 2 du II de l'article 1647 D du code général des impôts, les mots : « de rattachement » sont remplacés par les mots : « d'élection de domicile, au sens de l’article L. 264-1 du code de l’action sociale et des familles, ».
III. – L'article 79 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale est abrogé.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Comme j’ai retiré les amendements nos 553 et 554, celui-ci n’a plus de raison d’être.
M. le président. L’amendement n° 555 rectifié est retiré.
L'amendement n° 559, présenté par Mme Benbassa, M. Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 21
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans chaque département, un organisme au moins est agréé pour l'élection de domicile de chaque catégorie de personnes sans domicile stable pour l’exercice des droits mentionnés à l’article L. 264-1 du code de l'action sociale et des familles.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Dilain, rapporteur. Le dispositif que vous proposez, madame Benbassa, est assez compliqué à mettre en œuvre. Si mes souvenirs sont bons, un tel dispositif a été mis en place avec les commissions locales d'insertion – vous y faites référence –, mais je ne suis pas sûr que cela ait été fait partout ; en revanche, je suis certain que cela a disparu partout.
En raison de cette complexité, j'émets, au nom de la commission, un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 559.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Chapitre VI
Créer de nouvelles formes d’accès au logement par l’habitat participatif