M. Michel Sapin, ministre. Ces amendements, dont j’ai annoncé le dépôt hier soir, et qui me paraissent susceptibles de faire consensus, ont tous le même objectif : finaliser le nouveau dispositif de mise en situation en milieu professionnel, qui est une des composantes de la réforme de l’insertion par l’activité économique, même s’il s’adresse plus largement à d’autres publics en insertion.
Les périodes de mise en situation doivent permettre à une personne engagée dans un parcours d’insertion de se confronter, sur une période courte, à des situations réelles de travail pour découvrir un métier ou un secteur d’activité, confirmer un projet professionnel, faire émerger de nouvelles compétences ou engager une démarche de recrutement.
Les dispositions de l’article 10 du projet de loi ont pour objet d’harmoniser le cadre juridique applicable et d’étendre cette possibilité à toutes les personnes faisant l’objet d’un suivi dans leur parcours d’insertion.
Les travaux conduits avec les partenaires concernés sur cet environnement législatif se sont poursuivis jusqu’à très récemment – Mme Demontès en sait quelque chose ! –, ce qui explique le dépôt un peu tardif de ces amendements.
L’amendement n° 397 fait suite à des échanges que nous avions eus à l’Assemblée nationale pour ouvrir la possibilité de prescription de périodes de mise en situation professionnelle non seulement aux acteurs du service public de l’emploi et aux structures d’insertion par l’activité économique, mais aussi à d’autres organismes et employeurs ayant signé une convention avec Pôle emploi, Cap emploi ou les missions locales. Sont notamment visées les structures d’insertion de travailleurs handicapés.
L’amendement n° 395 tend à préciser que le bénéficiaire de la période conserve son statut pendant ladite période.
L’amendement n° 387 vise, quant à lui, à préciser les droits ouverts au bénéficiaire de la période de mise en situation dans la structure d’accueil et à son retour, à l’issue de la période.
Les amendements nos 388 à 394 sont davantage rédactionnels et ont pour objet de simplifier et d’améliorer la rédaction du texte sur les modalités de mobilisation des périodes de mise en situation, qui n’impliqueront plus un avenant au contrat de travail lorsque le bénéficiaire est salarié. Ils tendent à adapter la rédaction à toutes les situations dans le code du travail, d’où la multiplicité d’amendements ayant le même contenu.
Monsieur le président, je présenterai également d’ores et déjà l’amendement n° 396, qui est détaché de cette série puisqu’il se place à la fin de l’article 10. Il vise à assurer la couverture sociale « accidents du travail et maladies professionnelles » aux bénéficiaires non-salariés des périodes de mise en situation, notamment les publics des missions locales et de Cap emploi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur de la commission des affaires sociales. Ces amendements ont en commun deux objectifs, s’agissant de la mise en situation professionnelle.
Le premier objectif est la simplification et l’harmonisation des procédures au regard du code du travail actuel. De ce point de vue, il faut saluer le travail accompli.
Le second objectif est de consolider les droits des travailleurs ou des demandeurs en les explicitant.
Pour toutes ces raisons, la commission, après un travail approfondi, a émis un avis favorable sur l’ensemble des amendements à l’article 10 déposés par le Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Ces amendements portant sur la prescription de périodes d’immersion sont effectivement très intéressants, mais ils appellent quelques explications.
En permettant de replacer la personne dans le dispositif ô combien compliqué de l’orientation et de la formation, ils constituent une avancée incontestable.
Cependant, je me pose tout d’abord la question de savoir si ces mesures concerneront les bénéficiaires du RSA – revenu social d’activité – lorsqu’ils se trouvent dans des périodes d’insertion professionnelle, au même titre que les bénéficiaires d’un contrat CIVIS – contrat d’insertion dans la vie sociale –, puisqu’il m’a été répondu en commission que ces derniers étaient éligibles à ce dispositif. De toute façon, la complexité du système se retrouvera après, dans le calcul de l’indemnité du RSA, car cette allocation subsidiaire nécessitera, chaque fois, un calcul. L’affaire sera donc compliquée, malgré le souci de clarification avancé par M. le ministre.
