M. Christian Favier. Elle regroupera 124 communes et 6,5 millions d’habitants. Nous allons donc devoir discuter d’un plan local d'urbanisme intercommunal à cette échelle-là.
Vous imaginez bien ce que cela signifiera : le PLUI sera entre les mains non pas des maires, et encore moins de la population, toujours plus éloignée du processus, mais de la technostructure.
J’ai, certes, noté avec satisfaction que la proposition de la commission visait, en prévoyant cette minorité de blocage, à atténuer les effets les plus négatifs de cette construction. Toutefois, en Île-de-France, 10 % de la population, cela représente 650 000 habitants, qui devront donc s’opposer à ce projet pour que la population puisse être entendue. (M. Roger Karoutchi marque son approbation.). En outre, dans cette région, 25 % des communes, cela équivaut à plus de 30 communes. C’est un chiffre extrêmement important.
À mes yeux, si cette évolution représente un progrès, elle reste cependant insuffisante. Malgré tout, les maires n’auront aucune garantie que des décisions ne seront pas prises contre leur avis au sein de cette métropole, en particulier dans l’urgence – je pense notamment aux questions de logement, qui nous préoccupent tous.
Si l’on s’aperçoit, par exemple, qu’il existe, sur telle partie du territoire, de la disponibilité foncière pour construire 2 000, 3 000, 4 000 ou 10 000 logements, il y a fort à parier que le projet de construction soit imposé au maire de la commune concernée, même si ce dernier s’y oppose, le cas échéant en compagnie de quelques collègues.
On risque donc de revivre ce que l’on a connu par le passé, avec la réalisation de grands ensembles contre l’avis des populations.
Ce risque est d’autant plus grand que certains articles du projet de loi que nous n’avons pas encore examinés prévoient un regroupement des offices à l’échelle intercommunale. Cela signifie ainsi, pour l’Île-de-France, le regroupement de la totalité des offices municipaux locaux à l’échelon de l’intercommunalité, soit un seul office qui gérera des centaines de milliers de logements.
Dans cette structure très compliquée à faire fonctionner et très éloignée des populations, des décisions pourront être prises par quelques individus. Il y a là un vrai risque démocratique.
Nous ne sommes toutefois pas des partisans de la politique du pire, et nous prenons donc en compte la proposition de la commission, qui atténue la portée du texte initial. Nous ne voulons évidemment pas que l’adoption des amendements identiques tendant à la suppression de l’article nous renvoie au texte de l’Assemblée nationale, ce qui serait pire encore. Néanmoins, nous attirons l’attention sur ce véritable danger que représenterait pour la région d’Île-de-France la mise en œuvre du projet de loi dans sa version actuelle.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, sur l’article.
M. Roger Karoutchi. Mon propos portera davantage sur des éléments de méthode que sur le fond du débat.
Je l’avoue, au-delà des clivages politiques, et quel que soit le gouvernement en place, j’ai beaucoup de mal avec les textes qui visent à contraindre le travail des élus.
En effet, dans un pays où la démocratie est en crise, chaque fois que l’on semble suggérer que les élus, par eux-mêmes, de manière volontaire, ne font pas leur travail et n’obtiennent pas les résultats escomptés, on discrédite d’une certaine manière la démocratie locale.
Il me semble toujours extrêmement difficile d’affirmer qu’un dispositif n’est pas obligatoire mais que certaines contraintes doivent néanmoins être imposées, sous peine de voir le dispositif échouer. Sous-entendu : vous n’imaginez quand même pas que les élus locaux sont suffisamment volontaires, intelligents, cohérents et efficaces pour faire le travail qui s’impose !
Il faut avouer que c’est la tentation constante du pouvoir central, quelle que soit sa couleur politique. Mais il est ensuite assez difficile de demander à la population de respecter le travail des élus et la démocratie locale…
Pour ce qui concerne maintenant la manière dont le Gouvernement conçoit la décentralisation, j’avoue qu’on a un peu de mal à suivre, madame la ministre.
Je me souviens, voilà quelque temps, d’un très grand discours du Premier ministre, pour lequel je l’avais félicité. Il y décrivait l’ensemble des orientations du Gouvernement et promettait un très grand texte.
