M. Claude Dilain, corapporteur. C’est bien !
Mme Cécile Duflot, ministre. Il s’agit, enfin, des mesures qui permettront de moderniser nos pratiques de planification, d’urbanisme et d’aménagement.
Tout au long de l’examen de ce texte, on aura beaucoup parlé du plan local d’urbanisme intercommunal, le PLUI,…
M. Claude Dilain, corapporteur. Oui !
Mme Cécile Duflot, ministre. … car, en matière de logement, l’offre répond d’abord à une planification intelligente et stratégique des territoires.
Ne l’oublions pas, ce sont bien les documents d’urbanisme dont les élus se dotent qui déterminent la qualité des politiques locales de l’habitat. En ce sens, le PLUI constituera, j’en suis certaine, une réponse à part entière à la crise du logement.
Ma conviction sur ce point n’a pas changé : l’échelle intercommunale est la plus pertinente pour élaborer une planification véritablement stratégique parce qu’elle permet à la fois de mutualiser les ingénieries et les savoirs, et d’exprimer une solidarité territoriale.
M. Gérard Cornu. On peut le faire sur la base du volontariat !
Mme Cécile Duflot, ministre. Mais j’ai entendu la demande forte de laisser s’exprimer les communes, de leur laisser du temps. Le compromis issu de la commission mixte paritaire fait droit à cette demande tout en franchissant une étape décisive. Le PLU sera intercommunal, sauf si les communes estiment qu’elles ne sont pas prêtes à y venir. Dans chaque intercommunalité, il y aura des débats sur l’urbanisme, sur la meilleure manière de lutter contre l’étalement urbain, sur le potentiel de densification pour construire davantage là où se trouvent les besoins.
Avec cette loi, les élus seront dotés de meilleurs outils pour prendre une part active à la transition écologique des territoires, de l’ingénierie foncière apportée par la généralisation des établissements publics fonciers aux nouvelles modalités du droit de préemption urbain, en passant par la reconnaissance de l’ensemble des modes d’habitat, bien encadrés juridiquement.
Je dirai un dernier mot sur la densité et la complexité de ce texte : elles n’empêchent pas de voir l’essentiel. Ce projet de loi s’attaque aux causes profondes de la crise du logement, que nous n’arriverons pas à juguler en un jour. La loi, à elle seule, ne change pas tout. Mais il fallait changer la loi pour faire face, enfin, à nos responsabilités. C’est ce que nous avons fait.
J’entends saluer ici le travail de tous les parlementaires sans exception, y compris de celles et ceux de l’opposition dont les propositions, comme les critiques, lorsqu’elles étaient formulées avec sincérité, ont contribué à aiguiser notre sagacité et notre compréhension des enjeux.
Je pense, notamment, aux parlementaires ayant participé au groupe de travail sur la garantie universelle des loyers et à leur rapporteur, M. Mézard, que je salue, qui ont permis de coconstruire, en le consolidant, le dispositif proposé par le Gouvernement.
Je salue enfin tout particulièrement, et avec émotion, le travail et l’engagement des deux rapporteurs, Claude Dilain et Claude Bérit-Débat ; et je n’oublie bien sûr pas le président de la commission des affaires économiques, Daniel Raoul, qui a témoigné, tout au long de l’examen de ce texte, d’une volonté reconnue et sans faille pour construire et trouver les équilibres nécessaires.
Le projet de loi que nous avons élaboré ensemble, en sortant d’une logique de démission, en favorisant le retour de l’action d’une puissance publique jouant pleinement son rôle, est une contribution sans doute modeste, mais je l’espère décisive, à l’entreprise de défense de notre système de cohésion sociale, et donc au raffermissement de l’idée républicaine, qui depuis plus de deux siècles fonde le contrat civique et social qui nous lie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Gérard César. (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)
M. Gérard César. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, quel bilan tirer de ce cinquième texte afférent au logement en à peine dix-huit mois ?
Pour ma part, je crois que ce projet de loi est surtout un terrible aveu d’impuissance.
