M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement souhaite, par le biais de ces différents amendements, demander au Sénat de reconsidérer plusieurs des votes qu’il a précédemment émis.
Permettez-moi, par souci d’efficacité, de vous présenter ces amendements de façon globale.
Sur les articles fiscaux du projet de loi de finances pour 2014, le Gouvernement présente vingt et un amendements qui visent à revenir sur des amendements adoptés au cours des débats.
Certains amendements tendent à revenir sur la rédaction des articles 12, 13 et 19 bis du projet de loi de finances.
D’autres amendements ont pour objet de rétablir les articles 3, 5, 6, 8 bis, 9, 18, 20 et 23 bis du présent texte qui ont été supprimés et qui portaient respectivement sur la baisse de l’avantage fiscal procuré par le quotient familial, la suppression de l’exonération fiscale de la participation de l’employeur aux contrats collectifs de complémentaires santé, la suppression de l’exonération d’impôt sur le revenu des majorations de retraite ou pension pour charges de famille, l’adaptation du régime dérogatoire applicable aux successions comportant des biens et droits immobiliers en Corse, la taxe exceptionnelle due par les entreprises versant des rémunérations supérieures à un million d'euros, le régime d’imposition des plus-values immobilières, l’augmentation progressive des taxes intérieures de consommation, le recentrage du crédit d’impôt en faveur de l’apprentissage.
D’autres amendements visent à supprimer les articles additionnels 6 bis A, 6 bis B, 6 bis C, 7 quinquies, 7 sexies, 7 septies, 7 octies, 10 bis, 12 bis, 12 ter, 22 bis, qui ont modifié ou complété les propositions du Gouvernement.
Il s’agit du recentrage du régime fiscal des journalistes, photographes, critiques dramatiques et musicaux, du régime fiscal et social des heures supplémentaires, du rétablissement de la demi-part supplémentaire pour les contribuables vivant seuls ayant eu un enfant à charge pendant un an au moins sur cinq ans, de diverses mesures d’extension du champ de la TVA à taux réduit – locations de films, bois de chauffage, transports publics urbains, centres équestres –, de la modification des modalités d’imputation de certaines charges financières des entreprises, de l’extension du champ du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, des conditions de cumul du crédit d’impôt en faveur des métiers d’art avec les autres crédits d’impôt, de l’extension du champ de la taxe générale sur les activités polluantes.
Sur les articles budgétaires, le Gouvernement souhaite revenir sur les amendements nos I-13, I-127, I-39, I-15 et I-381 votés par le Sénat, qui ont conduit à prévoir une extension de la date limite des redressements de taxe professionnelle pris en compte pour l’actualisation de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle, à supprimer une partie des recettes de radars automatiques dédiées à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France pour les affecter aux collectivités territoriales, à rétablir la part non remboursable du visa de régularisation qui a déjà été fortement réduite, à instaurer un plafonnement des redevances affectées aux agences de l’eau, à rétablir le malus automobile.
Par coordination, le Gouvernement tire les conséquences de ces amendements de seconde délibération à l’article d’équilibre du projet de loi de finances pour 2014. Au terme de cette seconde délibération, le solde budgétaire ressortirait à moins 82,528 milliards d'euros, en amélioration de 51 millions d’euros par rapport au texte adopté par l’Assemblée nationale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Nous sommes amenés à émettre un vote sur l’ensemble de la première partie du projet de loi de finances, dans la rédaction que le Gouvernement nous propose, laquelle reprend certains apports du Sénat tout en en rejetant d’autres.
Le Gouvernement nous invite ainsi à nous prononcer sur un texte cohérent, sur lequel chacun pourra prendre position.
Je crains, en effet, que les votes intervenus sur les articles de cette première partie émanant de majorités de circonstance…
M. Roger Karoutchi. Ce sont des majorités !
M. Francis Delattre. François Hollande a lui aussi été porté au pouvoir par des circonstances !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. … n’aient débouché sur un texte dans lequel peu de membres de notre assemblée se seraient finalement reconnus, comme cela arrive parfois, malheureusement.
En rétablissant les articles du projet de loi qui ont été supprimés et en supprimant de nombreuses dispositions qui ont été introduites, et qui avaient pour point commun de dégrader le déficit budgétaire, le Gouvernement est pleinement dans son rôle : il essaie de préserver tout à la fois la cohérence et l’équilibre de son projet initial.
