Mme Christiane Demontès, rapporteur. Oui !
M. Jean-Pierre Cantegrit. Mais puis-je exprimer un souhait ?
La Caisse des Français de l’étranger, qui gère cette assurance volontaire, vient d’entrer, avec votre ministère, dans une démarche de convention d’objectifs et de gestion. Ne pourrait-on pas mettre à profit la durée de cette future convention pour réfléchir sereinement, avec vos services, à une règle d’adhésion moins problématique ?
Pour conclure, je voudrais élargir mon propos au-delà du seul sujet de l’assurance volontaire vieillesse.
Diverses réformes sont intervenues pour accroître et améliorer la représentation politique des Français de l’étranger. À la suite d’une modification de la Constitution, onze députés des Français de l’étranger ont été élus, qui se sont ajoutés aux douze sénateurs déjà existants. Plus récemment, une réforme de l’Assemblée des Français de l’étranger a été engagée. L’objectif est de mieux prendre en compte les intérêts et préoccupations des Français de l’étranger.
Or cela ne se traduit pas toujours dans l’action menée au quotidien. Rares sont les textes soumis au vote du Parlement pour lesquels l’impact ou les conséquences des actions proposées ou des réformes envisagées sur les Français de l’étranger ont été préalablement analysés. Le présent projet de loi n’y fait pas exception, ce qui conduira peut-être certains de mes collègues sénateurs représentant les Français établis hors de France à proposer des amendements.
Aussi, ne serait-il pas souhaitable, madame la ministre, que les services ministériels s’habituent à prendre en compte les préoccupations propres aux Français de l’étranger ou s’interrogent, dès le premier stade de l’élaboration des textes, sur les éventuelles conséquences à leur égard des mesures proposées ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Je ne répondrai pas à l’ensemble des interpellations qui m’ont été adressées – nous aurons évidemment l’occasion d’y revenir au cours du débat –, mais je reviendrai sur les points les plus saillants qui structurent la discussion que nous avons sur l’avenir de notre système de retraites.
Pour commencer, je tiens à saluer la qualité de toutes les interventions, et je veux remercier Mme la rapporteur, Christiane Demontès, de la démarche constructive qui est la sienne et des propositions qu’elle a formulées dans son intervention, qui nous permettront de cheminer tout au long du débat.
Je remercie également M. le rapporteur pour avis de la commission des finances, Jean-Pierre Caffet, d’avoir relevé que la démarche engagée par le Gouvernement participe au redressement des comptes publics et d’avoir souligné que les hypothèses économiques sur lesquelles est fondé ce texte sont identiques à celles qui avaient été retenues précédemment, ce qui, normalement, devrait empêcher toute critique de la part de l’opposition sur ce point.
Je remercie, enfin, Mme la rapporteur de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, Laurence Rossignol, d’avoir souligné que ce texte marque des avancées importantes concernant la prise en compte de la situation des femmes. J’ai entendu certaines des propositions formulées, notamment la possibilité laissée aux femmes de se constituer des droits propres, ainsi que d’autres éléments allant en ce sens.
À l’évidence, une réforme des retraites ne peut apporter à elle seule – par la même occasion, je réponds à Mme Cohen – toutes les réponses aux inégalités dont sont victimes les femmes, même si un texte relatif aux retraites doit intégrer des éléments de nature à atténuer les inégalités ou à éviter que celles-ci ne se creusent ; c’est, en tout cas, ce que nous avons souhaité faire.
Je veux dire à Jean-Marie Vanlerenberghe et à tous ceux qui se sont exprimés sur la question d’un système de retraites par points, une réforme systémique, que la position du groupe UDI-UC n’a pas varié au fil des ans, contrairement à d’autres. Ce groupe a régulièrement porté la volonté d’engager une réforme systémique ou dite systémique de notre régime de retraite.
Je ne sous-estime pas l’importance de ces propositions, je veux simplement insister sur le fait qu’une réforme systémique ne constitue pas en elle-même une réponse aux enjeux de financement. C’est d’ailleurs ce que souligne le rapport du Conseil d’orientation des retraites de 2010, auquel il a été fait allusion à plusieurs reprises.
