Article 5
L’article 83 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le 1° quater est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « auxquels le salarié est affilié à titre obligatoire » sont remplacés par les mots : « obligatoires et collectifs, au sens du sixième alinéa de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale » ;
b) Après le premier alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Les cotisations ou les primes mentionnées au premier alinéa du présent 1° quater s’entendent, s’agissant des cotisations à la charge de l’employeur, de celles correspondant à des garanties autres que celles portant sur le remboursement ou l’indemnisation de frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident.
« Les cotisations à la charge de l’employeur correspondant à des garanties portant sur le remboursement ou l’indemnisation de frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident sont ajoutées à la rémunération prise en compte pour la détermination des bases d’imposition. » ;
c) Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Les cotisations ou les primes déductibles en application des deux premiers alinéas le sont dans la limite d’un montant égal à la somme de 5 % du montant annuel du plafond mentionné à l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale et de 2 % de la rémunération annuelle brute, sans que le total ainsi obtenu puisse excéder 2 % de huit fois le montant annuel du plafond précité. En cas d’excédent, celui-ci est ajouté à la rémunération. » ;
2° (nouveau) À la première phrase du 2°-0 ter, la première occurrence du mot : « deuxième » est remplacée par le mot : « dernier ».
La parole est à Mme Procaccia, sur l’article.
Mme Catherine Procaccia. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour nous, tout autant que l’article 3 sur le quotient familial, l’article 5 est gravissime.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il l’est, en effet !
Mme Catherine Procaccia. Cet article prévoit de soumettre à l’impôt sur le revenu la participation financière des entreprises aux cotisations d’assurance complémentaire maladie.
Cette intégration dans les revenus imposables des Français d’un avantage en nature qui était jusqu’à présent défiscalisé entraînera une hausse mécanique de l’impôt sur le revenu de 90 à 150 euros par bénéficiaire.
Je rappelle que c’est cette défiscalisation qui, il y a déjà beaucoup d’années, a permis le développement des contrats de groupe : les salariés – mais aussi, la plupart du temps, leur famille – sont ainsi couverts par des complémentaires maladie au sein des entreprises. On a un peu de mal à comprendre l’intérêt de la mesure prévue à l’article 5, si ce n’est du point de vue fiscal.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Ce n’est pas exclusif !
Mme Catherine Procaccia. Nous débattons effectivement du projet de loi de finances et vous cherchez de l’argent partout. Les salariés sont concernés, mais il y va aussi de notre système de protection sociale et de l’état sanitaire de nos compatriotes.
Il est difficile de comprendre la logique d’une telle fiscalisation, de surcroît rétroactive, qui pénalise une pratique assurantielle, alors que, me semble-t-il, la volonté du Gouvernement, ces derniers mois, était de généraliser la complémentaire santé à tous les salariés.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Tout à fait !
Mme Catherine Procaccia. Je pense notamment à l’accord national interprofessionnel, l’ANI, que nous avons adopté au mois de mai dernier, même si cette généralisation s’est faite de manière contestable et contestée. Le Conseil constitutionnel a d’ailleurs censuré non pas la généralisation de la complémentaire maladie, mais les clauses de désignation qui avaient été introduites.
Le groupe UMP estime que cet article 5 est dangereux. En effet, celui-ci va au-delà de la simple soumission du complément de rémunération que constitue la prise en charge de l’employeur, en abaissant le plafond global de déductibilité fiscale des cotisations versées à l’ensemble des régimes de prévoyance et de santé complémentaires. On peut même envisager que soit intégrée dans le revenu imposable la cotisation versée par un salarié à un régime de prévoyance complémentaire.
Cet article nous paraît donc incohérent et dangereux, mais aussi injuste, puisqu’il crée une grave rupture d’égalité entre les salariés du privé et ceux du public, sans même parler des indépendants, dont les cotisations sont déductibles en totalité. Il me semble que, actuellement, il serait bon d’éviter d’accabler ces derniers et de leur retirer un avantage qui leur permet d’être mieux soignés.
La seule solution serait d’aller vers le haut, c’est-à-dire de permettre à chacun de bénéficier d’un dispositif fiscal encourageant les couvertures complémentaires en matière sanitaire. Voilà pourquoi nous considérons que l’évolution proposée par le Gouvernement est néfaste et justifie que nous ne votions pas cet article.
