10
Modification de l'ordre du jour
M. le président. Par lettre en date du 29 avril 2014, le Gouvernement demande de compléter l’ordre du jour :
- du lundi 5 mai 2014, le soir, par l’examen du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification de la convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre les violences à l’égard des femmes et la violence domestique ;
- du mardi 6 mai 2014, l’après-midi et le soir, par la suite de l’examen de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires.
En conséquence, l’ordre du jour des séances des lundi 5 et mardi 6 mai 2014 s’établit comme suit :
Lundi 5 mai 2014
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 16 heures :
1°) Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à l’interdiction de la mise en culture des variétés de maïs génétiquement modifié (n° 455, 2013-2014)
(La commission des affaires économiques se réunira pour le rapport le mercredi 30 avril matin.
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le vendredi 2 mai, à 17 heures ;
- au lundi 5 mai, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission des affaires économiques se réunira pour examiner les amendements de séance le lundi 5 mai en début d’après-midi.)
Le soir :
2°) Suite éventuelle de la proposition de loi relative à l’interdiction de la mise en culture des variétés de maïs génétiquement modifié
3°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification de la convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre les violences à l’égard des femmes et la violence domestique (texte de la commission, n° 437, 2013-2014)
(La conférence des présidents a :
- attribué un temps d’intervention de dix minutes à la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes ;
- fixé à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le vendredi 2 mai, à 17 heures.)
Mardi 6 mai 2014
À 9 heures 30 :
1°) Questions orales
L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.
- n° 677 de M. Simon Sutour à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice
(Suppression de la cour d’appel de Nîmes)
- n° 689 de Mme Maryvonne Blondin à M. le ministre de l’intérieur
(Situation des mineurs étrangers isolés accédant à la majorité)
- n° 693 de M. Alain Gournac à M. le ministre des finances et des comptes publics
(Contrôle sur la vente d’or en ligne)
- n° 700 de Mme Hélène Masson-Maret à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement
(Inadaptation de la réglementation actuelle relative au loup)
- n° 713 de M. Gérard Bailly à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche
(Trains express régionaux et désenclavement du haut Jura)
- n° 715 de M. Jean-Marc Todeschini à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement
(Avenir de la filière bois en Lorraine)
- n° 717 de M. Ronan Kerdraon à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé
(Traitement de la cataracte)
- n° 719 de M. Daniel Laurent à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie
(Géothermie de minime importance)
- n° 720 de M. Robert Laufoaulu à M. le ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique
(Fonds marins de la zone économique exclusive de Wallis-et-Futuna)
- n° 723 de Mme Aline Archimbaud à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé
(Discrimination des personnes séropositives jusque dans la mort)
- n° 725 de M. Jean-Jacques Lozach à M. le ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique
(Avenir du site d’emboutissage industriel de La Souterraine (Creuse))
- n° 726 de M. Robert Tropeano à M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche
(Dotation horaire globale du collège de Bessan)
- n° 727 de M. Philippe Madrelle à Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion
(Financements apportés par l’État à la maison départementale des personnes handicapées de la Gironde)
- n° 729 de M. Georges Labazée à Mme la secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire
(Difficultés rencontrées par les copropriétaires en résidence de tourisme)
- n° 731 de M. Jean-Pierre Vial à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche
(Liaison ferroviaire Lyon-Turin)
- n° 735 de M. Marcel Rainaud à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement
(Recherche sur les maladies du bois de la vigne)
- n° 736 de M. Jacques Mézard à M. le secrétaire d’État chargé du budget
(Baisse du produit de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises)
- n° 737 de M. Yannick Vaugrenard à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé
(Situation de la clinique mutualiste de l’Estuaire et du centre hospitalier de Saint-Nazaire)
- n° 738 de M. Yves Détraigne à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie
(Logo « Triman » et décret d’application)
- n° 741 de Mme Catherine Procaccia à M. le ministre de l’intérieur
(Sécurisation des quittances d’électricité utilisées comme justificatifs de domicile)
À 14 heures 30 et le soir :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
2°) Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à renforcer la responsabilité des maîtres d’ouvrage et des donneurs d’ordre dans le cadre de la sous-traitance et à lutter contre le dumping social et la concurrence déloyale (n° 397, 2013-2014)
(La commission des affaires sociales se réunira pour le rapport le mercredi 30 avril matin.
