M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi concerne les parents d’un enfant gravement malade qui travaillent et qui ont besoin de dégager du temps pour l’accompagner durant cette période particulièrement douloureuse. C’est un objectif qui, je le sais – j’en ai eu la confirmation lors de nos échanges en commission –, est partagé sur toutes les travées de cet hémicycle.
Ce dispositif concerne en moyenne 1 500 familles par an. Il s’agit donc de situations exceptionnelles. Ces maladies très lourdes ne laissent malheureusement pas souvent l’espoir d’une issue heureuse et se traduisent par des périodes de grande détresse au cours desquelles les médecins attestent qu’une présence affective est indispensable.
Spontanément et à plusieurs reprises, il est arrivé que des salariés décident de faire don de jours de repos à l’un de leurs collègues afin que celui-ci puisse passer plus de temps auprès de son enfant. Il s’agit d’un geste de générosité collective spontané, mais qui ne manque pas de nous interroger, au moins à deux égards.
Tout d’abord, cette situation souligne que la solidarité nationale, organisée par la loi, est incomplète sur ce point et nécessite d’être améliorée.
Il existe déjà en droit du travail, comme l’a rappelé Mme la rapporteur, plusieurs dispositifs permettant de prendre soin d’un enfant malade : absence pour enfant malade – trois ou cinq jours par an –, passage à temps partiel de droit, congé de présence parentale. En tout, le nombre maximal de jours de congés dont le salarié peut bénéficier au titre du congé de présence parentale est de 310 jours ouvrés, soit quatorze mois, dans une période dont la durée est fixée, pour un même enfant et par maladie, accident ou handicap, à trois ans. Cependant, ce cadre juridique est contraignant pour les familles et les rémunérations prévues – les chiffres viennent d’être cités – empêchent, de fait, beaucoup de parents aux revenus modestes d’avoir recours à ces congés prévus par la loi.
C’est cette insuffisance qui a poussé certains salariés à se substituer généreusement et spontanément à la solidarité nationale. Or c’est cette substitution que la proposition de loi nous suggère aujourd’hui de faciliter, en lui offrant un cadre légal.
Certains de nos collègues trouvent cela choquant et en appellent à une réforme d’ampleur de la solidarité nationale pour les parents d’un enfant malade. C’est également ce que je souhaite à terme. Pour autant, doit-on refuser tout aménagement transitoire ? Que proposer en attendant à ces 1 500 familles qui se trouvent dans des situations à la fois très douloureuses et exceptionnelles ?
Ensuite, ce geste de générosité collective constaté dans plusieurs entreprises soulève la question de l’instauration d’une inégalité de fait entre les travailleurs. En effet, tous les travailleurs ne sont pas salariés. En outre, parmi les salariés, la négociation de tels arrangements ne semble en l’état possible que dans des entreprises assez grandes. Elle a par ailleurs échoué, à plusieurs reprises, à se mettre en place dans le secteur public.
La proposition de loi, je le concède, ne répond pas à toutes ces interrogations. Toutefois, je constate que, en offrant un cadre à ce qui relevait pour l’instant de l’improvisation, elle permettra d’élargir de fait le nombre de salariés pouvant bénéficier du dispositif, notamment tous les salariés du secteur public, au sein duquel le don de jours de repos, autorisé pour l’instant dans le cadre d’un accord collectif dans les entreprises du secteur privé, n’était pas prévu, et donc légalement impossible.
N’oublions pas que la proposition de loi est sérieusement encadrée, puisqu’elle ne remet pas en cause le droit fondamental à quatre semaines de congés payés et qu’elle garantit par ailleurs le principe de l’anonymat du don.
En l’occurrence, ma conviction est que le mieux est l’ennemi du bien. Oui, la solidarité nationale a les moyens d’améliorer ce dispositif ! Oui, cela serait utile ! Mais cela se fera-t-il effectivement et, si oui, quand ?
Pour notre part, nous sommes pragmatiques. Nous connaissons la situation dans laquelle se trouve aujourd’hui le Gouvernement, qui mobilise son énergie à la recherche de milliards d’euros. Ce genre de réforme d’ampleur sera difficile à mettre en œuvre et devra sans doute attendre des jours meilleurs.
