M. le président. La parole est à M. Didier Marie, rapporteur pour avis.
M. Didier Marie, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication n’avait initialement que peu de raisons de se pencher sur le projet de loi relatif à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises dans sa version déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale le 29 janvier dernier, et moins encore de s’en saisir pour avis.
L’introduction sur l’initiative du Gouvernement, en commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, d’un article 24 bis nouveau concernant le régime d’autorisation applicable à l’implantation d’établissements cinématographiques, puis, en séance publique, des alinéas 28 à 30 de l’article 9, relatifs à la définition des métiers d’art, a modifié notre analyse et nous a conduits à nous saisir de ces dispositions.
L’article 9, tout d’abord, a trait à la qualification professionnelle et à la définition de la qualité d’artisan. Il modifie plusieurs dispositions de la loi du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l’artisanat, pour redéfinir plus clairement les critères permettant de qualifier un artisan.
Lors de l’examen du texte en séance publique, l’Assemblée nationale a adopté un amendement, soutenu par votre prédécesseur, monsieur le ministre, visant à permettre enfin d’identifier clairement les entrepreneurs artisans relevant des métiers d’art et pouvant être qualifiés d’« artisans d’art ».
Aujourd’hui, la frontière entre artisans traditionnels et artisans d’art est floue, et aucun élément de définition ne permet de les distinguer de façon certaine au sein des 217 métiers répertoriés, depuis 2003, dans l’arrêté dit « Dutreil » fixant la liste des « métiers de l’artisanat d’art ».
On trouve entre autres professionnels, dans cette liste, les imprimeurs d’estampes, les doreurs sur métal, les ébénistes ou les peintres sur porcelaine. Comme l’a souligné une étude du ministère de l’économie datant de 2009 et mise en ligne par l’Institut national des métiers d’art, un métier peut relever de plusieurs activités différentes et correspondre à des entrepreneurs ne relevant absolument pas des métiers d’art. L’approche « métier » est donc aujourd’hui insuffisante pour identifier les artisans d’art, ce qui explique la difficulté rencontrée pour obtenir des études statistiques fiables et, surtout, pour identifier sans équivoque les artisans pouvant bénéficier du crédit d’impôt en faveur des métiers d’art.
Au cours des auditions que nous avons menées, j’ai pu constater combien le sujet mobilisait de nombreux acteurs du secteur de l’artisanat et au-delà. Ces auditions me permettent de dresser aujourd’hui trois constats.
Tout d’abord, la définition, dans la loi, du sous-ensemble des entreprises d’artisanat d’art au sein des métiers d’art répond aux attentes du secteur, soucieux de définir son périmètre et sa spécificité, afin de pouvoir enfin bénéficier de politiques de soutien ciblées et pertinentes.
Ensuite, d’autres témoignages ont montré une méconnaissance des règles en vigueur chez certains acteurs et une confusion quant à la portée de cette définition. Plusieurs de nos interlocuteurs ont exprimé la crainte qu’elle n’exclue bon nombre de professionnels du secteur des métiers d’art. Il me paraît important de redire que le dispositif proposé ne concerne que l’artisanat et que le présent texte n’a pas vocation à définir tous les autres pans de la création relevant également des métiers d’art. Nous aurons certainement l’occasion d’y revenir lorsque le projet de loi sur la création sera soumis à notre examen.
Enfin, des inquiétudes tout à fait légitimes relatives au choix des termes utilisés pour définir les artisans relevant des métiers d’art ont été exprimées. C’est la raison pour laquelle la commission de la culture a adopté un amendement de réécriture partielle de l’alinéa 29 de l’article 9, qui permet de lever les quelques ambiguïtés que la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale pouvait soulever, notamment quant à la dimension artistique des métiers d’art.
En outre, je crois que les professionnels de la culture seraient plus sereins si vous pouviez confirmer, monsieur le ministre, que cette disposition relative aux artisans d’art n’interférera en aucun cas avec le code du patrimoine.