Je pense, ici, à l’impuissance du Gouvernement à mettre en œuvre une véritable politique de logement, dont les premiers résultats sont manifestement très décevants. Je pense, aussi, à l’impuissance du Gouvernement à mettre en place une véritable politique de la ville, comme en témoigne l’examen, voilà quelques semaines, du projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine.
De fait, c’est l’impuissance du Gouvernement à relancer la construction de logements qui doit être dénoncée aujourd’hui. Les chiffres pour 2013 sont éloquents : quelque 331 000 logements neufs ont été mis en chantier en France en 2013, soit un repli de 4,2 % par rapport à 2012.
Plus inquiétant encore, le nombre de permis de construire accordés pour des logements neufs a reculé de 12,6 % sur la même période, tombant à 432 885.
Pardonnez-moi de rappeler ces chiffres peu flatteurs, mais je crois qu’ils sont la source de la frénésie législative du Gouvernement…
Votre politique publique en termes de logement est limitée par les moyens ; elle le sera – et elle l’est déjà – par les résultats ! J’en veux pour principale preuve le fait que le montant des subventions accordées à l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU, passe dans la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine de 12 à 5 milliards d’euros, sur des périodes pourtant identiques.
Aussi, faute de moyens et de résultats en matière d’offre de logement, vous nous imposez des véhicules législatifs bavards, qui ne font que masquer provisoirement les déséquilibres du marché.
Pis encore, votre politique retarde les investissements lorsqu’elle ne les fait pas disparaître.
Je ne m’attarderai pas sur la réforme des rapports locatifs à l’article 1er, qui témoigne d’une profonde asymétrie dans les rapports entre les bailleurs et les locataires.
En revanche, l’encadrement des loyers à l’article 3 mérite que l’on s’y arrête quelques instants, car il est symptomatique de votre impuissance à développer une véritable politique de l’offre.
Néanmoins, ce n’est pas le plus dommageable. En plus du caractère éthique pour le moins contestable de la mesure, je reprendrai à mon compte une observation faite par nos collègues du groupe CRC dès la deuxième lecture du texte au Sénat, à l’occasion d’une explication de vote : pourquoi encadrer les loyers au moment même où ce marché est au plus haut ? Cela n’a aucun sens !
L’encadrement peut se comprendre en période creuse, mais prévoir de figer, comme c’est le cas ici, les loyers lorsque le marché est à son maximum me semble incompréhensible, d’autant que celui-ci baisse pour la première fois depuis vingt ans.
Il est probable que cette mesure, par la diminution importante des investissements qu’elle induira, tuera dans l’œuf la chute des prix immobiliers que nos concitoyens attendaient.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. N’importe quoi !
M. Gérard César. En ce qui concerne la garantie universelle des loyers, la GUL, autre point important, nous concédons volontiers que le dispositif adopté est plus viable économiquement que le dispositif initial.
Cependant, cette seconde version de la GUL entraînera la même déresponsabilisation que sa première mouture. Comme sa devancière, elle conduit à la création d’une agence dont on ne peut prédire à l’avance le volume.
De plus, cette nouvelle GUL présente une différence de taille par rapport à la version originelle : elle ne concernera pas les publics les plus fragiles, à savoir les étudiants, les apprentis et les résidents d’HLM. Autrement dit, elle ne couvrira pas les publics les plus exposés aux risques d’impayés.
Ce revirement de la part du Gouvernement doit nous faire comprendre que c’est le principe même de la garantie des loyers qui doit être contestée. En effet, soit le dispositif couvre les publics les plus fragiles, et il n’est pas viable économiquement, comme la première version de la GUL, soit le dispositif se limite aux bons payeurs, et dans ce cas il ne présente aucune valeur ajoutée.
Cet équilibre, précaire, le Gouvernement ne l’a pas trouvé !
De surcroît, on ne voit pas – ma collègue Élisabeth Lamure l’a déjà indiqué en deuxième lecture – quelle plus-value présenterait ce dispositif par rapport à la garantie des loyers impayés, la GLI, à la garantie des risques locatifs, la GRL, et aux systèmes de cautionnement.
