M. Marc Daunis, rapporteur. Très bien !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cela ne signifie pas que la capacité de ces entreprises est restreinte ; en effet, de très grandes entreprises et coopératives françaises exportent. On peut être ancré dans son territoire, attaché à l’emploi local, au sort des travailleurs, défendre une cause et des valeurs et, dans le même temps, être leader mondial dans son secteur.
Derrière cet enjeu se pose la question de l’économie locale. Mais l’entreprise coopérative ou mutualiste n’est pas la seule qui puisse apporter ce genre de réponse : les associations ont joué un rôle majeur dans le développement local. Je pense à l’économie circulaire, que M. le rapporteur a évoquée. Qui aurait cru qu’en récupérant de vieux vêtements ou des objets usagés les chiffonniers d’Emmaüs deviendraient les pionniers d’une nouvelle vision du monde où la récupération des matières premières est essentielle ?
M. Marc Daunis, rapporteur. Tout à fait !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cet argument vaut également pour l’accueil des enfants, l’éducation populaire, le handicap, les services à la personne. L’économie classique peut évidemment s’emparer de ces domaines, mais il est tout à fait essentiel que des secteurs restent attachés à la finalité première de leur action et non aux profits qu’ils pourront tirer de cette activité pour verser des dividendes.
Oui, l’économie sociale et solidaire est une richesse, un soutien à la croissance durable ! C’est aussi une façon de faire vivre l’idéal républicain. On parle beaucoup de crise de l’engagement, mais la plupart de ceux qui œuvrent dans ces associations s’engagent de façon bénévole, militante, civique, tout en faisant preuve d’un réel professionnalisme et en s’ingéniant à être inventifs. Cette richesse n’est pas donc seulement économique, elle est aussi humaine ; elle allie responsabilité, solidarité, performance et efficacité.
Je dois tout de même reconnaître que l’économie sociale et solidaire n’est pas le monde des Bisounours. Elle est également confrontée à des contraintes économiques et financières, ce qui nous oblige à trouver des réponses nouvelles pour y faire face. Ce monde peut aussi être confronté à l’usure du temps, aux difficultés et aux habitudes, au point d’oublier une partie de ses valeurs. De ce point de vue, tout ce qui tourne autour de la gouvernance démocratique est fondamental.
Pour ma part, et nombre de mes collègues socialistes partagent mon opinion, j’estime que la question des banques coopératives et mutualistes aurait mérité un travail spécifique. Nous avons essayé de l’entamer au moment de l’examen de la loi bancaire. Vous nous aviez alors donné rendez-vous à l’occasion du présent projet de loi. Or, aujourd’hui, nous ne retrouvons pas tout à fait nos petits.
Nous souhaitons alerter le Gouvernement sur la nécessité de garantir aux sociétaires ou aux coopérateurs, qui font la richesse de la banque mutualiste, l’accès à toutes les informations et de leur donner l’assurance de rester des acteurs déterminants dans les choix de la banque. D’autres logiques, notamment financières, ne doivent pas prendre le dessus. Je ne citerai pas les dérives qui se sont produites en ce domaine, mais chacun les a en tête. D’ailleurs, dans le monde des banques coopératives et mutualistes, cette préoccupation commence à être prise en compte par les sociétaires et les banques elles-mêmes. J’ai un petit regret à cet égard, mais nous aurons l’occasion d’en débattre.
Monsieur le ministre, vous ouvrez une piste nouvelle avec une vision que vous appelez « inclusive » : l’entrepreneuriat social. Le groupe socialiste y est favorable. Reste que les bornes ne doivent pas trop enfermées, sinon l’émergence de l’entrepreneuriat social sera impossible. Pour autant, l’élargissement ne doit pas être l’affadissement : gardons-nous, par référence à une expression anglo-saxonne, du « social washing ». C’est pourquoi nous présenterons des amendements sur le suivi et le contrôle des immatriculations, ainsi que sur le principe de « lucrativité limitée ». Un certain nombre d’éléments ont déjà été pris en compte par M. le rapporteur, mais certaines précisions s’imposent pour que nous soyons d’accord à ce sujet.
J’en viens aux dispositions concrètes les plus essentielles que nous voulons soutenir.
Je commencerai par les fameux articles 11 et 12, à savoir le droit offert aux salariés d’être informés au moment de la transmission de l’entreprise. Personnellement, je ne comprends pas pourquoi ce sujet, qui me paraît...
M. Marc Daunis, rapporteur. Tellement naturel !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. … évident, fait l’objet de telles crispations.