Une réforme systémique, un système de retraites par points ou en comptes notionnels, – je m’adresse également là à Françoise Laborde – c’est une architecture, une manière de compter, de décliner, d’organiser, de structurer nos retraites, mais cela ne dit rien des choix politiques que nous pouvons faire. Or il faut faire des choix quant à l’âge de départ en retraite, la durée de cotisation, la prise en compte ou non de la pénibilité, la prise en compte ou non des inégalités concernant les femmes ou les jeunes. Le système suédois en est une preuve : les problèmes de financement n’ayant quasiment pas été réglés, le gouvernement a été obligé de réintervenir pour bloquer la manière dont étaient comptabilisés les départs en retraite.
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Absolument !
Mme Marisol Touraine, ministre. Il y a donc des choix politiques à faire qui ne disent rien de la manière dont s’organise et se structure ensuite un système de retraites. Nos choix sont ceux qui figurent dans cette réforme : nous n’avons pas voulu aller vers un régime de retraite par points, dont on voit d’ailleurs les limites avec les régimes de retraite complémentaire, qui ont, eux aussi, été amenés à faire des choix puisqu’il n’y a jamais d’ajustement automatique.
Monsieur Watrin – je m’adresse aussi à Laurence Cohen, même si elle n’en a pas parlé –, quelle drôle de manière d’engager le débat en annonçant d’emblée que, quoi qu’il arrive, le groupe CRC ne votera pas ce texte, mais qu’il a la volonté d’améliorer la rédaction de chacun des articles. Voilà qui ne favorise pas le dialogue constructif.
Mme Éliane Assassi. C’est l’expérience qui parle !
Mme Marisol Touraine, ministre. Pour ma part, j’aurais l’occasion d’y revenir, je pratiquerai volontiers ce type de dialogue.
Pierre Mauroy a mené – je remercie cette grande figure du socialisme – une importante réforme des retraites en 1982, qui tenait compte du fait que, à l’époque, l’espérance de vie, notamment des ouvriers et des mineurs de sa région,…
Mme Éliane Assassi. On en a reparlé en 2010 ! Ce n’est pas un temps si lointain !
Mme Marisol Touraine, ministre. … était inférieure à soixante-cinq ans. Comment partir à la retraite à soixante-cinq ans quand on vit moins de soixante-cinq ans ? C’est quelque chose qui n’est pas envisageable.
J’ai moi-même cité le discours de Pierre Mauroy en 2010 lorsqu’il parlait de la retraite comme une ligne d’espoir et de vie.
Mme Éliane Assassi. À soixante ans !
Mme Marisol Touraine, ministre. C’est pourquoi nous avons permis, en 2012, à ceux qui ont commencé à travailler tôt et dont l’espérance de vie est plus faible de partir dès soixante ans.
J’ajoute qu’aucun gouvernement n’a apporté autant de ressources extérieures au système de retraite, que ce soit au travers de la loi de finances rectificative ou des lois de financement de la sécurité sociale. Je ne crois pas – c’est peut-être une différence entre nous ! – que l’on puisse répondre à l’enjeu des retraites uniquement par des prélèvements supplémentaires.
Mme Marisol Touraine, ministre. C'est la raison pour laquelle nous prévoyons l’allongement de la durée de cotisation.
Oui, monsieur Barbier, il est nécessaire de prendre en compte la pénibilité, mais il ne revient pas au seul système de retraites d’y remédier. C’est pourquoi notre réforme prévoit de soutenir la prévention de la pénibilité. Nous voulons, au travers des mécanismes mis en place, encourager, d’une part, les salariés à se former et, d’autre part, les entreprises à modifier les conditions de travail dans lesquelles évoluent leurs personnels, afin qu’il y ait davantage de prévention et moins de réparation.
J’ai bien entendu les multiples critiques émises par le groupe UMP sur ce projet de réforme.
Mme Catherine Procaccia. Moins que vous ne le faisiez il y a quelques années !
Mme Marisol Touraine, ministre. À dire vrai, je ne m’attendais pas à autre chose. Toutefois, je n’ai pas entendu d’autres propositions, monsieur Longuet, si ce n’est celle de relever l’âge légal de départ en retraite à soixante-cinq ans,…
Mme Marisol Touraine, ministre. Je ne sais pas jusqu’à quel âge il faudra travailler pour répondre à votre demande de réforme. En tout cas, il s’agit clairement d’une différence entre nous, que j’assume, que je porte et que je revendique.
Nous considérons, pour notre part, que le relèvement de l’âge légal de départ en retraite est injuste parce qu’il fait porter tout l’effort de restructuration du système sur ceux qui ont commencé à travailler jeune,…
Mme Marisol Touraine, ministre. … alors que la durée de cotisation peut être modulée en fonction des conditions de travail.
