Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Eh oui ! Il n’y a pas de réforme.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. … alors qu’elle a augmenté massivement les prélèvements obligatoires, après avoir, quelques années plus tôt, multiplié les cadeaux fiscaux inutiles – souvenons-nous du bouclier fiscal –,…
M. Aymeri de Montesquiou. Parlez donc du présent !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. … dont certains pèsent encore sur nos comptes publics. Je pense, par exemple, à la défiscalisation des intérêts d’emprunt pour l’achat d’une résidence principale.
M. André Reichardt. Et la défiscalisation des heures supplémentaires, vous n’en parlez pas ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Aussi, les réformes structurelles que l’opposition d’aujourd’hui reproche au Gouvernement de ne pas avoir réalisées, elle n’a pas su les conduire au cours des dix années précédentes, lorsqu’elle était elle-même au pouvoir. La RGPP est d’ailleurs rapidement devenue, au mieux, une construction visant à crédibiliser la suppression d’un emploi de fonctionnaire sur deux partant à la retraite, au pire, un exercice de communication.
Au total, les dépenses publiques ont tout de même augmenté de 1,6 % par an, en moyenne, pendant l’ensemble du quinquennat de M. Sarkozy.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Heureusement qu’il existe ! Que feriez-vous sans lui ? (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. J’en dirai plus sur d’autres sujets, monsieur le président de la commission !
À y regarder de plus près, quelles réformes de structure ont été menées à bien pendant le dernier quinquennat ?
La réforme des retraites ? Nous sommes obligés, trois ans à peine après, de la corriger, pour y introduire de la justice,…
M. André Reichardt. En augmentant les cotisations !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. … et de l’approfondir, pour garantir la survie de notre modèle.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous ne nous avez pas vraiment aidés !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. L’effort consenti en faveur de l’enseignement supérieur et de la recherche, au travers, notamment, du crédit d’impôt recherche ? L’autonomie des universités ? Le grand emprunt ? C’est en effet un sujet important,…
M. André Reichardt. Ah !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. … mais cela ne permet pas de réaliser des économies, bien au contraire.
Aujourd’hui, pas davantage qu’hier, la droite ne sait nous dire où il faudrait faire des économies,…
M. Jacky Le Menn. Eh oui !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Partout !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. … sauf à procéder à une réduction dogmatique du nombre des fonctionnaires, qu’elle se plaît à stigmatiser.
Chers collègues de l’opposition, la droite s’honorerait à aller au bout de sa logique, en nourrissant le débat politique avec de véritables propositions, au-delà des pétitions de principe.
J’espère donc que notre débat sera marqué par la cohérence, car cela nous serait collectivement utile.
M. Philippe Dallier. À commencer par vous !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Pour ma part, je soutiens pleinement l’action du Gouvernement (Exclamations sur les travées de l'UMP.)…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est un scoop !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. … et l’encourage à être déterminé dans les choix difficiles qui permettront de respecter nos engagements européens.
L’acte I du redressement a porté, à titre principal, sur les recettes, tandis que l’acte II, que ce projet de loi de finances inaugure, concentre désormais tous nos efforts sur les dépenses publiques.
Notre trajectoire pluriannuelle des finances publiques a dû être ajustée à plusieurs reprises ces derniers mois, compte tenu d’une croissance et de recettes fiscales moins dynamiques que prévu. À cet égard, je remercie M. le ministre de nous avoir fourni les explications utiles en la matière.
Nous avons ainsi décalé cette trajectoire visant à faire passer notre déficit public en deçà de 3 % du PIB en 2015, pour atteindre quasiment l’équilibre structurel en 2016, puis, enfin, le plein équilibre en 2017.
La Commission européenne a confirmé la justesse de ces prévisions de croissance et a donné un satisfecit au projet de budget pour 2014, qui prévoit un effort ajouté à celui de 2013 conforme à l’évolution du solde structurel qui nous était demandée. Elle nous a aussi fait part de ses interrogations et de ses recommandations, qui sont, je tiens à le dire, pleinement légitimes.
Nous avons collectivement souscrit à un « règlement de copropriété de l’euro », pour reprendre une expression de notre collègue Jean Arthuis. Il serait paradoxal de se plaindre aujourd’hui qu’il soit appliqué avec discernement, mais sans exception ni tabou.
