M. le président. La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de dire, au nom de tous mes collègues du groupe écologiste, notre grande satisfaction d’avoir vu ce matin l’Assemblée nationale adopter conforme notre proposition de loi visant à mieux encadrer l’usage des pesticides. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – Mmes Bernadette Bourzai et Annie David applaudissent également.)
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt et concerne la procédure d’autorisation, par l’Union européenne, de l’OGM TC1507 et le maintien d’un moratoire sur le maïs OGM MON 810.
Les États membres de l’Union européenne doivent se prononcer, avant le 12 février, sur une demande d’autorisation du maïs OGM TC1507, proposée par la Commission européenne. La majorité qualifiée n’étant pas requise lors de ce vote, la Commission pourrait valider cette proposition, alors même que le Parlement européen a adopté une résolution contre cette autorisation. Aussi demandons-nous au gouvernement français de jouer de tout son poids pour refuser cette autorisation et défendre la sécurisation des procédures d’autorisation des OGM.
Nous tenons à pointer une autre urgence, nationale cette fois : il s’agit du maïs MON 810. L’arrêté d’interdiction de ce maïs OGM pris par le gouvernement français en mars 2012 avait été annulé par une décision du Conseil d’État.
Dans un communiqué daté du 1er août 2013, vous avez confirmé, monsieur le ministre, l’engagement pris par le Gouvernement lors de la conférence environnementale de septembre 2012, de « maintenir le moratoire sur la culture des semences OGM afin de prévenir les risques environnementaux et économiques pour les autres cultures et l’apiculture » en recherchant un cadre réglementaire adapté durablement au respect de ces objectifs. Vous avez aussi affirmé, dans ce communiqué, qu’une décision serait prise avant le prochain semis, qui aura lieu entre avril et juin 2014.
Alors, en cette période où nous étudions le projet de loi d’avenir agricole, dont le socle est l’agro-écologie, pratique au carrefour de l’agronomie, de l’écologie et des sciences sociales, et qui ne porte pas du tout les OGM dans ses gènes, quelle décision vous préparez-vous à prendre, monsieur le ministre, afin d’en préserver durablement et – souhaitons-le ! – définitivement notre territoire ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – Mme Anne Emery-Dumas applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. Monsieur le sénateur, votre question comporte deux éléments. Le premier présente une dimension d’urgence, liée à l’autorisation d’un maïs OGM, le TC1507. Le deuxième est relatif à la question plus vaste des règles qui s’appliqueraient, dans un cadre européen rediscuté et renouvelé, aux autorisations de mise en culture d’OGM et aux possibilités données aux États membres d’accepter ou de refuser le recours aux OGM.
Pour ce qui concerne l’immédiat, à savoir l’autorisation du fameux maïs TC 1507, la position de la France est très claire, et je l’ai exprimée à chaque rencontre des ministres européens : nous ne sommes pas d’accord avec la délivrance de cette autorisation. Ce refus se justifie par des raisons de fond, mais aussi par une raison de forme. En effet, l’Autorité européenne de sécurité des aliments, l’EFSA, a demandé à l’entreprise concernée de livrer un certain nombre d’informations, relatives notamment aux impacts environnementaux de ce maïs, mais elle n’a toujours pas obtenu de réponse. Par conséquent, d’un point de vue juridique, abstraction faite des positions de l’EFSA sur cette question, il n’y a aucune raison d’accorder cette autorisation.
Ensuite, il convient de définir un lieu de débat au niveau du Conseil des ministres européens. Puisque le Conseil des ministres de l’agriculture ne peut fournir un cadre valable, à la demande de la France – nous y avons travaillé avec Thierry Repentin –, le Conseil des ministres « affaires générales » du 11 février prochain aura à traiter de cette question, qui est inscrite au point B de son ordre du jour. Un débat aura donc bien lieu, comme nous le souhaitions, car chacun doit pouvoir exprimer sa position sur ce sujet. Celle de la France, je le répète, est de ne pas accepter cette autorisation.