Mais le grand dessein est progressivement devenu moins clair. On nous a depuis annoncé que le projet serait finalement découpé en trois textes. En réalité, au-delà de chacun de ces trois projets de loi – nous avons débattu du premier voilà quelques semaines –, on retrouve des éléments relatifs aux collectivités locales dans de très nombreux autres.
Au final, on a vraiment du mal, aujourd’hui, à avoir une photographie exacte de ce que souhaite le Gouvernement en matière d’organisation des pouvoirs publics territoriaux.
Ainsi, en matière d’urbanisme, faut-il se référer au présent texte, ou plutôt au texte précédent sur les métropoles, comme l’a dit M. Favier ? Faut-il attendre le débat budgétaire, au cours duquel on doit nous annoncer un certain nombre d’éléments sur les dotations ? Finalement, que veut faire le Gouvernement des collectivités et de l’organisation territoriale ? Pourquoi ne dispose-t-on pas d’un schéma un peu plus clair, un peu plus cohérent, un peu plus global, quitte ensuite à prévoir des décrets d’application ? Au lieu de cela, les annonces se succèdent semaine après semaine, et les textes mois après mois. Au bout de l’année, je défie quiconque de dire exactement où l’on en est en matière de collectivités territoriales.
Enfin, j’entends bien la démonstration selon laquelle le Sénat doit élaborer un texte sinon l’Assemblée nationale tranchera – j’ai moi-même tenu le même raisonnement s’agissant des métropoles.
Toutefois, à un moment donné, il me semble nécessaire de crier : halte au feu ! Je rappelle que la Constitution accorde au Sénat une sorte de privilège de première vision en matière de territoires et de collectivités territoriales. Si, même dans ces domaines, nous nous autocensurons de peur de nous laisser déposséder du texte par l’Assemblée nationale, c’est que nous consentons déjà à un abandon du pouvoir, des prérogatives et des compétences du Sénat.
M. Jean-Jacques Mirassou. Certainement pas !
M. Roger Karoutchi. Dans le domaine des collectivités territoriales à tout le moins, où il dispose de compétences particulières, le Sénat doit être plus écouté, plus respecté et plus influent, et ne doit pas être une simple courroie de transmission des attentes des territoires face à l’Assemblée nationale. Sinon, nous vidons de son sens la dernière réforme constitutionnelle, qui faisait du Sénat l’assemblée première en la matière.
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Bourdin, sur l'article.
M. Joël Bourdin. S’il s’agit, à long terme, dans une perspective prospective, d’organiser un peu mieux les compétences d’urbanisme et de prévoir des plans d’urbanisme plus larges, je dis « oui » !
Ma région, la Normandie, est située sur l’axe séquanien, cette sorte de colonne vertébrale de la région d’Île-de-France dans laquelle s’engouffrent les populations. Que l’on imagine de mieux organiser, à long terme, l’urbanisme ici, comme ailleurs, je dis « oui » ! Mais pas de cette façon !
Nous sommes tous très impliqués dans la gestion des communes. Certains, comme moi, sont présidents d’une union des maires. Or les associations de maires ne manifestent aucun souhait particulier dans ce domaine. Les communiqués de l’Association des maires de France ne portent pas sur ces questions. Certes, nous ne sommes pas dans un système où les associations font la loi, mais nous devons tenir compte du point de vue de nos collègues maires, qui en l’occurrence ne demandent rien.
Ils souhaitent sans doute qu’on les aide un peu plus ; ils aspirent certainement à ce que des PLU intercommunaux voient le jour, mais dans le cadre d’une démarche volontaire.
Après tout, lorsqu’une commune élabore un PLU, elle peut recevoir des subventions du conseil général ou de l’État dans le cadre de la dotation d’équipement des territoires ruraux.
Je ne connais aucun maire dans mon département qui veuille absolument que la communauté de communes ou la communauté d’agglomération ait la responsabilité dans ce domaine.
Certains veulent sortir de la carte communale pour aller vers un PLU ; d’autres veulent sortir du périmètre strictement communal lorsque leur commune se trouve au fond d’une vallée ou sur un plateau, mais pas de cette façon-là !