D’abord, j’observe – et cela compte pour le groupe socialiste, monsieur le ministre – que les cinq organisations syndicales sont favorables à ce projet de loi. Toutes l’ont approuvé, même celles des cadres. En effet, les cadres sont des acteurs déterminants en cas de reprise. Ils ont besoin, ils le savent, d’être en possession d’éléments d’information.
Ensuite, j’entends partout, au sein du patronat comme dans les rangs de l’opposition, mettre en avant le dialogue social, de surcroît au sein de l’entreprise. Or, s’il est bien un moment où le dialogue social doit s’instaurer, c’est lors du changement de propriétaire de l’entreprise. Car ceux qui ont le plus intérêt à la survie de l’entreprise, ce sont les salariés ! Il est donc fondamental de les informer. D’ailleurs, dans le modèle allemand, qu’on nous cite toujours en exemple, toutes les entreprises – je ne parle pas des entreprises de cogestion –, en tout cas toutes celles qui comptent au moins cinq salariés, et dans ce pays la plupart des entreprises sont plutôt de grosses PME, ont l’obligation d’informer les salariés en amont de la reprise.
Honnêtement, je ne comprends pas ce blocage. Quoi qu’il en soit, monsieur le ministre, vous aurez le plein et entier soutien du groupe socialiste.
Le temps m’étant compté, je n’engagerai pas maintenant le débat sur un amendement que je porte à titre personnel concernant la reprise privilégiée par les salariés. Il répond à un engagement du Président de la République, mais M. Anziani a évoqué ce qu’il pensait être un obstacle constitutionnel. Pour ma part, j’ai déposé une proposition de loi, et je transmettrai à mon collègue les arguments contraires. Pour l’heure, je retiens l’avancée considérable que constituent, d’une part, votre texte, monsieur le ministre, et, d’autre part, l’idée de notre excellent rapporteur d’informer régulièrement les salariés afin de préparer la reprise de l’entreprise.
Un autre élément important, tout le monde l’a souligné, porte sur les nouveaux outils en faveur du monde coopératif, notamment le dispositif d’amorçage. Toutefois, nous souhaiterions disposer d’un délai un peu plus long pour en favoriser l’efficacité. Quant à la révision coopérative, nous présenterons des amendements afin d’éviter qu’elle ne devienne standardisée à cause d’acteurs prêts à vendre clés en main une pseudo-révision coopérative. Aujourd’hui, qu’il s’agisse des coopératives d’HLM, agricoles ou des SCOP, la dynamique de révision coopérative doit être diversifiée et renforcée.
Je terminerai en évoquant brièvement deux points.
Le premier concerne l’outillage territorial. Il est très important d’institutionnaliser le rôle des CRESS et des pôles territoriaux de coopération économique. Il nous faut des outils favorisant une action efficace.
Le second point a trait aux outils financiers. Ce texte n’est certes pas une loi de finances. Néanmoins, il doit créer des outils à l’instar de ceux que notre collègue Germain a cités.
M. le président. Veuillez conclure, chère collègue.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. À cet égard, je voudrais rappeler à nos collègues ayant tendance à dénoncer les grands avantages fiscaux que la Cour de justice des communautés européennes a toujours affirmé qu’il était légitime que l’économie sociale et solidaire puisse bénéficier d’aides fiscales et financières particulières, afin de compenser son handicap, celui de ne pas appartenir à l’économie de marché et de ne pas avoir accès aux marchés financiers.
Pour nous, l’essentiel n’est pas là. L’essentiel, c’est l’aspect humain de l’économie sociale et solidaire ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme Delphine Bataille.
Mme Delphine Bataille. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, décidément, novembre est bien le mois de l’économie sociale et solidaire, qui en est, cette année, à sa sixième édition. En effet, depuis 2008, sur l’initiative des chambres régionales, de multiples événements valorisent durant ce mois une autre manière d’entreprendre. L’examen de ce texte contribuera lui aussi, à sa façon, à sensibiliser le plus grand nombre à la création d’activités dans nos territoires.
En dépit d’un développement important depuis plusieurs années, le domaine de l’économie sociale et solidaire demeure parfois encore peu connu. Il faut dire que, jusqu’à présent, ce monde, avec ses entreprises, ses structures, ses dénominations et ses périmètres d’action très diversifiés, n’était pas simple à appréhender. Pourtant, l’économie sociale et solidaire enregistre une croissance régulière de 2 % à 3 % chaque année et, depuis dix ans, crée plus d’emplois que le secteur purement marchand. C’est aussi une alternative à la financiarisation de notre économie, car ces structures répondent à des besoins humains et sociaux plutôt qu’à des perspectives de rentabilité et de profit. L’économie sociale et solidaire joue donc un rôle d’amortisseur dans la crise en préservant des emplois et en favorisant les innovations sociales.