De manière générale, je suis favorable aux initiatives parlementaires quand elles améliorent la situation. Ces initiatives ne sont jamais parfaites – celle-ci ne l’est pas non plus, mais vous savez également que nous avons des possibilités restreintes –, mais cette proposition de loi améliore la situation des parents confrontés à la maladie d’un enfant. Il sera toujours possible, par la suite, d’adopter ce dispositif dans le cadre d’un projet de loi.
Les récentes élections municipales nous ont rappelé, encore une fois, combien nos concitoyens souhaitaient que les responsables politiques sortent de leur bulle et soient beaucoup plus à l’écoute de leurs problèmes de la vie quotidienne et de leurs souffrances. Quand un formidable élan de générosité et de solidarité se manifeste dans la société civile, nous avons le devoir de le relayer et, à tout le moins, de lui donner la possibilité de s’exprimer légalement.
Monsieur le ministre, vous avez indiqué que vous vous en remettiez à la sagesse du Sénat. Pour sa part, en toute conscience et après avoir mûrement réfléchi, le groupe écologiste, pour les raisons que j’ai exposées, votera en faveur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC. - M. Gilbert Barbier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une initiative généreuse a inspiré la proposition de loi dont nous discutons à présent ; depuis janvier 2012, date à laquelle elle a été adoptée par l’Assemblée nationale, plusieurs entreprises ont mis en place un mécanisme de dons de jours de repos entre salariés. Aujourd’hui, c’est, d’une part, l’occasion de saluer ces initiatives de solidarité et, d’autre part, de proposer un dispositif légal permettant de les étendre.
Ces expériences témoignent de l’insuffisance du dispositif dont bénéficient actuellement les parents d’un enfant gravement malade. Le sujet est d’importance, puisque 1 500 enfants environ seraient en permanence en phase terminale en France.
Pour avoir exercé durant dix ans en chirurgie infantile, je peux témoigner du drame que représente pour les parents le fait de ne pas pouvoir être présent continuellement aux côtés de leur enfant ; c’est un drame aussi pour l’enfant, qui, même s’il est entouré par le personnel médical et paramédical, ne retrouve pas forcément auprès d’eux le bien-être que ses parents peuvent lui procurer. C’est pourquoi des initiatives ont été prises pour permettre aux parents de rester le plus longtemps possible aux côtés de leur enfant malade. Je pense par exemple au CHU de Dijon, que vous connaissez bien, monsieur le ministre.
Si des salariés se sont mobilisés, c’est parce que le congé de présence parentale n’offre pas suffisamment de garanties. Ce congé n’est pas rémunéré, mais il peut être accompagné d’une allocation journalière de présence parentale, dont les modalités techniques viennent d’être précisées. C’est cette insuffisance qui a incité ces salariés à être solidaires.
Le texte propose de pallier les manques de la législation actuelle en se fondant sur ces initiatives. On compléterait ainsi la solidarité nationale par une solidarité au sein de l’entreprise ou des collectivités publiques. Il nous offre donc l’occasion d’améliorer la situation des parents d’un enfant gravement malade sans toucher aux finances publiques.
La proposition de loi semble répondre à un réel besoin.
S’il est démontré que les expériences de solidarité sont possibles sans l’intervention du législateur – c’est votre position, monsieur le ministre –, force est de constater que seules de grandes entreprises ont les moyens de les mettre en œuvre. En outre, comme Mme la rapporteur l’a souligné, les agents de la fonction publique ne disposent pas de moyens légaux pour mettre en place un tel mécanisme. Ces lacunes ont suscité une certaine émotion, qui s’est notamment manifestée par une pétition visant à soutenir l’adoption de cette proposition de loi.
L’Assemblée nationale a largement amélioré le texte initial, qui compte désormais deux articles. Elle a en particulier précisé le caractère anonyme et gratuit du don – c’est très important –, ce qui permet une protection du donateur et du donataire, conforme au statut que l’on trouve dans d’autres domaines. Nous en discutons souvent, madame la rapporteur, au sein du conseil de surveillance de l’Agence de la biomédecine. Le respect des périodes minimales de congé pour le donateur, le maintien de la rémunération et des droits liés à l’ancienneté pour le bénéficiaire constituent d’autres garanties importantes.
