M. le président. La parole est à M. Yvon Collin, pour le groupe du RDSE.
M. Yvon Collin. Monsieur le Premier ministre, dans votre discours d’hier après-midi devant le Sénat, vous avez insisté sur la participation essentielle des collectivités territoriales au redressement de notre pays. Vous êtes revenu sur vos annonces de la veille devant l’Assemblée nationale et sur ce qui doit être, selon vos propres mots, une « réforme territoriale ambitieuse » – nous sommes d'accord –, confortant ainsi au passage le Sénat dans sa mission constitutionnelle de représentant des collectivités territoriales, ce dont nous nous félicitons.
Vous avez évoqué hier quatre enjeux : fusion des régions pour le 1er janvier 2017, nouvelle carte intercommunale pour le 1er janvier 2018, suppression de la clause de compétence générale et rien de moins que la suppression des conseils généraux, rebaptisés voilà peu conseils départementaux. Aussi, sur ces quatre sujets, nous ne doutons pas que le Sénat, le moment venu, participera très activement au débat, l’enrichira fortement de son expertise et saura faire entendre sa voix. Le président de notre groupe, Jacques Mézard, a exprimé hier la position et les réserves du RDSE sur cette réforme.
Dans l’attente de ce grand débat, ma question portera davantage sur une mesure financière annoncée devant les députés mardi, mais sur laquelle vous n’êtes pas revenu hier devant la Haute Assemblée : la contribution des collectivités territoriales au plan d’économies par une réduction de 10 milliards d’euros d’ici à 2017 de l’ensemble des dotations versées par l’État.
Monsieur le Premier ministre, cette baisse globale des dotations n’aura de sens et ne pourra être acceptée par les élus que si elle se fait dans la transparence et selon de justes critères de répartition des efforts entre les différentes collectivités.
M. Charles Revet. C’est vrai !
M. Yvon Collin. Lorsqu’il s’agit de 10 milliards d’euros de dotation en moins, il ne serait pas acceptable de faire peser la charge des économies en fonction de critères périmés qui ne peuvent qu’accentuer les inégalités et les déséquilibres entre collectivités riches et pauvres ; Neuilly et Paris, nous le savons, ont d’autres marges de manœuvre que nombre de villes et d’agglomérations moyennes. Une telle diminution des ressources ne peut et ne doit être envisagée et réalisée que par une nouvelle politique de péréquation.
Monsieur le Premier ministre, vous comprendrez que de nombreuses collectivités s’inquiètent et souhaitent obtenir des éclaircissements à la fois sur le calendrier et sur les critères de cette baisse massive. Que pouvez-vous nous dire ? Entendez-vous associer pleinement le Parlement, en particulier le Sénat, dès la définition même de ces critères ? (Applaudissements sur les travées du RDSE. – M. Aymeri de Montesquiou applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je réponds à M. Collin, mais, rassurez-vous – ou inquiétez-vous –, je ne répondrai pas à toutes les questions.
M. Roger Karoutchi. Mais si ! Mais si ! (Sourires.)
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur Karoutchi, je reconnais bien là votre générosité naturelle (Nouveaux sourires.), mais il y a un gouvernement. Je suis d’ailleurs heureux que ses membres soient en grande partie présents. Je pense notamment aux secrétaires d’État, qui ont été nommés hier. Je veux saluer en votre nom Jean-Marie Le Guen, qui sera désormais votre « secrétaire d’État permanent ».
M. Roger Karoutchi. Quel cadeau !
M. Manuel Valls, Premier ministre. En effet, c’est lui qui est chargé des relations avec le Parlement. Comme il était député, il apprendra à connaître le Sénat.
M. Jean-Pierre Sueur. Il faut lui apprendre !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Je ne doute pas que vous lui apprendrez, avec la générosité qui est la vôtre. (Exclamations amusées.)
Monsieur Collin, je me suis effectivement exprimé hier. Je vous réponds, car je sais votre groupe, qui s’est exprimé par la voix du sénateur Jacques Mézard, très attentif à toutes ces questions. Oui, nous aurons l’occasion de revenir devant le Sénat sur les différentes étapes de la réforme !