Le premier acte fort du Président de la République visant à encourager le développement d’une économie responsable et soucieuse de l’intérêt général fut bien d’élever au rang de ministère à part entière le domaine de l’économie sociale et solidaire. Nous saluons d’ailleurs le travail de qualité que vous avez effectué, monsieur le ministre, ainsi que le projet de loi dont nous débattons aujourd’hui. Ce travail est le fruit d’un haut niveau de concertation, cela a été rappelé, qui a permis d’aboutir à un texte équilibré, que nos talentueux rapporteurs, particulièrement Marc Daunis, ont contribué à enrichir. Vous offrez ainsi à l’ensemble des acteurs de l’économie sociale et solidaire un texte qui fera date, en ce sens que, pour la première fois, la loi consacre à ce secteur la reconnaissance qui lui manquait.
Les mesures proposées visent aussi à donner une véritable impulsion à cette économie grâce à une meilleure structuration et à l’accès à un ensemble de leviers accompagnant son déploiement.
Il s’agit d’abord de reconnaître une communauté de principes pour les entreprises du secteur de l’économie sociale et solidaire, en proposant une définition claire de son périmètre, en modernisant ses statuts et en suggérant de l’élargir aux sociétés qui choisissent de respecter ces mêmes principes communs en introduisant une démarche inclusive pour celles qui n’appartiennent pas à l’une des familles traditionnelles que sont les coopératives, les associations, les mutuelles et les fondations.
Je salue par ailleurs un autre axe essentiel de votre réforme consacré à la structuration, tant au niveau national par une refonte du Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire, qu’à l’échelon territorial par un renforcement des attributions des chambres régionales. Ces mesures permettront l’élaboration de stratégies plus cohérentes contribuant au développement de ces entreprises et à leur ancrage territorial. Dans cette perspective, les modifications apportées par le Sénat en direction des collectivités sont les bienvenues.
Le projet de loi prévoit également de nouvelles sources de financement pour soutenir le développement de ces structures, qui sont, il faut bien le souligner, moins aidées par les finances publiques que les grands groupes.
Enfin, je veux souligner l’importance de cette réforme en matière d’emploi. Celle-ci facilitera notamment la transmission d’entreprise grâce à un triptyque comportant l’extension d’un droit d’information des salariés, la création de SCOP d’amorçage permettant aux salariés souhaitant reprendre leur entreprise de limiter la prise de risque initiale et surtout, un fonds d’aide de 100 millions d’euros auprès de la Banque publique d’investissement pour investir.
Le droit d’information préalable des salariés, étendu en commission, est essentiel pour faciliter la reprise d’entreprises saines par leurs propres salariés et éviter ainsi la destruction massive d’emplois. Les contestations qui s’élèvent actuellement contre ce droit apparaissent comme un combat d’arrière-garde, mené contre un projet de loi ambitieux et qui recueille un large consensus. Même si celui-ci répond déjà parfaitement aux enjeux de reconnaissance et de développement sur le long terme de l’économie sociale et solidaire dans toutes ses dimensions, nous présenterons quelques amendements d’amélioration qui ne remettent pas en cause l’équilibre général du texte.
Aujourd’hui, nous réaffirmons que l’économie sociale et solidaire porte des valeurs auxquelles nous sommes attachés et qu’il existe différentes manières d’entreprendre qui ne s’opposent pas à celles de l’économie classique mais viennent la compléter utilement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Mazars.
M. Stéphane Mazars. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lorsque l’on entend parler d’économie sociale et solidaire, on pense d’abord à ces structures qui se sont développées au cours du XIXe siècle en réaction au modèle de l’entreprise capitaliste fondé sur la recherche exclusive ou quasi exclusive du profit : il s’agissait de sociétés de secours mutuel, de caisses d’épargne ou encore de coopératives. Elles avaient pour objectif de venir en aide aux catégories les plus fragiles de la population, en raison de leurs ressources, de leur âge ou de leur état de santé.