S’agissant maintenant de la question plus globale, et qui est posée depuis longtemps, de l’autorisation des organismes génétiquement modifiés, je rappelle que certaines règles régissent, à l’échelle européenne, les choix que peuvent faire les États. Un maïs est autorisé aujourd’hui, le maïs Monsanto 810, et c’est sur la base de clauses de sauvegarde que la France n’autorise pas le recours aux semences de ce maïs. Ces clauses de sauvegarde sont contestées et juridiquement contestables.
Il faut donc que l’on soit capable de définir une réglementation et un cadre juridique à l’échelle de l’Union européenne afin que les États puissent procéder à des choix objectifs en matière d’utilisation d’un OGM qui aura été autorisée par les instances européennes compétentes. Tel est donc l’enjeu de ce débat, qui doit se dérouler dans un deuxième temps : il s’agit d’une discussion et d’une négociation sur le cadre juridique.
En résumé, premièrement, la France est opposée à l’autorisation du maïs TC1507, deuxièmement, elle milite pour un changement du cadre juridique actuel. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
rapports entre le milieu de la finance et l’état
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie et des finances.
Au lendemain du deuxième anniversaire d’un grand discours prononcé par un candidat à l’élection présidentielle de 2012 au Bourget, j’en citerai une phrase : « Sous nos yeux, en vingt ans, la finance a pris le contrôle de l’économie, de la société et même de nos vies. »
M. Philippe Dallier. De qui est-ce ? (Rires sur les travées de l'UMP.)
M. Éric Bocquet. Le 24 décembre dernier, nous apprenions par la presse que l’Autorité des marchés financiers, l’AMF, avait procédé au renouvellement de six membres de la commission des sanctions qui existe en son sein.
Rappelons, si nécessaire, le rôle de l’AMF, tel qu’il est défini sur son site internet : « Elle est une autorité publique indépendante qui régule les acteurs de la place financière française et, lorsque c’est nécessaire, c’est elle qui contrôle, enquête et sanctionne. »
Nous avons pu noter la nomination, au sein de cette instance, d’une représentante de la banque suisse UBS,…
M. Philippe Dominati. Oh là là !
M. Éric Bocquet. … jusque-là en charge de la conformité au sein de la banque.
Vous le savez, monsieur le ministre, la banque UBS fait l’objet d’une enquête depuis février 2012, elle a été sanctionnée en juin 2012 d’une amende de 10 millions d’euros par l’Autorité de contrôle prudentiel pour, « laxisme dans le contrôle des pratiques commerciales ». (Rires et exclamations sur les travées de l’UMP.)
L’information judiciaire ouverte à Paris porte sur le motif suivant : « démarchage bancaire ou financier par personne non habilitée et blanchiment de fraude fiscale et de fonds obtenus à l’aide d’un démarchage illicite commis en bande organisée ».
Mme Éliane Assassi. C’est du lourd !
M. Éric Bocquet. Vous conviendrez, mes chers collègues, que le télescopage entre les termes de la doctrine de l’AMF et ceux qui décrivent les faits reprochés à la banque est assez saisissant !
Ma question sera double
Premièrement, quels sont les critères qui ont présidé à la désignation de la représentante de la banque UBS au sein de la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers ?
Deuxièmement, peut-on dire que cette décision est de nature à préserver du contrôle de la finance « l’économie, la société et même nos vies » ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre de l’économie et des finances, chargé du budget. Monsieur le sénateur, je sais l’intensité du combat que vous menez pour lutter contre la finance devenue démente, en animant notamment une commission d’enquête sur les paradis fiscaux et sur la lutte contre la fraude fiscale qui réalise un travail remarquable. Par ailleurs, tout au long de la discussion des textes financiers, vous avez témoigné votre détermination, que je veux saluer ici.
Au reste, sachez-le, votre détermination n’a d’égale que la nôtre en ces matières. C’est la raison pour laquelle, depuis que nous sommes au gouvernement, nous avons adopté un ensemble de dispositions qui devraient vous donner entière satisfaction puisqu’elles vont dans le sens des préoccupations exprimées dans votre question.