Ensuite, je m’interroge au sujet des ESAT – établissements et services d’aide par le travail –, qui interviennent dans le domaine de l’emploi protégé. Monsieur le ministre, pourquoi envisagez-vous le transfert de la gestion des ESAT aux conseils généraux dans un autre projet de loi ? On voit bien la place de ces structures dans une politique de la formation et de l’emploi. Il s’agit certes d’insertion, mais d’insertion véritablement professionnelle dans des emplois protégés.
Or je ne vois pas quelle valeur ajoutée peut apporter un transfert de leur gestion aux conseils généraux. En effet, force est de constater, en comparant les politiques d’insertion, avec leurs différentes allocations de solidarité, qu’il n’y a aucun intérêt à ce que les conseils généraux soient les collectivités en charge de la rémunération des bénéficiaires du RSA.
Monsieur le ministre, je sais que vous êtes dans une phase de réflexion quant au rapprochement entre la PPE – prime pour l’emploi – et le RSA. À mon sens, il faudrait envisager de recentraliser la rémunération des bénéficiaires du RSA, puisque l’allocation aux adultes handicapés, la PPE, l’allocation de solidarité spécifique, sont, elles, versées par l’État, au contraire du RSA, qui reste à la charge des conseils généraux. Une telle mesure permettrait à ceux-ci de se consacrer à leur mission d’insertion sociale et socio-professionnelle, les régions étant en charge des missions de formation.
Monsieur le ministre, il me semble que ces deux questions précises mériteraient des réponses de votre part à l’occasion de la discussion de ces amendements.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Avant de laisser le soin à M. le ministre d’apporter des réponses aux questions de notre collègue René-Paul Savary, je veux simplement, pour éclairer le débat, reprendre ici les éléments que j’ai livrés tout à l’heure en commission.
J’ai indiqué qu’il était possible aujourd’hui à un allocataire du RSA – je parle sous le contrôle de M. le ministre – de suivre une formation, dès lors que celle-ci ne donnait pas lieu à rémunération. En revanche, sauf erreur de ma part, il n’est pas possible de cumuler un statut d’allocataire du RSA et un statut de stagiaire de la formation professionnelle auquel serait rattachée une rémunération.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre. Sur ce dernier sujet, qui est directement lié aux amendements, je confirme en tout point ce qui vient d’être dit par M. le rapporteur.
Quant aux questions que vous m’avez posées, monsieur Savary, elles se situent en fait à la marge de ce projet de loi, et même plutôt à sa marge extérieure (Sourires.), puisque d’autres textes, en cours d’élaboration ou à venir, sont en cause.
S’agissant de l’éventuelle décentralisation des ESAT, le débat aura lieu à son heure. Mme Touraine réfléchissant actuellement à ce sujet, j’aurais plutôt tendance à vous renvoyer vers elle, mais, si vous le souhaitez, je peux faire office de truchement entre elle et vous.
Vous posez par ailleurs la question de la cohérence entre le RSA et la PPE. Vous le savez, nous avons lancé une réflexion sur ce sujet, afin de rendre le parcours plus cohérent. On peut même remonter plus loin : l’UNEDIC, puis l’allocation de solidarité spécifique, puis le RSA et la PPE. C’est sur ce cheminement complet que nous sommes en train de travailler, à la fois pour constituer un ensemble cohérent et nous interroger sur les mécanismes de financement, puisqu’ils sont tous différents, vous le savez.
Au fond, toutes ces aides entrent dans la grande famille des dépenses publiques. Il importe donc de réfléchir à la cohérence de l’ensemble du dispositif, dans la perspective de la maîtrise des dépenses publiques, voire de leur réduction.
M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès, pour explication de vote.
Mme Christiane Demontès. L’adoption de ces amendements va permettre de traduire en partie dans la loi la réforme de l’insertion par l’activité économique, l’IAE, afin de rendre celle-ci plus lisible, dans un objectif de simplification et de sécurisation des structures. On ne peut que s’en réjouir.