Selon moi, je le répète, le problème vient de l’ANI. Lors des débats sur cette loi, j’avais clairement demandé si la généralisation des complémentaires maladie en 2016 permettrait le maintien de la défiscalisation. Je n’avais obtenu aucune réponse. J’en comprends aujourd'hui les raisons : non seulement les entreprises devront souscrire en 2016 des contrats complémentaires maladie, mais celles qui l’ont déjà fait devront désormais payer des impôts, et ce dès 2013. Cette démarche doit être dénoncée ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Gérard Longuet. Très bien !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est très juste !
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements identiques.
L'amendement n° I-24 rectifié bis est présenté par MM. Adnot et Bernard-Reymond.
L'amendement n° I-75 est présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° I-364 est présenté par M. de Montgolfier et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.
L'amendement n° I-454 est présenté par MM. Delahaye, Maurey et Guerriau, Mme Létard et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
L’amendement n° I-24 rectifié bis n'est pas soutenu.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour présenter l'amendement n° I-75.
Mme Marie-France Beaufils. Au début de l’année, le Gouvernement a fini par imposer au Sénat, par le recours à la discutable procédure du vote bloqué, l’adoption du projet de loi portant, entre autres, transposition législative de l’accord national interprofessionnel. Même si l’on nous avait vanté les mérites de ce texte, nous l’avons combattu. Parmi les mesures présentées comme positives, il y avait l’extension de la couverture complémentaire maladie des salariés.
Une carotte fiscale existe en ce domaine, à savoir l’exonération, entre autres, de la contribution des employeurs au financement de la couverture complémentaire. Or c’est précisément cette incitation fiscale qui va disparaître, pour faire entrer dans les caisses de l’État pas moins d’un milliard d’euros, avant même que l’ANI n’ait produit son effet, c’est-à-dire avant la généralisation de la couverture complémentaire.
Il faut savoir que la loi sur la sécurisation de l’emploi a surtout sécurisé les procédures de licenciement collectif, qui n’ont pas manqué de se développer depuis la promulgation du texte, et qu’assez peu d’avancées ont été enregistrées sur la question de la couverture complémentaire maladie.
Dans le rapport général, il est indiqué que « la mesure proposée par le présent article participe à l’objectif de réorientation des aides publiques à la couverture complémentaire santé au profit des personnes les plus modestes. »
La question principale à laquelle nous sommes confrontés aujourd'hui est la suivante : il faut que cessent les réductions de prise en charge par la protection sociale des dépenses de santé et de prévention. Ce n’est pas par le système des complémentaires que nous résoudrons les difficultés.
Notre amendement de suppression a donc des motivations tout à fait différentes de celui que présentera Mme Procaccia.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Mais le résultat sera identique !
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour présenter l'amendement n° I-364.
Mme Catherine Procaccia. Je l’ai défendu dans mon intervention liminaire sur l’article, madame la présidente.
Je préciserai simplement que cet article ne fait qu’ajouter au ras-le-bol fiscal. M. le ministre évoquait toutes les dispositions qui vont dans le sens de la réforme fiscale. Mais vous allez faire peur aux Français et aux entreprises si votre grande réforme se traduit par ce type de mesures !
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour présenter l'amendement n° I-454.
M. Vincent Delahaye. Cet amendement tend à supprimer l’article 5, afin de conserver l’exonération fiscale de la participation de l’employeur aux contrats collectifs de complémentaire santé.
Vous espérez de cet article un gain de 960 millions d’euros. En réalité, c’est un impôt nouveau, qui pèsera d’autant sur les 13 millions de salariés concernés. Cette mesure s’inscrit dans le droit fil de la loi de finances rectificative de juillet 2012, par laquelle vous avez supprimé la défiscalisation des heures supplémentaires et aggravé le régime de l’épargne salariale. Cette méthode n’est pas acceptable venant d’un gouvernement qui a annoncé l’année dernière que les hausses d’impôts ne concerneraient que 10 % des contribuables, à savoir les plus aisés d’entre eux. C’est une désincitation au travail salarié et un très mauvais signal adressé aux entreprises !