L’article 2 prévoit l’extension du dispositif aux agents de la fonction publique, ce qui me paraît capital.
La proposition de loi, qui a été inspirée par plusieurs initiatives spontanées, pose néanmoins un certain nombre de questions et ne permettra évidemment pas de régler la totalité du problème.
Se pose ainsi la question de l’intervention du législateur dans un domaine où la solidarité s’est construite sans la loi. Il ne faut toutefois pas négliger la puissance symbolique d’un tel texte, qui prévoit que, en ce domaine, la solidarité se joue au niveau de l’entreprise. La proposition de loi, et c’est la critique la plus forte qu’on puisse lui adresser, crée un risque d’inégalité en fonction de la taille de l’entreprise et, au sein d’une même structure, en fonction du capital de sympathie de la personne concernée – il y a là un véritable problème – ou de sa place dans la hiérarchie. Elle permet la solidarité, mais ne l’assure pas. Elle n’offre pas de solution certaine et prévisible pour les parents concernés.
Reste que la proposition de loi répond à un besoin immédiat, en particulier, je le répète, pour les agents de la fonction publique. Même si elle ne comble pas les lacunes du dispositif actuel, elle contribuera indéniablement, dans la limite que nous impose l’article 40 de la Constitution, à améliorer la situation de parents qui vivent un moment particulièrement difficile. C’est pourquoi nous serons très nombreux au sein du groupe du RDSE à lui apporter notre soutien. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. Philippe Bas. Très bien !
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary.
M. René-Paul Savary. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, on le sait, accompagner un enfant malade est une épreuve que doivent malheureusement endurer certains parents. Ces parents – ces héros ! – n’ont pas assez de leurs jours de repos légaux pour être suffisamment présents auprès de leur enfant et pour le conduire à ses activités, à ses soins ou à ses consultations médicales, à toute heure du jour et, parfois, malheureusement, de la nuit. Cette proposition de loi est donc indispensable. Son adoption devrait même être une évidence tant nos concitoyens sont généreux dans ces situations difficiles.
Bien sûr, il existe aujourd'hui, cela a été rappelé, l’allocation journalière de présence parentale, mais elle est contingentée. Un couple peut disposer au maximum de 942 euros par mois. À la peine d’avoir un enfant gravement malade viennent donc s’ajouter les difficultés financières.
Des initiatives de dons de RTT ont été prises dans divers départements et entreprises, mais, faute d’encadrement légal, de nombreux acteurs privés ou publics refusent parfois de mettre en œuvre ce procédé qui fait du don d’heures de RTT ou de récupération au parent d’un enfant gravement malade une action collective déterminante.
Cette proposition de loi est d’autant plus souhaitable qu’elle n’impose pas une généralisation de la pratique. Seuls sont concernés les salariés ayant un enfant de moins de vingt ans atteint d’une maladie, d’un handicap ou victime d’un accident d’une particulière gravité. N’ayez donc aucune crainte, monsieur le ministre, son effet sera particulièrement limité.
Cette possibilité, qui offrirait une plus grande souplesse aux acteurs économiques, serait ouverte aux salariés même en l’absence d’un accord collectif et ne coûterait rien aux employeurs. Dans une période où l’on recherche la compétitivité, cet aspect mérite d’être souligné. Enfin, ce don de RTT serait effectué de manière anonyme par les salariés.
Cet acte de solidarité me paraît donc présenter toutes les garanties nécessaires pour pouvoir être inscrit dans le cadre de la loi, d’autant qu’il peut devenir un véritable projet d’entreprise, bien entendu dans celles qui ont taille humaine. Aider un parent qui a un enfant gravement malade, c’est permettre à tous les salariés de se souder face à une difficulté, de mieux se connaître, de tisser des relations différentes, plus humaines que les simples relations de travail. Au final, une telle solidarité devrait conforter l’esprit d’équipe au sein de l’entreprise.