Monsieur Bas, j’ai bien entendu vos leçons.
M. Philippe Bas. Tant mieux !
Mme Marisol Touraine, ministre. Le débat me permettra de vous apporter des réponses et peut-être me permettra-t-il même de quitter le statut de chef de bureau pour accéder à celui de sous-directeur. (Sourires.) C’est au fond le seul vœu que je puisse formuler. Mais je sais qu’il n’y avait dans votre esprit nul mépris à l’égard des chefs de bureau qui peuplent nos administrations ; vous avez été bien placé pour en reconnaître la compétence et la qualité.
Monsieur Karoutchi, les comparaisons internationales doivent être faites avec une certaine prudence, car elles défient parfois ce que l’on imagine. Ainsi, de nombreux pays ont un âge légal de départ en retraite inférieur au nôtre : 60 ans au Canada, 61 ans en Suède, 62 ans aux États-Unis.
M. Roger Karoutchi. Et en Allemagne !
Mme Marisol Touraine, ministre. Et en Allemagne, pays dont on parle très souvent et dont vous, le groupe UMP et d’autres, parlez très souvent, la durée de cotisation est assez nettement inférieure à la nôtre.
M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis. Trente-cinq ans !
Mme Marisol Touraine, ministre. De plus, l’âge légal de départ en retraite doit être porté à 67 ans…
M. Jean-Pierre Caffet. En 2029 !
Mme Marisol Touraine, ministre. … à l’horizon 2029 ; cela prouve d’ailleurs que l’on peut s’inscrire dans la durée, contrairement à ce que vous semblez imaginer ! Soixante-sept ans, c’est l’équivalent, en France, de l’âge de la retraite à taux plein. Contrairement à ce que vous laissez penser, c’est effectivement 67 ans depuis la réforme de 2010 et non pas 62 ans !
M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis. Eh oui !
Mme Marisol Touraine, ministre. Il faut donc comparer ce qui est comparable : en Allemagne, les critères sont la durée de cotisation et l’âge de la retraite à taux plein, alors que nous avons en France la durée de cotisation, l’âge légal de départ à la retraite et l’âge de la retraite à taux plein. Aussi, les comparaisons internationales doivent bien sûr être maniées avec précaution.
Monsieur Husson, le travail qui sera mené au cours de l’année 2014 nous permettra de prendre en compte la diversité des entreprises dans la mise en place du compte pénibilité.
Monsieur Cantegrit, j’entends bien vos préoccupations quant au régime des Français de l’étranger. Sur ce sujet, des rapports vont être remis au Gouvernement, qui doivent nous permettre, au-delà de la question de l’assurance volontaire vieillesse, de réfléchir à la façon d’améliorer la situation, même si des mesures ont déjà été prises dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013.
Monsieur Desessard, vous avez relevé, avec votre talent habituel, qu’il s’agissait d’une réforme de gauche, qui contenait de nombreuses mesures de justice importantes. L’allongement de la durée de cotisation permet de prendre en compte une évolution de la société, qui est indéniable.
D’ailleurs, un jeune qui est aujourd’hui âgé de 25 ans, même en admettant qu’il soit amené à cotiser 43 annuités parce qu’il ne bénéficiera pas du compte pénibilité, vivra à la retraite deux ans de plus que celui qui part à la retraite cette année ou l’année prochaine.
Madame Laborde, je vous ai déjà en grande partie répondu. Je tiens toutefois à vous remercier d’avoir souligné l’importance des mesures en direction des jeunes, qu’il s’agisse de la prise en compte de trimestres d’études ou de stages.
Monsieur Antoinette, j’entends les préoccupations que vous exprimez sur l’outre-mer. Cependant, ce projet de loi n’est pas le bon véhicule législatif pour apporter des réponses aux inégalités ou aux différences d’espérance de vie…
Mme Catherine Procaccia. C’est bien ce que l’on dit !
Mme Marisol Touraine, ministre. … qui résultent de la santé ou de l’environnement. C’est par exemple en matière de santé publique que nous pouvons avancer sur ces sujets.
Je tiens à remercier les orateurs du groupe socialiste du soutien qu’ils ont apporté à ce texte.