Au XXe siècle, ces structures se sont multipliées et diversifiées, au point qu’on les retrouve désormais dans presque tous les domaines de l’activité humaine : agriculture, action sociale, banque et assurance, éducation ou encore industrie. En outre, nous avons assisté ces dernières années à l’essor de l’entrepreneuriat social, qui prend la forme de sociétés traditionnelles telles que les SA ou les SARL, mais se distingue par une finalité sociale ou environnementale et par le respect de certains principes de l’économie sociale et solidaire tels que la « lucrativité limitée ».
Nous avons tous une idée de ce qu’est l’économie sociale et solidaire. Pourtant, qui peut dire précisément ce qu’elle recouvre ? Comment définir exactement son périmètre ? C’est une question déjà posée, en creux, mais non résolue, au moment de la loi du 19 février 2001 sur l’épargne salariale, qui a créé l’agrément « entreprise solidaire ».
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Stéphane Mazars. Malgré l’existence de lois sectorielles concernant certains acteurs traditionnels de l’économie sociale et solidaire, comme celle du 10 septembre 1947 sur les coopératives, et l’introduction de la notion d’« économie sociale » dans la loi depuis 1983, il manquait encore une grande loi-cadre pour définir le périmètre de l’économie sociale et solidaire et proposer des mesures transversales pour l’ensemble de ce secteur. C’est tout l’enjeu du projet de loi que nous examinons aujourd’hui. Il s’agit d’un texte essentiel au regard de l’importance de ce secteur pour notre économie et notre société. Faut-il rappeler que l’économie sociale et solidaire représente environ 10 % du PIB et 12,5 % des emplois privés dans notre pays ? Faut-il également rappeler qu’elle contribue activement à réduire les inégalités sociales et territoriales ?
Les entreprises de l’économie sociale et solidaire ont également fait preuve d’une résilience plus élevée que les autres face à la crise et se caractérisent par une progression plus soutenue de l’emploi, comme l’a rappelé M. le rapporteur. Dès lors, il me semble que nous devons attacher la plus grande importance au développement d’un cadre juridique clair qui permettra à ce secteur de prendre un véritable essor. Tel est l’objectif poursuivi par le projet de loi, tel est votre objectif, monsieur le ministre, et je m’en réjouis.
Permettre avec cette loi le « changement d’échelle » de l’économie sociale et solidaire, comme vous le préconisez, c’est aussi un enjeu essentiel pour nos territoires, car les acteurs de l’économie sociale et solidaire, contrairement aux grandes entreprises « traditionnelles », sont majoritairement implantés en dehors de l’Île-de-France. C’est le cas, par exemple, de 75 % des entreprises coopératives.
Plus généralement, les acteurs de l’économie sociale et solidaire contribuent au renforcement du lien social et au développement de l’activité et de l’emploi sur l’ensemble du territoire. Permettre à l’économie sociale et solidaire de se développer, c’est donc également permettre de réduire l’inadmissible « fracture territoriale » que les membres du groupe du RDSE n’ont de cesse de dénoncer ; c’est là un enjeu d’égalité et de justice entre les territoires.
Je me réjouis donc que le Gouvernement ait déposé ce projet de loi, qui revêt une importance essentielle pour le développement des territoires, sur le bureau du Sénat, représentant constitutionnel des collectivités territoriales. Par ce geste fort, il reconnaît également le rôle de précurseur joué par la Haute Assemblée sur cette question de l’économie sociale et solidaire, avec le groupe d’études présidé par notre collègue rapporteur Marc Daunis ainsi que le rapport de Marie-Noëlle Lienemann sur les coopératives.
J’ajoute que le projet de loi a le mérite de donner enfin une définition de l’économie sociale et solidaire. Il est heureux que cette définition permette d’inclure une vaste catégorie d’acteurs : non seulement les organismes traditionnels de l’économie sociale et solidaire que sont les associations, les coopératives, les mutuelles et les fondations, mais également les sociétés commerciales dès lors qu’elles respectent un certain nombre de critères, critères que nous aimerions d’ailleurs voir davantage correspondre aux grands principes de l’économie sociale et solidaire ; j’y reviendrai.
Malgré cette définition inclusive donnée à l’article 1er et l’intitulé du titre Ier censé contenir des « dispositions communes », nous regrettons que ce texte demeure assez peu transversal, puisqu’il contient peu de mesures concernant l’ensemble des acteurs de l’économie sociale et solidaire. En fait, il se subdivise en plusieurs titres spécifiques pour chaque catégorie : coopératives, associations, mutuelles, fondations.
