M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, rapporteur.
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il me revient de vous présenter l’évolution des titres III et IV du projet de loi après la deuxième lecture à l’Assemblée nationale et les conclusions des nouveaux travaux de la commission des affaires économiques du Sénat.
Concernant le titre III, qui tend à améliorer la lisibilité et l’efficacité des politiques publiques du logement, sur les vingt-neuf articles examinés lors de la première lecture, seize restent en discussion.
Le Sénat et l’Assemblée nationale ont développé des vues très largement convergentes sur ces dispositions, qu’il s’agisse du système national d’enregistrement, à l’article 47, de la création de l’Agence nationale de contrôle du logement social, à l’article 48, ou encore de l’élargissement des délégations de compétence en matière de politique du logement afin de renforcer le niveau intercommunal, tel que prévu par l’article 56.
À l’article 49, la commission a adopté des amendements afin d’aller plus loin dans la diversification des moyens mis à disposition des organismes d’HLM pour qu’ils diversifient, de manière encadrée et accessoire, leurs actions et contribuent ainsi à la mixité sociale. Je pense notamment à l’amendement de notre collègue Marie-Noëlle Lienemann autorisant les organismes d’HLM, pendant une période de cinq ans, à vendre à des opérateurs privés des logements libres, en accessoire à une opération de construction de logements sociaux sur des terrains acquis dans le cadre du dispositif de la loi du 18 janvier 2013.
À ce titre III, la commission des affaires économiques a par ailleurs adopté des amendements de précision et donné des avis favorables aux amendements du Gouvernement procédant aux coordinations nécessaires avec la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles.
Concernant le titre IV, qui vise à moderniser les documents de planification et d’urbanisme, vingt-six articles restent encore en discussion dans la navette, sur un total de quarante et un. Sur ces articles, les députés ont adopté cent dix amendements en deuxième lecture. Malgré l’importance quantitative de ce travail d’amendement, peu de changements significatifs sont intervenus sur les questions d’urbanisme – hormis, bien sûr, celle du transfert de la compétence en matière de plan local d’urbanisme, ou PLU, sur laquelle je reviendrai plus loin.
Dans ces conditions, le travail d’amendement de la commission des affaires économiques du Sénat a lui-même consisté à améliorer marginalement des dispositifs qui font l’objet d’une large convergence de vues entre les majorités des deux chambres.
À l’article 58, qui traite de la hiérarchie des normes d’urbanisme et du rôle pivot des SCOT, l’Assemblée nationale a légèrement assoupli la disposition relative au plafond applicable aux aires de stationnement dans les centres commerciaux. Nous ne reviendrons pas sur cette modification.
Les députés ont aussi rétabli la disposition prévoyant qu’un SCOT ne peut couvrir qu’un seul EPCI. Sur ce point, la commission des affaires économiques a adopté une position contraire. Il est vrai que, dès lors que les PLU communaux ont vocation à continuer à exister, faire passer l’échelle des SCOT à un périmètre de plusieurs EPCI ne présente pas un caractère de nécessité.
Enfin, les députés ont réintroduit, à l’article 58, une amorce de réforme de l’urbanisme commercial, comme ils l’avaient fait en première lecture. Sur le fond, par rapport au droit actuel, leur rédaction affaiblit le pouvoir prescripteur des SCOT, en supprimant notamment la possibilité de définir des zones d’implantations commerciales, alors même qu’un vrai débat doit avoir lieu pour déterminer si l’on souhaite donner au SCOT un rôle stratégique ou davantage prescriptif dans ce domaine. Estimant qu’il est important d’examiner de manière globale la réforme de l’urbanisme commercial, qui figurera dans le projet de loi relatif à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises devant être bientôt soumis au Parlement, la commission des affaires économiques a donc supprimé tous les éléments qui pourraient, en quelque sorte, préempter cette future réforme.
L’article 59, supprimé en séance publique au Sénat, a été rétabli dans sa rédaction de première lecture par les députés. Je rappelle qu’il vise à une meilleure prise en compte par les PLU de la diversité des modes d’habitat, notamment les fameuses résidences démontables : les yourtes. La commission des affaires économiques a maintenu cet article.
À l’article 64, les députés ont porté à neuf ans la périodicité de l’évaluation obligatoire du PLU. Cette durée me paraît un peu longue pour le PLU intercommunal, ou PLUI, quand il tient aussi lieu de programme local de l’habitat, ou PLH. La commission a donc rétabli une périodicité d’évaluation de six ans.