Enfin, quelle est la cohérence ? La loi de juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi tend à généraliser les contrats de complémentaire santé, et voilà que, six mois plus tard, vous proposez de les fiscaliser. Je dis six mois plus tard, mais c’est un abus de langage, puisque le texte du projet de loi de finances est préparé dès le début de l’été. En fait, je crois qu’il y a une cohérence purement budgétaire dans cet article 5 : vous généralisez un fait générateur d’imposition tout en supprimant l’avantage associé pour boucler votre budget.
Les sénateurs centristes dénoncent cette pratique et s’engagent par cet amendement aux côtés des salariés. Autant nous avions soutenu la généralisation des contrats de complémentaire santé, autant nous demandons la suppression de votre projet de hausse d’impôts.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. J’ai bien écouté les différents orateurs : si je résume leurs propos, ils estiment qu’il faut prendre en compte différents soucis, dont la préoccupation budgétaire et financière, mais que, au fond cette dernière n’est pas bien importante. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Francis Delattre. Vous avez dit que vous preniez l’argent aux riches. Là, il y a 13 millions de salariés !
M. Richard Yung. Laissez parler M. le rapporteur général !
Mme la présidente. Mes chers collègues, veuillez ne pas interrompre M. le rapporteur général, qui a seul la parole.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. En l’espèce, notre préoccupation, c'est le budget de la France : comment trouver les moyens de redresser nos finances publiques ? On ne peut pas considérer comme secondaire toute préoccupation qui vise justement à préserver l’équilibre de nos finances publiques et à dégager quelques marges de manœuvre !
En l’occurrence, nous utilisons quelques-unes de ces marges pour mettre en œuvre un certain nombre de mesures de solidarité.
Chers collègues de l’opposition, votre stratégie depuis le début de l’après-midi – nous allons la retrouver à l’occasion de la discussion de multiples autres amendements –, c'est de faire croire que vous luttez à côté de telle ou telle catégorie.
M. Francis Delattre. Vous, vous êtes à côté de la plaque ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. J’imagine que lorsque l’on évoquera la TVA, vous interviendrez pour dire que vous êtes aux côtés des professionnels de différents secteurs – je pense aux centres équestres, aux transformateurs, à la gestion des déchets, aux transports… Dès lors, la préoccupation budgétaire passe au second plan, ce que je regrette tout à fait.
Je tenais à le dire, car la problématique essentielle que nous devons garder à l’esprit est celle de l’équilibre de nos finances publiques.
J’en viens à ces amendements identiques. De telles dispositions vont à l’encontre de l’objectif d’orienter les aides publiques vers la couverture complémentaire santé en faveur des personnes modestes.
L’un des orateurs estimait que la suppression de l’exonération fiscale de la participation de l’employeur est injuste. C'est faux ! Il faut la mettre en perspective avec les nombreux avantages dont bénéficient les salariés couverts par un contrat collectif obligatoire eu égard aux personnes couvertes par un contrat individuel.
Premièrement, les salariés couverts par un contrat collectif obligatoire reçoivent une aide de l’employeur qui diminue les primes à verser d’environ 60 % en moyenne. De surcroît, ces primes sont, en moyenne, inférieures de 16 % à celle des contrats individuels.
Deuxièmement, ils continueront à bénéficier de l’exonération d’impôt sur le revenu pour les cotisations qu’ils versent à leur complémentaire.
Troisièmement, ils jouissent en règle générale de garanties plus protectrices que les personnes couvertes par un contrat individuel. Selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, la DRESS, les contrats collectifs sont montés en gamme au cours des années 2006 à 2010. Ainsi, plus des trois quarts des bénéficiaires d’un contrat collectif sont aujourd’hui couverts par des contrats de classe A ou B, offrant des garanties plus élevées.
Mes chers collègues, il y a donc trois éléments à prendre en compte : le rendement budgétaire, puisque cette mesure rapportera 960 millions d’euros, la préservation de garanties importantes et le fait que l’on n’accroisse pas les injustices.
Il ne faut pas oublier non plus que ces 960 millions d’euros seront affectés à la sécurité sociale pour financer l’extension de la couverture maladie universelle complémentaire et de l’aide à la complémentaire santé, ainsi que la généralisation de la couverture complémentaire santé en entreprise.