Je ne procéderai pas à une revue de détail des votes sur lesquels le Gouvernement nous propose de revenir. M. le ministre nous les a exposés et ils ne surprendront personne, compte tenu des avis exprimés en séance.
Le Gouvernement reprend toutefois un certain nombre d’initiatives du Sénat, émanant de plusieurs groupes, dont une partie de celles que j’ai soutenues, au nom de la commission des finances.
M. Francis Delattre. Il reprend les rapports ! (Sourires.)
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. À ce moment de mon intervention, je voudrais aussi très vivement remercier tous nos collègues de la commission des finances, qui, depuis quatre semaines, ont travaillé activement sur l’ensemble des missions.
Car la préparation d’un débat budgétaire, ce ne sont pas seulement des effets de séance lors de quelques minutes de présence dans l’hémicycle, c’est un travail long, fastidieux et exigeant, qui nécessite de nombreuses réunions, parfois tardivement le soir.
Je remercie donc très sincèrement tous nos collègues qui ont participé à cette tâche, de même que tous les collaborateurs de la commission des finances, que nous avons abondamment sollicités toutes ces journées et nuits durant.
Cela étant, je souhaite que les propositions du Sénat retenues par le Gouvernement puissent être reprises par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, de sorte que notre assemblée, à défaut d’adopter un texte qui lui permette de faire entendre sa voix en commission mixte paritaire – je crains en effet que notre feuille ne soit blanche le jour de la CMP, et je n’y serai pour rien ! –, puisse contribuer à l’amélioration de la future loi.
Ainsi, le travail du Sénat, et particulièrement de la commission des finances, n’aura pas été vain.
Pour conclure, mes chers collègues, je vous indique que la commission des finances, qui s’est réunie à l’instant, a émis un vote globalement favorable sur les amendements que le Gouvernement nous soumet…
Mme Catherine Procaccia. Enfin ! (Sourires.)
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. … et sur la première partie du projet de loi de finances pour 2014, qui font l’objet d’un vote unique.
Je me plais à souligner, monsieur le ministre, que la commission des finances, dans sa majorité, ne vous aura pas fait défaut (M. Roger Karoutchi s’esclaffe.), ni lors de l’examen des missions, qui s’est soldé par un vote systématiquement favorable, ni lors de cette seconde délibération.
C’est dans cet esprit que j’invite le Sénat à voter en faveur des amendements que vous venez de nous présenter. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Vote sur la seconde délibération et sur l’ensemble de la première partie
M. le président. Avant de passer au vote unique portant sur les articles modifiés par les amendements soumis à seconde délibération et sur l'ensemble de la première partie du projet de loi de finances, je vais donner la parole à ceux de nos collègues qui me l'ont demandée pour expliquer leur vote.
Je rappelle au Sénat que, conformément à l'article 42 de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 et à l'article 47 bis, alinéa 2, du règlement du Sénat, « lorsque le Sénat n’adopte pas la première partie du projet de loi de finances, l’ensemble du projet de loi est considéré comme rejeté ».
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation des débats décidée par la conférence des présidents, chacun des groupes dispose de cinq minutes pour les explications de vote, la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe disposant de trois minutes.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur le fond, car nous avons déjà tout dit, en particulier avant la réunion de la commission.
Je voudrais simplement, selon l’usage, remercier l’ensemble des participants à cette discussion budgétaire pour l’année 2014. Pour ceux qui, comme moi, en ont déjà connu un certain nombre, celle-ci restera incontestablement dans les annales, car nous nous sommes trouvés dans des situations assez originales. Mais il faut croire que c’est finalement la caractéristique du budget, monsieur le ministre : il se produit toujours des choses différentes, même si l’on participe, année après année, à l’examen d’un grand nombre de projets de loi de finances. C’est en réalité une jouvence permanente que de traiter de questions budgétaires ! (Sourires.)
Je voudrais naturellement remercier M. le rapporteur général, François Marc. Chacun sait que je ne partage pas ses options politiques, mais je connais les difficultés et les rigueurs de la fonction, et je puis dire qu’il a vraiment fait tout ce qui était possible, avec son équipe, pour expliciter les sujets et nous conduire à délibérer en toute connaissance de cause. Sa capacité de travail et sa grande courtoisie doivent être naturellement soulignées.