L’Assemblée nationale s’est également penchée sur la collaboration entre la communauté et les communes lors de l’élaboration du PLU intercommunal. Elle a instauré une conférence des maires en amont du processus, pour définir les modalités de la collaboration entre communes et intercommunalité, et une autre en aval, au moment de l’approbation.
La commission des affaires économiques a souhaité amender ces dispositions pour donner plus de liberté aux communes. Tout en maintenant la réunion obligatoire de la conférence des maires en amont du processus d’élaboration, le texte de la commission prévoit désormais que la définition des modalités de la collaboration entre communes et intercommunalité peut – et non doit – être formellement arrêtée. Cette simple faculté ne devient une obligation que si un quart des maires le réclament. Cette formule permet de mettre en place une collaboration souple, là où les acteurs privilégient la souplesse, et de définir des règles de collaboration plus strictes, là où les acteurs souhaitent davantage de garanties formelles.
La commission a également rétabli l’approbation finale du projet de PLU intercommunal à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés et elle a supprimé le caractère obligatoire de la réunion de la conférence des maires introduite à ce stade par les députés. En effet, lorsque les communes et la communauté définissent formellement les modalités de leur collaboration, elles peuvent tout à fait décider qu’une nouvelle conférence des maires devra se tenir in fine, au moment de l’approbation du PLUI. La loi n’a donc pas à imposer la tenue de cette réunion, qui relève simplement des modalités de collaboration définies entre les parties.
À l’article 65, les députés ont de nouveau supprimé l’obligation, pour le SCOT, d’analyser le potentiel de densification du territoire, ce qui me paraît contradictoire avec le fait que ce document doit fixer des objectifs chiffrés de consommation de l’espace ; la commission a donc rétabli cette obligation.
Les députés ont également rétabli une durée de neuf ans avant qu’il soit nécessaire de passer par une révision du PLU pour ouvrir à l’urbanisation une zone à urbaniser. La commission a maintenu cette évolution.
J’en viens maintenant au point dur du texte, l’article 63 et le transfert de la compétence en matière de PLU.
M. Jean-Jacques Mirassou. Eh oui !
M. Marc Daunis. Nous y voilà !
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. Le Gouvernement a déposé en séance publique, à l’Assemblée nationale, un amendement pour rétablir le texte voté par le Sénat en première lecture, comme vous vous y étiez engagée devant nous, madame la ministre. Je salue le respect de cet engagement.
MM. Roland Courteau et Marc Daunis. Très bien !
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. Cependant, comme vous le savez, un sous-amendement du président de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale a finalement relevé la minorité de blocage. Selon cette rédaction, trois ans après l’entrée en vigueur de la loi, et lors de chaque renouvellement du conseil communautaire, le transfert devient obligatoire, sauf si 45 % des communes, représentant 45 % de la population, s’y opposent.
Évidemment, cette nouvelle rédaction ne correspond pas vraiment à ce que le Sénat souhaite, mais je vous accorde, madame la ministre, qu’elle représente tout de même un petit pas dans notre direction. Je rappelle en effet que les députés avaient voté, en première lecture, l’attribution de plein droit de la compétence en matière de PLU aux intercommunalités. Par leur vote de deuxième lecture, ils ont donc pris acte de notre refus d’un transfert mécanique de cette compétence et confirmé la pertinence du principe de la minorité de blocage, introduit par le Sénat sur mon initiative.
Par principe, pour réaffirmer notre refus d’un mécanisme contraignant de transfert de cette compétence communale fondamentale, la commission des affaires économiques du Sénat a décidé, la semaine dernière, de réintroduire purement et simplement la rédaction de l’article 63 votée en première lecture par notre assemblée : nous sommes donc revenus à une minorité de blocage de 25 % des communes, représentant au moins 10 % de la population.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. Madame la ministre, vous avez affirmé votre respect du bicamérisme. Nous souhaiterions que ce respect s’exprime non pas simplement par des paroles, mais aussi par des actes de la part de nos collègues de l’Assemblée nationale.