Notre préoccupation est de redéployer notre effort vers les personnes les plus modestes. Nous devons être vigilants à l’égard de l’argumentation qui nous est opposée et dont certains éléments ont été repris ici aujourd’hui, car elle ne me paraît pas du tout recevable.
Dans ces conditions, j’émets un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. M. le rapporteur général a apporté des explications très complètes, que je fais miennes. Je ne vais pas allonger le débat, alors que nous avons déjà eu des discussions très denses sur de multiples sujets cette après-midi.
Je rappellerai simplement quelques points. Tout d'abord, le dispositif de l’article 5 s’explique par la volonté du Gouvernement de généraliser l’accès aux complémentaires de santé et, comme l’a rappelé à l’instant M. le rapporteur général, de permettre à de nombreux Français d’avoir accès à la couverture maladie universelle dans des conditions améliorées.
Par ailleurs, je veux y insister, tout cela n’est possible que dès lors que nous généralisons les contrats responsables.
Mme Catherine Procaccia. Ils représentent 97 % des contrats !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. C’est la raison pour laquelle nous envisageons d’alourdir la fiscalité qui pèse sur les contrats non responsables. Nous voulons ainsi créer une incitation à la mise en œuvre de contrats responsables.
Voilà quelle est la cohérence globale du dispositif. Je l’ai dit, je souscris aux arguments développés par M. le rapporteur général. Le Gouvernement est donc défavorable à ces amendements identiques.
Mme la présidente. La parole est à M. Francis Delattre, pour explication de vote.
M. Francis Delattre. Chacun l’aura compris, si le ministre ne fait pas de politique, le rapporteur général, lui, en fait !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ce n’est pas illégitime…
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Je m’honore de faire de la politique !
M. Francis Delattre. Je veux évoquer tout d’abord un problème technique. Lorsque vous nous dites que cette mesure servira à financer la CMU, vous faites une mauvaise action. Vous savez bien que, en principe, les recettes ne sont pas affectées.
Par ailleurs, votre déficit de crédibilité rejaillit sur tout le monde. Le problème, c'est que, avec le discours du Bourget, vous avez été élus sur le thème : « Nous allons faire payer la finance et les riches ! » En réalité, en défiscalisant les heures supplémentaires, vous avez touché 9 millions de salariés et, avec cette mesure, vous allez en toucher 13 millions !
Aujourd'hui, confrontés aux réalités, dont votre programme était totalement déconnecté, vous avez du mal à trouver les moyens de financer vos annonces prématurées. Tel est le fond du problème ! Vous nous dites que les riches doivent payer, mais comprenez que les gens en aient assez.
Il paraît habile d’insérer, au beau milieu du budget, une mesure qui préemptera tout de même 960 millions d’euros et qui s’ajoute à toutes celles dont nous avons déjà débattu l’an dernier, qui visaient plus spécifiquement les entreprises. Vous nous dites aujourd'hui que vos mesures sont « bien calibrées ». Dans votre langage, cela signifie qu’elles sont invisibles !
En tout état de cause, vous allez retirer 960 millions d’euros de pouvoir d’achat aux 13 millions de salariés concernés.
M. Richard Yung. Ce n’est pas vrai !
M. Francis Delattre. Monsieur le rapporteur général, cette attitude est l’une des causes du malaise que nous connaissons aujourd'hui.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Qu’est-ce qu’une niche fiscale ? La question se pose car, au fond, il est ici question de l’histoire d’une telle mesure. Une niche fiscale, en général, c’est…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Un cadeau !
M. Gérard Longuet. Non, monsieur le président de la commission. C’est une mesure qu’un gouvernement, quel qu’il soit, veut prendre, à un moment donné, en faveur de telle ou telle action qu’il juge légitime.
C’est d'ailleurs le rôle d’un gouvernement que de conduire des actions qu’il juge légitime : il est élu et, souvent, soutenu par le Parlement pour ce faire, jusqu’au jour où une dissolution ou une alternance politique change les orientations.
En général, à l’origine de chaque niche, il y a la volonté affirmée d’un ministre de changer la donne dans tel ou tel secteur et de favoriser le développement d’une activité qu’il trouve légitime. Par des mesures incitatives, ce ministre veut appuyer telle ou telle action, en faveur de l’environnement, de l’épargne, du logement ou encore de la santé collective. Comme il ne peut pas obtenir les moyens de son action, il veut forcer le destin et se tourne vers la dépense fiscale.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est vraiment de la mauvaise gouvernance !
