M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Le Foll, ministre. L’avis du Gouvernement sur ces trois amendements est exactement identique à celui de la commission. Nous débattrons de ces questions lors de l’examen de l’article 18 bis.
M. le président. La parole est à Mme Hélène Masson-Maret pour explication de vote.
Mme Hélène Masson-Maret. Monsieur le rapporteur, j’ai bien entendu vos propos. Je sais parfaitement que l’on ne peut pas changer dans une loi la convention de Berne.
Pourquoi ai-je alors déposé cet amendement ? Aujourd'hui, je souhaite que M. le ministre s’engage ; c’est absolument essentiel. Tous les amendements que nous allons examiner et qui vont recevoir un avis favorable ne tendent pas à remettre en question la convention de Berne, alors que, nous le savons très bien, nous sommes liés par celle-ci.
C’est pourquoi je demande un engagement du Gouvernement. Si la convention de Berne reste figée dans le marbre comme elle l’est actuellement depuis plus de trente ans, ses effets, qui étaient positifs à l’époque de sa rédaction, deviendront totalement négatifs et entraîneront de véritables désordres, dévastateurs pour la profession pastorale et pour la biodiversité, comme cela a été dit.
Une prise de conscience doit absolument avoir lieu aujourd'hui, me semble-t-il. En outre, si nous adoptions une disposition de nature législative, donc supérieure au règlement, nous éviterions tous les recours administratifs que certaines associations pourraient déposer.
M. Didier Guillaume, rapporteur. Nous abordons cette question à l’article 18 bis !
Mme Hélène Masson-Maret. Monsieur le rapporteur, j’ai lu attentivement l’article 18 bis. Toutefois, celui-ci ne règle pas l’ensemble du problème, car il ne peut modifier la convention de Berne, comme c’est nécessaire.
Monsieur le ministre, je vous demande donc de vous engager sur ce point.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre. Madame la sénatrice, je vous rappelle que, avec Mme la ministre de l’écologie, j’ai pris des décisions sur le fameux plan loup dès mon arrivée au Gouvernement. Les prélèvements ont été immédiatement et pour la première fois doublés, voire triplés ; des tirs de défense ont été organisés. Le débat est donc en cours.
J’ai bien compris votre argumentation. La convention de Berne, je vous le rappelle, a été signée en 1979. Elle a été suivie d’effets, comme nous le constatons : le nombre de loups s’est accru. Nous devons maintenant gérer certaines conséquences négatives de cet accroissement. J’en ai parfaitement conscience. J’ai souvent rencontré, comme vous, des éleveurs au bord de la dépression, qui connaissent des attaques de plus en plus fréquentes et souvent de plus en plus violentes.
Nous avons tous une responsabilité envers eux, mais nous avons tous également des responsabilités internationales. Ce débat ne concerne pas seulement la France, le Sénat et l’Assemblée nationale. Notre pays a signé des accords internationaux. Or, comme vous le savez, en droit, un accord international l’emporte sur la loi nationale.
Nous sommes donc parfaitement d’accord en ce qui concerne l’engagement et la discussion. Chaque fois que j’en aurai l’occasion, comme je l’ai déjà fait, j’interviendrai au niveau européen pour promouvoir la nécessité d’une évolution par rapport à l’approche mise en œuvre en 1979, quand les loups avaient pratiquement disparu du continent européen. Il faut tirer les conséquences des développements récents.
Cependant, vous ne pouvez pas demander aujourd'hui, en proposant un amendement à l’article qui définit les orientations d’une loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, que le statut des loups soit un élément de ce débat. Nous reviendrons plus tard sur cette question et nous devrons continuer à avancer, afin de protéger les éleveurs.
M. le président. Madame Masson-Maret, l'amendement n° 14 rectifié est-il maintenu ?
Mme Hélène Masson-Maret. Je voudrais ajouter un élément afin d’éclairer le débat. La Suisse a déjà demandé un changement, lequel lui a été refusé. Si plusieurs pays s’unissent, il faudra bien que la convention de Berne évolue !