Ces amendements visent quatre objectifs que je veux rappeler à mon tour.
Ils traitent globalement des périodes de mise en situation en milieu professionnel, ce que les élus qui suivent ces questions connaissent sous différents noms : évaluation en milieu de travail, immersion, etc. Le premier objectif est d’ouvrir ces périodes à tous les publics en insertion sociale et professionnelle, qu’il s’agisse des jeunes suivis par les missions locales, des handicapés suivis par Cap emploi, des publics suivis par Pôle emploi, mais aussi des salariés de l’insertion par l’activité économique.
Le deuxième objectif est la consolidation juridique du statut de l’ensemble des publics en mise en situation professionnelle. Aujourd’hui, certaines des personnes concernées n’ont pas de statut lorsqu’elles sont en entreprise.
Le troisième objectif est de permettre aux salariés de l’insertion par l’activité économique de conserver leur contrat de travail, alors que, jusqu’à présent, ce dernier était suspendu, avec tous les risques que cela comportait.
Enfin, le dernier objectif est de garantir aux salariés en insertion qu’ils retrouveront naturellement leur place dans la structure de l’insertion par l’activité économique si l’entreprise dans laquelle ils sont mis en situation ne les recrute pas à l’issue de la période de mise en situation.
Ces amendements sont donc vraiment importants, car ils permettent de clarifier davantage la situation des publics concernés. Ils ont, bien sûr, fait l’objet de discussions avec l’ensemble des structures et des réseaux de l’IAE, mais aussi avec l’ensemble du service public de l’emploi.
M. le président. L’amendement n° 125 rectifié, présenté par M. Cardoux, Mmes Boog, Bouchart, Bruguière et Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Milon et Pinton, Mme Procaccia et MM. Savary, Charon, Reichardt et Mayet, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 78
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - L’article 24 de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, l’année : « 2014 » est remplacée par l’année : « 2015 » ;
2° Au dernier alinéa, la date : « 31 décembre 2014 » est remplacée par la date : « 30 juin 2016 ».
La parole est à M. Jean-Noël Cardoux.
M. Jean-Noël Cardoux. Cet amendement vise à allonger la durée de l’expérimentation relative aux contrats de travail intermittents, elle-même prévue par la loi relative à la sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013, pour une période de douze mois supplémentaires, donc jusqu’au 31 décembre 2015.
Remarquons que, si la loi précitée prévoit une expérimentation courant jusqu’au 31 décembre 2014, l’ANI, qui a servi de fondement à ce texte, avait envisagé une période d’expérimentation de trois ans.
Les trois secteurs concernés par l’expérimentation des contrats de travail à durée indéterminée intermittents sont les organismes de formation, les commerces d’articles de sport et d’équipements de loisirs et les détaillants de confiserie, chocolaterie et biscuiterie.
Il serait souhaitable que cette expérimentation soit prolongée, tout d’abord parce que son démarrage a été tardif – les premiers contrats ont été conclus à la fin de 2013, ce qui équivaut au temps d’appropriation par les entreprises de moins de cinquante salariés concernées ; depuis le mois de janvier dernier, on observe une montée en puissance du dispositif.
De plus, cette prolongation permettrait de prendre en compte la spécificité de ce contrat organisé juridiquement et techniquement par période annuelle et généralement sur l’année civile. Ainsi, en l’état actuel de la législation, au 31 décembre 2014, très peu de contrats arriveront à échéance, uniquement ceux qui ont été signés à la fin de 2013 ; il sera donc difficile de les évaluer.
En raison des difficultés techniques d’évaluation de l’efficacité de cette réforme, d’une part, et pour revenir à l’esprit de l’ANI, d’autre part, il serait souhaitable d’inclure dans le présent projet de loi une prorogation de cette expérimentation et de remplacer la date initialement prévue du 31 décembre 2014 par celle du 30 juin 2016.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Jeannerot, rapporteur. M. Cardoux l’a évoqué, la question des contrats de travail intermittents doit vous rappeler des souvenirs, mes chers collègues ! Elle a en effet été largement abordée dans le cadre de l’examen de la loi relative à la sécurisation de l’emploi, au mois de juin 2013. L’expérimentation relative à ces contrats doit s’achever le 31 décembre 2014.