M. Jean-Jacques Mirassou. Eh oui !
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. Je préside une communauté d’agglomération qui vient de fusionner avec une communauté de communes. Elle compte désormais 95 000 habitants et trente-trois communes, et souhaite mettre en place un PLU intercommunal. Selon les députés, introduire une minorité de blocage entravera le processus. Je tiens à souligner que, quand on veut transférer une compétence des communes à l’intercommunalité, que celle-ci soit une communauté de communes ou une communauté d’agglomération, on ne peut jamais passer en force. Le bureau de l’EPCI doit donc faire en sorte d’obtenir le consensus le plus large possible.
Aujourd’hui, même avec la minorité de blocage que nous proposons, si l’on veut vraiment mettre en place un PLU intercommunal, on peut y parvenir. J’y insiste : on ne peut pas brusquer les choses. Les nombreux présidents d’EPCI que compte notre assemblée le savent, une majorité dans une intercommunalité ne peut pas fonctionner comme une majorité au sein d’un conseil municipal ou, a fortiori, d’un conseil général ou régional.
M. Marc Daunis. Exactement !
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. En effet, les membres de la majorité de l’EPCI, quelle que soit leur sensibilité politique, ont aussi pour mission de défendre la spécificité de leur commune : il faut donc leur faire partager un projet d’intérêt général qui transcende les intérêts particuliers, trouver le consensus le plus large possible.
Selon moi, l’introduction d’une minorité de blocage n’empêchera pas, contrairement à ce que prétendent certains, un EPCI d’adopter demain un PLU intercommunal, dès lors qu’une volonté politique existe, mais cela suppose de respecter les spécificités des communes, quelle que soit leur taille, et les sensibilités de ceux qui les représentent.
Pour conclure, à l’instar de mon collègue Claude Dilain, je souhaite que ce texte puisse être adopté à l’issue de nos débats. En particulier, si nous rétablissons la rédaction de l’article 63 telle que nous l’avions votée en première lecture, nous aurons démontré la force du bicamérisme ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Joël Labbé applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je formulerai ce soir des observations d’ordre général sur le projet de loi, me réservant d’intervenir plus précisément, demain, sur la question de la garantie universelle des loyers.
Je voudrais tout d’abord remercier le président Daniel Raoul, les rapporteurs, Claude Dilain et Claude Bérit-Débat, et Mme la ministre du travail de qualité que nous avons réalisé ensemble pour essayer de trouver des solutions constructives, susceptibles d’améliorer la vie quotidienne de nos concitoyens.
Le ministère a récemment publié les chiffres de la construction pour l’année 2013 : 330 000 unités, ce qui est assurément insuffisant et loin de l’objectif ambitieux fixé par le chef de l’exécutif. Toutefois, contrairement peut-être à d’autres, je dis cela plutôt pour vous encourager dans votre action, madame la ministre…
Derrière ces chiffres, ce sont un grand nombre de nos concitoyens qui subissent quotidiennement des difficultés pour se loger. Or avoir un logement décent est une des premières conditions pour bien vivre et assurer un développement harmonieux de la famille.
La plupart des problèmes actuels trouvent leur origine dans l’insuffisance de l’offre de logements. Plutôt que de batailler autour des chiffres, reconnaissons, mes chers collègues, qu’aucun gouvernement n’a suffisamment anticipé les évolutions démographiques et sociétales : cela fait près de vingt-cinq ans que l’on ne construit pas assez ! On a fait beaucoup de belles déclarations sur le droit au logement, les lois se sont succédé, mais la crise n’a pas été enrayée. Comment l’actuel gouvernement aurait-il pu réussir en dix-huit mois ?
La situation du logement dans notre pays est inacceptable et relève d’une responsabilité collective. Tentons donc de dépasser les polémiques et de nous mobiliser autour de cet objectif : construire plus et vite.
La tâche n’est pas simple, surtout dans le contexte difficile que nous vivons, et je reconnais que vous vous y êtes attelée, madame la ministre, avec la mobilisation du foncier public et privé, le renforcement des obligations en matière de logement social, le dispositif fiscal en faveur de l’investissement locatif, la lutte – indispensable – contre les recours abusifs, etc. Même si les effets de ces mesures ne peuvent pas être immédiatement perceptibles, celles-ci vont indéniablement dans le bon sens car, pour accélérer la construction, il faut de la volonté, du financement, du foncier et de la liberté !