N’oublions pas que le principe de libre détermination des communes est inscrit dans notre charte des communes. Et là, subitement, la loi les obligerait à se dessaisir – car c’est bien de cela qu’il s’agit !
Que deviendront les maires dans quelques années ? Ne seront-ils pas des rois nus lorsqu’ils auront été dépossédés de leur compétence en matière d’urbanisme, condamnés à s’occuper des chiens, des chats et des voisins ? Ce n’est pas ce que nous voulons pour nos communes, et c’est pourquoi nous pensons que c’est une mauvaise idée de vouloir imposer de cette façon l’organisation des compétences d’urbanisme.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 54 rectifié bis est présenté par Mme Lamure, MM. Calvet et Buffet, Mme Troendle, MM. Poniatowski, Billard et Savin, Mme Sittler, M. Humbert, Mme Cayeux, MM. Lenoir, Pointereau, Cornu et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.
L'amendement n° 272 rectifié bis est présenté par MM. Dubois, Tandonnet, Delahaye et Namy, Mme Férat et MM. Amoudry, Marseille, Merceron et J.L. Dupont.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour présenter l’amendement n° 54 rectifié bis.
Mme Élisabeth Lamure. Avec cet amendement, je vous propose, mes chers collègues, d’entrer dans le vif du sujet.
Le présent projet de loi prévoit le transfert obligatoire de la compétence PLU aux intercommunalités.
Certes, le PLUI a d’ores et déjà fait la preuve de son efficacité dans de nombreux territoires.
Toutefois, l’urbanisme est un élément essentiel et déterminant de l’action communale. Chaque commune a une identité et des spécificités qui lui sont propres ; chaque commune doit pouvoir décider de son avenir.
Ainsi, même si ce transfert de compétence est vertueux pour de nombreuses communes et EPCI, son caractère obligatoire ne saurait répondre aux enjeux spécifiques de certaines communes.
Ce transfert doit donc être choisi et non subi.
La gestion du territoire à plus grande échelle est certes un enjeu important, mais il existe déjà des outils de planification tels que les SCOT.
Le présent amendement vise donc à supprimer le caractère obligatoire du transfert de la compétence PLU aux intercommunalités, et ce malgré la proposition de compromis de la commission. Nous privilégions une position plus claire, qui laisse néanmoins toute latitude aux maires de choisir ou non un PLUI. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Dubois, pour présenter l'amendement n° 272 rectifié bis.
M. Daniel Dubois. Je ne vais pas répéter ce qui vient d’être très bien dit au sujet de l’obligation de transfert de la compétence urbanisme aux intercommunalités contenue dans l’article 63.
J’aimerais tout de même enfoncer le clou, car nous sommes face à un sujet d’importance, peut-être même le plus important pour l’avenir des collectivités locales et des élus.
Vous l’avez d’ailleurs vous-mêmes compris, chers collègues de la majorité ; j’en veux pour preuve l’amendement que vous avez fait adopter. Sauf qu’il est peut-être pire encore que la proposition initiale, car, finalement, il revient à substituer le droit de veto à l’obligation. C’est certainement un joli coup politique, monsieur le rapporteur, qui permet au Gouvernement et à Mme la ministre de sauver la face en conservant le caractère obligatoire du transfert de compétence, tout en tuant définitivement la mesure avec une minorité de blocage extrêmement faible.
Il est finalement plus facile d’élaborer des PLUI aujourd’hui, par une volonté concertée des élus, que ce ne le sera demain.
Je le répète, je suis favorable à l’élaboration des PLUI au niveau communautaire. C’est une bonne gestion de l’urbanisme, à condition qu’elle soit volontaire, choisie, maîtrisée et discutée sur le territoire. C’est pourquoi le droit actuel me semble très adapté.
J’entends la faiblesse du nombre des PLUI aujourd’hui. Mais croyez-vous vraiment que ce nouvel article 63 puisse le faire augmenter ? C’est parce que je ne le pense pas que j’ai déposé cet amendement de suppression, à l’instar de mes collègues de l’UMP.
Cela étant, madame la ministre, que va faire l’Assemblée nationale ? Nos collègues députés n’ont quasiment pas débattu de la question des PLUI, affichant une très large unanimité sur cette question. Lorsque notre texte leur sera soumis, aurez-vous vraiment la volonté de le défendre ?