Je remercie également le secrétariat de la commission des finances, vous-même, monsieur le président du Sénat, ainsi que les différents présidents de séance qui se sont succédé au plateau. Le rythme de nos travaux a été très variable, avec des accélérations subites et des phases beaucoup plus calmes. Toujours est-il que ces débats ont été, comme il se doit, parfaitement organisés, grâce au service de la séance et à l’ensemble des personnels de notre assemblée.
Je voudrais aussi remercier les membres du Gouvernement qui se sont succédé au banc, en particulier M. Benoît Hamon, qui, dans cet exercice budgétaire, a affirmé toute sa présence. Même si je n’étais pas en accord avec lui sur le fond, je me plais à souligner la clarté de son expression et la manière tout à fait respectueuse dont il a traité les différents orateurs au cours du débat.
Enfin, bien entendu, mes derniers remerciements vous sont adressés, monsieur le ministre chargé du budget – « notre » ministre, si j’ose dire, puisque la commission des finances est naturellement amenée à travailler avec vous de manière très étroite. Nous avons échangé des arguments, et vous avez logiquement défendu vos convictions. Mais vous avez incontestablement participé de façon déterminante à l’animation de ce débat budgétaire.
Mes chers collègues, peut-être l’examen de ce projet de budget par le Sénat va-t-il s’arrêter ce soir…
M. Albéric de Montgolfier. On ne sait pas ! (Sourires.)
M. Roger Karoutchi. On verra… (Nouveaux sourires.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je n’en dis pas plus !
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou, pour explication de vote.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen de la première partie du présent projet de loi de finances pour 2014 aurait dû être pour le Sénat l’occasion d’exprimer ses spécificités et sa voix originale et particulière dans nos institutions.
Au point actuel de notre débat, il n’en a rien été, et cela pour deux raisons majeures.
Tout d’abord, le texte proposé par le Gouvernement n’est qu’un mauvais équilibre entre hausses d’impôts et dépenses incontrôlées.
En effet, la fiscalité des classes moyennes et des familles s’alourdit, alors que le Premier ministre avait promis que les hausses d’impôts ne frapperaient pas les plus modestes : baisse du plafond du quotient familial, suppression des avantages fiscaux liés aux majorations de retraite pour charges de famille, suppression de l’exonération fiscale de l’employeur relative aux contrats collectifs de complémentaire santé.
La fiscalité devient également insupportable pour les entreprises. La hausse de la surtaxe de l’impôt sur les sociétés, par exemple, conduira certaines entreprises à acquitter un taux d’IS de près de 38 %, contre 28 % en moyenne en Europe, limitant drastiquement leur capacité à investir, et donc à créer des emplois. S’y ajoute l’absurde taxe à 75 % des très hauts salaires, qui fait fuir les investisseurs étrangers, abasourdis.
La baisse des dotations aux collectivités se répercutera également sur les impôts locaux payés par les entreprises.
Enfin, il n’y a plus de majorité au Sénat et cela se ressent désormais dans le travail législatif. Chacun a voulu y aller de sa niche fiscale ou de son amendement sectoriel. Plus de cinquante amendements ont été déposés sur les taux de TVA.
Vous l’avez affirmé, monsieur le ministre, nous aurions voté pour plus de 10 milliards d’euros de dépenses fiscales supplémentaires. Le texte du Sénat n’a plus de cohérence interne. Dès lors, il n’est pas surprenant que le Gouvernement ait demandé une seconde délibération avec un vote bloqué.
Les propositions majeures et responsables du groupe UDI-UC n’ont hélas ! rencontré aucun agrément de votre part. Je pense notamment à la proposition de créer un crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi à destination des artisans et des indépendants, ou encore à nos propositions en faveur des emplois à domicile.
Nous ne pouvons pas voter en faveur de cette première partie. Nous ne pouvons voter le texte du Gouvernement. Nous ne pouvons pas non plus voter le texte actuel du Sénat.
Ce vote détermine la possibilité ou non de discuter de la partie relative aux dépenses. Je le dis solennellement, mes chers collègues, la réduction de la dépense publique sera dans les prochaines années le thème des débats politiques et parlementaires. Nous vivons au-dessus de nos moyens depuis beaucoup trop longtemps. Notre pays souffre d’une addiction chronique à la dépense publique, le temps est venu de nous emparer de ce problème vital.