La demande que j’exprime n’est donc pas illusoire. Une évolution est possible si nous unissons nos forces avec d’autres pays, qui ont les mêmes problèmes que nous.
Cela dit, je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 14 rectifié est retiré.
Madame Goulet, l'amendement n° 468 rectifié est-il maintenu ?
Mme Nathalie Goulet. Vous comprendrez que Mme Chantal Jouanno, avec la montagne Sainte-Geneviève, et moi, avec les Alpes mancelles, ne soyons pas des spécialistes des loups et du pastoralisme ! Par ailleurs, j’ai bien noté que cette question sera abordée à l’article 18 bis.
Je retire donc mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 468 rectifié est retiré.
La parole est à M. Gérard Bailly, pour explication de vote sur l'amendement n° 516 rectifié.
M. Gérard Bailly. J’ai eu l’occasion, avec notre collègue François Fortassin, d’effectuer une mission sur l’élevage ovin, pour laquelle nous avons parcouru les massifs. Nous avons intitulé ce rapport Revenons à nos moutons ! quand nous avons observé la baisse importante de cette production dans notre pays.
Lors de ces visites, nous avons pu constater la détresse de certains éleveurs et éleveuses qui s’étaient installés récemment et qui avaient subi des préjudices de la part des prédateurs. Nous avons vu également des endroits complètement délaissés par les éleveurs, où il n’y avait plus que des herbes sèches.
C’est pourquoi je voulais prendre la parole afin d’appuyer l’amendement de notre collègue Jean-Paul Amoudry. Il est bon de le signaler, l’absence d’élevage entraîne la présence d’herbe sèche, des avalanches, ainsi que des incendies, comme on a pu le voir dans les Alpes-Maritimes, tandis que la présence des ovins qui pâturent cette herbe préserve des feux. Je crois donc qu’il est capital d’introduire dans la loi les termes « pour lutter contre l’envahissement par la friche de l’espace pastoral ».
L’amendement n° 468 rectifié a été retiré, sans quoi je me serais élevé fortement contre lui. Je crois en effet qu’il est logique que l’on prenne des précautions. Aujourd'hui, selon les données dont je dispose, 1 444 conventions de préservation ont été mises en place par les pouvoirs publics dans tous les massifs. N’oublions pas que, maintenant, le loup est présent dans vingt et un départements !
Dans mon département, qui n’est pas encore très touché, une attaque de loup a eu lieu il y a trois ans environ contre le troupeau d’une éleveuse qui avait 240 brebis. Je suis allé auprès d’elle avec le préfet ; elle pleurait, bien entendu ; elle était en train de soigner ses animaux. Quand j’entends parler de bien-être animal, je pense à ces bêtes que j’ai vu souffrir ! Cette éleveuse donnait des antibiotiques à ses brebis, parce que c’était la seule chance de survie de ces animaux qui avaient été blessés par le loup et qui souffraient ! Et aujourd'hui, elle n’a plus de moutons : elle les a tous vendus, par découragement !
Chers collègues, je ne comprends pas que vous ne teniez pas compte de cette souffrance-là et de ces atteintes au bien-être animal. Soyez un peu cohérents ! Prenez en compte la détresse des éleveurs et de ces animaux.
C’est pourquoi, je le répète, je me félicite du travail qui a été accompli en commission et par notre rapporteur.
Enfin, je suggère moi aussi à M. le ministre d’intervenir chaque fois qu’il le pourra pour faire évoluer la convention de Berne. Celle-ci a joué son rôle en son temps. En effet, toutes les données dont nous disposons, me semble-t-il, montrent que le nombre de loups en France est supérieur à 400 et qu’il progresse de 20 % environ par an – certains experts ont même avancé le chiffre de 27 %.