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le lundi 5 mai, à 17 heures ;
- au lundi 5 mai, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission des affaires sociales se réunira pour examiner les amendements de séance le mardi 6 mai en début d’après-midi.)
3°) Suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires (texte de la commission, n° 459, 2013-2014)
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel
M. le président. La séance est reprise.
11
Projet de programme de stabilité pour 2014-2017
Déclaration du Gouvernement suivie d’un débat
M. le président. L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, portant sur le projet de programme de stabilité pour 2014-2017, en application de l’article 50-1 de la Constitution.
La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur plusieurs travées du RDSE.)
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, voilà un peu plus d’une heure, l’Assemblée nationale a adopté le programme de stabilité de nos finances publiques.
M. Didier Guillaume. Bien !
M. Roger Karoutchi. Et elle a voté, elle !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Ce fut un moment de vérité. Ce fut aussi la preuve, après un échange approfondi, d’une confiance renouvelée. Ce vote – j’imagine que le débat qui se tiendra ce soir dans cet hémicycle le confirmera – affirme la clarté des choix proposés par le Gouvernement, la visibilité pour les trois ans à venir pour l’ensemble des Français comme pour les acteurs économiques et sociaux. C’est important, notamment sur le plan de la fiscalité. Les entreprises ont particulièrement besoin de stabilité. C’est en ce sens que j’ai parlé d’un acte fondateur, pour cette seconde partie du quinquennat.
Je suis intervenu, cette après-midi, devant les députés. Je suis présent, ce soir, devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, parce qu’il s’agit d’un moment important, décisif pour notre pays, pour son redressement et pour la crédibilité de sa parole, vis-à-vis non seulement de nos compatriotes mais aussi de l’Europe. Dans un tel instant, tous les parlementaires doivent être pleinement associés.
La relation que les membres du Gouvernement, nombreux dans cet hémicycle, et moi-même entendons avoir avec le Parlement – l’Assemblée nationale et le Sénat –, c’est celle du dialogue, de l’écoute, du débat constructif.
M. Roger Karoutchi. Et du vote !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Une démocratie forte, c’est un Parlement respecté qui joue pleinement son rôle au cœur de nos institutions.
Je viens donc débattre avec vous des grandes orientations du programme de stabilité budgétaire de la France.
Ce programme, c’est la trajectoire à suivre pour que notre pays retrouve la confiance, pour qu’il réussisse.
Le 14 janvier dernier, avec le pacte de responsabilité et de solidarité, le chef de l’État a fixé la feuille de route.
Le premier objectif du pacte, c’est d’agir pour la compétitivité de nos industries et de nos entreprises. Faute de quoi, nous ne pourrons rendre à notre pays la force économique qu’il a perdue au cours des dernières années. Une donnée parle d’elle-même : notre balance commerciale. Alors qu’elle était légèrement excédentaire au début des années 2000, elle accuse, depuis quelques années déjà, un déficit de 60 milliards d’euros, soit 3 % des richesses que nous produisons chaque année. Or, si nous observons les autres pays de l’Union européenne, notamment ceux de la zone euro, nous constatons qu’il s’agit là d’une situation unique.
Le mouvement en faveur de la compétitivité a été engagé avec le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, qui commencera à porter ses fruits dès les prochaines semaines. Je me suis rendu avec François Rebsamen, qui, voilà encore quelques jours, était votre honorable collègue, visiter une entreprise d’Eure-et-Loir.
M. Albéric de Montgolfier. Très bien !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Nous avons constaté les résultats concrets du CICE. Grâce à ses gains, cette société a pu investir dans des machines-outils.
La mesure « zéro charges » pour un salarié payé au SMIC que j’ai déjà annoncée dans cet hémicycle, c’est également une incitation forte pour les employeurs.
De surcroît, vous le savez, nous agirons par la baisse de la fiscalité. D’ici à 2017, la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S, sera supprimée, et l’impôt sur les sociétés sera réduit.