Je remercie tout particulièrement Claude Domeizel d’avoir rappelé qu’il fallait dire la vérité à nos concitoyens (M. Gérard Longuet s’exclame), parce qu’ils étaient prêts à entendre que nous devions travailler plus longtemps,…
M. Jean-François Husson. Vous disiez le contraire avant !
M. Jean-François Husson. Quelle amnésie !
Mme Marisol Touraine, ministre. … mais que, dans le même temps, des mesures de justice étaient apportées. Il a avec raison fait référence aux grandes figures du Conseil national de la Résistance et montré que ce qui nous paraît une évidence s’est progressivement construit ; aujourd'hui, nous devons aller de l’avant de la même manière.
Yves Daudigny a parlé d’une réforme d’espoir et de confiance. Ce sont des termes forts. Je le remercie également d’avoir salué la méthode de concertation adoptée par le Gouvernement, qui rompt avec ce qui prévalait dans le passé. Il a également mis l’accent sur l’allocation transitoire de solidarité, qui a pris le relais de l’allocation équivalent retraite, et les difficultés auxquelles les générations de 1952 et 1953 sont confrontées. Sur cette question, un rapport doit être remis et nous avons la volonté d’avancer.
Merci aussi à René Teulade d’avoir dit qu’il fallait rompre avec les slogans faciles et qu’il était nécessaire de consolider le rêve des jeunes générations qui veulent pouvoir bénéficier d’une retraite de bonne qualité. C’est à cela que nous œuvrons.
Mesdames, messieurs les sénateurs, compte tenu de la dénaturation qu’a subie ce texte,...
M. Philippe Bas. Qui l’a voté ?
Mme Marisol Touraine, ministre. ... il était inévitable que la commission des affaires sociales votât son rejet. (M. Jean-François Husson s’exclame.) Pour ma part, quoi qu’il se soit passé en commission, j’aborde cette étape sénatoriale, comme celles qui l’ont précédée, avec disponibilité, ouverture d’esprit et volonté de dialogue, mais également avec la ferme détermination de garantir l’équilibre financier et social de ce texte.
C’est en effet un gage de cohérence pour tous ceux qui attendent de savoir comment se construira notre système de retraites dans l’avenir.
Quoi qu’il en soit, je vous renouvelle mes remerciements. Je souhaite que ce débat parlementaire soit à la hauteur de l’enjeu, l’avenir de notre système social. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Françoise Laborde applaudit.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la motion tendant au renvoi à la commission.
Demande de renvoi à la commission
M. le président. Je suis saisi, par MM. Longuet, Cardoux et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, d'une motion n°1.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des affaires sociales le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, garantissant l’avenir et la justice du système de retraites (n° 71, 2013–2014).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n’est admise.
La parole est à M. Gérard Longuet, pour la motion.
M. Gérard Longuet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en début de séance, au nom du groupe UMP et en vertu de l’article 44, alinéa 5, de notre règlement, j’ai déposé une motion de renvoi à la commission. En effet, à nos yeux, ce texte ne répondait pas complètement – c’est un euphémisme ! – à l’objectif affiché dans son titre : garantir à la fois la pérennité et la justice du système de retraites.
La pérennité, parce que le projet de loi ne s’attaque qu’à une partie du déficit estimé, notamment par le COR, à 20,7 milliards d’euros en 2020. Ainsi, il est question d’un apport et d’un soutien, comme la discussion générale l’a montré, essentiellement à la charge des retraités et des salariés, de 7,6 milliards d’euros. Cela laisse évidemment une importante impasse, sur laquelle nous souhaitons obtenir des informations beaucoup plus complètes. Ne serait-ce que pour cette raison, le renvoi en commission se justifiait.
La justice, parce que, et c’est un point qui nous sépare, madame la ministre, nous considérons qu’un régime qui ne permet pas la flexibilité de la charge et de la recette au fur et à mesure de l’évolution des réalités économiques et de l’impact des mouvements de la société de long terme – les mouvements de la société vous sont familiers – n’est pas juste.
Ce texte méritait donc d’être approfondi pour que, sans évoquer un système d’ensemble, madame la ministre, vous puissiez au moins nous répondre sur les lancinantes questions de l’adaptation du régime de retraite aux réalités économiques de notre temps, telles qu’elles ont été évoquées notamment par mon collègue Jean-François Husson, sur le thème de la pénibilité, ou par mon collègue Philippe Bas, sur le thème plus général de l’équilibre du dispositif. Roger Karoutchi a rappelé, avec le bon sens que chacun lui connaît, que cette question des retraites devrait nous rapprocher car, comme je l’ai évoqué, par le jeu de l’alternance démocratique, nous aurons tous à rendre compte de la gestion de ce système collectif. Pour cette autre raison, le renvoi en commission s’imposait.