Avec une telle croissance, ce nombre s’élèvera bientôt à 480, puis à 570 loups, si l’on n’y prend garde. Il est vrai qu’il est possible dans certains cas de tuer les loups : quarante autorisations ont été données, mais onze loups seulement ont été effectivement abattus. Il est bon que nous nous penchions sur ce qui constitue donc un véritable problème.
Je n’oublie pas les aspects économiques de cette question : nous importons actuellement 55 % de la viande ovine que nous consommons. Par conséquent, favoriser l’élevage ovin est également utile pour équilibrer notre balance commerciale. J’aime mieux voir dans nos montagnes des moutons qui mangent l’herbe et dont l’élevage crée de l’emploi dans les abattoirs, plutôt que de voir ces montagnes occupées par des loups !
Mes chers collègues, il nous faut donc résoudre ce problème. Je crois que vous êtes de plus en plus nombreux à l’avoir compris. Il est vrai que, si les loups n’étaient que dans quelques départements proches de l’Italie voilà une dizaine d’années, on en trouve maintenant, je crois, en Lozère, mais aussi en Lorraine, et cette espèce s’étend dans tout notre pays.
C’est pourquoi je soutiendrai totalement l’amendement proposé par M. Jean-Paul Amoudry, et j’invite le Sénat à faire de même. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. Je voudrais poser une question à M. le ministre et formuler une remarque.
Les engagements internationaux sont très importants, et il faut bien entendu que nous les respections. Cependant, s’ils sont internationaux, c’est qu’ils concernent d’autres nations, et je suppose – mais je n’en suis pas sûr – que l’Italie en fait partie. Ma question est la suivante : comment font les Italiens pour définir, d’une part, une zone naturelle où les loups sont tolérés, et, d’autre part, les autres zones ? Ont-ils signé la convention de Berne ?
Je voudrais également formuler une brève remarque. Comme l’a dit ma collègue, la présence des loups ne concerne pas seulement les montagnes. Nous en avons dans notre département, monsieur le président de la commission des affaires économiques. Or la Haute-Marne n’est pas une zone de montagne, mais l’une de ces zones intermédiaires que je vais évoquer. Bientôt, le loup entrera dans Paris, monsieur le ministre !
M. Jean-Jacques Mirassou. Serge Reggiani l’a chanté ! (Sourires.)
M. Bruno Sido. Il est déjà quasiment entré à la gare de Bar-sur-Aube. Il est à Mailly-le-Camp, puisqu’un loup a été tué illégalement dans cette commune. Ce problème ne touche donc pas seulement les zones limitrophes de l’Italie ou les zones de montagne. Il concerne bel et bien les zones intermédiaires, et même les zones de plaine, puisque les loups sont à Mailly-le-Camp !
Monsieur le ministre, c’est un véritable problème. On a certainement eu raison de laisser le loup reprendre possession d’une partie du territoire en montagne, là-haut, vers le Mercantour. Je ne dis pas le contraire ! Néanmoins, il va maintenant trop loin, et il convient d’agir. Toutes les conventions internationales qui ont été signées peuvent être modifiées.
Mme Nathalie Goulet. Oui, mais pas comme ça, ni tout de suite !
M. Bruno Sido. C’est comme pour les lois : on prend des dispositions législatives un jour, puis on vote l’inverse un autre jour. Cela s’est déjà vu ici !
Voilà, pourquoi, monsieur le ministre, je voterai également cet excellent amendement.
M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.
M. Charles Revet. Je ne suis pas élu d’une région où le loup est présent. (Exclamations amusées.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Si, le loup de mer ! (Sourires.)
M. Charles Revet. Du moins pas encore !
Mme Hélène Masson-Maret. Cela viendra !
M. Charles Revet. Toutefois, ce problème n’est pas une plaisanterie. Voilà pourquoi je suis solidaire de cet amendement, que je voterai.