Dans le même temps, et je le souligne à nouveau – Michel Sapin, qui n’est pas ici puisqu’il est à Washington, aurait également insisté sur ce point –, nous devons réaliser un certain nombre d’économies. Elles ne peuvent pas être aveugles. J’ai indiqué précisément quelles étaient les grandes masses hier. Je l’ai fait à l’Assemblée nationale, ainsi, bien entendu, qu’au Sénat.
Les collectivités territoriales devront participer de cet effort autour de 10 milliards d’euros. Pour cela, nous devons nous appuyer sur des instruments. Nous aurons des propositions qui nous seront faites, notamment grâce à la mission confiée à MM. Malvy et Lambert. Là aussi, cela signifie bien qu’il ne faudra pas procéder de manière aveugle, absurde, et qu’il faudra faire très attention aux conséquences de telles économies.
Pour une petite ville, pour une ville moyenne, pour un conseil général qui a déjà un certain nombre de difficultés, certaines coupes budgétaires, si elles passent de manière brutale, peuvent effectivement amputer l’action publique.
Nous connaissons les difficultés que rencontrent les collectivités territoriales. Elles aussi subissent les conséquences de la crise. Oui, nous serons donc attentifs à la mise en œuvre des mesures !
Mais, je le répète, ces économies sont indispensables. Il ne s’agit pas uniquement de nous conformer à nos engagements européens. C’est aussi afin de gagner des marges supplémentaires pour l’investissement, pour la compétitivité des entreprises, pour l’emploi et pour le financement du pacte de responsabilité et de solidarité annoncé par le Président de la République – je l’ai détaillé – que nous avons besoin de faire ces économies. Il faut les faire intelligemment. Nous y associerons bien évidemment les élus. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour le groupe UMP. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Isabelle Debré. Monsieur le Premier ministre, ma question s’adresse à Mme Marylise Lebranchu, votre ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique, sauf si vous souhaitez me répondre directement…
M. Roger Karoutchi. Il ne peut pas tout faire ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Mme Isabelle Debré. Dans votre discours de politique générale, vous nous avez indiqué que vous nous proposeriez une nouvelle réforme territoriale portant notamment sur l’intercommunalité. Or une loi créant un nouvel échelon territorial, celui des métropoles, a été promulguée récemment.
Après les élections municipales qui viennent de se dérouler, le paysage politique de nos villes s’est profondément modifié, notamment en Île-de France.
M. Christian Cambon. Très bien !
M. Didier Guillaume. Ce n’est pas le cas à Paris !
Mme Isabelle Debré. Durant leur campagne, de nombreux candidats élus aujourd’hui à la tête des communes de la petite couronne parisienne ont exprimé leur inquiétude au sujet de la métropole du Grand Paris, non seulement parce qu’elle supprime les intercommunalités existantes au profit d’une immense structure, par essence technocratique, très éloignée des réalités locales,…
M. Roger Karoutchi. Eh oui !
Mme Isabelle Debré. … mais aussi parce qu’elle les prive de leurs compétences notamment en matière d’urbanisme, de développement économique et d’aménagement urbain.
Votre annonce d’une nouvelle carte intercommunale fondée sur les bassins de vie à l’horizon de 2018 suscite aussi l’interrogation des élus d’Île-de-France appelés à siéger au sein de cette métropole.
Que va-t-il advenir des métropoles récemment créées, en particulier celle du Grand Paris, qui, je le rappelle, doit être opérationnelle à partir du 1er janvier 2016 ?
Pouvez-vous nous préciser, madame la ministre ou monsieur le Premier ministre, les intentions du Gouvernement quant à la nouvelle réforme territoriale annoncée, à ses objectifs et au calendrier envisagé pour sa discussion au Parlement ?
Pouvez-vous également nous indiquer quand seront pris les décrets d’application nécessaires à la mise en œuvre de la loi créant les métropoles ? Quels ajustements envisagez-vous, le cas échéant, de proposer ? Selon quel agenda ? Quelle méthodologie ? Comment comptez-vous associer les élus ? Enfin, quelles seront les conséquences pour les métropoles en cours de construction ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC.)
M. Philippe Bas. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la décentralisation, de la réforme de l’État et de la fonction publique.
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation, de la réforme de l'État et de la fonction publique. Madame la sénatrice, vous avez raison : il y a une inquiétude dans un certain nombre de collectivités locales, en particulier sur l’aire de la métropole du Grand Paris. Toutefois, concernant la réforme de l’intercommunalité, dont M. le Premier ministre a indiqué hier la méthode et les dates, l’aire métropolitaine n’est pas concernée.
