M. le président. Veuillez conclure, monsieur le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il faut aussi changer les règles fiscales : c’est ce que nous faisons, notamment dans le cadre des travaux de l’OCDE sur le projet BEPS, consacré à lutte contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices.
Vous pouvez donc constater, monsieur le sénateur, que le Gouvernement est totalement déterminé à agir dans ce domaine, en accord avec le Parlement dont il attend qu’il adopte les mesures législatives adéquates ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
intermittents du spectacle
M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour le groupe écologiste.
M. André Gattolin. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social, qui n’est pas présent, mais qui sera remplacé par Mme la ministre de la culture.
Monsieur le ministre, la nouvelle convention UNEDIC qui est à présent soumise à votre agrément prévoit d’importantes restrictions des conditions d’indemnisation et des droits sociaux des techniciens du spectacle et des artistes. Face au risque d’une précarisation accrue de ces acteurs déterminants de notre vie culturelle, de nombreuses voix s’élèvent aujourd’hui pour appeler le Gouvernement à suspendre l’agrément de cet accord.
À plusieurs reprises, vous avez déclaré devant nos collègues députés que cet accord était majoritaire, donc légitime. Eh bien, monsieur le ministre, nous avons, nous, le sentiment que, sur ce point, le fonctionnement de la démocratie sociale en France n’est pas à la hauteur des enjeux. Faut-il rappeler ici l’influence décisive de la culture et de ses intermittents sur le dynamisme économique de nos territoires ?
Dès lors, pourquoi les représentants des salariés de ce secteur, les employeurs culturels ou les collectivités publiques qui financent pour la moitié environ le secteur du spectacle vivant n’ont-ils pratiquement pas eu leur mot à dire autour de la table des négociations ? Pourquoi les propositions de substitution, celles du comité de suivi comme celles de notre collègue Maryvonne Blondin, que je salue ici – en particulier les propositions nos 3, 4, 6 et 9 de son rapport –, sont-elles balayées d’un revers de main par les instances paritaires ?
Il s’agit de défendre ici non pas le statu quo, mais l’ouverture d’une véritable négociation sur l’emploi intermittent, car d’autres solutions existent, à coûts constants, qui remettent à plat le dispositif en vigueur avec plus de solidarité et dans le respect de l’attachement de notre pays à la culture et aux artistes.
La mission de conciliation sans feuille de route formelle que vous avez récemment confiée à notre collègue, le député Jean-Patrick Gille, s’oriente, vous le savez vers un échec, en grande partie parce que le Gouvernement a d’ores et déjà annoncé à plusieurs reprises sa décision de donner coûte que coûte son agrément à la convention UNEDIC avant le 30 juin prochain.
Vouloir satisfaire les exigences du MEDEF avant l’ouverture, au début de juillet, de la conférence sociale, plutôt que d’apporter une réponse équitable à la question de l’intermittence risque de balayer du paysage les petites compagnies du spectacle vivant et de fragiliser nombre de structures déjà exsangues financièrement.
Monsieur le ministre, la balle est dans votre camp. Êtes-vous prêt à repousser l’agrément des annexes litigieuses de cette convention pour engager de véritables discussions avec les acteurs directement concernés par ces mesures et permettre d’éviter l’annulation de la quasi-totalité des festivals cet été ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.
Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, vous avez évoqué l’accord du 22 mars dernier qui, vous le savez, a été signé par les partenaires sociaux. Les règles du dialogue, celles du paritarisme, ont établi des dispositions qui s’appliquent à l’ensemble des chômeurs de ce pays, à l’ensemble de ceux qui touchent des indemnités de chômage, soit quatre millions de personnes, parmi lesquelles on trouve effectivement des artistes et des techniciens du spectacle, auxquels nous sommes plus que jamais attachés.
J’ai été l’une des premières à soulever la difficulté que posait la mesure de différé, une des trois dispositions contenues dans l’accord qui concernent les intermittents. Cette mesure a été modifiée, mais elle continue à inquiéter.