Je renonce pourtant à demander le renvoi de ce texte en commission. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
En effet, j’ai un immense respect pour notre présidente de commission et je ne conteste nullement la bonne volonté de Mme Demontès, dont le rapport méritait d’être lu et entendu. Mais un petit problème se pose : la commission ne fonctionne pas ! S’il en est ainsi, madame la ministre, c’est parce que, à l’origine, il y a un malentendu dans le contrat de votre majorité.
J’ai relu attentivement certaines déclarations émises lors de la campagne pour l’élection présidentielle. En fait, vous avez abordé l’épreuve du suffrage universel sur ce thème majeur des retraites, avec des positions suffisamment contradictoires pour que naissent des ambiguïtés, que vous ne parvenez pas à lever en cet instant.
Un candidat, qui, depuis, a été oublié, Dominique Strauss-Kahn, rappelait très crûment – c’est son habitude : parler direct, agir direct ! – que 60 ans n’étaient pas un tabou et qu’il nous fallait négocier avec les réalités. À l’autre extrémité du parti socialiste, M. Montebourg et Mme Ségolène royale – moins bien inspirée qu’elle ne le fut dans d’autres circonstances – déclaraient que c’était 60 ans et rien d’autre.
Entre les deux, le candidat Hollande et vous-même, madame la ministre, avez adopté des positions que même une longue pratique du jésuitisme ne me permettrait pas de comprendre (Sourires sur les travées de l'UMP) : 60 ans, c’est le bon âge pour partir à la retraite, mais pas pour tout le monde ; de toute façon, ce qui importe, c’est la durée de cotisation ; quant à ceux qui ont commencé très jeunes et qui ont la durée requise... En un mot, vous avez laissé planer l’ambiguïté la plus complète, créant ainsi une sorte d’auberge espagnole des régimes de retraite qui donnait à chacune des ailes de votre majorité l’espoir d’être entendue et reconnue.
Il se trouve que cela n’était pas possible et qu’il faut choisir.
Il y a trois ans, j’exerçais d’autres fonctions, celles de président du groupe auquel j’appartiens aujourd’hui, je me souviens d’avoir passé trois longues semaines au mois de juillet, le matin, l’après-midi, le soir, tard dans la nuit. (Mme Catherine Procaccia acquiesce.) Ce fut sans pénibilité aucune, mais au contraire avec grand plaisir, car, quand s’agit de participer à la construction de son pays, c’est un devoir, une richesse, une opportunité et un honneur.
M. Roger Karoutchi. Là, il en fait trop ! (Sourires.)
M. Gérard Longuet. À l’époque, vous condamniez absolument tout. (M. Jean-François Husson acquiesce.) Rien ne trouvait grâce à vos yeux dans cette réforme de 2010, qui prolongeait celle de 2008, qui elle-même succédait à celle de 2003 et à celle de 1993, où le gouvernement d’Édouard Balladur avait eu le courage – pour être très honnête, un courage prudent, en plein mois de juillet – d’allonger la durée de cotisation des salariés du secteur privé sans s’attaquer aux salariés du secteur public. Depuis, nous avons découvert le thème de la convergence.
Aujourd’hui, vous héritez de cette contradiction entre le principe de réalité que doit assumer un gouvernement – c’est votre mission – et les espoirs qu’a fait naître l’ambiguïté de vos propos de 2012, après la démagogie absolue dont vous aviez fait montre avec votre opposition totale de 2010. Vous en subissez les effets concrets : il n’y a pas de majorité en commission.
Je retire donc cette motion de renvoi en commission.
Mme Catherine Génisson. Pourquoi l’avoir déposée, alors ?
Mme Éliane Assassi. Pour disposer d’un temps de parole supplémentaire !
M. Gérard Longuet. Cela ne servirait à rien ! Nous débattons du texte issu des travaux de l’Assemblée nationale, ce qui signifie que la commission des affaires sociales de la Haute Assemblée n’est pas en mesure d’exprimer sa position.