La question du loup a été évoquée à de multiples reprises dans cette assemblée. Nous avons même adopté, il n’y a pas si longtemps, une proposition de loi déposée par l’un de nos collègues du RDSE, autant qu’il me souvienne, qui visait à dénoncer avec beaucoup fermeté les atteintes liées à la présence du loup et les conséquences qui en découlent.
Monsieur le ministre, ces différents amendements en discussion commune, même s’il n’en reste plus qu’un, celui de Jean-Paul Amoudry, tendaient à poser plusieurs questions. Ils visaient à soulever la question de l’aménagement du territoire, mais aussi celle du maintien du pastoralisme dans des zones extrêmement difficiles.
Si, en plus, les éleveurs doivent faire face à la présence d’animaux – le loup, en l’occurrence – qui viennent contrarier leur travail, comment s’étonner que certains d’entre eux jettent l’éponge ? Je comprends qu’un berger qui se retrouve avec dix ou vingt moutons égorgés dans la montagne par un loup se sente découragé !
Monsieur le ministre, nous en parlons à chaque fois, mais il ne faut pas que l’on attende davantage. Chez moi, ce n’est pas le loup, c’est le renard qui vient dans la ville. C’est autre chose, avec les risques que cela comporte !
Il est donc très important que le Gouvernement intervienne pour que l’on puisse réguler cette situation. Qu’il y ait des loups, pourquoi pas, mais il faut en maîtriser la population, afin que les éleveurs ne subissent plus les conséquences dramatiques de sa présence.
À défaut, nous risquons de voir des pans entiers de notre territoire privés d’activités, avec les inconvénients que cela comporte. Je pense aux incendies dans le sud de la France. Autrefois, il y en avait beaucoup moins, en raison de la présence des bergers qui, avec leurs chèvres ou autres, entretenaient ces zones. Comme ces populations n’arrivaient plus à vivre, elles sont parties, laissant derrière elles de nombreux problèmes qui nous occupent aujourd'hui.
Monsieur le ministre, je vous invite donc très fortement à vous mettre d’accord le plus rapidement possible avec nos partenaires européens pour modifier la convention de Berne et faire en sorte que l’on puisse réguler la présence du loup.
Mme Nathalie Goulet. Ce n’est pas possible !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Mes chers collègues, je sais pertinemment que chacun, ici, a le droit de s’exprimer. Néanmoins, nous avons déjà eu ce débat sur le loup pendant pratiquement plus de deux heures en commission !
Mme Hélène Masson-Maret. C’est important !
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. De plus, ces discussions font écho à une proposition de loi déposée par notre collègue Alain Bertrand, que nous avons déjà examinée au Sénat.
Je comprends que les membres extérieurs à la commission des affaires économiques reprennent cette discussion que nous avons déjà eue en commission, et qui a amené M. le rapporteur à insérer dans le texte un article 18 bis. Je demande donc à ceux d’entre vous qui auraient encore l’intention d’intervenir sur ce sujet d’attendre l’examen dudit article, car il nous reste à cette heure encore plus de sept cents amendements à étudier.
Je le répète, nous aurons l’occasion d’aller au fond du problème lorsque nous examinerons l’article 18 bis inséré par M. le rapporteur, qui fait suite aux discussions que nous avons eues en commission des affaires économiques. Je vous prie donc, mes chers collègues, de bien vouloir faire preuve de concision sur cette question. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Les écologistes se font tirer à vue à chaque fois sur ce sujet ! (Sourires.)
Quoi qu’il en soit, cet amendement vise les friches. Nous aussi, nous sommes favorables au pastoralisme, que nous soutenons. Nous défendons les équilibres. Or, si la friche gagne du terrain, les prédateurs ne manqueront pas de se rapprocher, c’est une évidence.
Cet amendement tend à enrichir le texte. Nous y sommes absolument favorables et nous le voterons.
Quant au bien-être animal, vous mélangez les brebis égorgées et le mal-être dans les élevages intensifs, cher monsieur Bailly. Ne confondez pas tout !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Tout est dit. Je tenais simplement à saluer M. Bailly, puisqu’il reconnaît finalement que l’animal est un être sensible ! (Sourires sur les travées du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote.