Ainsi conçu, ce nouvel élément de définition des artisans d’art devrait rassurer l’ensemble des professionnels et permettre à la France de poursuivre efficacement sa politique de soutien aux métiers d’art, cette spécificité française, apparue au XIIIe siècle, qui a permis de faire vivre, pendant plusieurs siècles, le génie français. Je suis heureux que nous nous apprêtions à mettre nos pas dans ceux d’Henri IV, de Louis XIV ou de Bonaparte, qui ont su donner ses lettres de noblesse à cette tradition séculaire faisant la renommée de notre pays et représentant aujourd’hui un secteur d’activité fort de 38 000 entreprises et de plus de 50 000 emplois, pour un chiffre d’affaires annuel de plus de 3,5 milliards d’euros.
J’en viens maintenant à l’article 24 bis.
Je crois pouvoir dire que, au-delà de nos diverses sensibilités politiques, nous sommes tous très attentifs à l’économie du secteur du cinéma, tant celui-ci tient une place fondamentale dans le contenu de l’exception culturelle à la française.
À ce titre, la commission de la culture avait d’ailleurs organisé une table ronde sur ce sujet en février 2013. De même, il y a deux mois, nous avons eu l’occasion d’évoquer l’avenir du cinéma français en séance plénière.
L’article 24 bis du projet de loi a un objet plus limité, en ce sens qu’il se résume à la transposition dans le code du cinéma et de l’image animée des dispositions relatives au régime d’autorisation applicable à l’implantation d’établissements cinématographiques actuellement dispersées entre le code du cinéma et le code de commerce. Mais il doit aussi être replacé dans le cadre plus large des réflexions que j’évoquais à l’instant. Les amendements déposés témoignent d’ailleurs des préoccupations de nos collègues à ce sujet.
La réglementation relative à l’aménagement cinématographique a été élaborée, à sa création en 1996, par analogie avec le régime applicable à l’ouverture et à l’extension des grandes surfaces commerciales prévu par la loi du 27 décembre 1973 d’orientation du commerce et de l’artisanat, dite « loi Royer ».
Pour répondre aux tentatives récurrentes de contournement du régime d’autorisation, le dispositif a progressivement été renforcé, jusqu’à la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, qui a défini les critères actuellement en vigueur. Sont ainsi soumis à autorisation les projets portant création d’un établissement de plus de 300 places, ainsi que les projets d’extension ou de réouverture au public d’un établissement ayant atteint ce seuil ou ayant vocation à le dépasser.
La réforme de 2008 a également conduit, en application de la directive du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, à substituer aux critères économiques des critères relatifs à l’offre culturelle.
L’autorisation d’implantation est donnée par la commission départementale d’aménagement commercial siégeant en matière cinématographique, au regard tant de l’effet potentiel de la réalisation du projet sur la diversité cinématographique dans la zone d’influence concernée que de ses conséquences sur l’aménagement culturel du territoire. En cas de rejet, un recours peut être déposé devant la commission nationale, qui tranche en dernière instance.
L’article 24 bis n’a pas vocation à modifier le dispositif existant, ni à refondre les critères de sélection des projets présentés. Toutefois, je me félicite de ce que les commissions départementales et nationale d’aménagement cinématographique soient consacrées en tant que telles, et non plus seulement comme des émanations ponctuelles des commissions d’aménagement commercial. Accueillir un expert supplémentaire du secteur cinématographique en leur sein, sans modifier le nombre des personnalités qualifiées, est une bonne chose.
Certains d’entre nous pourraient regretter le manque d’ambition de cet article, tant il est vrai que l’aménagement cinématographique des territoires ne se limite pas au dispositif d’autorisation applicable à l’implantation d’établissements. Il entraîne en effet des conséquences en matière de diversité culturelle, d’équilibre concurrentiel entre multiplexes et salles d’art et d’essai et, au-delà, pose la question de l’avenir du modèle économique du secteur cinématographique français.
Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, la commission de la culture est particulièrement attentive à ces problématiques. Elles ont par ailleurs récemment fait l’objet de travaux d’expertise. Je pense notamment au rapport sur le financement de la production et de la distribution cinématographiques à l’heure du numérique remis par René Bonnell en janvier 2014 et au rapport sur le bilan du régime d’autorisation d’aménagement cinématographique issu de la loi de modernisation de l’économie rendu il y a moins d’un mois par notre ancien collègue Serge Lagauche. Il y est question de ciblage des subventions, de réforme de la chronologie des médias et de régionalisation du dispositif d’aménagement cinématographique du territoire. Mais le présent texte, faute du temps nécessaire pour procéder à l’évaluation des propositions des auteurs et à la consultation des professionnels et des élus, ne les met en œuvre, dans la version transmise au Sénat, qu’a minima.