En ce qui concerne le plan local d’urbanisme intercommunal, je me félicite que le groupe UMP ait défendu un positionnement clair, sans équivoque, tout au long de l’examen de ce projet de loi. Encore une fois, le groupe UMP, par sa position maintes fois répétée, n’a pas souhaité s’opposer au principe de l’élaboration au niveau intercommunal du plan local d’urbanisme. Nous y sommes favorables pour de multiples raisons, notamment au nom de l’efficacité économique et de la cohérence des politiques urbanistiques. Mais ce plan local d’urbanisme intercommunal doit bien sûr être choisi et non subi !
M. Gérard Cornu. Eh oui !
M. Gérard César. Il doit être fondé sur le volontariat des intercommunalités !
M. Bernard Fournier. Absolument !
M. Gérard César. Telles sont les raisons pour lesquelles les amendements de suppression de l’article 63, déposés en première et en deuxième lecture, ainsi qu’en commission mixte paritaire, avaient toute leur place.
Et c’est pourquoi nous n’acceptons pas la manière dont la majorité sénatoriale a rejeté sur notre groupe la responsabilité de son incapacité à se faire entendre auprès du Gouvernement.
Par nos amendements, nous avons souhaité tirer la sonnette d’alarme, et nous aurions aimé que tous nos collègues de la majorité se joignent à nous afin que le Sénat, dans son ensemble, marque sa différence avec l’Assemblée nationale.
Cette politique du compromis menée par la majorité sénatoriale n’a pas permis, in fine, de préserver les maires de ce transfert automatique de compétences. En effet, c’est cela que l’on retiendra et c’est de cela que se souviendront les maires au moment des élections ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Gérard Cornu. Exactement !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ils ne sont pas contents !
M. Gérard César. Les maires ne sont plus désormais maîtres d’une de leurs compétences historiques, l’urbanisme.
M. Jean-Jacques Mirassou. Mais non !
M. Gérard César. Mais si ! Vous sacrifiez l’échelon communal sur l’autel de la modernité, sans aucune autre justification que les traditionnels arguments d’autorité. Alors oui, je le répète : le Sénat aurait dû, dès la première lecture, montrer un front commun en matière de transfert de la compétence PLU !
Quel bricolage, quel marchandage ! On est passé de 45 % des communes représentant 45 % de la population à 25 % des communes représentant 20 % de la population en commission mixte paritaire.
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est quand même mieux !
M. Gérard César. Certes, c’est le choix du « moins pire » ! (Ah oui ! sur les travées de l'UMP.)
M. Gérard Cornu. On a effectivement échappé au pire !
M. Gérard César. Nous devons ce résultat à l’action de nos rapporteurs, Claude Bérit-Débat et Claude Dilain, auxquels je tiens à rendre hommage, action menée sous l’autorité du président de la commission, Daniel Raoul. C’est, je le répète, le « moins pire », et, comme c’est la loi, nous nous satisferons de cette position…
M. Jean-Jacques Mirassou. Dura lex sed lex !
M. Gérard César. Néanmoins, nous expliquerons pendant la campagne pour les élections municipales quelle était la décision pour le PLUI.
M. Gérard Cornu. Et après, pour les élections sénatoriales !
M. Gérard César. Aujourd'hui, par de mauvais calculs, nous nous retrouvons avec une minorité de blocage qui pourra sauter à n’importe quel moment, grâce à un simple amendement ou à une ordonnance ! (Marques de dénégation au banc des commissions.)
M. Gérard César. Autre déconvenue : le rétablissement de l’article 70 quater en commission mixte paritaire,…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ça, c’est scandaleux !
M. Gérard César. … qui vise à confier la rédaction des cessions de parts de sociétés civiles immobilières aux notaires, aux avocats, mais également aux professionnels de l’expertise comptable,…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Qu’est-ce que ça vient faire dans le texte ?
M. Gérard César. … alors que l’exclusion des experts-comptables de ce dispositif a été validée par l’Autorité de la concurrence.
Pour conclure, je redirai une dernière fois le sentiment que la partie concernant le logement inspire à notre groupe. Selon nous, ce texte résulte d’une volonté de dissimulation : il vise en effet à dissimuler derrière des mesures grossièrement anti-propriétaires la réalité des arbitrages budgétaires réalisés par le Gouvernement depuis dix-huit mois en matière de logement.