M. Philippe Adnot. J’ai déposé un amendement à l’article 18 bis, et voilà que l’on discute du loup à l’article 1er !
J’entends des voix s’élever contre le fait que, désormais, au Sénat, tous les textes importants finissent par être votés dans la nuit du vendredi ou le samedi : le mardi, le mercredi et le jeudi on n’avance quasiment pas ! Je proteste également contre cette méthode, qui consiste à écarter les parlementaires du débat en retardant le moment où les décisions seront prises.
Comme je ne serai pas présent lorsque nous examinerons l’article 18 bis, je souhaitais insister sur le fait qu’une telle situation va à l’encontre de la préservation de l’environnement. Dans mon département, celui de l’Aube, des centaines de brebis ont été tuées par des loups. Cela signifie qu’il n’y aura plus d’élevage dans la nature et que les animaux resteront parqués dans des bergeries.
M. Charles Revet. C’est vrai !
M. Philippe Adnot. C’est contraire à l’objectif visé en matière d’environnement, et il nous faudra bien faire à un moment donné de la régulation !
M. Charles Revet. Exactement !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre. Je sais que ce débat passionne.
Je rappelle que le plan loup, que nous avons négocié, s’est durci et qu’il a permis de donner des moyens nouveaux aux éleveurs, moyens qu’ils n’avaient pas il y a deux ou trois ans.
M. Didier Guillaume, rapporteur. Oui, c’est la première fois !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Vous ne pouvez donc pas faire comme si je n’avais pas pris conscience de l’importance du sujet et comme si je n’agissais pas !
Par ailleurs, vous évoquez la convention de Berne, qui a été signée en 1979 et ratifiée par la France en 1990. Cette convention a été signée par l’Union européenne et par quarante-quatre pays, y compris du pourtour méditerranéen. La convention a donc aussi été signée par l’Italie.
Y a-t-il, à l’échelle européenne, une demande des pays concernés par cette convention, qui visait surtout le grand arc alpin, pour en renégocier les termes ? Je suis ministre de l’agriculture et j’ai assisté à tous les sommets européens agricoles. J’ai négocié une réforme de la politique agricole, j’ai discuté avec tous mes collègues. J’ai encore parlé à midi avec mon homologue allemand de quotas laitiers. Or, jamais, je vous le dis tout net, la question du loup n’a été évoquée à l’échelle européenne par l’Italie ou par l’Espagne !
Je ne sais pas comment les choses se passent dans ces pays, car je n’ai pas examiné la situation en détail, mais je le ferai. Rencontrent-ils des problèmes ? Pourrions-nous un jour renégocier la convention ? Je m’engage à discuter de ces points avec nos autres partenaires.
Toutefois, à l’heure actuelle, je puis vous le certifier : ni l’Italie ni l’Espagne n’ont soulevé ces questions. Elles n’ont pas même signalé l’ombre d’un problème en ce qui concerne le loup et ses prédations sur leurs territoires ! Je tenais à vous le dire.
Vous me demandez de renégocier la convention de Berne. Comme il s’agit d’une convention internationale, nous devons engager des discussions et trouver des alliés. Je m’engage à prendre contact avec les Italiens et les Espagnols pour connaître les problèmes qu’ils rencontrent et les stratégies qu’ils mettent en œuvre.
Je m’exprime sur ces questions, alors que nous devions les aborder non pas à l’article 1er, mais à l’article 18 bis. Quoi qu’il en soit, je ne répéterai bien sûr pas deux fois les mêmes choses !