Le deuxième objectif du pacte, c’est bien sûr l’emploi, qui constitue l’axe central. Dans ce cadre, nous avons besoin de toutes nos entreprises, de nos grands groupes, de nos PME, de nos petites et moyennes entreprises industrielles, de nos entreprises de taille intermédiaire, de nos artisans, de nos commerçants et de nos travailleurs indépendants. Nous avons besoin de toutes les forces vives de notre pays, au rang desquelles figurent bien sûr les salariés.
L’emploi, c’est en particulier l’emploi des jeunes, qui ont souvent le plus grand mal à entrer sur le marché du travail, et donc à débuter dans la vie, à prendre leur autonomie. Depuis deux ans, des dispositifs ont été mis en place tels que les contrats d’accompagnement dans l’emploi, les contrats d’avenir, les contrats de génération – il faut faire beaucoup mieux dans ce domaine –, ou encore dans le domaine de l’apprentissage, au titre duquel nous avons perdu du terrain, et dont nous voulons faire de nouveau une grande priorité. Toutes ces mesures et leurs résultats ont été détaillés par le Président de la République hier, devant les préfets. Le chef de l’État a appelé à aller plus loin encore. Le pacte en constitue un moyen. Sur les questions de la formation et de l’apprentissage, les partenaires sociaux vont débattre et négocier.
L’emploi, c’est également celui des seniors qui souvent, alors qu’ils ont encore beaucoup à apporter, ont du mal à retrouver un employeur.
Le rôle du Parlement, c’est de faire la loi et d’évaluer les politiques publiques. C’est donc légitimement à vous, parlementaires, qu’il appartient de vérifier que les aides fiscales et sociales attribuées aux entreprises servent bien les objectifs du pacte. Ce travail de suivi et d’évaluation sur le terrain sera également mené par les partenaires sociaux ; vous y serez associés.
Le pacte est un grand compromis social pour la nation. Il doit mobiliser les partenaires sociaux – patronat, syndicats, salariés –, et ce dans l’intérêt de tous. Les marges dégagées par les entreprises grâce à ce soutien exceptionnel, mobilisé en si peu de temps – 30 milliards d’euros pour les entreprises et pour l’emploi ce n’est pas rien, c’est un effort considérable que la nation fait ! – sont là non pour des dividendes ou des rémunérations des actionnaires ou des dirigeants, mais pour l’investissement et l’emploi. Elles sont le carburant de la reprise, elles doivent l’alimenter.
Il ne s’agit pas d’adresser un message de méfiance à l’égard des entrepreneurs. Nous connaissons le sens républicain et civique qui anime l’immense majorité d’entre eux ! Mais il est normal que le Parlement et les partenaires sociaux soient attentifs aux résultats de l’effort demandé.
Le troisième objectif du pacte, c’est le pouvoir d’achat.
Nous devons entendre les inquiétudes qui s’expriment face à la vie chère. Nous devons notamment agir en faveur des salariés aux revenus les plus modestes, ces employés, ces ouvriers qui travaillent dur et vivent pourtant dans l’angoisse permanente des fins de mois. Pour un salarié payé au SMIC, la baisse des cotisations salariales aura un effet très concret : 500 euros par an, soit la moitié d’un treizième mois.
Pour les ménages modestes, une mesure fiscale de soutien au pouvoir d’achat interviendra également, dès cet automne. Nous en élaborerons ensemble les modalités au cours des prochains jours, dans la perspective du projet de loi de finances rectificative.
Voilà quelques heures, j’ai prononcé devant l’Assemblée nationale ces mots. Je veux également les employer devant vous, car c’est ma conviction : le pacte de responsabilité et de solidarité, c’est un immense levier de confiance pour aller chercher la croissance. La croissance est là, en France et en Europe, notamment dans la zone euro ! Mais, nous le savons tous, elle est pour l’heure trop faible pour créer de l’emploi. Toute l’action au service de l’emploi doit donc être dirigée vers elle. Elle doit être tournée vers la compétitivité de nos entreprises, l’attractivité de notre pays et de nos territoires.