Nous ne pouvons plus nous contenter de rogner les recettes des opérateurs ou celles des collectivités pour faire face à nos engagements. Cette seconde partie aurait ainsi pu être l’occasion d’une véritable remise à plat de la dépense publique, à l’heure où le Premier ministre consulte partenaires sociaux et groupes politiques sur la réforme fiscale.
Pour ma part et celle de quelques autres collègues du groupe UDI-UC, notamment membres de la commission des finances, comme l’a annoncé Vincent Delahaye, nous avons pris la décision de ne pas prendre part au vote sur la première partie. Nous l’avons prise afin de marquer notre opposition au matraquage fiscal qui grève nos capacités économiques et obère le retour à la croissance. Nous l’avons prise, enfin, pour laisser la voie ouverte à la seconde partie du texte et à un véritable débat national autour de la réduction de la dépense publique.
Malheureusement, cette position ne sera pas suivie par la majorité des sénateurs centristes. Le fossé est trop grand entre nos aspirations et le texte qui nous est soumis.
Nous avons besoin de réformes courageuses et profondes. Nous avons besoin de dépasser les clivages partisans au nom de l’intérêt général. Nous vous avons tendu la main en vain, monsieur le ministre, en proposant une baisse massive de la dépense dans l’article d’équilibre. Dès lors que vous ne prenez en compte aucune de nos propositions, vous ne pouvez vous étonner que la majorité du groupe UDI-UC votera contre la première partie du projet de loi de finances pour 2014 et je le regrette. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Depuis jeudi dernier, nous débattons d’un texte et d’une situation politique et économique qui appellent, l’un et l’autre, une attention toute particulière et la détermination de choix clairs et précis.
Nous avons participé à ce débat budgétaire animés d’intentions très claires.
Il ne peut être question pour nous d’affaiblir le pouvoir d’achat, les ressources des ménages. Or l’augmentation de la TVA, impôt de consommation, pèse plus lourdement sur les foyers les plus modestes. Les mesures sur le quotient familial ou concernant les veufs et veuves ayant élevé plus de trois enfants atteignent toujours, d’abord et avant tout les ménages. Nous savons que ce choix contribuera à la réduction de la consommation des ménages, avec les conséquences que l’on connaît pour l’activité économique et pour la vie des familles.
À l’heure où vous demandez à nos collectivités territoriales de faire des efforts, vous allez impacter nos politiques d’accompagnement social des plus faibles. Pourquoi nous proposer de tels choix ?
La principale mesure, la hausse de la TVA, est là pour gager en fait la mise en place du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE. Ce crédit d’impôt, vous l’avez créé selon une analyse que nous ne partageons pas. Vous considérez que pour rendre une nouvelle dynamique à l’activité économique, il faut réduire la part de la richesse produite consacrée aux salariés producteurs de richesse.
Pour notre part, nous estimons qu’il faut plutôt s’intéresser à la part consacrée aux rémunérations des actionnaires, qui pèse aujourd’hui de plus en plus dans cette répartition, étouffant également l’investissement pourtant indispensable.
Aujourd’hui, arrivent sur notre territoire des sociétés européennes qui ont décidé, dans le cadre de la mise en œuvre du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, le TSCG, sur leur territoire propre, de réduire les salaires de leur personnel. Ces sociétés ne trouvent plus de marchés suffisants pour leur propre activité. On voit ainsi le résultat de ces types de politiques d’austérité en Europe. C’est pourquoi il nous faut aujourd’hui nous attacher à résoudre cette question des exigences du capital.
Le budget que vous nous avez présenté a aussi pour objet la réduction de la dépense publique. Elle concerne aujourd’hui presque tous les ministères. Vous nous proposez également de réduire les moyens des collectivités territoriales, un moyen de les inciter à diminuer leur dépense.
Mais réduire la dépense publique, c’est réduire les services publics, dont tout le monde a reconnu l’importance en 2008, au moment de la crise financière. Combien de déclarations affirmaient que notre protection sociale, nos services publics avaient permis à la France de mieux supporter cette crise financière ?
On le sait aujourd’hui, 1 euro de dépense publique en moins, c’est 1,50 euro de PIB en moins. La réduction de la dépense publique est donc contre-performante pour redresser notre pays. L’ensemble des pays européens soumis à ce régime sont dans une situation inquiétante. C’est pourquoi nous ne pouvons entendre nos collègues de l’UDI-UC ou de l’UMP nous proposer encore plus de réduction de la dépense publique.