Enfin, ce projet de loi témoigne du peu de considération du Gouvernement et de la majorité pour les prérogatives des maires, qui sont les élus les plus populaires de notre système politique, comme chacun s’accorde à le reconnaître.
Par conséquent, les sénateurs membres du groupe UMP voteront contre ce texte. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové approche de son terme, huit mois après son passage en conseil des ministres. C’est une très longue durée pour un texte qui touche à l’un des secteurs les plus importants de notre économie et pour lequel les attentes sont très fortes.
Je commencerai donc par une interrogation : alors que deux tiers des lois portées par l’actuel gouvernement font l’objet d’un engagement de la procédure accélérée, il est étonnant que tel n’ait pas été le cas du texte ALUR. C’est une demande rare de la part des parlementaires, surtout de mon groupe ; mais cette lenteur assumée laisse penser que le logement n’est pas une priorité du Gouvernement, que bien d’autres sujets sont plus urgents, et c’est bien dommage ! (M. Daniel Raoul, corapporteur, s’exclame.)
Par ailleurs, madame la ministre, sur la méthode, ce texte est plutôt le résultat d’une mainmise administrative que le fruit d’une véritable concertation avec les acteurs concernés.
M. Vincent Delahaye. La plupart d’entre eux s’accordent pour déplorer l’absence de discussions préalables et de prise en compte de leurs demandes légitimes.
Le résultat, c’est un texte de loi injuste et incompréhensible.
La preuve la plus éloquente est la taille de ce texte : plus de 180 articles, plusieurs centaines de pages – 340 pages à l’issue de la CMP –, sans compter tous les articles déjà conformes. C’est sans doute une première, et peut-être le plus gros texte de la Ve République. Pour le Livre Guinness des records, c’est sans doute bien. Pour votre ego aussi, madame la ministre. (Mme la ministre s’étonne. – M. Claude Dilain, corapporteur, s’exclame.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ah là là !
M. Daniel Raoul, corapporteur. Montez d’un cran !
M. Vincent Delahaye. En revanche, je ne suis pas sûr que ce soit bon pour résoudre une crise du logement que l’on voit monter depuis quelque temps.
Je souligne régulièrement, avec d’autres, la complexité de notre environnement normatif et légal. J’ai proposé, lors de ma campagne en vue des élections sénatoriales, qu’à chaque fois que nous produisions une loi nous en supprimions deux. On en est malheureusement loin !
Du coup, en laissant, comme vous l’avez fait, la technocratie agir, on aboutit à un texte complexe, confus, et donc inefficace, alors que la politique du logement nécessite de la simplicité et de la rapidité.
Les attentes sont grandissantes : la proportion de nos concitoyens estimant qu’il est difficile de se loger est de 83 %, en hausse de cinq points depuis un an.
Et pourtant, lorsque l’on interroge comme je l’ai fait l’homme de la rue sur les marchés – campagne électorale oblige et privilège du cumul des mandats –, que constate-t-on ? Qu’il n’a pas retenu grand-chose de votre texte !
M. Daniel Raoul, corapporteur. Alors, inutile de vous exciter !
M. Vincent Delahaye. Qu’en retiendront les acteurs et les investisseurs ? Sûrement que le Gouvernement ne répond absolument pas à la crise en cours et à venir. Car le pire est devant nous, malheureusement.
Sur le fond, certaines mesures d’affichage seront utiles. D’autres seront inutiles ou mal mises en place. Garantie universelle des loyers, plan local d’urbanisme intercommunal, schéma de cohérence territoriale : tout cela va-t-il changer quelque chose ? Nous regrettons une certaine forme de politisation, un peu dogmatique, des questions du logement.
Le premier exemple que je citerai a trait à l’encadrement des loyers. Votre acharnement à vouloir tout encadrer, tout administrer, a un effet très négatif.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. N’importe quoi !