Faut-il rappeler les soixante mesures prises depuis le début du quinquennat pour lutter contre la fraude fiscale, qu’il s’agisse des dispositions relatives à l’inversion de la charge de la preuve pour le transfert des bénéfices, des conditions beaucoup plus restrictives de déduction des intérêts d’emprunt des bénéfices pour éviter l’optimisation fiscale, du projet de loi que j’ai présenté avec Christiane Taubira devant votre assemblée et qui durcit considérablement les peines encourues par ceux qui s’adonnent à la fraude fiscale en recourant notamment à des sociétés écrans, ou encore du combat mené au niveau européen avec Pierre Moscovici pour développer l’échange automatique d’informations au sein de l’Union européenne, pour mandater l’Union afin qu’elle négocie et signe des conventions internationales et pour établir une liste européenne d’États et territoires non coopératifs.
M. Éric Bocquet. Ce n’est pas la question, monsieur le ministre !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Toutes ces actions nous ont permis d’obtenir des résultats en matière de lutte contre la fraude et de maîtrise de la finance qu’aucun des gouvernements précédents n’avait pu obtenir. Je tiens notamment à évoquer l’objectif que nous nous sommes assigné pour 2014 en matière de lutte contre la fraude fiscale : nous escomptons près de 2 milliards d’euros de recettes à ce titre.
Mme Éliane Assassi. Et UBS ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Par ailleurs, aux termes de la circulaire que j’ai prise au mois de juin dernier, les 11 000 dossiers qui ont d’ores et déjà été déposés devant l’administration fiscale vont nous permettre de récupérer plus d’un milliard d’euros de recettes l’année prochaine.
M. Roger Karoutchi. Ce n’est pas la question !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Pour ce qui concerne la question que vous m’avez posée (Ah ! sur les travées de l’UMP.), mais qui n’est pas sans relation collatérale avec ce que je viens d’évoquer avec beaucoup de précision…
Sachez-le, je reviens quand vous le voulez : le plaisir d’être avec vous est sans limite !
M. le président. Monsieur le ministre, veuillez conclure.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué Monsieur Bocquet, comme vous l’avez souligné vous-même, la banque que vous avez mentionnée fait l’objet de procédures à caractère judiciaire. Les obligations qui sont les miennes m’interdisent de faire des commentaires, de manière à ne pas obérer l’efficacité des procédures en question. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Rires et exclamations sur les travées de l’UMP.)
Mme Éliane Assassi. Mais bien sûr ! C’est la faute à la justice !
politique familiale : financement des 30 milliards
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.
M. Jean-Pierre Chevènement. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie et des finances.
Dans sa dernière conférence de presse qui, à n’en pas douter, marquera son quinquennat, le Président de la République a décidé, pour renforcer la compétitivité des entreprises françaises, de supprimer d’ici à 2017, les cotisations familiales qui pèsent sur les salaires à hauteur de 30 milliards d’euros.
Cette mesure est conforme aux préconisations du rapport Gallois, faute qu’il soit possible, dans le système de la monnaie unique, d’effectuer la dévaluation qui permettrait de rendre compétitive notre économie.
Le rapport Gallois prévoyait cependant de compenser par un relèvement de la CSG la perte de recettes pour les caisses d’allocations familiales. C’est une tout autre voie qu’a dessinée le Président de la République en proposant un effort d’économie équivalent et même supérieur sur les dépenses publiques, à hauteur d’au moins 50 milliards d’euros d’ici à 2017.
Un conseil stratégique de la dépense publique s’est tenu ce matin sous la présidence du Président de la République, conseil auquel le ministre de l’économie a assisté en tant que ministre compétent, à tous les égards de ce terme, monsieur le ministre. Par quel canal le Gouvernement entend-il maintenir les ressources d’allocations familiales ? (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Celles-ci bénéficieront-elles d’une garantie de ressources équivalentes indexées sur la progression de la masse salariale ? À défaut, on le sait, c’est toute notre politique familiale qui risquerait d’être remise en cause alors que les effets de la crise se font sentir pour la première fois sur l’indice de fécondité, qui vient de passer en dessous de 2.