La Commission européenne constate également que nous n’avons pas encore adopté l’ensemble des mesures permettant de ramener notre déficit sous le seuil de 3 % du produit intérieur brut en 2015 et nous engage à mettre en œuvre des réformes structurelles. Il nous reviendra, en effet, de prendre les dispositions nécessaires pour respecter notre trajectoire, dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances pour 2015.
Mes chers collègues, permettez-moi maintenant d’insister sur quelques points qui me semblent déterminants pour assurer le respect de notre trajectoire.
Tout d’abord, il s’agit de faire porter notre effort sur l’ensemble des dépenses publiques : l’État et ses opérateurs, mais aussi les organismes de sécurité sociale et les collectivités territoriales.
Ensuite, la réduction des dépenses publiques ne sera ni simple ni indolore. C’est un défi exigeant, que nous devons collectivement relever.
Enfin, elle ne sera pas temporaire. Si nous croyions ou faisions croire qu’il suffirait de faire un effort quelques mois ou quelques années, « le temps que l’orage passe », nous mentirions à nos concitoyens et nous n’arriverions pas à consolider dans la durée notre redressement. Il s’agit bien de définir de manière pérenne un modèle plus économe des derniers publics.
M. Jean Arthuis. Ah bon ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Au cours des dernières années, les gouvernements ont cherché, au travers de diverses méthodes, à optimiser le fonctionnement de l’État afin de ralentir la croissance de ses dépenses. Nous devons, bien sûr, ne jamais perdre de vue cette exigence de l’efficience et de l’efficacité.
Toutefois, les économies auxquelles nous devrons procéder en 2015 – plus de 15 milliards d’euros – ne pourront être obtenues ni en concentrant notre effort sur l’État ni en nous contentant d’optimiser, de rationaliser ou de raboter la dépense. Ce ne serait pas à la hauteur des enjeux.
De plus, nous sommes arrivés à un point où cette méthode, que nos prédécesseurs ont mise en œuvre, trouve ses limites. Elle peut nous conduire à prendre des décisions qui ne seraient, sur le long terme, ni les plus économes ni les plus justes ; je pense, par exemple, à la dérive de certains contentieux ou au recours à des partenariats public-privé.
Le projet de budget que nous allons examiner est marqué par l’importance des efforts d’économies, d’un montant inégalé. Il est aussi porté par deux ambitions que le Gouvernement entend concilier : la compétitivité des entreprises et la justice sociale.
S’agissant de la compétitivité, donc de l’emploi, nous devons aider nos entreprises, en particulier nos PME, à se développer, à investir et à exporter. Nous avons déjà eu recours à plusieurs outils et engagé une baisse inédite du coût du travail, avec le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE.
Ainsi que vous l’avez souligné, monsieur le ministre, ce projet de loi de finances comporte à cet égard plusieurs dispositions bienvenues : la réforme du régime des plus-values de cession, l’amortissement exceptionnel pour l’acquisition de robots dans les PME, que nous souhaitons étendre aux entreprises de taille intermédiaire, les ETI, la simplification de l’assiette du crédit d’impôt recherche, l’extension du régime d’exonérations sociales accordé aux jeunes entreprises innovantes, notamment. Le financement des PME sera par ailleurs facilité par la création d’un nouveau plan d’épargne en actions, qui leur sera dédié, et de nouveaux supports d’assurance vie dans le projet de loi de finances rectificative.
Cette action en faveur de la compétitivité de nos entreprises doit dépasser le cadre du budget et s’inscrire dans une dimension européenne. Il n’est pas possible de laisser l’Europe tolérer, voire encourager, une concurrence fiscale et sociale qui met à mal notre modèle et sapera, demain, la construction européenne.
À cet égard, je me félicite de l’annonce de la mise en place d’un salaire minimum généralisé en Allemagne faite ce matin même par Angela Merkel.
Mme Michèle André. Enfin !
Mme Marie-France Beaufils et M. Éric Bocquet. Tout à fait !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. De même, la question du taux de change de l’euro ne peut plus être éludée, car toutes les grandes puissances économiques procèdent de fait à des formes de dévaluation compétitive, et le niveau de l’euro contribue dès lors, en France comme dans d’autres pays, à la disparition des industries les plus fragiles.