Notons-le, quel bonheur d’examiner une proposition de loi qui n’a pas de répercussion financière pour nos concitoyens ou pour nos entreprises ! Nous serions tous ravis, j’en suis sûr, monsieur le ministre, si nous en avions plus souvent l’occasion. Ce texte est d’autant plus un bonheur que la solidarité dans notre pays est malheureusement financée à crédit. Songez à la dette de la protection sociale, qui est étalée d’année en année, transférée à une caisse d’amortissement et laissée aux générations futures !
Permettez-moi de rappeler, puisque c’est M. Raffarin qui préside la séance aujourd’hui, l’instauration de la journée de solidarité. Même si elle a fait grincer quelques dents au départ, cette journée s’est généralisée. Un jour de RTT – au départ, il s’agissait du lundi de Pentecôte – est désormais travaillé, dans les entreprises et dans les collectivités, ce qui permet de financer la CNSA, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, à hauteur de 2 milliards d’euros. Voilà qui n’est pas négligeable !
Cette journée étant acceptée par nos concitoyens, peut-être pourrait-on en étendre le principe ? Il a ainsi été proposé de financer la protection sociale à l’aide d’une seconde journée de solidarité et de mettre à contribution l’ensemble des salariés et des non-salariés, afin notamment de financer la dépendance.
À cet égard, monsieur le ministre, il me semble qu’un projet de loi sur la dépendance avait été annoncé. Pourriez-vous nous donner des précisions et nous indiquer s’il nous sera soumis prochainement, même si un tel texte ne relève pas directement de votre ressort ? Nous avions commencé à travailler sur le sujet, notamment avec les présidents de conseil général. J’ai moi-même eu l’occasion, avec mon ami Gérard Roche, de participer à un certain nombre de discussions, car le texte plaçait les départements au centre du dispositif. Les conseils généraux – les futurs conseils départementaux – étant appelés à disparaître, il faudra revoir le dispositif envisagé pour l’accompagnement de la dépendance.
J’en reviens à la solidarité, qui est notre propos d’aujourd’hui.
La solidarité étant essentielle, cette proposition de loi est utile. Elle est même l’expression du modèle français : il faut une loi pour permettre aux salariés d’avoir un comportement civique et solidaire. Notre société est en effet si complexe qu’elle a besoin d’un cadre, de normes.
Cette proposition de loi permettra de mettre en œuvre une action humaine déterminante pour certaines familles. Voilà pourquoi, vous l’aurez compris, je la soutiens avec vigueur. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas.
M. Philippe Bas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai bien écouté les différentes interventions. L’essentiel me paraît avoir été dit dans ce débat.
Pour ma part, je ne voudrais pas qu’on oppose générosité et solidarité. Les deux sont nécessaires. Il y a, au titre de la solidarité, le congé de présence parentale et l’allocation journalière de présence parentale. L’un et l’autre sont indispensables. Il y a, au titre de la générosité, des expérimentations, des innovations sociales, qu’il s’agit tout simplement de réguler par ce texte.
La cause est noble, elle est légitime. Chacun l’a dit à cette tribune, y compris ceux qui ont émis des réserves sur le texte. Au fond, toutes ces réserves sont opposables à tout geste de générosité, à toute action philanthropique ou caritative, qui, par essence, postule qu’il ne s’agit pas de droit, qu’il ne s’agit pas non plus de redistribution sociale généralisée, mais qu’il s’agit d’actions laissées à l’initiative et à la liberté de chacun afin de colmater les brèches de notre système social. C’est ainsi que, à côté du RSA, nous avons toujours les Restaurants du cœur. De la même façon, nous aurons, à côté du congé de présence parentale, le don de jours de RTT.
Ce don est libre, spontané, volontaire. Il s’agit d’un « don éthique », pour reprendre une expression qui est plutôt utilisée en matière de don du sang par exemple. Il s’agit d’un don gratuit, anonyme, encadré par un certain nombre de dispositions afin d’éviter qu’on fasse n’importe quoi lors de ces expérimentations et de ces innovations sociales.
Il est toujours nécessaire d’organiser le bénévolat quand il existe. On ne peut pas imaginer une société qui, grâce à la performance de ses systèmes sociaux, pourrait se passer de l’entraide et de gestes de fraternité entre ses membres. C’est tout le sens, je crois, de cette proposition de loi.