Toutefois, mesdames, messieurs les sénateurs, la confiance – il s’agit là d’un impératif –, c’est également la réduction de nos déficits et de notre dette, qui pèsent trop lourdement, qui étranglent les énergies de notre pays depuis tant d’années.
La situation de nos comptes publics, vous la connaissez.
Longtemps, trop longtemps, l’endettement a été la solution invariable pour remédier à des budgets en déséquilibre. Trop souvent, le choix de la facilité a été fait, remettant l’inévitable à plus tard, et faisant peser ce poids sur les générations futures.
Aujourd’hui, la dette entrave notre pays. Elle était de 1 200 milliards d’euros en 2008. Elle a atteint 1 800 milliards d’euros en 2012. Nous l’avons stabilisée depuis deux ans, mais son remboursement constitue encore le deuxième poste de notre budget : 45 milliards d’euros par an, ce qui limite d’autant nos marges de manœuvre. Cette somme représente les deux tiers du budget de l’éducation nationale !
Transmettre aux générations suivantes le fardeau que nous portons déjà, ce ne serait pas juste. La dette, c’est aujourd’hui 30 000 euros par Français. Et si nous cherchons les responsabilités, nous constaterons qu’elles remontent à loin !
Le temps est venu de maîtriser cette dette et de réduire nos déficits. Ce n’est pas Bruxelles qui nous l’impose. C’est avant tout une exigence vis-à-vis de nous-mêmes, pour conserver notre souveraineté.
M. Jean-Pierre Caffet. Très bien !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Nous ne pouvons pas nous résoudre à voir cette souveraineté mise en cause par les marchés.
Depuis deux ans, beaucoup a déjà été fait. À la fin de 2011, le déficit des comptes publics s’élevait à 5,2 % du PIB. Nous l’avons ramené à 4,3 % à la fin de 2013. Mais nous devons aller plus loin encore et reprendre le contrôle de nos dépenses publiques, c’est-à-dire les réduire. Nombreux sont ceux qui, aujourd’hui, font référence au président du Conseil italien, Matteo Renzi.
M. Didier Guillaume. Sauf pour le Sénat…
M. Manuel Valls, Premier ministre. Beaucoup évoquent ses réformes, son plan en faveur du pouvoir d’achat.
Certes, il existe des points de comparaison entre notre pays et l’Italie. Néanmoins, il faut tenir compte des différences économiques existant sur le plan tant local – je songe aux PME et PMI extrêmement performantes du nord de la péninsule italienne – qu’international. De surcroît, l’Italie a fait des efforts difficiles, et elle atteint aujourd’hui moins de 3 % de déficit.
Réduire les déficits, en prenant le temps nécessaire et en adoptant le rythme approprié, c’est également se donner des marges de manœuvre pour l’investissement et le pouvoir d’achat. Tel est le sens du plan de 50 milliards d’euros d’économies. Celui-ci ne constitue une surprise pour personne ici ce soir, dans la mesure où, je le répète, il a été annoncé par le Président de la République le 14 janvier. J’en ai, pour ma part, présenté le détail au conseil des ministres le 16 avril, après en avoir énuméré les grandes masses devant le Parlement.
La réduction de nos déficits budgétaires doit s’accompagner d’une politique monétaire tournée vers la croissance. Voilà ce qui manque, aujourd’hui, à l’échelon de l’Union européenne. Cette idée fait son chemin. Les déclarations de Mario Draghi en sont l’illustration.
Tel sera le sens de la démarche du chef de l’État dans les négociations qui suivront le renouvellement du Parlement européen. Dans bien des domaines, l’Europe doit retrouver sa force.
Les peuples seront appelés, d’ici à quelques semaines, à prendre part aux élections européennes. Si nous voulons qu’ils reprennent confiance dans les institutions de l’Union européenne, il nous faut mener une politique de croissance et de soutien à l’investissement pour les grands enjeux d’avenir : l’énergie, le numérique et l’emploi des jeunes, dossier auquel le Président de la République, de même que la Chancelière allemande, est particulièrement attentif. C’est ainsi que l’Europe et la France retrouveront de la crédibilité dans ce domaine.