Enfin, l’Europe doit poursuivre de manière énergique les efforts engagés en faveur de la levée du secret bancaire, de la lutte contre les paradis fiscaux et de l’échange automatique d’informations. Des progrès considérables ont déjà été accomplis si l’on se réfère, par exemple, à l’évolution de la Suisse. D’autres pays encore doivent rentrer dans le rang, en Europe comme hors de ses frontières.
C’est une question importante, parce que la lutte contre la fraude fiscale apporte à l’État des recettes qui sont tout sauf anecdotiques. Par ailleurs, nos concitoyens ne doivent pas avoir le sentiment que certains, parmi les plus favorisés, pourraient échapper impunément à l’effort commun.
J’en viens maintenant à la seconde priorité de ce projet de budget, que vous avez rappelée, monsieur le ministre, à savoir la justice sociale.
Il est, à mes yeux, essentiel de protéger les ménages les plus fragiles, qui ont été les plus durement touchés par la crise. C’est dans cet esprit qu’ont été prises un certain nombre de mesures en faveur de nos concitoyens les plus fragiles : augmentation de l’allocation de rentrée scolaire, amélioration des bourses pour les étudiants, revalorisation du RSA socle, création d’un RSA jeunes et hausse du montant de l’allocation pour adulte handicapé. Concernant les ménages imposables les moins favorisés, nos collègues députés ont introduit dans ce projet de loi de finances un certain nombre d’avances, au-delà de la fin du gel du barème de l’impôt sur le revenu.
Ce choix aussi, nous l’assumons pleinement : au moment où nous devons procéder à des ajustements difficiles, le souci de la justice sociale doit être permanent.
Cette préoccupation de justice doit s’étendre au financement des collectivités territoriales. Celles-ci ne peuvent être exclues de l’effort de redressement des comptes, mais ce dernier doit s’accompagner, d’une part, d’une limitation du coût des normes et des dépenses obligatoires sur lesquelles elles n’ont aucune maîtrise (M. Philippe Dallier s’exclame.), et, d’autre part, de la poursuite des efforts engagés en faveur de la péréquation.
Je soutiens pleinement les choix du Gouvernement, appuyés par le Comité des finances locales, et je souhaite que nous puissions, dès l’année prochaine, travailler à une refonte de la dotation globale de fonctionnement, dans cette même perspective.
Je souhaite également que nous puissions renforcer la progressivité de l’imposition des revenus. La commission des finances a décidé hier de saisir le Conseil des prélèvements obligatoires, afin que celui-ci étudie la fusion de l’assiette de l’impôt sur le revenu et de la CSG et, à défaut, la possibilité d’appliquer des taux progressifs aux revenus soumis à la CSG.
Notre initiative est confortée par la volonté du Premier ministre d’engager une « remise à plat » de notre fiscalité. En effet, nous ne devons pas abandonner l’ambition de réformer nos impôts au prétexte que les temps sont trop durs.
J’ai évoqué la question de l’imposition des revenus. S’agissant des collectivités territoriales, cela passe par la révision des valeurs locatives, dont je souhaite que la prochaine étape, à savoir l’expérimentation concernant les locaux d’habitation, soit engagée rapidement.
Pour ce qui concerne, enfin, la fiscalité des entreprises, il y aura lieu, lors des prochaines assises annoncées au début de l’année prochaine, d’étudier de nouvelles assiettes d’imposition, qui devront permettre d’éviter l’affichage d’un taux nominal élevé de l’impôt sur les sociétés, de moins peser sur le coût des facteurs de production et de limiter les possibilités d’optimisation fiscale.
Mes chers collègues, le projet de budget qui nous est soumis marque une confirmation, celle de notre engagement à redresser nos comptes publics, et témoigne d’une inflexion significative, celle des moyens mis en œuvre pour y parvenir. Il manifeste également une double conviction : celle de la nécessité d’améliorer la compétitivité de nos entreprises et celle de la justice sociale.
Pour l’ensemble de ces raisons, je vous invite à voter ce projet de loi de finances, sur la première partie duquel la commission des finances a émis un avis favorable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi, tout d’abord, de remercier tous les membres de la commission des finances et l’ensemble des rapporteurs spéciaux, qui ont animé des débats particulièrement utiles et fructueux, montrant ainsi notre souci de suivre avec la plus grande attention possible la problématique de la dépense publique.