Permettez-moi d’insister sur ce dernier point. Aujourd’hui, près de 3 700 normes encadrent et, trop souvent, entravent la construction d’un logement. Le chef de l’exécutif l’a rappelé au début du mois de janvier : « Pour réaliser un projet de logement, il faut six ans, quatre ans de procédures et deux ans de construction. C’est plus qu’un quinquennat ! » En réalité, il faut parfois bien plus de six ans, et notre irrésistible tendance à la centralisation et à l’« incontinence normative » pèse de plus en plus lourd sur les coûts de construction. Ceux-ci nous distinguent indéniablement de nos voisins. Il n’y a pas de mystère : tant que ces coûts seront plus élevés en France qu’ailleurs en Europe, on construira moins et plus difficilement.
Que l’on me permette de citer cette phrase, excellente et toujours d’actualité, tirée d’une circulaire du président Georges Clemenceau : « Il est urgent qu’une chasse obstinée soit faite à tous les temps morts qui ralentissent encore la machine administrative : l’intérêt du pays l’exige. » Clemenceau avait d’ailleurs prévu un certain nombre de sanctions : je n’irai pas jusque-là, mais il est des messages qu’il convient de faire passer, et cette circulaire de 1917 me paraît tout à fait pertinente.
Des mesures de simplification ont déjà été prises, et l’exécutif vient d’en annoncer de nouvelles, concernant notamment les délais d’acceptation des permis de construire, qui ne pourront plus excéder cinq mois. Il faut poursuivre dans cette direction.
Cette remarque m’amène au projet de loi que nous examinons aujourd’hui car, nous l’avons dit en première lecture, celui-ci est particulièrement dense et, multipliant les documents types, les attestations, les procédures et les organismes, il ne traduit pas toujours la volonté de simplification qui est la vôtre, madame la ministre.
Cependant, ce défaut ne doit pas occulter le fond, mes chers collègues : nous considérons ainsi que ce texte comprend des mesures positives et que la situation sera, in fine, meilleure après son adoption et sa mise en œuvre qu’elle ne l’est aujourd'hui. C’est là, me semble-t-il, l’essentiel pour nos concitoyens.
Nous soutenons toutes les dispositions visant à sécuriser la location, à encadrer les honoraires des agents et des syndics, à renforcer la déontologie dans ces professions ou encore, et surtout, à lutter contre l’habitat indigne et la dégradation des copropriétés.
En première lecture, notre assemblée les a enrichies et, bien souvent, équilibrées. Sur l’initiative de mon groupe, nous avons par exemple supprimé la possibilité d’inscrire au contrat de location une clause prévoyant des pénalités pour retard de paiement de loyer et de charges. En revanche, nous avons proposé de fixer un délai identique de six mois pour le bailleur et le locataire à l’occasion d’une action en diminution ou en réévaluation du loyer. De même, nous avons ramené à deux ans, au lieu de trois, les délais de grâce accordés par le juge aux occupants de locaux dont l’expulsion a été ordonnée judiciairement, car il faut aussi sécuriser les bailleurs, madame la ministre !
Sur les deux derniers points, les députés sont revenus au texte initial, mais nous ne renonçons pas et je défendrai des amendements en ce sens.
S’agissant des honoraires des agents immobiliers et du compte séparé, qui avaient fait débat, les compromis trouvés à l’Assemblée nationale nous semblent équilibrés.
L’encadrement des loyers n’est pas, en soi, la meilleure idée et il a connu de tristes précédents. Mais j’admets que, dans les zones tendues où l’augmentation des loyers est devenue insupportable, il fallait agir afin de ne pas exclure définitivement les plus pauvres. Votre dispositif est assez souple. Il comporterait même des risques potentiels si le loyer médian majoré était choisi comme référence de façon généralisée. Quant à la création des observatoires locaux des loyers, sera-t-elle à la charge des collectivités territoriales et des EPCI ? Nous avons déposé un amendement visant à prévoir un financement par l’État. Dix-neuf sites pilotes ont été créés en 2013 et ont bénéficié d’un tel financement, mais la dotation prévue par la loi de finances pour 2014 est restée fixe par rapport à 2013, alors que le nombre de ces sites est appelé à augmenter. Nous aimerions obtenir des explications sur ce point.