M. Gérard Longuet. Bercy – autrefois, Rivoli – est ainsi obligé d’accepter une atténuation de ses recettes, en raison d’une décision volontariste du Gouvernement – on a « bleui » la décision à Matignon –, qui s’impose à tous les ministres, y compris au ministre du budget. On crée alors une dépense fiscale, qui correspond à un avantage décidé par le Gouvernement.
Ensuite, la dépense fiscale vit sa vie. Et chaque nouveau ministre, de gauche comme de droite, reçoit inévitablement à son entrée en fonction la liste des dépenses fiscales qu’il serait bon de réexaminer. (M. le président de la commission des finances acquiesce.)
J’en profite pour rendre hommage aux fonctionnaires des directions du budget et de la législation fiscale, pour leur obstination, leurs fiches bien tenues à jour et leur mémoire des dépenses fiscales que le ministère des finances a dû concéder à tel ou tel moment.
Comme l’expliquait Francis Delattre et conformément aux contraintes évoquées par M. le rapporteur général, l’État cherchant toujours de l’argent, on décide, à un moment donné, de tordre le cou à telle ou telle niche, si j’ose dire, non pas en la tirant au sort, mais en fonction des opportunités politiques. Pourquoi pas ? Sauf que l’on oublie que, à l’origine, chacune de ces niches traduit une volonté gouvernementale, en faveur d’une politique déterminée.
En l’espèce, il y avait deux bonnes raisons de favoriser les contrats collectifs de complémentaire santé : d'une part, permettre la prise en charge de la dépense de santé quand elle ne pouvait être assumée par les ménages de salariés – nous en reparlerons dans d’autres circonstances –, et, d'autre part, épargner des dépenses à l’aide médicale. Par conséquent, si je ne disconviens pas qu’il y a là une dépense fiscale, cette dernière permet une double économie – et je ne parle même pas des bénéfices pour la santé !
À ces raisons s’en ajoute une autre, qui est historique : en période d’inflation et de plein-emploi – les conventions de ce type sont très anciennes –, les gouvernements ont pu choisir des avantages non directement salariaux, parce que c’était une façon de lutter contre l’inflation et parce que les salaires étaient bloqués.
Pour renchérir sur les propos tenus par Mme Procaccia, l’article 5 sanctionne, de manière assez brutale, l’accord national interprofessionnel conclu en janvier dernier. En définitive, ce sont les 13 millions de salariés bénéficiaires de couvertures complémentaires qui, à travers leurs impôts, paieront votre interprétation de cet accord. Nous aurons l’occasion d’en reparler.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Gérard Longuet. Madame la présidente, je sais que je dépasse le temps de parole qui m’est alloué, mais la somme en jeu est importante : 960 millions d’euros, c’est considérable ! (Sourires.)
Certes, monsieur Marc, il s’agit d’une économie pour le budget, mais je suis consterné de constater que, au détour d’un article, vous remettiez en cause une politique d’ensemble, soutenue depuis plusieurs décennies par des gouvernements de tendances différentes et qui avait été plébiscitée, pour la sécurité des salariés et pour la paix sociale dans l’entreprise, par 13 millions de cotisants. (M. Yves Pozzo di Borgo applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Je préférerais parfois être sourde plutôt que d’entendre certains des propos qui ont été tenus. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ne dites pas cela !
Mme Catherine Procaccia. Monsieur le rapporteur général, vous avez osé dire, mais peut-être vous ai-je mal compris, qu’il était injuste que certains salariés bénéficient de garanties plus élevées et de l’avantage qui résulte d’une cotisation moins chère !
Vous êtes en train de critiquer des salariés qui paient leur part de complémentaire santé et de montrer du doigt des travailleurs parce qu’ils sont mieux couverts que d’autres ! De tels propos sont inouïs. Ces travailleurs ne sont pas des privilégiés.
Mme Michèle André. M. le rapporteur général n’a pas dit cela !
Mme Catherine Procaccia. Tous les salariés sont concernés, y compris ceux qui touchent le SMIC.