Je veux aussi, même si nos options sont franchement opposées, remercier le rapporteur général, qui, avec sa courtoisie et sa force de travail, exerce une fonction difficile, dont je connais les charmes et les contraintes. (Sourires.)
Ce préambule étant fait, je commencerai par relever que le projet de loi de finances pour 2014 nous parvient dans un contexte de confusion institutionnelle et politique, une confusion que, pour ma part, je n’ai jamais connue auparavant.
Certes, il existe des facteurs permanents de confusion : le découpage de la discussion budgétaire en deux lois financières montre davantage encore cette année ses limites. Comment traiter de la fiscalité de l’épargne de manière cohérente dans deux textes ? Comment fractionner les choix fiscaux quand les préoccupations des commissions sont légitimement différentes ?
Observons toutefois que, chose nouvelle, l'Assemblée nationale a adopté les deux lois financières en sachant que celles-ci comportaient des dispositions fantômes, destinées à être modifiées lors d’une étape ultérieure. Je veux parler de la taxation des revenus de l’épargne, issue du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, et de la taxe poids lourds, dont les recettes figurent toujours dans le projet de loi de finances pour 2014, alors même que cette taxe est suspendue pour un temps, à mon avis, indéterminé.
La confusion institutionnelle est aggravée par la procédure d’examen des plans budgétaires nationaux par la Commission européenne. À cet égard, les craintes que nombre d’entre nous éprouvaient apparaissent aujourd’hui fondées.
Quel étrange schéma institutionnel que celui qui voit la Commission européenne donner son avis après que l’Assemblée nationale s’est prononcée sur la première partie du projet de loi de finances ! Mes chers collègues, si l’on devait un jour corriger la copie, comment pourrait-on bien s’y prendre ?
Le plus grave, pourtant, c’est que la confusion politique règne et soit à ce point alimentée par le Gouvernement.
Cette confusion a encore été tout récemment alimentée lorsque le Premier ministre a annoncé la remise à plat du système fiscal. J’en conclus, mes chers collègues, que le projet de loi de finances dont nous abordons l’examen en séance publique repose sur un système qui, nous dit-on, doit être complètement réformé !
Remettre à plat le système fiscal, pourquoi pas ?
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Seulement, le gouvernement qui lance ce chantier est le même qui, pendant dix-huit mois, a éprouvé tous les charmes des augmentations fiscales, en agissant sur l’ensemble des outils existants.
Par ailleurs, la confusion de notre procédure de discussion budgétaire, éclatée entre plusieurs textes examinés en parallèle, l’un modifiant parfois l’autre, ne peut pas rester sans conséquence sur notre démocratie : on sait de moins en moins où et quand se prennent les décisions en matière économique et sociale. Or le Gouvernement en joue, par exemple lorsqu’il instaure le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, sans régler le problème de son financement.
M. Antoine Lefèvre. Et voilà !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, cette tactique à courte vue se retourne aujourd’hui contre vous dans l’opinion publique, au moment où vont entrer en application les augmentations de TVA indissociables de la décision de créer le CICE. L’an dernier, vous avez annoncé les aspects agréables, remettant à plus tard la présentation des aspects plus rugueux !
Mes chers collègues, une telle confusion provoque des dégâts considérables : quand le gouvernement précédent avait amorcé, fût-ce trop tard et trop peu selon moi, un mouvement de transfert des prélèvements pesant sur le travail vers les impôts de consommation, le gouvernement actuel a pris à peu près le même chemin l’an dernier, mais en catimini et en suivant une méthode incertaine qui met en péril la réussite d’une évolution que, presque tous, nous savons indispensable à la préservation de notre compétitivité.
À cela s’ajoutent bien entendu les multiples reculs du Gouvernement, sur lesquels je n’aurai pas la cruauté d’insister, mais qui font s’effriter l’autorité de l’État, dans une période où nous aurions bien besoin, monsieur le ministre, d’un État fort, d’un État stratège, porteur d’une vision claire de l’avenir, pour résoudre les nombreux problèmes de nos concitoyens.
M. Aymeri de Montesquiou. C’est vrai !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Mes chers collègues, il est une vérité que l’on oublie, et au regard de laquelle les propos du ministre de l’économie et des finances, des propos à mon sens lénifiants (M. Antoine Lefèvre acquiesce.), doivent être assurément relativisés : la crise de la zone euro est toujours latente.