À titre personnel, je considère qu’il est prématuré de réfléchir à un éventuel allongement de la durée de cette expérimentation. Néanmoins, la majorité de la commission s’est prononcée en sens contraire, émettant un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Monsieur Cardoux, je comprends tout à fait votre préoccupation, mais il me semble vraiment prématuré d’envisager la prolongation d’une expérimentation qui prendra fin, vous le savez, le 31 décembre 2014.
Aucun élément d’évaluation précis n’étaye votre demande. En fait, elle reflète plutôt une forme de crainte, infondée selon moi.
Évidemment, nous étudierons les éléments de bilan produits par les branches concernées qui, comme vous le savez, sont extrêmement importantes. Il s’agit, tout d’abord, des instituts de formation – nous ne cessons d’en parler, y compris pour nous demander combien d’équivalents temps plein travaillé y sont employés. Il s’agit ensuite d’un secteur auquel vous êtes très attachés, mesdames, messieurs les sénateurs, tout comme moi, bien sûr, à savoir les commerces d’articles de sport. Enfin, je n’oublierai pas de mentionner la branche de la chocolaterie, peut-être plus consensuelle encore !
Avant d’envisager un allongement de l’expérimentation en lien avec les partenaires sociaux signataires de l’ANI sur la sécurisation de l’emploi, je préfère laisser se poursuivre les négociations. Si jamais il s’avérait nécessaire d’accorder une prolongation, je tiens à vous rassurer, monsieur Cardoux : nous en reparlerions, afin que le chocolat puisse continuer à être produit dans de bonnes conditions !
C’est la raison pour laquelle je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, au nom de la qualité du chocolat, faute de quoi je serai obligé d’émettre un avis défavorable.
Mme Catherine Procaccia. C’est une menace !
M. le président. L’amendement n° 371, présenté par M. Jeannerot, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 79
Après le mot :
travail
insérer les mots :
et au sixième alinéa de l’article L. 114-16-2 du code de la sécurité sociale
La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Jeannerot, rapporteur. Il s’agit d’un simple amendement de coordination.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 43 est présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud, M. Placé et les membres du groupe écologiste.
L’amendement n° 217 est présenté par Mmes Cohen et David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 80
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l’amendement n° 43.
M. Jean Desessard. L’alinéa 80 permet de repousser les échéances. En effet, lors de la discussion de la loi relative à la sécurisation de l’emploi, il avait été décidé que la durée minimale hebdomadaire de travail des salariés à temps partiel était de vingt-quatre heures, sauf dans certaines branches qui avaient l’habitude de pratiquer une durée hebdomadaire inférieure. Une négociation devait donc être mise en place, par branche, pour déterminer le temps partiel minimal autorisé.
Le présent amendement vise à supprimer l’alinéa 80, et je dois avouer qu’il me met dans l’embarras.
D’une part, si on ne supprime pas cet alinéa, on repousse la mise en œuvre de cette durée hebdomadaire minimale jusqu’au 30 juin 2014 et la suspension de la mesure prend effet à compter du 22 janvier 2014. Or nous sommes le 20 février de cette même année… La situation me paraît un peu bizarre, mais M. le ministre va certainement m’expliquer de façon sensée, habile et intelligente la raison de la fixation de cette date, celle-ci étant déjà dépassée alors que la loi n’est pas encore votée.
D’autre part, si je comprends très bien la nécessité de poursuivre les négociations par branche, je me demande pourquoi les partenaires sociaux ont rencontré des difficultés. M. le ministre pourra certainement nous indiquer les raisons pour lesquelles des accords n’ont pas pu être conclus dans le délai initialement imparti.
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour présenter l’amendement n° 217.
M. Dominique Watrin. Je ne souscris pas entièrement aux explications de notre collègue. Il faut quand même rappeler que cette durée de travail hebdomadaire minimale de vingt-quatre heures avait été présentée par le Gouvernement comme une mesure phare particulièrement positive.