Les récentes discussions entre le Centre national du cinéma et de l’image animée et les ministères concernés ont toutefois permis, ces tout derniers jours, d’avancer sur trois propositions formulées par Serge Lagauche. Il s’agit d’éviter la fermeture des « petits » cinémas, de soumettre à autorisation les extensions permettant à un établissement d’atteindre le seuil de huit salles, mais également de prendre en compte le schéma de cohérence territoriale ou le plan local d’urbanisme, ainsi que la cartographie des établissements existants, pour juger de la pertinence d’un projet.
Ces avancées sont importantes pour le maintien de la diversité cinématographique dans nos territoires et, à titre personnel, je remercie le Gouvernement d’avoir très rapidement mené le travail interministériel préalable permettant aujourd’hui de nous proposer les dispositions législatives nécessaires. Je souhaite qu’elles puissent s’appliquer, grâce à leur introduction dans le présent texte par notre assemblée, dès l’adoption de ce dernier.
Par ailleurs, s’agissant des réformes de plus grande ampleur envisagées au travers des travaux d’expertise que je mentionnais à l’instant, les prochains rendez-vous législatifs, qu’ils concernent les missions des collectivités territoriales en matière culturelle ou l’avenir de la création cinématographique et de son financement, ne pourront faire l’économie d’une réflexion plus approfondie. Notre commission de la culture y veillera.
À ce stade, qui ne concerne, je le rappelle, que le seul régime d’autorisation des implantations de salles, notre commission vous propose de lier plus efficacement l’aménagement cinématographique aux engagements de programmation pris par les exploitants de salles en faveur de la diversité de l’offre. Ainsi, lorsque le projet concerne l’extension d’un établissement existant, un contrôle du respect de l’engagement de programmation souscrit précédemment par l’exploitant devra être réalisé par le Centre national du cinéma et de l’image animée préalablement à l’instruction du dossier et transmis à cet effet à la commission d’aménagement cinématographique compétente. Tel est le sens de l’amendement que la commission de la culture vous proposera d’adopter.
Permettez-moi enfin de dire quelques mots d’un amendement déposé par le Gouvernement, tendant à l’habiliter à prendre par ordonnances, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi, les mesures nécessaires à la création d’un nouveau statut d’établissement d’enseignement supérieur consulaire.
Le sujet avait été évoqué lors de l’examen du projet de loi relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche, l’année dernière. Les écoles de commerce ont été historiquement constituées sous la forme de simples services des chambres de commerce et d’industrie, dépourvus de statut juridique propre. Les principales agences d’accréditation internationales ont recommandé le renforcement de l’autonomie de gouvernance de ces écoles, ce qui a incité certains de leurs dirigeants à opter pour un statut associatif, statut dont la Cour des comptes a souligné les limites en 2013.
La réforme tant attendue n’a pu aboutir lors de l’élaboration de la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, le Gouvernement ayant alors indiqué que la réflexion devait se poursuivre. L’objet de l’amendement présenté à l’occasion de la discussion du présent projet de loi indique que le Gouvernement envisage de créer des « entités autonomes de droit privé dédiées à la gestion de leurs écoles d’enseignement supérieur » et un statut d’établissement d’enseignement supérieur consulaire. Ce nouveau statut comportera des garanties relatives à l’indépendance du corps professoral, sur le plan social, mais également sur le plan patrimonial.
La commission de la culture, bien qu’elle ne se soit pas saisie de cette disposition, a estimé que les mesures envisagées permettraient de consolider l’autonomie de gestion des écoles consulaires, qui pourraient ainsi poursuivre leur développement stratégique dans de meilleures conditions. Elle se félicite donc de cette avancée.
Sous réserve de l’adoption de ses amendements, la commission de la culture a rendu un avis favorable à l’adoption du présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, rapporteur pour avis.