Souvenez-vous, nous avons décidé ensemble, à la fois au Sénat et à l’Assemblée nationale, que les communes de la petite couronne allaient s’engager vers la création d’une intercommunalité là où il n’y en avait pas et que nous allions transformer les intercommunalités existantes – cela a fait l’objet de longs débats dans cet hémicycle – en conseils des territoires. Pourquoi ?
M. Roger Karoutchi. On n’en veut pas !
M. Christian Cambon. Ils n’ont pas la personnalité juridique !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Parce que la métropole du Grand Paris est une intercommunalité. Nous avons pensé, je crois à juste raison, en tout cas pour un certain nombre d’entre nous,…
M. Roger Karoutchi. Très peu !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. … et c’est apparu de manière transpartisane dans nos débats, qu’il fallait prendre en compte l’avis des citoyens de la métropole.
Prenons le cas d’une mère de famille – une mère célibataire avec trois enfants – qui a son logement dans une commune, qui va déposer ses enfants dans une autre et qui fait encore une demi-heure de transport pour aller travailler. Elle traverse plusieurs communes et intercommunalités. Or il n’y a pas de mise en cohérence des services qui lui permettrait de se rendre tranquillement de son logement à l’école de ses enfants, puis à son lieu de travail.
M. Christian Cambon. Ce n’est pas ça le problème !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Il faut donc de la cohérence sur la métropole du Grand Paris comme sur les conseils de territoires.
Madame la sénatrice, je me suis engagée devant Paris Métropole voilà cinq jours à discuter avec l’ensemble des élus. Je suis disposée à prendre le temps d’expliquer aux nouveaux élus comment nous avons cheminé des anciennes intercommunalités…
M. Roger Karoutchi. Vous les supprimez en 2015 !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. … à la métropole du Grand Paris. Cela nous permettra d’être à « égalité d’informations ».
Je m’étais engagée, sous l’autorité du Premier ministre, à soumettre le projet de décret aux élus de Paris Métropole ; c’est fait. Je m’étais engagée à écrire une convention d’objectifs partagés ; cela a été fait en fin de semaine dernière.
Nous privilégions – M. le Premier ministre le demande, et il a raison – une concertation précise de mise en œuvre de cette métropole du Grand Paris, dont le décret sera publié très prochainement. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste.)
M. Christian Cambon. Qu’est-ce que c’est que cette réponse ? C’est inimaginable !
M. Roger Karoutchi. C’est zéro !
M. Christian Cambon. On voit bien que vous n’êtes pas une élue francilienne !
annonces du premier ministre sur la réforme territoriale
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour le groupe UDI-UC.
M. Hervé Maurey. Après la défaite historique subie par la gauche et le Président de la République aux élections municipales, nous voici avec un nouveau gouvernement ou plutôt, devrais-je dire, un nouveau Premier ministre, puisque le Gouvernement est quasiment inchangé dans sa composition.
M. Didier Guillaume. Il est excellent !
M. Hervé Maurey. C’est avec beaucoup d’intérêt, mais aussi d’étonnement, voire de stupeur que nous avons entendu le Premier ministre sur un sujet qui nous intéresse tout particulièrement dans cette assemblée : la réforme des collectivités territoriales.
Alors que le Président de la République et la gauche de cet hémicycle proclamaient voilà peu encore le nécessaire rétablissement de la clause générale de compétence, vous annoncez la suppression de celle-ci, monsieur le Premier ministre.
Alors que le Président de la République confirmait au mois de janvier 2014 son attachement aux départements et sa volonté d’assurer leur maintien, vous annoncez la suppression de cette collectivité.
Alors que la gauche s’est toujours opposée à la fusion des régions – en tant qu’élu normand, je suis bien placé pour en témoigner –, vous annoncez une diminution par deux de leur nombre.
Alors que vous défendiez il y a peu encore les financements croisés, vous les fustigez désormais.
Alors que la gauche condamnait en 2011 le gel des dotations, vous annoncez, après une baisse de 1,5 milliard d’euros en 2014, une baisse de 10 milliards d’euros d’ici à 2017, c'est-à-dire une baisse plus de six fois supérieure à celle qui a déjà été supportée cette année. Cette baisse représente 20 % de l’effort d’économies demandé, alors que les collectivités locales ne représentent que 4 % des déficits publics, contre 83 % pour l’État.