Par ailleurs, comme l’a dit notre excellent collègue tout à l’heure, le troisième texte relatif à la décentralisation, qui concerne les communautés de communes et les communes, devait aborder le transfert du PLU aux intercommunalités. Pourquoi cette disposition figure-t-elle finalement dans le présent projet de loi ? Après avoir fait sortir aujourd’hui le dispositif par la porte, ne serez-vous pas tentée de le faire revenir par la fenêtre à l’occasion de ce troisième texte sur la décentralisation, madame la ministre ?
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. Certains collègues viennent de dire tout le mal qu’ils pensaient du texte initial, mais aussi du texte amendé, à une large majorité, par les membres de la commission des affaires économiques.
D’autres, au contraire, se sont félicités de l’amendement que j’ai proposé et qui a été adopté à une large majorité par la commission.
D’aucuns encore disent : « Attention ! Ce texte, c’est la fin des communes ! » M. Dubois a soulevé ce qu’il considère comme une contradiction, la minorité de blocage mise en place conduisant à tout interdire, y compris le PLU intercommunal. M. Cornu, quant à lui, a dit que le rapporteur est « à côté de ses pompes ».
M. Gérard Cornu. Je n’ai pas dit cela !
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. Certes, mais vous l’avez pensé si fort que nombre d’entre nous ont ainsi interprété vos propos !
Certains se demandent pourquoi raisonner à l’échelle intercommunale. Un PLU tient compte du bassin de vie. Toutefois, de nombreux PLU qui sont élaborés de façon isolée, par exemple ceux qui concernent des terrains constructibles, ne prennent pas forcément en considération ni des zones économiques d’un bassin d’emploi ni les modalités de transport, en raison d’une vision trop communale.
M. Karoutchi s’est livré à un véritable plaidoyer. Il a appelé le Sénat à jouer pleinement son rôle, et je partage bien entendu ce point de vue.
M. Jarlier, a, quant à lui, fait part de son soutien au texte proposé, tout en souhaitant qu’il soit amélioré à la faveur de l’adoption d’amendements visant, notamment, le délai de mise en œuvre des PLUI.
Pour ma part, j’estime judicieuses un certain nombre de propositions, qui émanent plus particulièrement d’associations, notamment de l’Assemblée des communautés de France. Nous accueillerons positivement les améliorations qui peuvent être apportées au texte.
Mais revenons au point de départ. L’article qui vous est proposé, mes chers collègues, émane de l’Assemblée nationale. Il a été modifié sur un point par la commission : un délai supplémentaire de trois ans est accordé pour la mise en place des PLUI.
Nous sommes tous des élus de terrain, membres d’associations représentatives des maires, lesquelles ne sont d’ailleurs pas toutes sur la même longueur d’onde, qu’il s’agisse de l’Assemblée des communautés de France, de l’Association des maires de France, ou encore l’Association des maires ruraux de France. Nous avons tenu compte de ces différences d’appréciation. Ainsi, j’ai proposé un amendement adopté à une large majorité par les membres de la commission des affaires économiques du Sénat.
Sur les PLUI, trois éléments importants ont été rappelés par les différents intervenants.
Premièrement, le PLUI reste obligatoire. Toutefois, la disposition s’appliquera à l’expiration de trois ans après la publication de la future loi. Ce choix n’est pas neutre, car il permettra aux intercommunalités et aux municipalités – elles vont être renouvelées dans quelques mois – de bien comprendre la problématique et d’avoir le temps de prendre leur décision.
Deuxièmement, une minorité de blocage a été introduite. Comme l’a rappelé Pierre-Yves Collombat, elle va au-delà de celle qui existe aujourd’hui. Grâce à cette disposition, une commune ou un ensemble de communes pourront s’opposer à la mise en place d’un PLUI.
Certains d’entre vous, comme M. Dubois, considèrent que cette mesure constitue un retour en arrière et conduit à verrouiller encore davantage l’intercommunalité. Or, chers collègues, vous qui êtes au cœur des intercommunalités, qui les présidez ou êtes maires de communes membres d’intercommunalité, vous savez bien que pour prendre une nouvelle compétence, quelle qu’elle soit, il faut plus qu’une majorité – fût-elle, comme actuellement des deux tiers des communes représentant au moins 50% de la population ou l’inverse –, presque une l’unanimité. Très honnêtement, je ne vois pas ce que la nouvelle minorité de blocage va changer.