Une autre remarque concerne justement ces quatre « familles traditionnelles » de l’économie sociale et solidaire concernées par les titres III à VI du projet de loi : nous constatons l’existence dans le texte d’un déséquilibre au profit des coopératives et au détriment des associations. Il est vrai que les coopératives représentent la majeure partie du chiffre d’affaires et des emplois du secteur de l’économie sociale et solidaire, mais cela ne nous semble pas justifier la disproportion flagrante entre les mesures les concernant et celles qui portent sur les autres catégories, en particulier les associations. Certes, l’article 10 constitue une avancée majeure pour les associations…
M. Marc Daunis, rapporteur. Une avancée très importante !
M. Stéphane Mazars. … puisqu’il donne une définition de la subvention qui était jusqu’alors absente des textes de loi. Cette définition permettra de sécuriser l’octroi des subventions par les collectivités locales aux associations. Il y a bien sûr une grande attente en ce sens.
De plus, la réforme du « titre associatif », afin d’en améliorer l’attractivité pour diversifier et sécuriser le financement des associations, est également bienvenue. Nous proposerons toutefois, par un amendement, de mieux encadrer encore cette évolution pour éviter toute dérive.
Même si nous regrettons que le titre V relatif aux associations soit moins développé que le titre III relatif aux coopératives, nous soutenons les avancées du titre III, qui comprend des dispositions importantes comme la création du statut de SCOP d’amorçage.
Le groupe du RDSE est donc favorable à ce texte, qui constitue une loi nécessaire et attendue pour permettre le développement de l’économie sociale et solidaire dans notre pays. Néanmoins, notre groupe défendra un certain nombre d’amendements visant à améliorer quelques points. Nos préoccupations sont de deux ordres.
Premièrement, nous souhaitons être assurés que les principes fondateurs de l’économie sociale et solidaire seront bien respectés par l’ensemble des acteurs qui auront vocation à appartenir à ce secteur économique. Ainsi, il nous semble essentiel de rappeler l’importance de la gouvernance démocratique, de la propriété collective et de la lucrativité nulle ou limitée, qui constituent à nos yeux les caractéristiques consubstantielles de l’économie sociale et solidaire.
Deuxièmement, notre préoccupation est de sécuriser le dispositif et de lever certains doutes qui peuvent résulter d’imprécisions présentes dans le texte actuel.
Le président de notre groupe, Jacques Mézard, a abordé tout à l’heure la notion d’« intention de cession » présente dans les articles 11 et 12, qui nous semble beaucoup trop imprécise et vecteur d’une grande insécurité juridique. Nous proposerons donc de revoir le dispositif avec pour objectif de trouver une rédaction de ces articles plus précise et plus sûre. Nous ne doutons pas, monsieur le ministre, que vous serez attentif à nos propositions. D’autres amendements poursuivent le même objectif de précision et de clarification dans d’autres dispositions du projet de loi.
Enfin, une dernière série d’amendements propose de compléter le projet de loi par des dispositions essentielles, comme la création d’un régime des groupes et des filiales de l’économie sociale et solidaire ou encore des mesures relatives au commerce équitable.
Conscient des avancées que représente le projet de loi non seulement pour l’économie sociale et solidaire, mais aussi pour l’économie et l’emploi en général, le groupe du RDSE, tout en espérant que ses propositions d’amendements pour sécuriser et enrichir le texte trouveront une issue favorable, devrait lui apporter son soutien unanime. Je tiens à souligner que la position de notre groupe, conforme à la tradition radicale, s’inscrit dans le sillage de la réflexion menée par notre chef de file en la matière, Thierry Jeantet, présent aujourd’hui dans les tribunes, et dont je tiens à saluer la compétence et l’expérience. Il a apporté une aide très précieuse à notre groupe lors du travail sur le présent texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et du groupe CRC. – M. François Trucy applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Élisabeth Lamure. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire dont nous discutons est le troisième texte économique majeur que présente le Gouvernement depuis le début de la session extraordinaire de septembre 2013, c’est-à-dire en quelques semaines seulement.
Comme le projet de loi relatif à la consommation ou le projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, le présent texte aborde une pluralité de sujets, si bien que le spectre qu’il couvre laisse parfois perplexe. Je suis ainsi peu convaincue par la cohabitation, au sein d’un même texte, des dispositions relatives à la détermination du champ de l’économie sociale et solidaire avec celles portant sur le droit d’information préalable des salariés.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. On y vient !
Mme Élisabeth Lamure. Ces deux sujets sont suffisamment vastes pour mériter d’être examinés de façon distincte.