Dans ces conditions, pourquoi diable perdre du temps ? Attaquons directement l’examen des articles : chaque groupe défendra ses convictions. La seule vérité à retenir, c’est que, à vouloir promettre tout à tous, vous avez créé une situation que vous n’êtes plus en mesure de gérer. Nous ferons donc en séance plénière un travail de commission. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Gilbert Barbier applaudit.)
M. le président. La motion n° 1 est retirée.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, garantissant l’avenir et la justice du système de retraites.
Nous en sommes parvenus à la discussion des articles.
Article 1er
I. – L’article L. 111-2-1 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
2° Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. – La Nation réaffirme solennellement le choix de la retraite par répartition au cœur du pacte social qui unit les générations. Le système de retraite par répartition assure aux retraités le versement de pensions en rapport avec les revenus qu’ils ont tirés de leur activité.
« Les assurés bénéficient d’un traitement équitable au regard de la durée de la retraite comme du montant de leur pension, quels que soient leur sexe, leurs activités et parcours professionnels passés, leur espérance de vie en bonne santé, les régimes dont ils relèvent et la génération à laquelle ils appartiennent.
« La Nation assigne également au système de retraite par répartition un objectif de solidarité entre les générations et au sein de chaque génération, notamment par l’égalité entre les femmes et les hommes, par la prise en compte des périodes éventuelles de privation involontaire d’emploi, totale ou partielle, et par la garantie d’un niveau de vie satisfaisant pour tous les retraités.
« La pérennité financière du système de retraite par répartition est assurée par des contributions réparties équitablement entre les générations et, au sein de chaque génération, entre les différents niveaux de revenus et entre les revenus tirés du travail et du capital. Elle suppose de rechercher le plein emploi. »
II. – L’article L. 161-17 A du même code est abrogé.
III (nouveau). – Au quatrième alinéa de l’article L. 1431-1 du code de la santé publique, le mot : « à » est remplacé par la référence : « au I de ».
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l'article.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’article 1er complète l’article L. 111–2–1 du code de la sécurité sociale, pour y faire figurer l’exposé des principes fondateurs de notre système de retraites : répartition et solidarité entre générations.
Ces principes fondateurs étaient préalablement définis au début du chapitre de ce code consacré à l’assurance vieillesse.
Or la rédaction du texte adopté par l’Assemblée nationale pour ces objectifs du système de retraites pose problème.
Dans la rédaction issue des travaux de la commission des affaires sociales de l’Assemblée, quatre objectifs avaient été assignés par la Nation au système de retraites : la solidarité entre les générations et au sein de chaque génération, la garantie d’un niveau de vie satisfaisant, la pérennité financière et – c’est l’objet de mon intervention – l’égalité des pensions entre les femmes et les hommes.
S’agissant de cet objectif précis, le texte adopté par l’Assemblée nationale en séance plénière est nettement réducteur puisqu’il ne se réfère plus à l’égalité des pensions entre les femmes et les hommes comme un objectif en soi du système de retraites.
Or, si tout le monde convient qu’il est urgent de parvenir à une nouvelle avancée pour l’égalité des droits entre les femmes et les hommes, il faut aussi s’emparer de la question des pensions, pour le droit à une retraite digne et décente.
En effet, les écarts de pension entre les femmes et les hommes demeurent persistants et inacceptables, comme l’a rappelé tout à l’heure Laurence Rossignol, rapporteur de la délégation aux droits des femmes.
Nous savons qu’ils proviennent d’une insuffisance pour les femmes de droits propres, liée aux inégalités salariales, à la prégnance des stéréotypes de genre dans l’accès à l’emploi, aux carrières hachées, au temps partiel subi, etc.
Cette situation impacte lourdement et négativement non seulement le niveau des pensions, mais aussi l’âge de départ en retraite : il est plus tardif chez les femmes, avec une décote plus fréquente et davantage de titulaires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées.
Pourtant, la réduction des inégalités entre hommes et femmes en matière de retraite constitue un aspect central, nous dit-on, de ce projet de loi.
De surcroît, dans le texte dont nous débattons, l’égalité entre hommes et femmes n’est plus que l’un des aspects qui permettent au système de retraites de remplir son objectif de solidarité entre les générations. À cet égard, l’usage de l’adverbe « notamment » est très significatif.
C’est pourquoi, avec mon groupe, je soutiendrai des amendements de réécriture de cet article et de propositions, tout particulièrement celle qui vise à faire en sorte qu’aucune pension ne soit inférieure au SMIC.