Peut-on nous en dire un peu plus que le rappel des progrès déjà faits sur les gisements d’économies qui sont envisagés ?
Plus on avancera sur la voie des économies et plus celles-ci seront difficiles. Les fusions de régions ne peuvent dégager que des économies marginales.
Une idée que nous avons combattue – en tout cas, moi, que, moi, je l’ai combattue – en 2010, sous la présidence de M. Sarkozy, peut-elle devenir bonne par le seul effet d’un changement de quinquennat ? (Très bien ! et sourires sur les travées de l’UMP.)
Les pistes envisagées jusqu’à présent nécessitent toutes de « donner du temps au temps », pour reprendre la formule de François Mitterrand.
C’est la raison pour laquelle je souhaiterais obtenir des éclaircissements sur les principaux gisements d’économies. Je n’en demande pas plus : je ne demande pas qu’on nous indique dès maintenant lesquels, mais j’aimerais qu’on fasse une revue, même très générale, des gisements d’économies que M. Moscovici considère comme exploitables à court terme.
Comme beaucoup, j’aimerais aussi être rassuré sur l’avenir des allocations familiales et du pouvoir d’achat des familles. (Applaudissements sur les travées du RDSE. – M. Jean-Vincent Placé et Mme Muguette Dini applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget. Monsieur Chevènement, je vous remercie vivement de votre question, qui comporte deux volets.
D’abord, vous souhaitez savoir comment la réforme du financement de la branche famille va impacter les prestations et connaître notre stratégie pour redresser les finances de cette branche.
Ensuite, dès lors qu’il faut faire 50 milliards d’euros d’économies en 2015, 2016, 2017, vous demandez quels sont les voies, les sujets et les moyens que nous allons mobiliser pour atteindre l’objectif.
Pour ce qui concerne la première question, comme vous le savez, lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, le déficit de la branche famille était de 2,5 milliards d’euros. Ce déficit était le principal obstacle au maintien des prestations familiales et à la poursuite de la politique familiale.
C’est la raison pour laquelle, dès l’an dernier, le Gouvernement a pris, sans attendre, des dispositions de redressement de la branche famille. Elles nous conduisent à faire sur cette branche, en 2014 et 2015, 800 milliards d’euros d’économies, réparties entre 400 millions d’euros en 2014 et le solde en 2015. Nous y parviendrons notamment par un effort de gestion des caisses résultant de la mise en œuvre des contrats d’objectifs et de gestion à hauteur de 500 millions d’euros.
Pour rétablir les comptes de la branche famille, nous avons pris une mesure qui concerne le quotient familial. Elle a été discutée ici et a parfois été stigmatisée pour avoir des visées exclusivement fiscales alors que notre objectif était de rétablir des comptes qui nous avaient été laissés dégradés.
Je veux ajouter, pour vous rassurer, monsieur le sénateur, que ce que nous faisons sur la branche famille ne remet pas en cause les prestations. En effet, nous allons ouvrir 275 000 places de crèche supplémentaires et nous augmentons de 25 % et 50 % l’allocation familiale et le complément familial.
M. Christian Cambon. Qui paie ?
M. Philippe Dallier. Ce sont les collectivités locales qui financent !
MM. Alain Fouché. Oui, c’est nous qui payons !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Notre stratégie, qui s’inscrit dans le cadre du plan « grande pauvreté », vise donc à faire en sorte que les prestations familiales aillent vers ceux qui en ont le plus besoin. Nous faisons un effort de gestion pour y parvenir.
J’en viens à votre seconde interrogation, qui portait sur nos pistes d’économies pour demain.
D’abord, les économies faites sur la branche retraite et sur la branche famille vont monter en puissance, à hauteur de 4 milliards d’euros sur la période qui s’ouvre devant nous.
Ensuite, notre effort pour maîtriser les dépenses de l’État et de l’assurance maladie en respectant les normes, notamment la norme « zéro valeur », devrait permettre de dégager 20 milliards d’euros.