Le Gouvernement entend l’inquiétude exprimée par ces artistes et ces techniciens qui font la vie de nos territoires et de nos festivals. Nous savons tous, quelle que soit notre sensibilité politique, combien la France doit à la culture, parce que la France est une grande nation, grâce à son patrimoine, à son héritage, mais aussi à la vitalité de sa création et de ses artistes ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste. – Marques d’ironie sur les travées de l’UMP.)
Nous avons le souci de respecter le dialogue social, tout comme nous sommes conscients de l’impérieuse nécessité de trouver une solution pour conforter le régime de l’intermittence qui, périodiquement, suscite des crises et des inquiétudes. Il faut réformer ce régime, le remettre à plat.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
Mme Aurélie Filippetti, ministre. C’est la raison pour laquelle le Premier ministre s’est exprimé solennellement. C’est pour surmonter les difficultés actuelles que nous avons confié au député Jean-Patrick Gille, qui connaît aussi bien l’UNEDIC dans son ensemble que le fonctionnement des annexes VIII et X, une mission de médiation et de proposition.
Monsieur le sénateur, je vous l’annonce que Jean-Patrick Gille remettra son rapport cet après-midi au Premier ministre, au ministre du travail et à moi-même. Le Premier ministre s’exprimera aujourd'hui, à dix-huit heures, pour indiquer les conclusions qu’il tire de ce rapport et la manière dont nous allons tous ensemble, avec les parlementaires, sauver les artistes et les techniciens de ce pays ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste. – Exclamations sur les travées de l’UMP.)
intermittents du spectacle
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Madame la ministre, le mouvement de grève des intermittents du spectacle démontre, s’il en était besoin, que la culture ne peut pas vivre sans eux. Ils demandent que le Gouvernement n’agrée pas le nouvel accord du 22 mars 2014 sur le régime d’assurance chômage.
Non seulement cet accord entérine les régressions de la réforme de 2003, qui avait alors été combattue par toute la gauche, je le rappelle, mais il les aggrave encore, en précarisant davantage les artistes et techniciens bénéficiaires de l’assurance chômage. Il entérine ainsi le calcul des 507 heures sur dix mois et dix mois et demi, la suppression de la date anniversaire et du calcul des droits à date fixe, tout en instaurant une surcotisation de deux points pour les employeurs et les intermittents, ainsi que de nouvelles règles de calcul du différé d’indemnisation, qui vont priver d’indemnisation du chômage et de revenus 47 % des intermittents du spectacle, au lieu de 9 % actuellement, pendant des périodes pouvant aller jusqu’à quarante-cinq jours.
Les intermittents du spectacle demandent donc l’ouverture de nouvelles discussions pour examiner les propositions alternatives formulées depuis onze ans, qui ont fait l’objet de nombreux rapports. Le dernier d’entre eux, rendu par le SYNDEAC, démontre qu’il est possible de rétablir le caractère mutualiste de ce régime et de garantir plus d’équité dans les règles d’accès et d’indemnisation, tout en assurant un meilleur équilibre économique.
Le Gouvernement, face à la montée des protestations, a nommé un médiateur qui doit rendre son rapport la semaine prochaine, nous a-t-on dit,… (Exclamations.)
M. Roger Karoutchi. Vous n’avez pas écouté !
M. Thierry Foucaud. … non, cet après-midi, excusez-moi !
M. Alain Fouché. Il faut remettre de l’ordre dans les services publics qui emploient des intermittents !
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Et privés !
M. Thierry Foucaud. Sans anticiper sur ses conclusions, je vous le dis, il est illusoire d’envisager de mettre fin à ce conflit sans renoncer à cet accord injuste : son fondement est mauvais, il ne peut donc être ni aménagé ni retardé, il doit être refondé ! Il faut de véritables négociations, qui envisagent, cette fois, l’ensemble des propositions de substitution formulées, sans exclusive ni parti pris.