M. Alain Gournac. Très juste !
M. Hervé Maurey. Mes questions sont donc les suivantes, monsieur le Premier ministre : comment les collectivités locales vont-elles pouvoir présenter, conformément à la loi, un budget en équilibre, alors que la baisse des dotations va être considérable et absorber dans la plupart des cas les actuels excédents de fonctionnement ?
M. Alain Gournac. Absolument !
M. Hervé Maurey. Je vous rappelle que la baisse des dépenses au sein des collectivités locales se heurte à la rigidité de la plupart des postes, notamment des charges de personnels.
Derrière cette mesure, n’y aurait-il pas une volonté cachée de supprimer les communes ou de procéder à des regroupements massifs de celles-ci ?
Dans ce contexte, la coûteuse réforme des rythmes scolaires ne peut se limiter à un assouplissement du cadre réglementaire tel que vous l’avez annoncé ; elle nécessite une véritable remise à plat, car vous ne pouvez pas à la fois réduire drastiquement les dotations aux collectivités locales et leur imposer de nouvelles charges. Ce n’est pas possible !
Je voudrais donc savoir quelles sont les intentions précises du Gouvernement sur ce sujet. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Vives exclamations sur les travées de l'UMP.)
Mme Isabelle Debré. Quand même !
M. Ladislas Poniatowski. On ne dirait pas !
M. Manuel Valls, Premier ministre. … mais Mme Lebranchu connaît bien le dossier du Grand Paris.
Pour ma part, j’ai fait des annonces concernant la réforme des collectivités territoriales. Il est donc normal que je réponde.
Monsieur Maurey, depuis deux ans, vous me demandez souvent, et plus récemment par l’intermédiaire de votre président de groupe, d’entendre le message des électeurs, de réformer le pays et de réaliser les économies nécessaires. Vous ajoutez parfois, parce que vous êtes sincère, qu’un certain nombre de réformes de structures ou d’économies auraient dû être réalisées avant.
J’ai à nouveau posé ces questions hier : pouvons-nous encore vivre au-dessus de nos moyens ?
M. Bruno Sido. Non !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Pouvons-nous admettre le niveau d’endettement et de déficit de notre pays ? Pouvons-nous attendre pour procéder à des réformes ? Non ! J’ai d’ailleurs indiqué hier ici même que je considérais que, au-delà du travail qui avait été engagé sur la décentralisation par Marylise Lebranchu, nous aurions dû commencer par des réformes de structures beaucoup plus lourdes avant de traiter la question des modes de scrutin. Lors de la présentation de ces textes de loi, j’avais dit exactement la même chose en répondant à diverses interpellations.
Eh bien, il est temps de faire ces réformes ! Elles sont sur la table, et il va y avoir un débat.
La suppression des conseils généraux n’est pas une idée nouvelle ; elle est même portée par des personnalités de toutes sensibilités politiques.
M. Alain Fouché. Pas de la majorité !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Ce débat existe au sein de la majorité comme de l’opposition. Portons-le !
Voulons-nous engager la réforme de manière brutale ? Non, puisque nous indiquons l’horizon de 2021. D’ici à cette échéance, auront lieu les élections départementales en 2015, une élection présidentielle en 2017. Reste que nous ne pouvons pas attendre. Nous voulons donc que le débat s’engage.
Nous aurons au préalable un débat sur les régions – nous voulons passer à une dizaine de grandes régions. Il nous permettra ainsi de franchir une première étape et d’examiner comment nous devons organiser nos collectivités territoriales.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Manuel Valls, Premier ministre. J’ai été très clair à ce sujet : je suis attaché aux communes – elles trouvent un rôle nouveau dans l’intercommunalité –, mais ces réformes de structures sont indispensables. Il ne s’agit pas de transformer notre pays en un État fédéral. Il convient de mieux l’organiser et d’être beaucoup plus performants, non seulement pour nos concitoyens et les acteurs économiques, mais aussi pour réaliser des économies.