M. le président. La parole est à M. Gérard César, pour explication de vote.
M. Gérard César. J’ai pris bonne note de l’intervention de M. le ministre, ainsi que de M. le rapporteur.
Nous avons effectivement longuement discuté hier en commission de l’article 18 bis, lequel est parfaitement rédigé. Je le cite : « Le préfet délivre sans délai à l’éleveur concerné une autorisation de tir de prélèvement du loup valable pour une durée de six mois ». Toutefois, comment ferons-nous si une association, par exemple, engage un recours devant le tribunal administratif et gagne ?
Par ailleurs, combien de pays sont concernés par les accords de Berne ?
M. Gérard César. Bref, que faisons-nous si une décision du tribunal administratif vient casser l’arrêté du préfet ?
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, rapporteur.
M. Didier Guillaume, rapporteur. Je propose que nous votions l’amendement n° 516 rectifié de M. Amoudry, qui porte non pas sur le loup – cette question est traitée ailleurs –, mais sur le problème des friches, sur lequel nous sommes tous d’accord.
Dans quelques heures, lorsque nous aborderons l’article 18 bis, nous examinerons le sujet du loup au fond, sans quoi nous n’atteindrons pas cet article avant les vêpres de dimanche ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 5 rectifié quinquies, présenté par MM. Sido, Adnot, Milon, Delattre, Longuet et Guené, Mme Cayeux et MM. B. Fournier, Bizet, Lefèvre, D. Laurent, Doublet, Beaumont, César, Doligé, Pierre, du Luart, Revet, Bas et Husson, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 45
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« L’État veille au maintien et au développement de l’agriculture dans tous les territoires en apportant une attention particulière aux zones intermédiaires situées entre les grandes plaines fertiles et la montagne.
« Il accompagne le caractère extensif et diversifié des exploitations notamment par des mesures spécifiques, non discriminantes en termes de taux de spécialisation ou de surface.
La parole est à M. Bruno Sido.
M. Bruno Sido. Je souhaite, monsieur le ministre, évoquer les zones intermédiaires, qui ne sont ni les zones de montagne, dont on vient de parler, ni les zones de plaine.
Certes, nous avons eu raison d’aborder la question des zones de montagnes, car elles doivent être défendues. Néanmoins, il existe d’autres zones, dites « intermédiaires », qui se caractérisent par des handicaps naturels et économiques liés au potentiel limité des sols et à une faible attractivité des territoires.
Elles se situent dans un grand croissant aride bordant le sud du bassin parisien, de la frontière belge jusqu’à l’Atlantique. Ces zones ont aussi été les grandes perdantes des réformes de la PAC depuis 1992, ce qui est relativement paradoxal !
Les agriculteurs ont résisté depuis très longtemps à toutes ces difficultés en s’organisant collectivement au sein de structures d’exploitation dont la taille est plus élevée que la moyenne nationale, et ce depuis des lustres ! L’élevage y est très présent, tant pour la viande que pour le lait, et les choix de cultures y sont limités, avec une forte proportion d’oléagineux. Les soutiens représentent une part importante du revenu agricole, qui reste toutefois faible et surtout très aléatoire en raison des variations considérables de rendements d’une année sur l’autre.
L’agriculture est souvent le seul pilier économique de ces zones rurales en déprise démographique et économique. Plus encore que la montagne, ces zones doivent faire l’objet d’une attention toute particulière dans la mise en œuvre des politiques publiques, notamment celles qui sont en lien avec l’affectation et les conditions d’attribution des soutiens européens.
Tel est l'objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Guillaume, rapporteur. La commission s’interroge, car M. Sido soulève une bonne question.
M. Charles Revet. Comme toujours !
M. Didier Guillaume, rapporteur. Cependant, il n’apporte pas forcément la bonne réponse, car les zones intermédiaires ne se trouvent pas uniquement dans le croissant territorial qu’il vient d’évoquer. Or il y en a ailleurs.
Par conséquent, même si je comprends la problématique soulevée, je ne peux pas être favorable à un tel amendement, qui est trop restrictif par rapport à la définition des zones intermédiaires, d’autant que nous ne pouvons pas, en cet instant, décider seuls de ce que seraient les zones intermédiaires sur l’ensemble du territoire national !