M. Vincent Delahaye. Ce n’est pas d’encadrement et de règles toujours plus strictes que nous avons besoin, mais d’assouplissement et d’oxygène pour un secteur qui ne demande qu’à se développer.
D’ailleurs, je tiens à signaler que, depuis l’examen de ce texte en conseil de ministres, les positions économiques du Gouvernement ont largement évolué. Après sa conférence de presse de janvier dernier, le Président de la République a en effet lancé son pacte de responsabilité, qui devrait redonner de l’air aux entreprises et, en les libérant de certaines contraintes, leur permettre d’embaucher. De la même manière, ce texte aurait pu être un pacte de responsabilité noué avec les propriétaires et les investisseurs pour les inciter à mieux louer et à plus construire.
Ce n’est pas le cas, et nous le regrettons. Nous sommes même face à une contradiction gouvernementale qui ne s’explique pas, entre discours de confiance et loi de défiance.
Concernant la garantie universelle des loyers, notre groupe était très allant sur le sujet en première lecture ; nous avons fait des propositions concrètes, qui ont abouti à lancer le débat au sein de notre assemblée. Nous nous en réjouissons.
En revanche, nous regrettons la manière dont le débat s’est poursuivi, et le résultat obtenu ne nous convainc pas.
En outre, sur le fond, nous estimons que la GUL va rater son départ et sera inapplicable. Elle rate son départ, car elle n’entraîne pas la suppression de la caution. C’était la condition sine qua non. C’est la caution qui est le facteur bloquant d’entrée dans un logement. L’argument constitutionnel me semble léger, car tout le monde en parle,…
M. Jean-Jacques Mirassou. Ah bon ?
M. Vincent Delahaye. … mais personne ne le démontre…
Enfin, sur la question du PLUI, qui a beaucoup animé les discussions et a été le cœur des tensions entre l’Assemblée nationale et le Sénat, le texte issu de la CMP, finalement proche de celui du Sénat, ne nous convient pas.
J’estime que le Gouvernement a travaillé en dépit du bon sens et contre les élus locaux, en particulier sur ces questions.
Comme vous le savez, la plupart des membres du groupe UDI-UC se sont opposés fermement au transfert obligatoire de la compétence urbanisme aux intercommunalités.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Pas tout le groupe !
M. Vincent Delahaye. Je suis favorable à l’élaboration du PLU au niveau communautaire, mais cela doit rester du domaine de l’initiative locale ; cela doit venir d’une volonté commune des maires constituant les EPCI et ne pas être obligatoire.
M. Bernard Fournier. Très bien !
M. Vincent Delahaye. Cela n’est pas acceptable pour les élus. Soit vous assumez vos propositions, soit vous laissez le statu quo. Mais scléroser le système comme vous le faites est dangereux et contre-productif.
Les élus, en particulier les maires, sont inquiets. Leurs craintes n’ont pas faibli après les deux lectures du texte et après la CMP. Aujourd’hui, beaucoup de maires nous font part de leur sentiment négatif sur ce texte.
M. Daniel Raoul, corapporteur. Tu parles !
M. Vincent Delahaye. J’ai l’impression que vous ne croyez pas en leur bonne volonté de servir l’intérêt général. J’ai l’impression que vous voulez les dessaisir d’un des trop rares leviers qui donne de l’intérêt à l’engagement municipal.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. « Un des trop rares leviers » ! Vous allez les motiver en disant cela !
M. Vincent Delahaye. Comme je vous l’ai dit, nous avons fait du caractère obligatoire du transfert un point de blocage. Je pense que la solution trouvée est un mécanisme bloquant qui dénote un manque de confiance envers les élus.
Avant de conclure, j’aimerais relayer les craintes qu’avait exprimées mon collègue Daniel Dubois en ouvrant ce débat il y a quelques mois, concernant les véritables enjeux de la politique du logement, à savoir la construction et la rénovation de logements.
Je crains que, dans ce domaine, comme dans d’autres, le Gouvernement ne soit en échec et ne tienne pas les promesses faites aux Français.
Le Président de la République s’est engagé dans la construction de 500 000 logements neufs chaque année, dont 150 000 logements sociaux.