M. Alain Fouché. Lesquelles ?
M. Bruno Retailleau. Combien ?
M. Manuel Valls, Premier ministre. Moi, je ne fustige pas les collectivités territoriales. Je n’ai pas prononcé les mots que j’ai parfois entendus au sein du gouvernement avant 2012 à leur égard. J’ai été maire. Je sais combien il est difficile de gérer une collectivité, surtout quand elle est pauvre et rencontre des difficultés sociales sur son territoire.
Nous avançons, je l’ai dit tout à l’heure, le chiffre de 10 milliards d’euros. Vous le savez parfaitement, des économies d’échelle sont tout à fait réalisables en la matière.
Il y va de la responsabilité de ce gouvernement d’être à la hauteur de la situation et d’engager le pays sur la voie non seulement des réformes de structures mais aussi des économies, à condition que ces dernières soient bien précisées – nous y reviendrons avec Michel Sapin et Christian Eckert – et bien ciblées,...
M. Jean Bizet. Nous attendons !
M. Manuel Valls, Premier ministre. … en nous appuyant sur le travail qui a été réalisé par MM. Lambert et Malvy, qui connaissent parfaitement la question des normes. Je pense que nous pouvons atteindre ces résultats. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Alain Bertrand applaudit également.)
dialogue social
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour le groupe socialiste.
M. Yves Daudigny. Ma question s'adresse au nouveau ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur plusieurs travées du RDSE, de l’UMP et de l’UDI-UC.), que je veux avant tout féliciter chaleureusement de sa nomination.
M. Jean Desessard. Nous aussi !
M. Roger Karoutchi. Il ne sait pas ce qu’il a fait, il était très bien ici ! (Sourires.)
M. Yves Daudigny. Celle-ci récompense un engagement sans faille, chacun le sait ici, et vous place dans le même temps, monsieur le ministre, face à de grandes responsabilités.
Il y a peu encore, c’est en France que les relations professionnelles étaient perçues comme les plus conflictuelles. Depuis 2012,…
M. Éric Doligé. Tout va bien…
M. Yves Daudigny. … cela n’est plus vrai, parce que le nouveau gouvernement d’alors a fait le pari de la confiance par le rétablissement du dialogue et de la négociation.
M. Philippe Dallier. C’est réussi…
M. Yves Daudigny. S’il est des succès qui peuvent être unanimement reconnus, celui-là en est incontestablement : vous aviez, nous avions la conviction que l’économie et le social ne vont pas l’un sans l’autre, que le dialogue est aussi un élément de compétitivité, un levier pour le développement, une arme contre le chômage et pour la croissance.
Encore fallait-il faire vivre, par un changement de méthode, cette conviction que des relations sociales constructives sont possibles. Le rendez-vous annuel de la grande conférence sociale concrétise, sur la base d’une feuille de route nationale et d’un agenda partagé, la dynamique nouvelle enclenchée non seulement pour réinvestir la création d’emplois, la formation, l’apprentissage, l’amélioration des conditions de travail et la reconnaissance des qualifications, mais aussi pour assurer le suivi et la poursuite des engagements et des progrès réalisés. Je n’en citerai qu’un, emblématique du changement profond qui est à l’œuvre, l’association des représentants syndicaux à la réflexion stratégique des grandes entreprises avec l’entrée des représentants des salariés dans les conseils d’administration.
Ce pari du dialogue et de la confiance est aussi celui que le Premier ministre propose aujourd’hui, dans l’intérêt général, à l’ensemble de la représentation nationale.
M. Alain Gournac. Allo ? Allo ?
M. Yves Daudigny. Substituer la négociation à la culture du conflit est une grande ambition. Elle suppose aussi la reconnaissance de la valeur du travail dans l’entreprise et la réciprocité des engagements.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de nous préciser de quelle manière vous entendez poursuivre ces réformes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social.
M. François Rebsamen, ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social. Merci à vous, monsieur le sénateur,…
M. Philippe Dallier. Merci beaucoup ! (Rires sur les travées de l'UMP.)
M. François Rebsamen, ministre. Oui ! Car vous me permettez de vous dire le plaisir (Nouveaux rires et applaudissements sur les travées de l'UMP.) que j’ai eu à siéger parmi vous durant plus de cinq années. J’ai ainsi pu apprécier vos capacités d’écoute, d’échange, de concertation, ainsi que votre convivialité, qui est la marque de cette belle maison. (Applaudissements sur de nombreuses travées.)