Concernant la garantie universelle des loyers, j’avais, en première lecture, qualifié l’article 8 du projet de loi de « communiqué de presse ». Nous avions exprimé nos doutes quant au risque d’aléa moral et nos interrogations sur le financement du dispositif. Vous nous avez entendus, madame la ministre ! La rédaction initiale du projet de loi était laconique. Le groupe de travail mis en place au Sénat a œuvré dans un excellent état d’esprit, me semble-t-il, et le texte qui nous revient en deuxième lecture reprend dans une large mesure ses conclusions. Deux questions demeurent : le caractère obligatoire de la garantie universelle des loyers et la suppression de la caution, cette dernière mesure présentant un risque d’inconstitutionnalité. Nous en reparlerons demain, quand je proposerai une solution qui me paraît plus satisfaisante.
Enfin, j’arrive au sujet qui fâche : le transfert de la compétence en matière de PLU aux intercommunalités. Cette évolution est souhaitable, mais laissons les communes s’approprier l’idée : elles y viendront tôt ou tard !
Vous avez tenu l’engagement que vous aviez pris de défendre le texte élaboré par notre assemblée, mais il semble, madame la ministre, que vous n’ayez pas réussi à convaincre totalement les députés du fait que la position du Sénat représente la voie de la sagesse. Ceux-ci, une fois de plus, ont adopté des solutions qui ne peuvent nous satisfaire.
Quoi qu’il en soit, nous vous remercions de votre ode au bicamérisme, qui semble relever du discours officiel depuis quelques jours. Il serait bon que le président du groupe socialiste de l’Assemblée nationale s’en inspire, lui qui a traité le Sénat de « chambre archaïque ». Mais c’est un autre débat…
J’espère que l’amendement de M. Bérit-Débat, qui a entendu l’inquiétude des maires et propose d’instaurer une minorité de blocage, pourra trouver le soutien d’une majorité d’élus raisonnables en CMP.
En conclusion, nous aurions souhaité un texte moins complexe, mais nous sommes conscients que la tâche était rude. Compte tenu des avancées positives contenues dans ce projet de loi, vous pourrez compter, madame la ministre, sur le soutien de la très grande majorité des membres du groupe RDSE. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi qu’au banc de la commission.)
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Le respect de la dignité humaine passe par celui du droit fondamental à l’accès à un logement décent pour un coût acceptable : vous l’avez dit et répété, madame la ministre, notamment lorsque vous avez évoqué « la nécessité absolue de ne pas renoncer ».
Les difficultés de logement des Français ne sont pas une nouveauté et elles persistent. Comment en irait-il autrement sachant que, au cours des dix dernières années, le prix du mètre carré a augmenté de 200 % ?
L’effort financier consenti par les locataires est trop souvent supérieur à 30 % de leurs revenus mensuels, alors que n’importe quel créditeur estime qu’il ne faut pas dépasser ce seuil en matière d’endettement. Or le loyer, en tant que dépense incompressible, est aussi une forme d’endettement.
Vous avez rappelé, madame la ministre, que votre politique ne pouvait avoir d’effets immédiats ou à court terme. Effectivement, quelle que soit votre détermination, il faut du temps pour que les choses se mettent en place. À cet égard, ce projet de loi marque une étape supplémentaire.
Dans les zones tendues, des files d’attente interminables de candidats à la location se forment encore dans les escaliers. Je parle bien de « candidats », tant la recherche d’un appartement est devenue, dans de nombreuses villes, aussi complexe que celle d’un emploi.
Voilà comment on en arrive à des loyers d’un montant totalement démesuré, plaçant les locataires en situation de fragilité et alimentant la peur panique des petits propriétaires d’être confrontés à des impayés. Dans certaines villes, en premier lieu à Paris, on assiste à l’éviction du marché du logement de toute une frange de la population, avec une polarisation entre les couches favorisées et les poches de misère. Bref, on peut parler d’un véritable cercle vicieux !
L’encadrement des loyers, tout le monde en parle depuis longtemps. Vous, madame la ministre, vous le mettez en œuvre ! Nous tenons à vous en féliciter.
Mieux encore, vous nous avez proposé un projet de loi qui comporte une série de mesures permettant de limiter les excès du parc privé, par la régulation des relations entre propriétaires et bailleurs, la lutte contre la vente à la découpe et contre l’habitat indigne, la prévention des expulsions et de la dégradation des copropriétés, la réforme des procédures pour l’attribution des logements sociaux, etc.
Parmi les nombreuses dispositions de ce texte, je voudrais en saluer une tout particulièrement : la création effective de la garantie universelle des loyers.