Certes, nous ne sommes plus dans une phase aiguë de cette crise, et les écarts de taux se sont réduits ; mais les déséquilibres qui ont conduit à des appréciations défavorables portées sur la France existent toujours, et même se sont peut-être accrus. Au fond, le fonctionnement de la zone euro continue de reposer sur des ambiguïtés, ce qu’illustre, par exemple, le projet d’union bancaire.
De fait, l’Allemagne s’oppose de plus en plus nettement à un fonds de résolution qui conduirait nos contribuables à payer pour la défaillance de banques d’autres États ; à mon avis, du reste, elle n’a pas tort. Elle s’oppose aussi à la recapitalisation directe des banques par le mécanisme européen de stabilité.
Au vu de telles positions, monsieur le ministre, que reste-t-il de l’union bancaire ? J’aurais aimé poser la question à M. Moscovici, s’il avait pu rester un peu plus longtemps ! En réalité, il n’en reste que le mécanisme de supervision unique, tel que les banques françaises, au lieu d’être supervisées à Paris, le seront à Francfort, par un régulateur certainement très compétent, mais probablement moins compréhensif à l’égard des spécificités de nos supports d’épargne. Cela peut avoir des incidences lourdes sur le financement de l’économie et des entreprises, et par conséquent sur le niveau de l’emploi.
Ces développements me conduisent à aborder le problème principal, qui met en jeu notre souveraineté : celui de la dette publique. Mes chers collègues, nous devons réduire notre dépendance à l’égard de nos créanciers, une dépendance qui a aussi le sens d’une véritable addiction !
À ce sujet, en souhaitant que nul ne prenne mon propos en mauvaise part, je veux relever un paradoxe : l’ennemi d’hier, la finance, est devenu aujourd’hui le meilleur ami ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
En effet, compte tenu de l’évolution de l’encours de notre dette publique, qui s’élève maintenant à près de 2 000 milliards d’euros, c’est grâce aux taux d’intérêt historiquement bas que nous consentent les marchés financiers, naguère tant critiqués, que nous parvenons, pour le moment, à éviter l’éviction de nos dépenses publiques les plus utiles par les charges de remboursement des emprunts.
Malgré les discours rassurants du Gouvernement, quelles que soient les nombreuses marques d’autosatisfaction et les efforts accomplis pour minimiser les conséquences du dérapage de nos finances publiques par rapport à notre trajectoire, nous avons un vrai problème de dette publique, un problème qui ne cesse d’enfler.
Permettez-moi de faire état d’une donnée qui, pour ma part, m’inquiète beaucoup, même si elle concerne l’avenir. Alors que, voilà un an, on prévoyait que le ratio d’endettement de la France s’établirait à 83 % du PIB en 2017, cette prévision est aujourd’hui passée à 91 %. De la même façon, on prévoyait, il y a un an, que le pic du taux d’endettement serait atteint en 2013, au niveau de 91,3 % du PIB ; douze mois plus tard, le pic est annoncé pour 2014 et il devrait atteindre 95,1 % du PIB !
Or, même si les taux d’intérêt sont très bas, la dette publique pèse sur notre activité économique. Elle est un facteur de prudence et d’attentisme, qui conduit les agents économiques à épargner davantage, parce qu’ils craignent, quelques assurances qu’on leur donne, de futures hausses d’impôt. Peut-être, monsieur le ministre, ce phénomène contribue-t-il à la sinistrose qui a été critiquée tout à l’heure.
L’augmentation de la dette rapportée au PIB alourdit la contrainte qu’il faudra respecter le jour où nous aurons ramené le déficit à 3 % du PIB : en effet, il ne faut pas oublier que, à ce moment-là, les règles européennes nous conduiront à nous rapprocher, en quelque sorte à marche forcée, du plafond de dette fixé à 60 % du PIB.
Mes chers collègues, nous devons avoir conscience que des efforts seront nécessaires pendant longtemps. Ceux qui ne sont pas accomplis maintenant, ou qui ne le seront pas en 2014, non seulement devront l’être plus tard, mais seront d’autant plus durs, coûteront d’autant plus cher et seront perçus d’autant plus mal encore qu’on ne sera pas allé assez loin aujourd’hui.
Serons-nous capables de tenir une trajectoire de réduction du solde effectif des finances publiques en deçà du seuil de 3 % du PIB ? Telle est, à mes yeux, la question essentielle qui se pose à nous.