Mme Nicole Bonnefoy, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des lois a souhaité se saisir pour avis de ce projet de loi en raison de ses compétences en matière de droit commercial et de droit administratif.
Nous avons ainsi examiné une vingtaine d’articles concernant le statut des baux commerciaux, le statut juridique des entreprises et les relations entre commerçants et personnes publiques, selon l’approche de rigueur juridique qui est la nôtre, bien connue de la commission des affaires économiques…
Notre commission s’est d’abord intéressée à la réforme des baux commerciaux.
Je tiens tout d’abord à saluer le travail approfondi réalisé par la commission des affaires économiques sur cette question. Elle a apporté, sur l’initiative de notre collègue Yannick Vaugrenard, un certain nombre de modifications bienvenues, que nous approuvons pleinement. Je pense en particulier à l’article 1er, relatif au bail commercial dérogatoire : le projet de loi prévoyait des modifications qui bouleversaient trop les règles de sortie de bail ; ces modifications ont été heureusement retranchées du texte.
La commission des lois propose donc au Sénat quelques modifications complémentaires, qui ne remettent pas en cause le nouvel équilibre entre bailleur et locataire formulé par le projet de loi, mais visent à clarifier ou à préciser certains dispositifs, ainsi qu’à en conforter la sécurité juridique.
L’objectif est d’éviter de faire naître de nouveaux contentieux, dans l’intérêt commun du bailleur et du locataire, et dans le respect des règles et des pratiques existantes, lorsque celles-ci font l’objet d’un relatif consensus parmi les acteurs concernés.
Je rappelle que toute la difficulté de la réforme des baux commerciaux réside dans le fait qu’il s’agit d’un outil juridique unique destiné à régir des situations très diverses, et donc des intérêts très variés. Qu’y a-t-il en effet de commun entre un bail conclu entre un commerçant retraité propriétaire d’un local commercial en pied d’immeuble d’habitation et un petit commerçant en centre-ville, un bail conclu entre un gestionnaire de centre commercial et une chaîne nationale de magasins, et un bail conclu entre une grande société foncière et une société multinationale pour la location d’une tour de bureaux ?
La commission des lois propose, en particulier, de clarifier les modalités d’application des nouvelles règles d’indexation des loyers des baux commerciaux sur l’indice des loyers commerciaux ou l’indice des loyers des activités tertiaires, afin que tous les types de locaux soient bien couverts, mais aussi de préciser les conditions d’établissement de l’état des lieux ou les obligations d’information du bailleur en matière de charges locatives. Je n’entre pas davantage dans le détail ; nous y reviendrons lors de la discussion des amendements.
J’en viens au deuxième sujet qui a retenu l’attention de la commission des lois : les dispositions relatives au statut juridique des entreprises, en l’espèce des très petites entreprises.
Outre la réforme du régime de l’auto-entrepreneur, que je tiens à saluer, même si elle n’entre pas dans le champ de l’avis de la commission des lois, car il s’agit d’un régime fiscal et social et non d’un régime juridique, le texte tend à apporter plusieurs simplifications bienvenues au statut de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, créé par un texte que la commission des lois avait examiné en 2010.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce statut est loin d’avoir rencontré le succès escompté. Alors que le Gouvernement envisageait, en 2010, que l’on compte 100 000 entrepreneurs individuels à responsabilité limitée à la fin de l’année 2012, on recensait seulement 17 896 EIRL inscrits aux différents registres au 31 août 2013, chiffre à rapporter à un total de près de 1,8 million d’entrepreneurs individuels.
Notre collègue Antoine Lefèvre a d’ailleurs procédé à une analyse assez approfondie des causes de ce relatif échec dans le cadre de l’avis qu’il a rédigé, au nom de la commission des lois, sur les crédits affectés au développement des entreprises dans le projet de loi de finances pour 2014. Il a relevé que la complexité du dispositif était indissociable de la protection juridique qu’elle offre à son bénéficiaire, ajoutant à juste titre que « si l’on veut préserver les droits des créanciers, ce qui constitue une exigence constitutionnelle liée au droit de propriété, les perspectives d’amélioration et de simplification du régime de l’EIRL restent modestes ».