Je vous citerai un exemple pour vous convaincre : l’intercommunalité que je préside vient de prendre de nouvelles compétences. Cette décision a été prise à l’unanimité parce que je ne voyais l’intercommunalité imposer, ne serait-ce qu’à une commune, une compétence nouvelle sans avoir obtenu son accord.
M. Joël Labbé. Et ça marche !
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. Sur ce point, monsieur Dubois, je ne souscris pas du tout à l’argument que vous avez développé.
Troisièmement, une clause de revoyure est prévue.
Comme l’ont déjà indiqué plusieurs d’entre vous, mes chers collègues, la proposition qui vous est soumise est issue d’un consensus. Nous sommes parvenus à un point d’équilibre auquel je ne souhaite pas que l’on touche.
Enfin, pour répondre encore une fois à M. Karoutchi, revenons à la réalité institutionnelle. Si le Sénat vote les deux amendements identiques de suppression de l’article 63 proposés par M. Dubois et par Mme Lamure, de facto, nous allons laisser une page blanche. Et l’Assemblée nationale pourra reprendre sa rédaction initiale. Le Sénat n’aura joué aucun rôle au sein de la navette parlementaire. Il se retrouvera pieds et poings liés ! (Très bien ! sur le banc des commissions - Protestations sur les travées de l'UMP.)
C’est la raison pour laquelle, je souhaite, à l’instar de la commission, que ces amendements soient rejetés. Chers collègues de l’opposition, réfléchissez bien aux conséquences de votre vote !
J’ai entendu que le présent texte devait être expliqué, notamment dans les assemblées de maires. Mais les explications ne sont pas les mêmes ! Je suis persuadé que lorsque vous assistez à de telles réunions vous dites tout le mal que vous pensez du projet de loi, et c’est bien normal. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Mme Caroline Cayeux. Ne parlez pas à notre place !
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. Mais j’ai entendu de tels propos ! Disons que certains de vos collègues ne sont pas dans les mêmes dispositions que vous…
J’ajoute que les explications que nous donnons, nous, sont convaincantes ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Comme l’a constaté notre collègue Jean-Jacques Mirassou, qui est intervenu devant une assemblée des maires ruraux en Haute-Garonne,…
M. Jean-Jacques Mirassou. Des gens éclairés !
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. … ces élus ont applaudi parce qu’ils avaient bien compris les explications. Ils ont aussi compris, comme l’a indiqué tout à l’heure Pierre-Yves Collombat, que le nouveau dispositif est meilleur que le système actuel. (Très bien ! sur le banc des commissions.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Cécile Duflot, ministre. Nombre d’arguments ont été échangés, certains pertinents, d’autres beaucoup moins.
M. Karoutchi a dénoncé le manque de cohérence et de logique du Gouvernement. Je suis étonnée ! En effet, comme d’aucuns l’ont rappelé au début de notre débat, le présent texte constitue la troisième étape de notre projet. Elle a été longuement annoncée en commission, notamment lors de l’examen de précédents projets de loi.
Je vous rappelle, mesdames, messieurs les sénateurs, le titre du présent texte : projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové. Et le titre IV concerne l’urbanisme.
Croire que la question du logement se traite indépendamment de celle de l’urbanisme serait une grossière erreur. Ainsi, nous avons, dans le cadre de la loi habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnance, pris un certain nombre de mesures. Le PLUI en est une, contribuant à l’articulation entre les intercommunalités et les communes.
M. Mirassou, M. Fichet, M. Collombat, notamment, ont dit leur réticence au caractère obligatoire du PLUI. Effectivement, le débat à l’Assemblée nationale est allé très vite. À l’origine, le projet de loi prévoyait l’automaticité du transfert de la compétence. Or, à l’occasion de débats locaux puis en commission, une inquiétude a été formulée, tant sur le fond – la pertinence de l’évaluation d’une politique d’urbanisme à l’échelle intercommunale – que sur la forme – l’obligation de transfert.