Certes, comme vous le soulignez, monsieur Sido, il existe bien des zones intermédiaires. Celles que vous avez citées en font partie, mais il y en a d’autres, dans le sud du pays, par exemple, dans le sud-ouest, dans le sud-est ou au centre, qui sont aussi en difficulté. Elles ne sont pas assez pauvres pour être traitées comme les zones de montagne à handicap. Elles ne sont pas assez riches pour entrer dans les grandes zones. Que faisons-nous d’elles ?
M. Charles Revet. C’est la question !
M. Didier Guillaume, rapporteur. Jusqu’à maintenant, rien n’a été envisagé.
L’amendement que vous avez déposé est intéressant, monsieur Sido, mais avant de se prononcer, la commission aimerait connaître l’avis de M. le ministre. Il se pourrait que le Gouvernement souhaite réfléchir à une définition des zones intermédiaires avec l’aide du Parlement, mais je ne pense pas que nous puissions y parvenir au travers d’un tel amendement, qui est restrictif.
J’essaie d’être aussi logique que possible. Votre réflexion est pertinente, mais il n’est pas possible de restreindre les zones intermédiaires à l’espace géographique que vous définissez. Quant à élargir celui-ci, je ne vois pas comment le ministre pourrait s’en sortir.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Le Foll, ministre. Monsieur le sénateur, vous me permettrez de répéter les premiers mots de votre amendement : « L’État veille au maintien et au développement de l’agriculture dans tous les territoires en apportant une attention particulière aux zones intermédiaires situées entre les grandes plaines fertiles et la montagne. »
Je vois à peu près où sont les plaines fertiles, quoiqu’on en trouve parfois dans des endroits que vous n’imaginez pas. Par exemple, en Corse, il existe la plaine fertile de Bastia, qui produit du maïs. Par conséquent, entre elle et la montagne corse, on devrait trouver des zones intermédiaires.
On ne peut inscrire dans la loi un tel critère si celui-ci n’est pas défini objectivement. En tant que ministre de l’agriculture, je connais parfaitement la question des zones intermédiaires et suis au fait des discussions qu’elles suscitent. Ces zones recouvrent en réalité les régions céréalières dont les rendements sont inférieurs aux zones les plus fertiles.
M. Charles Revet. Vous venez d’en donner la définition !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Oui, mais elles correspondent à des zones identifiées aujourd’hui. Si l’on retient ces critères, je pourrai vous citer bien des zones qui pourraient se revendiquer comme zones intermédiaires. Dans le Gers, on trouve des zones fertiles de maïs irrigué – entre 110 et 120 quintaux à l’hectare –, situées à proximité immédiate de coteaux, qui connaissent de faibles rendements.
Dans le Sud-Ouest, dans le Lot, le Lot-et-Garonne, le Quercy, il existe des zones où les rendements sont encore plus faibles que dans les fameuses zones intermédiaires auxquelles vous faites référence.
En revanche, dans les discussions que nous avons engagées avec la profession agricole, avec les chambres d’agriculture, sur les politiques du deuxième pilier, nous avons prévu des mesures spécifiques pour ces zones intermédiaires se situant le long d’un croissant qui part de l’Est pour descendre jusqu’au Sud-Ouest, en passant par le sud du Bassin parisien, des zones spécialisées dans la production céréalière et, parfois, la polyculture-élevage.
Les mesures agroenvironnementales que nous allons mettre en place permettront d’apporter des réponses et des solutions spécifiques à ces zones qui connaissent effectivement des rendements en blé plus faibles que dans le Bassin parisien, qui ont joué la culture extensive et l’augmentation des surfaces pour compenser la faiblesse des rendements.
Je le répète, il n’est pas possible de faire référence dans la loi aux zones intermédiaires sans en donner une définition précise. À défaut, tout un chacun pourrait prétendre à ce qualificatif.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.