Il est clair que nous ne pouvons nous engager sur un chemin crédible qu’en réalisant des efforts très importants pour réduire les dépenses publiques de manière pérenne. Or, en dépit de tous les commentaires que l’on égrène et de toutes les assurances que l’on nous prodigue, je ne vois pas que cette politique soit mise en œuvre aujourd’hui.
Certes, par affichage, le Gouvernement tient un langage tout à fait rassérénant. Les trajectoires qu’il soumet à nos partenaires européens vont toujours dans le bon sens, même si elles se dégradent un peu chaque année. Le Gouvernement se livre à un exercice, que je qualifierai de normal, pour maîtriser la dépense publique, mais en qualifiant d’économie ce qui n’est que ralentissement d’une tendance haussière.
Or, si l’on y regarde de plus près, on constate que, depuis un an, le Gouvernement a assoupli sa trajectoire de solde structurel et de solde conjoncturel, qu’il a renoncé à l’objectif d’équilibre des comptes publics en 2017, quelles que soient les assurances verbales qu’on veut bien nous donner !
À la vérité, le Gouvernement manie le double langage bien connu : un langage pour rassurer sur la scène intérieure, un autre pour rassurer ses partenaires à Bruxelles.
Des progrès ont bien été accomplis en matière de gouvernance ; je pense, en particulier, à la création du Haut Conseil des finances publiques, dont le travail permet d’objectiver le débat sur les hypothèses macroéconomiques qui fondent le projet de loi de finances, ce dont je ne me plaindrai pas.
Des sujets d’interrogation tout à fait essentiels n’en subsistent pas moins. En particulier, le Haut Conseil vient de confirmer qu’il constatera, au printemps prochain, un écart significatif, de plus d’un point, par rapport à la trajectoire de solde structurel prévue. Monsieur le ministre, comment jouera le mécanisme de correction automatique ? Je vous ai déjà plusieurs fois posé la question : votre habileté est très grande, mais vous ne m’avez jamais répondu. Quelles conséquences le Gouvernement tirera-t-il donc de cet écart ?
Par ailleurs, je regrette que le chantier de la rationalisation et de la réduction des niches fiscales soit mené avec une grande mollesse. Alors que 20 % du stock de niches devait être évalué en 2013, je ne sache pas que cet exercice ait été conduit – en tout cas, je n’ai reçu aucune information à ce sujet.
Ce qui est aussi préoccupant, c’est la liberté que prend le Gouvernement avec la norme de dépense qu’il a lui-même définie. Il en est toujours allé ainsi, mais, cette année, les accommodements vont un peu plus loin. En particulier, plus de 1,5 milliard d’euros de transferts de fiscalité aux régions et aux départements auraient dû, en application de la charte de budgétisation, se traduire par des économies en dépense, ce qui n’a pas été le cas.
Dès lors, monsieur le ministre, lorsque vous soutenez que la dépense publique est réduite en valeur absolue de 1,5 milliard d’euros, c’est à mon sens un pur sophisme. En effet, avec 1,5 milliard d’un côté et 1,5 milliard de l’autre, il n’y a aucune réduction de la dépense publique en valeur absolue !
J’observe, enfin,…
M. Jean-Vincent Placé. Enfin !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … qu’une certaine confusion entoure les investissements d’avenir, dont le deuxième programme, d’un montant de 12 milliards d’euros, a été annoncé au mois de juillet dernier, en dehors de toute procédure budgétaire.
Il est vrai, monsieur le ministre, que ces investissements sont un hommage, justifié, à vos prédécesseurs, qui ont inventé la formule ; mais ils viennent souvent se confondre, dans les crédits des missions, avec la dépense budgétaire classique. C’est le cas, par exemple, au ministère de la défense, où un effet de substitution se produit.
Or, ne l’oublions pas, les 12 milliards d’euros en question, ce sont 12 milliards d’euros de dettes supplémentaires, 12 milliards de plus à trouver sur les marchés financiers – vos meilleurs amis, décidément – dans une conjoncture difficile.
Mes chers collègues, les objectifs de dépenses que se fixe le Gouvernement nécessiteraient – et vous n’avez d’ailleurs pas dit le contraire, monsieur le ministre – de véritables réformes de structure.