Vous avez raison, les uns et les autres, de considérer que la commune est la cellule fondamentale de notre République. Toutefois, la conception d’un aménagement du territoire à l’échelle de la commune date d’une époque, monsieur Dubois, où l’on naissait dans sa commune, on y allait à l’école, on y travaillait, on y rencontrait son conjoint, et où naissaient les enfants.
M. Daniel Dubois. Vous décrivez le Moyen Âge !
Mme Cécile Duflot, ministre. Non, c’était au début du XXe siècle ! Et aujourd’hui, les possibilités de vivre dans un cadre exclusivement communal sont très limitées.
Nous nous connaissons depuis presque dix-huit mois. Or reprocher au Gouvernement une vision parisienne est totalement déplacé et infondé.
À cet égard, l’objection de M. Favier est juste : le seul endroit où les dispositions de la future loi que je souhaite voir adopter ne paraissent pas pertinentes, c’est justement l’Île-de-France, en particulier le Grand Paris.
Mme Catherine Procaccia. Nous sommes contents de vous l’entendre dire !
Mme Cécile Duflot, ministre. C’est une démonstration par l’absurde, mais néanmoins très claire. Ce projet de loi, s’il est adopté dans la rédaction de la commission des affaires économiques du Sénat, sera applicable sur l’ensemble du territoire français, mais devra faire l’objet d’adaptations pour la métropole du Grand Paris. Ainsi, votre argument tombe de lui-même, monsieur Dubois.
Par ailleurs, je suis ministre de l’égalité des territoires. Depuis le début de mes responsabilités, je suis allée à la rencontre de nombre d’élus locaux, sur de nombreux territoires. J’ai, par ailleurs, soutenu la proposition de résolution du groupe RDSE, présentée par le sénateur Bertrand, sur l’égalité des territoires. De plus, je défends une véritable mise en relation et un véritable travail collaboratif entre les différents opérateurs et les services de l’État en faveur du retour des services publics dans les territoires qui en sont dépourvus et qui sont meurtris.
C’est l’une de mes préoccupations de chaque instant : l’avenir de notre pays, même si une attention particulière doit être portée à l’urbanisation et aux métropoles, ne peut pas être imaginé en considérant les territoires ruraux et hyper-ruraux comme des territoires délaissés ou récréatifs. C’est bien en prenant en considération les capacités de ces derniers, leur développement et la volonté de leurs élus que nous arriverons à les faire évoluer.
Quant au fond, c’est grâce à une vision intercommunale de l’aménagement du territoire que les communes deviendront plus robustes.
Aujourd’hui, 36 % des communes, dont l’immense majorité est rurale, ne sont couvertes par aucun document d’urbanisme, si ce n’est le règlement national d’urbanisme, ou RNU. Par conséquent, elles sont soumises à l’instruction et aux avis de délivrance d’autorisation d’urbanisme sur leurs territoires par l’État.
Chaque semaine, je reçois un nombre significatif de courriers d’élus qui contestent les recommandations données au titre du RNU concernant leurs communes. Ces élus n’exercent pas leur compétence : ils en disposent depuis 1982 de manière théorique mais absolument pas de manière pratique.
M. Gérard Cornu. Nous sommes d’accord !
Mme Cécile Duflot, ministre. Pour ces communes essentiellement rurales, le PLUI représente enfin la possibilité d’exercer cette compétence théorique dont ils disposent depuis 1982 sans pouvoir la mettre en application. C’est la stricte réalité, il suffit d’observer objectivement la situation.
Si une commune de 300 habitants avait su se doter d’un PLU, cela se saurait. Néanmoins, certaines d’entre elles ont voulu se doter d’un PLU, mais avec des moyens très limités, et cela s’est avéré très compliqué.
M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis de la commission des lois. Eh oui !
Mme Cécile Duflot, ministre. Elles ont donc souvent acheté à des bureaux d’études des PLU établis rapidement, prenant le plus souvent la forme de copier-coller.
Je pourrais citer des dizaines de cas où les élus ont découvert ébahis les conséquences de PLU votés par le conseil municipal en matière de délivrance des autorisations d’urbanisme. En effet, bien souvent, les services chargés du contrôle de légalité ou de l’instruction des permis de construire par les services de l’État leur ont indiqué que le permis ne pouvait être délivré parce qu’il n’était pas conforme au PLU adopté.