Les résultats ne sont pas là. Pour 2013, nous peinerons à atteindre les 330 000 logements neufs. Pis encore, le pourcentage de permis pour les constructions neuves est en chute de 15,4% ; c'est dire si les années 2014 et 2015 ne seront pas meilleures.
Nous pensons qu’il faut réagir, et vite. Malheureusement le texte proposé est loin de répondre à ces problématiques.
En conclusion, nous aurions besoin de moins de textes, d’une vraie simplification, de faire confiance aux acteurs économiques, de les encourager. Or votre projet de loi, « monstrueux » par sa taille, ne répond absolument pas à tous ces objectifs. La très grande majorité du groupe UDI-UC votera donc contre ce texte. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Sans blague !
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, que dire de plus sur ce projet de loi, après toutes ces heures de débats, passionnées et passionnantes ?
M. Jean-Jacques Mirassou. Et passionnelles !
Mme Mireille Schurch. Il faut dire que nous abordons ici une question majeure, celle du mal-logement et des politiques à mettre en œuvre pour relever ce défi.
Les chiffres les plus récents ont été rendus publics le 1er février dernier dans le dix-neuvième rapport de la Fondation Abbé Pierre. Ils restent alarmants : 3,5 millions de personnes non ou mal logés, 5 millions de personnes en fragilité par rapport au logement ; au début de l’année 2012, 141 500 personnes étaient « sans domicile », soit une progression de 44 % par rapport à l’enquête de 2001.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes, la situation s’est encore aggravée : il y a donc une urgence à agir.
Dix années de droite au pouvoir ont fini d’offrir en pâture le droit au logement aux intérêts privés (M. Gérard César s’exclame.), d’autant plus fondés à intervenir que l’État s’est massivement désengagé.
Cette loi était attendue et nécessaire.
Nous avons, depuis le début, proposé des pistes de réflexion et des mesures urgentes pour contribuer à faire de ce texte une loi utile et efficace.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, je voudrais évoquer la méthode. Convenons ensemble de l’intérêt de la procédure parlementaire dite « normale » permettant deux lectures dans chaque chambre. Ce temps parlementaire est nécessaire.
M. Claude Dilain, corapporteur. Tout à fait !
Mme Mireille Schurch. Pourtant, si les délais ont été satisfaisants lors de l’examen en première lecture, les conditions de la deuxième lecture comme de la réunion de la commission mixte paritaire nous laissent un goût amer.
En effet, les délais d’examen ont été extrêmement rapprochés, a fortiori pour un texte de cette ampleur, ce qui ne nous a pas permis de travailler dans de bonnes conditions. Pis, pour la réunion de la commission mixte paritaire, nous avons appris seulement une heure avant sa tenue que, concernant les titres III et IV, nous partirions du texte de l’Assemblée nationale.
Une telle démarche a eu une conséquence fâcheuse, celle de faire « sauter » les amendements que nous avions fait adopter ici même en deuxième lecture concernant le rétablissement du coefficient d’occupation des sols ou supprimant le rattachement obligatoire des offices publics de l’habitat à l’échelle intercommunale.
Nous déplorons donc cette façon de faire. Je veux bien admettre qu’il n’existe aucune règle écrite en la matière mais, par ces procédés, il n’a été fait preuve d’aucun respect, même le plus élémentaire, à l’égard du travail parlementaire, qui a ainsi été bafoué.
Sur le fond, ce projet de loi a évolué de manière positive.
Sera-t-il, pour autant, suffisant ? Nous ne le croyons pas. Nous souhaitions notamment une remise en cause plus importante de la loi Boutin, qui a été le point d’orgue de la politique de marchandisation entamant la mise à mort du logement social dans sa dimension généraliste.
En encadrant les loyers, ce projet de loi envoie un signe fort qui témoigne d’une volonté de régulation de l’État inédite depuis de très nombreuses années. C’est positif.
Cependant, nous regrettons que vous ayez fait le choix, confirmé par la majorité parlementaire, de partir de l’état actuel du marché immobilier en définissant le loyer de référence au niveau médian et non au niveau du prêt locatif social, comme nous l’avions proposé. Un tel dispositif ne permettra donc pas de faire baisser les prix des loyers, sauf de ceux qui sont déjà aujourd’hui les plus élevés.