Pendant dix ans, la politique de la droite s’est traduite par des déficits publics accrus et une dette publique majorée de plus de 800 milliards d’euros. Nous estimons, pour notre part, que d’autres choix sont possibles. Un autre budget est indispensable, et il doit mieux répondre aux attentes de la population. Pour y parvenir, nous regrettons qu’une réforme pour une plus grande justice fiscale n’ait pas été engagée dès la première année du nouveau gouvernement.
Le Premier ministre a lancé des consultations sur la fiscalité. Pour notre part, nous prendrons toute notre place dans la construction d’une nouvelle politique fiscale. Nous avons d’ailleurs, dans le cadre de nos discussions, apporté, au travers de nos amendements, des propositions fiscales, qui auraient permis de réduire le déficit de ce budget tout en donnant des capacités d’assurer des services publics de qualité.
Nous ne voterons pas cette partie « recettes » de la loi de finances qui ne peut permettre de donner au Gouvernement les moyens d’une politique conforme à nos attentes et aux attentes de ceux qui l’ont élu, et qui ne peut que se traduire par l’affaiblissement de la réponse publique à nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Tout d’abord, monsieur le ministre, merci d’avoir retenu un amendement du RDSE sur l’immatriculation des véhicules : je considère que c’est inversement proportionnel à l’estime que vous nous portez. (Sourires.)
Lors de la discussion générale, j’avais annoncé que la très grande majorité du groupe RDSE émettrait un vote positif sur la première partie de ce projet, cela ayant tout d’abord l’avantage de permettre au Sénat de discuter de la seconde partie, car il n’est pas bon que la Haute Assemblée ne puisse faire valoir ses propositions sur l’ensemble du budget. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)
M. Jean-Michel Baylet. Il a raison !
M. Jacques Mézard. Nous avons pu voir l’an passé, par exemple, les inconvénients pour les dotations aux collectivités locales et la péréquation. L’Assemblée nationale a tellement de satisfaction à se passer du Sénat qu’il faut éviter de lui donner trop souvent l’occasion de céder à cette addiction délétère. (MM. Alain Bertrand et Jean-Louis Carrère applaudissent.)
J’avais déclaré, lors de la discussion générale, que la résolution de l’équation budgétaire relevait de la quadrature du cercle, surtout dans un pays où les tabous et les blocages idéologiques, accentués par l’élection présidentielle et ses promesses indispensables, engendrent, de fait, réactions poujadistes sur tous les bancs et résistance terrible à toute réforme structurelle, alors que la situation de crise exceptionnelle imposerait une réponse exceptionnelle.
Notre groupe est unanime quant à une certaine insatisfaction qu’inspire ce projet de loi de finances pour 2014. Il nous semble, sur certains points, manquer de marquage, de grands objectifs lisibles, avec parfois, monsieur le ministre, certaines contradictions. Au final, ce projet est en partie insuffisant pour remplir le seul objectif qui vaille : relancer la croissance.
Notre collègue Jean-Pierre Chevènement rappelait récemment ce mot d’un grand radical : « Il n’y a pas de politique sans risque, mais il y a des politiques sans chance ».
Monsieur le ministre, nous sommes convaincus de la nécessité du redressement de nos comptes publics pour ne pas pénaliser les générations futures. Pour autant, ce redressement a une limite, c’est l’impact négatif qu’il peut avoir sur la croissance.
Aujourd’hui, avec ce budget, où sont véritablement les moteurs de la croissance ? Même la Commission européenne, après avoir prôné l’austérité sur tout le continent, commence à prendre conscience de son erreur. En effet, un document interne de cette commission, révélé récemment, faisait état d’une perte en cumulé de 4,78 % de croissance pour la France entre 2011 et 2013, du fait des politiques dites « de consolidation budgétaire ». (M. Alain Bertrand opine.)
Or notre inquiétude redouble quand nous constatons une certaine incapacité à réorienter l’Europe, ce qui était une des promesses faites dans l’euphorie – normale, d’ailleurs – préélectorale.
En plus des politiques de redressement budgétaire trop strictes et indifférenciées, la surévaluation de l’euro mine notre compétitivité et nos chances de retrouver la croissance.