Nous parviendrons au solde par de véritables réformes structurelles portant sur les organisations. Elles nous permettront de faire en sorte que nos services publics dégagent des économies tout en montant en gamme, sans que ni les services publics ni notre système de protection sociale soient remis en cause. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. Alain Gournac. Nous voilà rassurés ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
fonds structurels européens
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet.
M. Jean Bizet. Avant de me retourner vers le ministre chargé des affaires européennes, je veux, monsieur le président, me réjouir de pouvoir m’exprimer cet après-midi. En effet, j’en ai été empêché ce matin, lors d’un débat qui, en réalité, n’en a pas été un, consacré à un sujet pourtant fondamental puisqu’il s’agissait de l’avenir de la filière nucléaire française. Le ministre chargé des relations avec le Parlement lui-même n’a pas pu s’exprimer, ce que je déplore à nouveau. À moins que – ce que je n’ose imaginer ! – le Gouvernement n’ait pas été mécontent de n’avoir pas eu à clarifier sa position sur le sujet au moment où la Commission européenne invite précisément les différents États membres à réindustrialiser l’Europe…
M. Jean-Pierre Sueur. Il n’y avait aucune intention ! C’était l’organisation des travaux !
M. Jean Bizet. Je dirai en boutade – et je ne pense pas que M. le ministre chargé du budget me démentira – que ce n’est pas avec des moulins à vent qu’on réindustrialisera notre pays !
M. François Rebsamen. C’est vrai !
M. Jean Bizet. J’en viens à ma question, qui s'adresse donc à M. le ministre chargé des affaires européennes.
Fin décembre, la France a communiqué aux autorités européennes l’accord de partenariat qui contient la stratégie d’investissement de notre pays déclinant la politique européenne de cohésion pour la période 2014-2020. C’est une question à 24,3 milliards d’euros !
Cet accord de partenariat doit maintenant être validé afin que soient lancés les programmes opérationnels qui bénéficieront des fonds structurels européens.
Dans cette perspective, plusieurs sujets nous inquiètent, monsieur le ministre.
D’abord, la finalisation des programmes opérationnels semble devoir prendre plus d’un an. Ce retard ne risque-t-il pas de devenir un handicap pour bénéficier des financements ? La question se pose d’autant plus qu’il y a désormais un bonus de 7 % sur l’ensemble des crédits pour les régions qui auront « le mieux » consommé les crédits disponibles, c’est-à-dire qui les auront consommés le plus rapidement possible.
Ensuite, l’accord de partenariat que vous proposez est plutôt un catalogue d’investissements possibles. Comment allez-vous assurer une politique lisible et cohérente sur l’ensemble du territoire national ?
Enfin, ce sont désormais les régions qui auront la responsabilité de la gestion des projets. Auront-elles rapidement les compétences correspondantes ? Va-t-il y avoir des transferts de personnels des secrétariats généraux pour les affaires régionales, les SGAR ? Est-ce compatible avec vos objectifs de réduction des dépenses publiques ?
Ultime question : quelles garanties avons-nous que ces fonds seront utilisés en toute transparence et que les élus régionaux d’opposition ne seront pas discriminés dans les projets qu’ils soutiennent ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)
M. François Rebsamen. Comme ils l’ont été avant !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.
M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, c’est une excellente nouvelle que, par votre question, vous me permettez d’évoquer. En effet, malgré les contraintes budgétaires existantes au niveau de l’Union européenne, je peux annoncer que la France ne souffrira d’aucune restriction sur la période 2014-2020 dans l’emploi des fonds structurels.
Outre les 16 milliards d’euros qui seront perçus au titre du FEDER et du FSE, nous recevrons une enveloppe de près de 12 milliards d’euros au titre du deuxième pilier de la politique agricole commune, désormais, et grâce à Stéphane Le Foll, plus proche, plus verte et plus juste. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) C’est un vrai succès de la diplomatie française sur la scène européenne et nous devons tous nous en réjouir, car c’est de l’argent qui va irriguer nos territoires !
La décentralisation de ces crédits, voulue par le Président de la République, est une pratique qui nous rapproche de ce qui se fait dans d’autres pays de l’Union européenne.