En première lecture, nous parlions d’une préfiguration. Aujourd’hui, nous avons un projet déjà bien abouti, un périmètre dessiné, un dispositif progressif qui, à terme, incitera l’ensemble des propriétaires à préférer une garantie publique à un cautionnement aléatoire, irrécouvrable dans 60 % des cas.
Je voudrais saluer les membres du groupe de travail mis en place autour de Jacques Mézard et de Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Je faisais partie de ce groupe, mais mon emploi du temps ne m’a permis d’assister qu’à la conclusion de ses travaux, menés dans un esprit pluri-politique ayant contribué à enrichir la loi. J’ai trouvé ce processus absolument admirable !
La définition juridique de l’habitat participatif et des coopératives d’habitants pour faciliter le recours à ce mode de construire, d’habiter et de vivre ensemble me semble également emblématique du franchissement d’un cap. Dans la commune dont je suis maire pour quelques semaines encore, un beau projet, en termes de mixité sociale, est en train de voir le jour : voilà le cadre juridique adéquat que ses promoteurs attendaient avec impatience ! N’oublions pas que si l’on dénombre à l’heure actuelle, en France, quelques milliers de projets dans le domaine de l’habitat participatif, on en compte plusieurs millions dans les pays du Nord.
Ce sont là autant de motifs de satisfaction, madame la ministre, mais, vous êtes bien placée pour le savoir, les écologistes en veulent toujours plus, ils ne sont jamais complètement satisfaits ! (Mme la ministre sourit.)
Quid de celles et de ceux qui n’ont pas accès à un logement ou dont le mode de vie est différent ? Je pense bien sûr aux demandeurs d’asile ou aux personnes qui vivent dans des campements, que ce soit de façon « choisie » ou « subie ».
Pour parfaire certaines dispositions du texte, nous avons déposé un amendement tendant à étendre le bénéfice de la trêve hivernale aux personnes occupant des campements, des bidonvilles ou autres habitats précaires.
Nous avons également dû déposer un amendement relatif à la domiciliation des demandeurs d’asile. Cette domiciliation était prévue initialement dans le texte, mais a disparu en deuxième lecture à l’Assemblée nationale. Pourquoi ? On le sait, en cette période pré-électorale, ces sujets sont extrêmement délicats. Nous estimons néanmoins qu’il faut regarder les réalités en face. On ne parviendra pas à trouver de solution si l’on ne prend pas le problème à bras-le-corps. À cet égard, le tissu associatif accomplit un travail remarquable. Ma collègue Aline Archimbaud, membre de la commission des affaires sociales, défendra des amendements portant sur ce sujet.
J’en viens au dernier titre de ce projet de loi ambitieux, relatif à l’urbanisme.
Sur la question du PLUI, ma position a évolué ; j’en reparlerai dans la suite du débat.
Après nos échanges sur le projet de loi relatif à la consommation, anticipant certainement ceux que nous aurons sur le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, vous ne serez pas surpris, mes chers collègues, que je me sois attaché à inscrire dans le présent texte la prise en compte dans les outils de planification des questions agricoles et alimentaires.
En première lecture, j’avais proposé d’adjoindre à chaque document d’urbanisme un « plan territorial alimentaire ». On m’avait alors renvoyé à la discussion du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt : nos collègues députés m’ont entendu, qui parlent d’inscrire dans ce dernier texte des « contrats alimentaires territoriaux ».
J’avais préparé de nouveaux amendements relatifs aux SCOT, mais votre cabinet, madame la ministre, et la commission ont estimé que mes propositions bousculaient trop le dispositif. En revanche, je défendrai la prise en compte de l’agriculture dans le diagnostic des SCOT. (Mme Élisabeth Lamure et M. Jean-Claude Lenoir s’exclament.)
J’attends que cet amendement reçoive, sinon des avis favorables, du moins des avis de sagesse, afin de pouvoir véritablement faire progresser la prise en compte de l’agriculture dans les documents d’urbanisme, car tout est lié.
Il importe de prendre de telles mesures, frappées au coin du bon sens, si nous voulons pouvoir demain nous nourrir avec des aliments produits autant que possible localement, et renouer ainsi avec la noblesse d’une agriculture de proximité, nourricière et créatrice d’emplois.
En conclusion, madame la ministre, vous avez été ambitieuse, et nous le sommes également : je ne parle pas ici seulement des écologistes. Nous soutiendrons donc avec force votre projet de loi, tout en comptant sur votre dextérité pour le fignoler jusqu’au vote final. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)