Sur le fond, comme mon collègue Gérard César, je m’arrêterai sur la détermination du champ de l’économie sociale et solidaire qui figure à l’article 1er, sur l’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale » prévu par l’article 7, ainsi que sur les articles 11 et 12 concernant le droit d’information des salariés.
Monsieur le ministre, ma principale préoccupation porte sur la place réservée aux sociétés commerciales dans votre nomenclature. Naturellement, vous faites entrer dans celle-ci de nombreux acteurs non commerciaux, qui y ont toute leur place compte tenu de la part qu’ils occupent dans le secteur de l’économie sociale et solidaire et de leur expérience, mais qu’en est-il des entreprises ?
Eh bien, que ce soit avec l’article 1er, qui prévoit le prélèvement d’une fraction au moins égale à 50 % du bénéfice de l’exercice, ou avec l’article 7, qui prévoit que la charge induite par son objectif d’utilité sociale affecte de manière significative le compte de résultat ou la rentabilité financière de l’entreprise, il semble bien que la majorité des entreprises ne pourront pas prétendre à intégrer l’économie sociale et solidaire ni même à bénéficier de l’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale ».
Je crois que cela vous a été dit pendant l’élaboration du projet de loi : vous consacrez une définition de l’économie sociale et solidaire beaucoup plus stricte que celle souhaitée par de nombreux acteurs. Par comparaison, si l’on reprend la définition de l’entrepreneuriat social présentée à la fin de 2011 par la Commission européenne lors de l’initiative pour l’entrepreneuriat social, on voit bien que la définition du caractère social d’une entreprise, au niveau européen, n’exclut pas d’emblée l’essentiel des entreprises des secteurs de l’aide à la personne ou en lien avec l’environnement. Pourtant, la définition de la Commission n’est pas si éloignée de la vôtre, puisqu’elle prévoit que ces entreprises ont pour « principal objectif […] d’avoir une incidence sociale plutôt que de générer du profit pour ses propriétaires ou ses partenaires ». Simplement, la Commission n’envisage pas de prélèvement sur les bénéfices ou de réserves obligatoires aussi imposantes que celles prévus par le texte qui est aujourd’hui soumis à notre examen.
Toujours dans le but de montrer la singularité de la définition française de l’économie sociale et solidaire, je note que l’OCDE plaide en faveur d’un dépassement de l’opposition classique entre profit et utilité sociale. Cette volonté de ne pas opposer dimension sociale et rentabilité se retrouve également dans la définition de l’entrepreneuriat social proposée par le Centre d’analyse stratégique, qui explique que « les entrepreneurs sociaux cherchent à conjuguer efficacité économique et finalité sociale ».
Ces précisions, ces définitions doivent retenir notre attention, car c’est d’elles dont va dépendre l’essor de ces secteurs d’activité socialement utiles. À cet égard, mon inquiétude porte sur les entreprises évoluant dans le secteur des services à la personne. Chacun sait que ce secteur est un important vivier d’emplois, sous-exploité en France. Or il est l’objet d’un paradoxe qui doit tous nous interpeller : tandis que la demande de services ne fait que croître, nous assistons dans le même temps à une diminution de l’offre. Pour preuve, nous constatons une baisse du volume d’heures déclarées, avec un passage certain vers le travail dissimulé. Ce fait montre que, contrairement aux craintes exprimées par certains, il n’y a pas de lien de causalité entre la progression du privé et la baisse d’activité des associations, puisque ces deux types d’acteurs peuvent voir leur activité ou diminuer ou progresser dans le même temps.
Il ne faut pas que le projet de loi laisse croire que l’essor des sociétés commerciales nuira au développement du secteur associatif. Intégrer les entreprises au dispositif, ce n’est pas le dénaturer. C’est au contraire lui permettre d’acquérir une autre dimension.
Que vous aidiez le monde associatif sans fixer de conditions, à la rigueur… Mais pourquoi empêcher les entreprises, le plus souvent très petites et donc plutôt précarisées, d’apporter leur pierre à votre édifice ?
Monsieur le ministre, vous partez du postulat que le droit d’information préalable des salariés en cas de transmission d’une entreprise saine permettra de prévenir les démontages d’usines et autres dépeçages d’entreprises. Si la cause est louable, cette disposition me paraît à la fois risquée et pour le moins injuste.
Premièrement, cette mesure est risquée, car, malgré les précautions que vous introduisez quant au devoir de confidentialité, il ne s’agit que de précautions, et elles ne tiendront pas.