L’article 5 supprime l’avantage collectif dont bénéficiaient des entreprises qui avaient voulu s’engager. Quand un salarié intégrait l’une de ces entreprises, il n’avait pas le choix : il devait abandonner sa complémentaire individuelle.
Vous comparez la situation de ces contrats, imposés par l’entreprise, mais en général bien meilleurs, à celle des contrats individuels. Sauf que, en 2016, il n’y aura plus de contrat individuel, puisque tous les salariés devront être couverts par une assurance collective ! Je vous rappelle d'ailleurs qu’il y a une semaine mille personnes manifestaient devant le Sénat contre les conséquences de cette disposition, qui entraînera la suppression de 30 000 à 40 000 emplois.
La façon dont vous voulez récupérer un milliard d’euros me paraît incroyable. Comme je l’ai toujours dit ici, aucun gouvernement, de droite comme de gauche, et pas même le précédent, n’a jamais compris que, au final, en matière d’assurances, ce sont non pas les sociétés de ce secteur, mais les citoyens qui paient, et qui paient toujours plus !
Monsieur le ministre, vous êtes en train de mettre en place un système qui, au final, coûtera beaucoup plus cher à la sécurité sociale. (M. le rapporteur général de la commission des finances manifeste son scepticisme.) En effet, au lieu de chercher le meilleur contrat pour leurs salariés, les entreprises souscriront l’assurance la moins chère. Au final, les travailleurs seront moins bien couverts et auront un moins bon accès à l’assurance maladie !
M. Yves Pozzo di Borgo. Bravo !
M. Gérard Longuet. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Je souhaite réagir aux propos de M. Delattre,…
M. Francis Delattre. Je m’en doutais ! (Sourires.)
M. Richard Yung. … qui considère que l’article 5 est mauvais, puisqu’il fait disparaître 960 millions d’euros de pouvoir d’achat des salariés.
M. Francis Delattre. Oui !
M. Richard Yung. Si M. Delattre nous dit qu’il est progressiste, on voit bien qu’il n’est pas redistributif !
Mme Michèle André. En effet !
M. Francis Delattre. Moi, je ne redistribue que ce que je gagne. Vous, vous redistribuez la dette !
M. Richard Yung. Cher collègue, vos propos ne sont pas justes. Ces 960 millions d’euros sont redistribués.
Premièrement, je rappelle que la mesure prévue à l’article 5 correspond à une préconisation du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie.
M. Gérard Longuet. Qu’y a-t-il de « haut » dans ce conseil ?
M. Richard Yung. Monsieur Longuet, cette autorité doit être respectée ! Pour ce qui me concerne, je respecte ses avis.
Deuxièmement, sur le plan financier, le prélèvement de 960 millions d’euros, que vous dénoncez, permettra de financer l’accès à la CMU-C et à l’aide à la complémentaire santé, l’ACS, d’une partie de la population défavorisée qui n’accédait pas à la complémentaire santé, soit environ un million de personnes.
M. Gérard Longuet. C’est ce que vous dites.
M. Francis Delattre. C’est invérifiable !
M. Richard Yung. En outre, il participera à la généralisation de l’obligation de souscrire une complémentaire santé à partir du 1er janvier 2016, évoquée par Mme Procaccia.
On le voit, les 960 millions d’euros que permettra de récupérer la mesure seront réinjectés dans le système.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Bien évidemment, je voterai la suppression de l’article 5, pour les excellentes raisons qu’a développées notre collègue Catherine Procaccia.
Cela dit, je m’interroge sur l’égalité de traitement entre salariés du privé et salariés du public. Dans la fonction publique territoriale, les communes – j’imagine que cela vaut aussi pour les autres collectivités – peuvent, depuis peu de temps, subventionner l’adhésion de leurs agents à une mutuelle.
Cette possibilité n’existait pas dans un passé encore récent, même si, monsieur le ministre, de nombreuses communes le faisaient sans que cela ait jamais été remis en cause. D'ailleurs, si ma mémoire est bonne, les agents ont le choix entre plusieurs mutuelles et l’assemblée délibérante peut décider de subventionner le choix de l’agent.
Je souhaite savoir si cette situation était conforme à l’égalité de traitement entre salariés du privé et salariés du public et, dans ce cas, si la part versée par la collectivité locale est intégrée dans l’impôt sur le revenu.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.