Il faut aussi y voir un acte de confiance à l’égard des élus dans l’ensemble des territoires régionaux, de confiance dans la capacité à porter des projets de développement, de vraies stratégies. On ne peut que se réjouir de l’extension à toutes les régions de France de ce qui a été fait à titre expérimental en Alsace par une majorité qui est de votre sensibilité, monsieur le sénateur ! Connaissant les élus des régions, je peux assurer que l’affectation sera faite en toute transparence, conformément aux règles.
Ces règles, je veux vous les rappeler.
C’est, bien sûr, le code de bonne conduite mis en place au niveau de l’Union européenne sur lequel les États membres devront se prononcer avant le 10 mars prochain et qui permettra d’organiser le partenariat local pour la mise en œuvre des fonds structurels.
C’est aussi l’utilisation concentrée de ces fonds sur quelques thématiques. Elle conduira les régions à ne retenir qu’un nombre restreint de projets, ce qui évitera à la fois le saupoudrage et le catalogue.
Ce qui est en jeu, mesdames, messieurs les élus, c’est la mise en œuvre la plus rapide de ces crédits. Les régions sont d’ailleurs en négociation avec la Commission européenne pour faire approuver les programmes opérationnels. Nous sommes nous-mêmes en train de définir à Bruxelles l’accord de partenariat qui leur servira de cadre.
Les transferts des services de l’État qui sont nécessaires à l’exercice de ces compétences décentralisées, c’est vous qui vous les avez votés à travers la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles.
Pour ce qui est des transferts de personnels, ils font l’objet d’une circulaire envoyée aux préfets de région le 16 décembre dernier. Nous attendons la publication d’un décret en Conseil d’État et d’un décret simple pour définir la convention type. Ils ne sauraient tarder.
Quant à la réserve de performance de 7 %, elle n’interviendra qu’en 2019.
Donc, aucun mois ne sera perdu ! Les uns et les autres, nous devons mettre nos énergies, là où nous sommes en responsabilité, pour que soient consommés ces 27 milliards d’euros aujourd’hui disponibles pour les territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe écologiste.)
réseaux d'éducation prioritaire
M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron.
Mme Françoise Cartron. Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée chargée de la réussite éducative.
Vous avez lancé jeudi dernier, conjointement avec le ministre de l’éducation nationale et le ministre en charge de la ville, la réforme de l’éducation prioritaire : c’est l’un des chantiers les plus importants de la refondation de l’école.
Il s’agit d’un plan ambitieux, comprenant des mesures concrètes, fortes, centrées sur la pédagogie et soutenues par des moyens importants. Il s’agit aussi d’un plan nécessaire au regard de l’exigence de justice sociale !
Engagée au début des années quatre-vingt, la politique d’éducation prioritaire visait un objectif : donner plus à ceux qui ont moins, donner plus aux territoires et aux établissements qui concentrent le plus de difficultés.
Trente ans après, force nous est de constater que les résultats ne sont pas à la hauteur de nos espérances. La France reste le pays développé dans lequel le poids des origines sociales sur la réussite scolaire est le plus fort. Et les conclusions du rapport PISA de 2012 font apparaître ce terrible constat : notre école n’offre pas aux enfants les plus défavorisés les meilleures chances de réussite. Les inégalités scolaires – qui sont des inégalités sociales – se sont encore accrues ces dix dernières années, faute d’une ambition nationale et d’une attribution efficace des moyens !
Dans ce contexte si difficile, nous constatons des réussites locales remarquables, dues à l’engagement formidable des équipes pédagogiques sur le terrain. Mais ces équipes ont besoin de soutien, de moyens, de reconnaissance et d’un accompagnement durable dans l’accomplissement de leur travail, lequel est, je le rappelle, spécifique.
Nous le savons, la continuité est le maître-mot en matière d’éducation prioritaire : l’encadrement des enfants doit être renforcé tout au long de leur scolarité et il est nécessaire d’assurer la stabilité des équipes enseignantes dans la durée.
De même, ces équipes doivent pouvoir bénéficier d’une formation adaptée et de perspectives de carrière améliorées.