Mme Isabelle Debré. Tout à fait !
M. François Rebsamen, ministre. Nous ne sommes pas très loin du dialogue social. (Sourires.)
M. Gérard Longuet. Si seulement c’était comme ça !
M. François Rebsamen, ministre. Le dialogue social, c’est non seulement une volonté, celle du Président de la République, du Premier ministre et de son gouvernement, mais c’est aussi une méthode, une marque de ce beau ministère du travail, de l’emploi et du dialogue social et, ajouterai-je, de la formation professionnelle. Ce n’est pas M. le sénateur Larcher qui me contredira.
Le dialogue social, vous l’avez fort bien dit, monsieur le sénateur, c’est la réhabilitation du beau mot de compromis. C’est l’abandon de la culture du conflit systématique pour la recherche de ce compromis social si nécessaire.
Le compromis, ce n’est pas le renoncement. Le compromis, ce n’est pas la compromission.
M. Bruno Sido. Alors qu’est-ce que c’est ?
M. François Rebsamen, ministre. Le compromis, c’est la compréhension, c’est la capacité à dialoguer et à avancer ensemble pour trouver des solutions. À cet égard, la conférence sociale annuelle qui nous permet de faire un bilan, de fixer des objectifs de travail avec un suivi est un grand moment de la mobilisation de ce dialogue social.
Mesdames, messieurs les sénateurs, quarante ans de chômage de masse ont appauvri notre société, menacent la cohésion sociale, portent atteinte au pacte républicain. Je pense sincèrement que nous devons œuvrer tous ensemble et nous mobiliser contre ce qui menace – j’insiste sur ce terme – notre République, afin de parvenir à trouver enfin des solutions. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’UMP.)
fermeture d'entreprises dans la vienne
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour le groupe UMP.
M. Alain Fouché. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique. (Ah ! sur les travées de l'UMP.)
Nous avons bien entendu le message du Premier ministre hier, et cette vérité est aussi la nôtre : nous avons besoin des entreprises, de toutes les entreprises. Toutefois, j’attire votre attention, monsieur le ministre, sur les difficultés que rencontrent certaines d’entre elles dans ma région de Poitou-Charentes. Dans le département de la Vienne en particulier, deux d’entre elles monopolisent l’attention de tous, habitants, élus et pouvoirs publics.
Le groupe CEIT, basé à Loudun, spécialisé dans l’aménagement de voitures ferroviaires, propriété d’un fonds d’investissement américain, est en redressement judiciaire, car il traverse une crise grave de liquidités.
La société d’investissement, américaine, estime que CEIT dispose d’atouts importants. Le groupe a comme clients la SNCF, Alstom, Bombardier, donc des clients pérennes. Avec un carnet de commandes représentant un montant de 77 millions d’euros, elle a de l’activité pour deux ans.
La Banque publique d’investissement est intervenue en juillet dernier en mettant à disposition 2 millions d’euros, mais cette somme n’a pas été versée, faute d’appui d’autres banques.
Monsieur le ministre, comptez-vous intervenir auprès des partenaires financiers pour débloquer cette situation ? Sachez que 246 emplois sont en jeu dans ce pays du Loudunais.
Chez le sous-traitant automobile américain Federal-Mogul, qui devrait fermer prochainement le site de Poitiers-Chasseneuil, 241 emplois sont également en jeu. C’est le dernier fabricant français de pistons de moteurs diesel et essence pour Renault et PSA. Cette société a cependant récemment investi sur le site 4 millions d’euros, pour acquérir une machine qui n’a jamais été utilisée, et embauché 31 personnes à la fin de l’année dernière. Elle est concurrencée par un autre site du groupe, en Pologne, une délocalisation à laquelle nous nous opposons naturellement tous.
Nous avons exprimé le souhait, monsieur le ministre, que vous puissiez réunir au ministère, à la fois les représentants syndicaux, les élus – car tous, à tout niveau, se sont impliqués –, les décideurs et les donneurs d’ordre afin, notamment, que ces derniers maintiennent leurs commandes.
Nous souhaitons naturellement que l’État, impliqué dans ces entreprises, intervienne. Nous savons quelle a été votre implication ces derniers mois, votre engagement pour les entreprises, dans des situations similaires. Nous comptons sur votre soutien. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)