Ce texte n’est pas idéal, mais il est vrai que si notre système de protection sociale permettait, grâce au congé de présence parentale et à l’allocation journalière de présence parentale, de faire face à toutes les situations de détresse familiale causées par l’empêchement de la mère ou du père…
Mme Catherine Deroche, rapporteur. Les deux parents doivent être présents en phase terminale !
M. Philippe Bas. … d’accompagner un enfant gravement malade lors de ses soins ou d’être à la maison lors de sa convalescence ou pour un traitement, nous n’aurions pas besoin de débattre de cette proposition de loi. C’est bien qu’il manque quelque chose.
J’ai moi-même essayé voilà quelques années d’apporter ma pierre à l’amélioration de ce régime. Force est de constater que si la loi de 2006 que j’avais eu l’honneur de présenter au nom du gouvernement de l’époque a amélioré la situation en matière d’allocation journalière de présence parentale, le nombre de bénéficiaires – il est passé de 3 600 à la fin de l’année 2004 à 5 747 en 2013 – est encore très insuffisant par rapport au nombre de familles ayant besoin de cette aide.
Si le Gouvernement nous proposait d’améliorer le régime de solidarité, j’y serais pour ma part tout à fait ouvert, mais ce n’est pas ce qu’il fait. Il se contente d’émettre des réserves sur la proposition de loi, sans pour autant nous proposer de solution pour permettre aux familles en souffrance de faire face à leurs difficultés extrêmes. En l’absence de solution alternative, il n’y a pas vraiment de bonne raison de différer l’adoption du texte.
Bien sûr, on pourra dire qu’il manque des précisions ici ou là. Le dispositif proposé reposant sur la bonne volonté des uns et des autres, l’employeur pourra refuser d’accorder le congé, comme pour toute journée de réduction du temps de travail ou pour tout congé, en arguant que la production serait compromise si le salarié s’absentait. Le congé de présence parentale en revanche, lui, est de droit. Il suffit d’informer l’employeur quarante-huit heures à l’avance.
Oui, le système de solidarité présente des avantages ! Pour autant, même si le dispositif qui nous est proposé est imparfait, s’il n’est pas général, s’il ne repose que sur l’entraide des salariés entre eux et s’il ne s’appliquera pas à l’aide que peuvent apporter des retraités – certains le font d’ailleurs très généreusement – dans ce type de situation, même si, à l’évidence, il ne couvrira pas toutes les situations dans de bonnes conditions, même si on peut formuler toutes sortes d’objections, ce ne sont pas des raisons pour refuser de l’adopter.
Je souhaite que nous ne tirions pas argument de telle ou telle imperfection du texte pour adopter des amendements qui n’auraient pas d’autre effet, en réalité, que d’imposer de trop longs délais, puisque la proposition de loi devrait alors être réexaminée à l’Assemblée nationale. Ce serait tout de même dommage !
Mes chers collègues, nous ne sommes pas en présence d’une entorse à nos grands principes de solidarité. Nous sommes en présence d’un texte inspiré par un grand humanisme et qui n’a pas la prétention, malheureusement, de faire cesser des souffrances qu’il permettra seulement, en toute modestie, de mieux accompagner. Il faut donc l’adopter sans hésiter et sans l’amender. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Rebsamen, ministre. Je tiens à remercier les orateurs de la qualité de leurs interventions, qui ont précisé le sens qu’il fallait donner à cette proposition de loi. Je crois que tout a été dit. J’ajouterai simplement, après les envolées lyriques de Philippe Bas, que l’acte de solidarité qui a inspiré la proposition de loi s’est produit alors qu’elle n’existait pas encore. L’adoption de ce texte généralisera à l’ensemble des entreprises la possibilité d’accomplir des actes de solidarité similaires.
J’ai tout de même un regret à exprimer. L’employeur n’est pas appelé à participer à cette forme de solidarité ; peut-être est-ce d'ailleurs pour cette raison que les principales organisations patronales ne voulaient pas en entendre parler. Cependant, je le dis à nouveau, la position du Gouvernement est de s’en remettre à la sagesse du Sénat.