Le projet de loi reprend cependant plusieurs de ses préconisations, qu’il s’agisse des allégements comptables, qui participent d’un mouvement général de simplification, ou de la mise en place d’une procédure de transfert. À cet égard, je présenterai quelques amendements de précision.
La troisième série de dispositions que nous avons examinées pour avis porte sur les relations entre commerçants et personnes publiques.
Les personnes publiques peuvent intervenir par le biais de leurs prérogatives de puissance publique pour maintenir ou soutenir des activités commerciales sur leur territoire ou à travers leur domaine public sur lequel s’exercent des activités commerciales.
La commission des lois a approuvé l’extension aux établissements publics de coopération intercommunale du droit de préemption des locaux commerciaux, réservé actuellement aux communes.
En revanche, nous proposerons de supprimer la disposition selon laquelle l’attribution d’une subvention à une société commerciale peut avoir pour contrepartie une restriction de la distribution des dividendes, car elle nous semble manifestement contraire à la jurisprudence constitutionnelle en matière de droit de propriété et de liberté d’entreprendre, d’autant qu’elle ne repose sur aucun motif d’intérêt général.
Par ailleurs, la commission des lois a approuvé globalement les modifications visant à faciliter les conditions d’utilisation du domaine public à des fins d’activité commerciale : droit pour un commerçant de présenter un successeur dans une halle ou un marché communal et possibilité de solliciter, en prévision de l’acquisition d’un fonds de commerce, une autorisation d’occupation du domaine public.
Par contre, la commission des lois s’est montrée plus circonspecte sur la transmission automatique aux héritiers d’un commerçant décédé d’un droit d’occupation du domaine public pour poursuivre l’exploitation du fonds. Je présenterai un amendement visant, tout en conservant l’esprit de la disposition, à la rendre plus conforme à la protection constitutionnelle dont bénéficient les propriétés publiques.
La commission des lois a adopté également un amendement tendant à clarifier l’innovation juridique, introduite par l’Assemblée nationale sur l’initiative du Gouvernement, consistant à permettre de constituer un fonds de commerce sur le domaine public. Les débats sur ce point en commission des lois ont été animés. L’examen de l’article 30 ter nous permettra de revenir sur cette question, aux enjeux pratiques sans doute limités, mais à la portée juridique indéniable.
Enfin, la commission des lois propose d’assurer quelques coordinations avec des textes qu’elle a examinés au fond : la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence dans la vie publique, d’une part, et le projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes, en cours de navette, d’autre part.
Sous réserve de l’adoption de ses amendements, la commission des lois a donc émis un avis favorable sur les dispositions qu’elle a examinées. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini.
Mme Muguette Dini. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 27 juin 2013, Philippe Kaltenbach et moi-même avons rendu public notre rapport d’information, fait au nom de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois, sur l'application des dispositions de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie relatives à la création de l'auto-entrepreneur. Nous avons formulé quinze préconisations. Nombre d’entre elles figurent dans le présent projet de loi, ce dont je me réjouis.
Je concentrerai donc mon propos sur les mesures liées au régime de l’auto-entrepreneur. Ma collègue Nathalie Goulet s’exprimera ensuite, au nom de notre groupe, sur les autres sujets.
Mes amendements nos 59 et 60, identiques aux amendements nos 90 et 91 de mon collègue co-rapporteur, transposent deux de nos principales recommandations qui pourraient compléter utilement le texte qui nous est soumis ; j’y reviendrai.
Tout d’abord, j’établirai un rapide constat.
Partant de l’idée, largement partagée, selon laquelle la création d’entreprise est encore en France trop lourde et trop complexe, la loi de modernisation de l’économie a créé le statut d’auto-entrepreneur. Il s’agissait de permettre à toute personne désireuse de créer son entreprise de le faire sans complications inutiles.
La simplification, maître-mot du dispositif, s’est déployée sur les plans à la fois fiscal, social et déclaratif. Elle résultait non seulement de la faculté offerte à l’auto-entrepreneur d’opter pour un versement social et fiscal simplifié et libératoire, mais aussi d’une dispense d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés et au répertoire des métiers.
La montée en puissance du nouveau dispositif a été très rapide. La première année, en 2008, 328 000 auto-entrepreneurs se sont inscrits, réalisant un chiffre d’affaires de près de 1 milliard d’euros.