Pour autant, force est de constater que le dispositif initial était déjà fortement limité, ce que nous n’avions pas manqué de souligner à l’époque, en rappelant que cette disposition ne s’applique ni aux salariés âgés de moins de vingt-six ans qui poursuivent leurs études ni aux salariés inscrits dans un parcours d’insertion.
Comme l’a rappelé notre collègue Desessard, le principe est de surcroît assorti d’une dérogation : une durée inférieure à vingt-quatre heures peut être prévue par convention individuelle ou par accord de branche étendu s’il comporte des garanties quant à la mise en œuvre d’horaires réguliers ou permet au salarié de cumuler plusieurs activités. On voit donc la limite du texte initial. Il faut aussi rappeler que cette disposition n’était censée s’appliquer qu’aux contrats futurs et ne créait pas de droits immédiats pour les salariés en place.
Cette question est éminemment politique ; je dirais même qu’il s’agit d’un choix de société. Pourquoi les revenus financiers continueraient-ils à exploser, alors que, dans notre pays pourtant si riche, les travailleurs précaires – des femmes à plus de 80 % – seraient de plus en plus précaires ?
J’ai entendu hier notre collègue Isabelle Debré dire que la durée minimale hebdomadaire de vingt-quatre heures était inapplicable dans certaines branches. Je m’inscris en faux contre ce postulat. J’ai pu constater, dans le cadre de la mission que je mène avec Jean-Marie Vanlerenberghe, que des associations d’aide à domicile ou des centres communaux d’action sociale mettent en place cette durée minimale, y compris dans le domaine du service à la personne. Il faut le souligner.
En revanche, il est vrai que le passage à ce système plus protecteur pour les salariés a un coût. La question est donc politique : assume-t-on ce coût ou non ?
En fait, deux problèmes se posent.
J’évoquerai, tout d’abord, la précarité des salariés travaillant dans le secteur de l’aide à la personne. Souvent recrutés à faible niveau de qualification, ils sont confrontés à différentes difficultés : ils accomplissent leur métier auprès de personnes fragiles, connaissent de grandes amplitudes horaires – jusqu’à treize heures par jour –, travaillent le week-end, perçoivent des rémunérations inférieures à la base du SMIC – la valeur du point n’a pas été revalorisée depuis 2009 –, subissent des temps partiels quasi généralisés, alors que plus de 40 % d’entre eux voudraient travailler davantage, ne sont pas dédommagés pour leurs frais professionnels, par exemple, pour l’utilisation de leur véhicule personnel. Or l’État est le plus souvent responsable de cette situation, car c’est lui qui tire les cordons de la bourse et fixe les taux d’évolution annuelle des rémunérations des frais de déplacement. Et les 30 millions d’euros prévus dans le cadre du projet de loi pour l’adaptation de la société au vieillissement destinés à améliorer la situation de ces salariés sont une goutte d’eau par rapport aux besoins !
Nous pensons, pour notre part, qu’il n’est pas possible d’en rester là.
J’en viens maintenant aux effets négatifs de cette précarisation du travail dans un secteur qui a pourtant besoin d’attirer mais dans lequel on constate un turn over qui tire la qualité du service rendu vers le bas.
Ce qu’il faut, c’est une volonté politique pour combattre la précarité. Or ce report de six mois est un très mauvais signal adressé à cette profession comme à d’autres, monsieur le ministre. C’est pourquoi nous avons déposé cet amendement de suppression.
M. le président. L'amendement n° 124 rectifié, présenté par M. Cardoux, Mmes Boog, Bouchart, Bruguière et Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Milon et Pinton, Mme Procaccia, MM. Savary, Charon, Reichardt, Mayet, Retailleau, Magras, Revet, Marini et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 80
Remplacer la date :
30 juin 2014
par la date :
31 décembre 2014
II. - Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Les partenaires sociaux engagent avant le 30 juin 2014 une négociation nationale interprofessionnelle relative à la durée minimale de travail et aux difficultés d'application de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi.