Le plan d’économies est calibré. Et il est juste. Il se nourrit du dialogue que j’ai eu avec les groupes politiques de la majorité parlementaire.
Prenons quelques exemples, que vous connaissez, car, par respect, je vous ai écrit à tous.
M. Yves Pozzo di Borgo. Et le vote ?
M. Manuel Valls, Premier ministre. Les minima sociaux seront indexés régulièrement par rapport aux prix. Les plus démunis verront donc leur pouvoir d’achat garanti. Par ailleurs, je le rappelle, deux prestations ont été augmentées de façon exceptionnelle le 1er avril : l’allocation de soutien familial, qui bénéficie aux parents isolés, l’a été de 5 %, et le complément familial, destiné aux familles nombreuses les plus pauvres, de 10 %. C’est cela aussi, la justice sociale !
Par ailleurs, 6,5 millions de retraités modestes verront leur pouvoir d’achat intégralement préservé, c’est-à-dire tous ceux qui perçoivent jusqu’à 1 200 euros de pension, soit le montant moyen. Pour eux, il n’y aura pas de report de la revalorisation. C’est cela, oui, la justice sociale !
Nous devons soutenir les travailleurs aux revenus modestes, ceux pour qui la vie est dure, ceux qui désespèrent de retrouver un emploi. Mais, plus que jamais, parce que nous connaissons les effets de la crise, la lutte contre la pauvreté demeure notre priorité. Nombre d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégez, tout comme les syndicats et les associations caritatives, nous ont fait part de leur préoccupation à ce sujet. C’est pourquoi nous avons décidé que la revalorisation exceptionnelle du RSA (Ah ! sur les travées de l'UMP.) de 10 % en cinq ans, interviendra bien, comme prévu, le 1er septembre prochain.
MM. Éric Doligé, Roger Karoutchi et Aymeri de Montesquiou. Vive les départements ! Merci à eux ! (Sourires sur les mêmes travées.)
M. Manuel Valls, Premier ministre. J’en parlerai dans quelques instants !
Les fonctionnaires des trois fonctions publiques dont les rémunérations sont les plus modestes bénéficieront des mesures de revalorisation prévues pour les agents de catégorie C et ceux de catégorie B en début de carrière. Ils sont le cœur de nos services publics, donc de notre cohésion sociale. Pour 1,6 million d’entre eux, cela représente en moyenne environ 440 euros de salaire net supplémentaire, dès l’an prochain. Ces dispositions pèsent évidemment sur les finances des collectivités territoriales. (Eh oui ! sur les travées de l'UMP.) Pourtant, je ne vous ai pas entendus sur ce sujet !
Enfin, le gel du point d’indice des fonctionnaires fera l’objet d’un réexamen chaque année, au regard de la croissance et du redressement économique de notre pays.
M. Jean Arthuis. Le gel sera réévalué !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Le plan de lutte contre la pauvreté, c’est la justice sociale ! Les augmentations de salaire, c’est la justice sociale ! Dans ce domaine, les choix que nous faisons ne sont pas des choix d’austérité.
M. Pierre Laurent. Des mots !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Il faut utiliser les mots adéquats pour décrire une politique et ne pas se laisser aveugler par des slogans !
Ces mesures seront financées par de nouvelles économies, que nous préciserons rapidement.
La stratégie que je vous expose est cohérente : le pacte pour la croissance, l’emploi, le pouvoir d’achat ; le plan d’économies pour réduire nos déficits ; les réformes pour préparer l’avenir.
Préparer l’avenir, c’est préparer la France aux défis de demain. Nous le ferons en respectant les engagements que cette majorité a pris, avec le Président de la République, devant les Français.
Les priorités, ce sont la jeunesse et l’école. Ainsi, 30 000 postes supplémentaires seront créés dans l’éducation nationale, afin d’atteindre la création de 60 000 postes d’ici à 2017. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) Ils sont indispensables…
M. Jean-Louis Carrère. D’autant que l’UMP en avait supprimé beaucoup !
M. Manuel Valls, Premier ministre. … parce que de nombreuses suppressions avaient eu lieu auparavant (Oh oui ! sur les mêmes travées.), parce que nous aurons à faire face à un pic démographique, parce que nous devons former nos enseignants, alors que la formation des maîtres a été bradée !