M. Francis Delattre. Très bien !
M. Jacques Mézard. Mais que fait la France pour lutter contre l’euro fort ? Quelle est notre influence sur la Banque centrale européenne ? Nous espérons véritablement que le budget pour 2015 sera l’occasion de renouer un pacte majoritaire.
En attendant, pour le dire clairement, ce projet de budget n’est peut-être pas suffisamment à la hauteur des enjeux, mais nous savons que c’est difficile, monsieur le ministre. Pour nous, ces enjeux sont les suivants : soutenir le pouvoir d’achat, simplifier et alléger la fiscalité pour que les ménages consomment et que les entreprises produisent dans notre pays. Si nous n’allons pas plus loin, nous courons le risque d’une prolongation de la stagnation économique et, donc, d’un accroissement du chômage.
Sur la procédure, il faut bien évidemment s’inquiéter de l’utilisation répétée du vote bloqué. L’abus de cette procédure, que tous les gouvernements ont utilisée (Exclamations sur plusieurs travées de l'UMP.),…
M. Roger Karoutchi. Non !
M. Jacques Mézard. … cela a d’ailleurs été rappelé tout à l’heure, est une menace pour nos institutions. Après six jours de débat souvent intense et argumenté, les positions et votes du Sénat sont rapidement balayés d’un revers de la main.
Notre Haute Assemblée a, par ses votes, posé de véritables questions, qui peuvent parfois déranger mais que nombre de concitoyens se posent, et il serait judicieux de les écouter.
C’est pourquoi je me réjouis que le Sénat ait adopté, d’ailleurs, sur l’initiative de notre groupe, certains amendements qui, je le crois, correspondaient à un objectif tout à fait positif. Ces mesures de justice et de soutien au pouvoir d’achat proposées par notre groupe, comme le rétablissement de la demi-part fiscale des personnes veuves, nous semblent utiles pour le pays.
Enfin, nous vous avons alerté, monsieur le ministre, sur le caractère très imparfait et sans doute nocif pour la croissance de la contribution climat-énergie, définie à l’article 20, et que le Sénat, dans sa grande sagesse, supprimait.
Monsieur le ministre, malgré tous ces regrets sur ce budget qui reste quelque peu coincé entre la volonté de relancer l’économie et les contraintes imposées par Bruxelles, l’ensemble des membres de notre groupe ne perdent pas de vue que le projet de loi finances est le point essentiel de la confiance du Parlement à l’égard du Gouvernement.
Au moment où nos voisins d’outre-Rhin montrent l’exemple du rassemblement pour accélérer la sortie de crise, un message de rassemblement se justifie. Aussi, pour ce qui nous concerne, nous prenons nos responsabilités et la très grande majorité de notre groupe apportera son soutien à ce projet de loi de finances pour 2014. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE. – MM. François Rebsamen et Alain Fauconnier applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot.
M. Philippe Adnot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, contrairement aux autres sénateurs non inscrits, j’avais prévu de voter les articles de la première partie, afin que la discussion se poursuive, que l’on puisse examiner les différents budgets et que le travail auquel nous avons participé ne soit pas vain. Or le Gouvernement, par la procédure qu’il a employée, vient de balayer d’un revers de la main tout le travail que nous avons réalisé.
Le seul objectif du Gouvernement était, nous dit-on, de rétablir les équilibres budgétaires. Or ce n’est pas vrai. En témoigne notamment l’amendement, que nous avons adopté hier à l’unanimité, visant à mieux répartir les amendes de police. Alors qu’une telle disposition ne mettait nullement en cause l’équilibre budgétaire, vous l’avez purement et simplement écartée d’un revers de main.
C’est la marque d’un souverain mépris envers la Haute Assemblée, le fonctionnement de nos institutions et le travail parlementaire, ce qui est regrettable.
Certes, j’étais prêt à voter la première partie, mais cela ne signifie pas, pour autant, que je partageais toutes les mesures proposées. Certaines dispositions étaient convenables, telle la mesure relative aux jeunes entreprises innovantes. En revanche, empêcher les entreprises de pouvoir déduire les frais financiers de leurs charges était évidemment un contresens. Mais ce n’est pas parce que l’on n’est pas d’accord sur l’ensemble des mesures que l’on ne peut pas continuer de discuter.
Toutefois, eu égard à ce qui nous est proposé et à cette remise en cause, je voterai contre la première partie, car je ne peux pas accepter la manière dont on nous traite ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. – Mme Françoise Férat applaudit également.)