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à permettre le don de jours de repos à un parent d’enfant gravement malade
Article additionnel avant l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Watrin, Mmes David, Cohen et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les six mois qui suivent la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant le coût pour la protection sociale et les avantages pour les assurés sociaux d’une disposition portant l’allocation journalière de présence parentale à 90 % du salaire précédemment versé par l’employeur au parent bénéficiaire dudit congé, sans toutefois que le montant de cette allocation puisse être inférieur au seuil de pauvreté.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Je voudrais moi aussi me féliciter de la qualité du débat en séance publique. En commission, nos arguments avaient suscité une levée de boucliers.
Mme Catherine Deroche, rapporteur. Pas de ma part !
M. Dominique Watrin. On nous a pratiquement reproché de manquer d’humanité et d’être des dogmatiques bornés. J’observe cependant que certains de nos arguments ont été partiellement repris par le ministre ainsi que par des orateurs appartenant à d’autres groupes. Nous avons donc joué un rôle utile pour faire avancer le dossier.
Notre but n’est pas de casser la proposition de loi, mais de rendre le dispositif universel pour créer des droits pour tous. La précarité économique ne doit pas s’ajouter à la souffrance psychologique !
Nous n’opposons pas – je le redis parce que je crois qu’il y a un malentendu – la solidarité individuelle et locale, qui peut se manifester au sein de l’entreprise dans le cadre d’accords collectifs, et la solidarité nationale. Cependant, force est de constater – je ne vais pas refaire ma démonstration concernant les grandes entreprises – qu’il restera un vide si la proposition de loi était adoptée en l’état. Tout le monde ne sera pas sur un pied d’égalité.
Nous ne partons pas de rien en matière de solidarité nationale. Comme cela a été rappelé par plusieurs orateurs, il existe déjà le congé de présence parentale et l’allocation journalière de présence parentale. Appuyons-nous sur ces dispositifs. Nous avons constaté leurs insuffisances, mais il est possible de travailler sans attendre à leur amélioration. Ces deux dispositifs permettent de bénéficier de 310 jours de congés renouvelables sur une période de trois ans.
Le seul problème de l’allocation journalière de présence parentale, c’est qu’elle est plafonnée à 945 euros par mois pour un couple. Notre amendement vise donc à inscrire dans la proposition de loi le principe d’une revalorisation sensible de cette allocation, qui serait portée à 90 % du salaire net. C’est parce que nous sommes limités par l’article 40 de la Constitution que nous nous contentons de demander un rapport. J’espère toutefois, au vu de ce qui a été dit, qu’il ne sera pas nécessaire d’attendre six mois pour que notre proposition soit mise en œuvre ; le collectif budgétaire qui sera présenté au mois de juin pourrait en être l’occasion.
C’est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à voter notre amendement et à demander au Gouvernement d’agir au plus vite.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, rapporteur. Il ne m’est jamais venu à l’idée de vous reprocher de défendre vos convictions en matière de solidarité nationale. Je reconnais votre constance à cet égard. Les débats en commission ont d’ailleurs été très respectueux et très sereins.
Cela étant, je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, mon avis sera défavorable. L’adoption de votre amendement modifierait la proposition de loi et entraînerait donc son renvoi à l’Assemblée nationale, puisque la procédure accélérée n’a pas été engagée.
M. Roger Karoutchi. Le texte ne reviendrait au Sénat que dans un an !
Mme Catherine Procaccia. Ou peut-être même deux !
Mme Catherine Deroche, rapporteur. Le dispositif prévu par la proposition de loi peut tout à fait n’être que transitoire, si le Gouvernement prend l’engagement de chercher un moyen d’améliorer la situation. Il doit même être transitoire, car les familles supportent des coûts très élevés : il faut parfois se rendre pendant des mois dans une ville éloignée, et donc prévoir la garde des autres enfants, d’autant que la présence des deux parents peut être nécessaire, par exemple lorsque l’enfant malade est en fin de vie. Or, ne rêvons pas, dans le contexte actuel, il sera difficile d’augmenter l’allocation journalière de présence parentale.
Philippe Bas l’a bien dit, il faut adopter cette proposition de loi rapidement et en l’état.