M. Jean-Marc Todeschini. Elle a été cassée !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Les inégalités, contre lesquelles nous devons lutter, ne cessent de s’accroître depuis plusieurs années. Or nous ne pouvons pas nous satisfaire, pas plus que le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, de voir l’école reproduire ces inégalités.
Nous maintiendrons également notre effort prioritaire en faveur des universités, de la recherche, de l’innovation.
Grâce à la priorité accordée à la jeunesse, c’est ainsi que l’on bâtit l’avenir.
Les priorités, ce sont également la sécurité et la justice, car il n’y a pas de progrès social possible, pas de développement harmonieux de notre société, sans respect du pacte républicain, sans lutte contre la violence et la délinquance, qui touchent d’ailleurs les plus modestes, souvent victimes d’autres injustices et d’autres inégalités, dans les quartiers populaires comme dans les territoires ruraux.
À cette fin, 500 postes supplémentaires seront créés, chaque année, dans la police et la gendarmerie – j’ai déjà eu l’occasion, lorsque j’occupais les fonctions de ministre de l’intérieur, de les évoquer devant vous –, et 500 dans la justice.
Peut-on parler d’austérité quand le Gouvernement maintient ces priorités, crée des emplois dans l’éducation nationale, dans la police, dans la gendarmerie, dans la justice ? Il faut choisir ses mots ! Nous faisons preuve de sérieux budgétaire. Oui, nous demandons un effort ! Mais quand des budgets aussi importants sont confortés et même augmentés dans des secteurs majeurs comme l’école ou la sécurité, on ne peut pas parler d’austérité !
Gouverner, c’est choisir. Et nous faisons des choix, nous avons des priorités ! Ceux qui n’ont que le mot « austérité » à la bouche – bien sûr, nous connaissons tous la situation dans laquelle se trouvent des millions de Français, qui nous ont fait passer le message à l’occasion des élections municipales – devraient regarder ce qu’est l’austérité ailleurs, quand elle se traduit par des plans de 130 milliards d’euros d’économies ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas une réponse ! Parce que la situation est plus catastrophique encore ailleurs, nous devrions être satisfaits ?
M. Manuel Valls, Premier ministre. Madame Assassi, je sais que la comparaison avec d’autres pays a ses limites, mais l’honnêteté intellectuelle devrait conduire, lorsque l’effort consenti en faveur de la jeunesse – la priorité majeure de ce pays – et de l’éducation nationale est maintenu, à le souligner et à s’en féliciter ! (Applaudissements sur les mêmes travées.)
Préparer l’avenir, c’est être capable de mener les réformes nécessaires. Ce soir, je voudrais, vous le comprendrez, concentrer mon propos sur les réformes qui attendent nos territoires (Ah ! sur les travées de l'UMP.), dont nous avons déjà beaucoup débattu.
J’ai annoncé que les collectivités participeraient à l’effort d’économies à hauteur de 11 milliards d’euros. Là aussi, il s’agit de rationaliser la dépense, dans un esprit de responsabilité partagée. Cet effort est important, j’en ai conscience, mais il est nécessaire.
Les manques et les lacunes du système actuel, nous les connaissons : l’empilement des échelons et la superposition des compétences. Nous partageons les constats. Il faut, à présent, construire ensemble la réforme. Sur ce sujet comme sur les autres, les Français attendent un discours de vérité, même si chacun a sa vérité.
Bien souvent, ils ne savent pas quelle collectivité agit, finance les projets réalisés. Ils ignorent quelle collectivité a pris la décision de construire une ligne de tramway, de subventionner une entreprise locale ou encore quelle collectivité attribue, tous les mois, des prestations sociales et travaille à la réinsertion, à la formation professionnelle.
Cette complexité brouille la compréhension de nos concitoyens. Elle alimente, aussi, la désaffection des urnes, même si elle n’en épuise pas les causes.
Admettons-le : cette complexité est une source de difficultés pour les collectivités elles-mêmes.