La parole est à Mme Isabelle Debré.
Mme Isabelle Debré. L’article 10 prévoit une suspension des nouvelles dispositions relatives au temps partiel jusqu’au 30 juin 2014.
Le délai laissé aux partenaires sociaux pour négocier les modalités d’organisation du temps partiel dans les branches concernées nous semble trop bref. L’étude d’impact du projet de loi note en effet qu’une trentaine de branches ont entamé des négociations depuis la promulgation de la loi relative à la sécurisation de l’emploi mais que, dans près d’un cas sur deux, les partenaires sociaux ne sont pas parvenus à un accord au 1e janvier dernier.
J’ajoute que les secteurs d’activité confrontés à ces difficultés pour conclure un accord sont ceux dans lesquels le recours au travail à temps partiel est important et justifié, mon cher collègue Dominique Watrin, par la nature même des interventions des salariés et des modalités d’exercice de leur activité.
Nous ne réglerons pas en six mois les très lourdes contraintes que font peser sur ces secteurs d’activité les nouvelles dispositions relatives au temps partiel. C’est la raison pour laquelle nous proposons, par le biais de cet amendement, de laisser six mois supplémentaires aux partenaires sociaux afin qu’ils négocient dans la sérénité des accords de branche qui satisfassent à la fois les entreprises concernées et leurs salariés.
Je persiste et signe, même si la nuit dernière Mme Demontès m’a fait remarquer qu’elle préférait entendre mon propos que d’être sourde : les deux tiers des presque 4,2 millions de salariés travaillant à temps partiel en France ont choisi ce temps partiel…
Mme Laurence Cohen. Nous ne sommes toujours pas d’accord !
Mme Christiane Demontès. Nous non plus !
Mme Isabelle Debré. Ce n’est pas moi qui le dis ! Ce constat résulte d’une étude de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques – la DARES –, du mois de juin 2013. Je ne pense pas que l’on puisse accuser la DARES de politisation ou de faux !
Je rappelle aussi les raisons que donne la DARES. Selon cette même étude, les hommes déclarent travailler à temps partiel la plupart du temps pour exercer une autre activité professionnelle, pour suivre une formation ou des études, ou encore pour raisons de santé. Comme je l’ai déjà dit, la motivation des femmes est plus souvent d’ordre familial.
Monsieur le ministre, tout réglementer ne fait pas forcément le bien de tous nos concitoyens !
M. le président. L'amendement n° 123 rectifié bis, présenté par MM. Cardoux et Carle, Mmes Boog, Bouchart, Bruguière et Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Milon et Pinton, Mme Procaccia, MM. Savary, Reichardt, Mayet et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Alinéa 80
Remplacer la date :
22 janvier 2014
par la date :
1er janvier 2014
La parole est à Mme Isabelle Debré.
Mme Isabelle Debré. L’article 10 suspend jusqu’au 30 juin 2014 l’application des nouvelles dispositions relatives au temps partiel introduites par la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi.
Le Gouvernement a décidé que cette suspension prendrait effet à compter du 22 janvier 2014, c’est-à-dire à la date à laquelle le conseil des ministres a délibéré sur le projet de loi que nous examinons.
Peut-être y a-t-il une raison juridique à cela, et, monsieur le ministre, je vous écouterai avec attention nous l’exposer. Quoi qu’il en soit, cette décision ne nous semble pas aller dans le sens d’une parfaite clarté de la règle de droit. Nous considérons, surtout, qu’elle crée une insécurité juridique pour les contrats de travail à temps partiel conclus entre le 1er et le 22 janvier 2014. Autrement dit, il y aurait une différence de traitement entre les salariés selon qu’ils ont signé un contrat de travail avant le 1er janvier, entre le 1er et le 22 janvier, ou après le 30 juin.
Nous proposons donc que la date d’effet de la suspension des dispositions relatives au temps partiel contenues dans la loi précitée soit le 1er janvier 2014, afin de lever tous ces insécurités juridiques et cette iniquité pour les salariés.