Il faut donner à ces collectivités les moyens d’exercer leurs compétences.
J’en viens maintenant au problème de méthode. J’entends les inquiétudes relatives au transfert automatique. C’est la raison pour laquelle je soutiens la proposition de la commission des affaires économiques : même si ce transfert est de droit, il ne doit pas être de fait, si un quart des communes représentant soit 10 % des habitants s’y oppose.
Je défendrai devant l’Assemblée nationale cette disposition, de compromis, qui répond à des inquiétudes, afin qu’elle soit maintenue dans le texte définitif.
Je ne peux pas décider au nom des députés, mais telle sera la position du Gouvernement, je m’y engage.
M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis de la commission des lois. Très bien !
Mme Cécile Duflot, ministre. Je ferai avec les députés le même travail qu’avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, pour les convaincre en expliquant les racines de cette motivation. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
On m’objecte souvent que les élus peuvent déjà adopter un PLUI.
M. Gérard Cornu. Oui !
Mme Cécile Duflot, ministre. C’est vrai, mais pour les communes qui ne le souhaitent pas, la règle est beaucoup plus contraignante qu’elle ne le serait si cette disposition était adoptée. Il existe une différence fondamentale : ce que l’on appelle en anglais l’obligation impersonnelle.
Aujourd’hui, pour engager la réflexion sur l’élaboration d’un PLUI, il faut qu’un élu se lève et prenne l’initiative. (Protestations sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. Gérard Cornu. Cela ne se passe pas de cette manière, et vous le savez très bien !
Mme Cécile Duflot, ministre. Mais si ! Il n’y a aucun autre moyen. Il faut qu’un élu le propose, prépare une délibération.
M. Gérard Cornu. C’est jeter la suspicion sur les élus locaux !
M. Claude Dilain, rapporteur. Mais non !
M. Gérard Cornu. C’est inacceptable !
Mme Cécile Duflot, ministre. Monsieur Cornu, vous pouvez tout dire, mais vous ne pouvez pas m’accuser de jeter la suspicion sur les élus locaux. (Protestations sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
Je viens de dire le contraire ! Vous ne m’avez pas laissé finir ma phrase ! C’est ce qui s’appelle soit un a priori soit un travestissement.
Aujourd’hui, il faut qu’un ou deux élus…
M. Daniel Dubois. Vous pensez que les élus locaux ne sont pas capables de prendre des initiatives ?
Mme Cécile Duflot, ministre. Vous faites une excellente démonstration de mauvaise foi, monsieur Dubois ! Je continuerai, avec ou sans votre permission.
Mme Éliane Assassi. Très bien !
Mme Cécile Duflot, ministre. Donc, pour utiliser votre vocabulaire, il faut qu’un élu prenne l’initiative. Mais sur des sujets aussi sensibles, l’élu ou les élus qui prennent l’initiative peuvent conduire les autres élus à s’interroger sur leur motivation.
Or, avec la future loi, la situation sera tout autre : la question sera posée aux intercommunalités de manière impersonnelle et ne résultera pas de l’initiative de tel ou tel élu. Les élus seront donc amenés à se prononcer et pourront refuser, comme le permet la disposition introduite par la commission des affaires économiques.
Ce débat se déroulera d’une manière beaucoup plus ouverte, sans risque de suspicion sur les motivations de tel ou tel – et je ne dis pas que les motivations sont mauvaises. Le débat aura lieu régulièrement puisque la disposition prévoit qu’à chaque renouvellement des instances, il pourra se dérouler.
La méthode choisie est beaucoup plus sage et respectueuse. Elle pose le problème dans les mêmes termes dans l’ensemble des intercommunalités et elle laisse la liberté aux élus d’accepter ou de refuser.
Dans cette enceinte, même ceux qui voteront les amendements de suppression sont favorables au PLUI. Je n’ai pas trouvé d’opposants parmi vous, mesdames, messieurs les sénateurs, vous y êtes tous favorables.
M. Gérard Cornu. Mais sur la base du volontariat !