Il aurait pourtant fallu viser deux objectifs complémentaires : l’encadrement et la baisse des loyers.
S’agissant de la garantie universelle des loyers, nous nous félicitons de ce premier pas vers ce que nous appelons la « sécurité sociale du logement ».
Il aura fallu ces deux lectures pour aboutir à un dispositif opérant. Coquille vide en première lecture, nous avons aujourd'hui un cadre intéressant.
Pour notre part, nous estimons avoir contribué significativement à rééquilibrer ce dispositif, initialement favorable aux seuls bailleurs, en donnant capacité à la GUL d’effacer les dettes de loyers pour des locataires plongés brusquement dans des situations très difficiles. Nous n’avons jamais parlé ici des locataires de mauvaise foi, et nous vous remercions particulièrement, monsieur Dilain, d’avoir soutenu cette avancée auprès de nos collègues députés.
Sur le fond, demeure le caractère non obligatoire de la GUL et sa limitation au parc privé locatif. Nous prenons donc ce dispositif comme un premier pas nous encourageant à poursuivre cette démarche afin de construire réellement une sécurité sociale du logement, à laquelle nos concitoyens ont droit.
Si ce projet de loi marque un tournant par rapport aux politiques précédentes, nous le jugeons néanmoins insuffisamment ambitieux. De l’État régulateur, nous souhaitons aller vers l’affirmation d’un État acteur, c'est-à-dire qui s’engage directement dans la construction, par le rehaussement des aides à la pierre, levier prioritaire pour répondre à la crise du logement.
Sur la partie urbanisme, tout d’abord, nous refusons toujours que la présence de l’État auprès des communes diminue.
La révision générale des politiques publiques, ou RGPP, devenue la modernisation de l’action publique, ou MAP, aura des conséquences terribles sur l’égalité des territoires, tout comme la baisse des dotations aux collectivités. D’ailleurs, il est incompréhensible d’affirmer vouloir lutter contre l’artificialisation des sols et, en même temps, priver les territoires de l’assistance technique de l’État pour l’instruction des permis de construire.
Nous avons par ailleurs souffert de l’examen concomitant d’ALUR avec la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles.
En effet, les transferts de compétence prévus par la loi ALUR ne peuvent se comprendre en dehors de la volonté de concentration des pouvoirs au niveau intercommunal ou métropolitain qui transparaît dans tous les textes de loi.
Il y a donc une cohérence gouvernementale entre tous ces projets de loi, dont nous ne partageons pas les tenants.
Cette cohérence gouvernementale s’est illustrée sur la question du PLUI, qui prévoyait au départ le transfert automatique de la compétence PLU aux intercommunalités.
Nous soutenons, vous le savez, le compromis porté par le Sénat permettant de rendre leur voix aux communes et nous remercions la constance du rapporteur Claude Bérit-Débat au cours des débats souvent tendus qui ont eu lieu sur ce sujet.
Ainsi, la minorité de blocage instituée permet le respect des libertés communales en obligeant à une majorité de projet, ce qui nous semble plus conforme à la vision que nous portons de la construction intercommunale, reposant non seulement sur le libre consentement mais également sur les principes de coopération plutôt que de soumission.
Nous soutenons ce compromis pour affirmer le nécessaire respect des élus locaux, auxquels il faudra, un jour, cesser de faire porter le chapeau de tous les maux dont souffre l’aménagement du territoire.
Ces élus sont, bien au contraire, les chevilles ouvrières de la cohésion nationale et sociale dans notre pays. Ils sont, de par leur proximité avec les habitants, le cœur vivant de notre République.
Ce projet de loi traduit un changement de ton et apporte des avancées. C'est la raison pour laquelle notre groupe votera les conclusions de la CMP.
Je terminerai mon propos en remerciant de nouveau les deux rapporteurs de leur écoute. Nos propositions ont été comprises et, pour certaines d’entre elles, entendues. Je salue également Mme la ministre, qui a su écouter, comprendre et soutenir la voix du Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)