Six ans plus tard, il convient de regretter que la priorité ait été accordée à la simplification aux dépens de la cohérence, ce qui explique les onze modifications législatives et les sept décrets publiés en quatre ans.
Depuis sa mise en œuvre, les acteurs économiques s’opposent sur le régime de l’auto-entrepreneur.
Certains, principalement les artisans, mettent en avant trois types de critiques.
Ils dénoncent tout d’abord une distorsion de concurrence. La part de marché du secteur du bâtiment concernée par cette concurrence demeure marginale, puisqu’elle représente entre 0,7 % et 1,1 % du chiffre d’affaires global, mais, en période de crise, toute diminution d’activité est durement ressentie, principalement par les artisans et petits entrepreneurs opérant déjà dans le domaine.
Les artisans pointent ensuite le risque de fraude sur le chiffre d’affaires. Il faut admettre que la simplicité du dispositif et l’allégement des formalités et déclarations engendrent, de fait, une possibilité accrue de fraude, alors même qu’il est par définition très compliqué, pour les URSSAF, de contrôler des chiffres d’affaires. L'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, a constaté une fréquence importante des fraudes dans les contrôles diligentés sur des auto-entrepreneurs, mais pour des volumes de redressement limités, pour tout dire insignifiants.
Enfin, les artisans attirent l’attention sur le risque de salariat déguisé.
En revanche, d’autres acteurs soulignent la simplicité d’un régime qui encourage la création d’une activité et incite à ne pas exercer d’activités non déclarées. Il est vrai que ce régime a contribué à permettre à nombre de nos concitoyens de se constituer un revenu d’appoint.
Notre rapport ne préconise aucun bouleversement de l’arsenal législatif et réglementaire, mais, à l’instar du présent projet de loi, il propose des ajustements pour instaurer plus d’équité avec les autres formes d’entreprises.
Nos recommandations sont organisées autour de trois axes forts.
Le premier axe est celui de la clarification du régime. C’est l’objet de mon amendement n° 59. Il s’agit de donner une base juridique à la dénomination d’auto-entrepreneur, en la mentionnant expressément dans les textes d’application de la LME.
Nous conforterons ainsi le statut social des personnes qui créent leur activité et renforcerons la lisibilité du cadre juridique dans lequel les prestations sont effectuées. Cela permettra également d’informer davantage les employeurs sur l’activité d’auto-entrepreneur menée par leur salarié comme activité secondaire, pour améliorer la transparence et la lutte contre le travail dissimulé.
Le deuxième axe est celui de la sécurisation de l’entrée dans le régime. Nous retrouverons celui-ci au travers des dispositions des articles 9 et 13 du présent projet de loi, portant sur la généralisation de l’immatriculation des auto-entrepreneurs, la vérification des qualifications professionnelles et l’obligation de souscrire des assurances professionnelles requises pour l’exercice de certaines professions.
Cela dit, sur ce dernier point, j’ai déposé un amendement visant à revenir à la rédaction adoptée par nos collègues députés.
Le troisième axe est celui de l’accompagnement des auto-entrepreneurs vers le droit commun de l’entreprise individuelle.
Mon amendement n° 60 reprend cette préconisation et vise à mettre en place un suivi des auto-entrepreneurs susceptibles d’accéder au statut de droit commun à compter d’un seuil de 50 % du plafond de chiffre d’affaires autorisé en fonction de l’activité d’auto-entrepreneur.
Le financement de ce dispositif mobilisera les fonds de la formation professionnelle, évalués à 10 millions d’euros et versés par les auto-entrepreneurs, ainsi que l’Agence pour la création d’entreprises, en lien avec les acteurs consulaires et le réseau des experts-comptables.
L’objet de ces deux amendements est de parfaire la mise en place de cette chaîne vertueuse de développement de l’activité par une meilleure préparation des auto-entrepreneurs potentiellement susceptibles de rejoindre le cadre général de la création d’entreprise.
Globalement, ce projet de loi représente, en ce qui concerne le régime de l’auto-entreprise, un véritable progrès, et tient compte des inquiétudes manifestées par les auto-entrepreneurs et les artisans. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées de l’UMP, du RDSE et du groupe socialiste.)