Le ministre du travail signait, le 9 mars dernier, une tribune dans laquelle, comme nous le faisons aujourd’hui, il dénonçait les conditions dans lesquelles ces négociations avaient lieu et appelait à une nouvelle réforme. Vous venez également de le faire à l’instant, madame la ministre, mais vous avez aujourd’hui le pouvoir de réaliser cette réforme. Je vous le demande donc : allez-vous enfin renoncer à l’agrément de cet accord ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.
Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, je connais votre attachement, comme celui de tous les parlementaires, à la situation des artistes et des techniciens de ce pays.
Je veux redire que ces artistes et ces techniciens, que l’on appelle intermittents, sont des hommes et des femmes qui travaillent pour faire vivre la culture sur tous nos territoires. Ils ne sont pas des privilégiés ! Au contraire, leurs conditions de vie et de travail sont extrêmement spécifiques, et ils sont exposés à une forte précarité, qui s’est encore accrue.
Depuis dix ans, d’innombrables travaux ont été menés sur cette question, qu’il s’agisse des travaux de ceux du comité de suivi, des missions parlementaires – notamment le rapport de Maryvonne Blondin au Sénat ou celui de Jean-Patrick Gille et Christian Kert à l’Assemblée nationale –, ou des propositions du SYNDEAC, le Syndicat des entreprises artistiques et culturelles.
Nous disposons donc tous d’un corpus de mesures et de réflexions, pour rebâtir enfin un système qui accorde une véritable sécurité professionnelle à ces artistes et à ces techniciens, tout en préservant bien sûr la vitalité du tissu créatif en France.
Jean-Patrick Gille, dans sa mission de médiation, a rencontré tous les acteurs de la négociation. Le rapport qu’il va rendre cet après-midi même, et non pas la semaine prochaine, a été nourri de son expérience, mais aussi de tous les travaux qui l’ont précédé. Ce travail sera suivi d’annonces du Premier ministre qui viseront un double objectif : sortir de la crise où nous nous trouvons et préserver la vie de nos festivals.
En effet, nous ne voulons pas que le silence, la mort et la tristesse règnent cet été dans les rues de nos villes, qu’il s’agisse d’Avignon, d’Aix-en-Provence, d’Aurillac ou de Marciac, car on trouve des festivals formidables partout en France.
Le but de ce rapport est de sortir de la crise, mais aussi de refonder profondément un système qui soit plus juste et plus équitable, pour protéger de la précarité les artistes et les techniciens du spectacle et de l’audiovisuel. C’est absolument indispensable ! Il n’est pas normal que ce genre de crise revienne régulièrement et que nous ne puissions pas trouver collectivement de solution.
M. Roland Courteau. Exactement !
Mme Aurélie Filippetti, ministre. Nous le savons, nous avons tous besoin d’un régime spécifique d’indemnisation du chômage pour les artistes et pour les techniciens. Il nous reste à bâtir ensemble une méthode qui permette d’y arriver.
Comme l’a dit le Premier ministre, une grande réforme est nécessaire, et le Gouvernement prend évidemment toutes ses responsabilités pour que chacun retrouve sa place autour de la table des négociations, afin de dégager une solution commune. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Christian Bourquin, pour le groupe RDSE.
M. Christian Bourquin. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Président de région, je plaide depuis déjà plusieurs années pour une plus grande décentralisation, conforme aux attentes des Français en matière de proximité et d’efficacité. Je ne suis donc pas opposé à une réforme réorganisant notre République décentralisée et permettant de faire des économies.
Hélas, je ne vois pas dans votre réforme le grand big-bang territorial espéré : depuis plusieurs semaines, on n’entend parler que d’arithmétique, réduisant le sujet au nombre de régions !
M. Roger Karoutchi. C’est bien vrai !
M. Christian Bourquin. Alors que le problème des compétences et des moyens dévolus aux collectivités est primordial, on ne nous parle que de découpe, voire de découpage.
Des questions demeurent ainsi en suspens : la décision de faire disparaître les conseils généraux, sans même donner le temps aux intercommunalités de se préparer, ne va-t-elle pas condamner les territoires hyper-ruraux ? Que dire et que faire des milliers de fonctionnaires concernés ?
J’en viens, si vous le permettez, au sort réservé à certaines régions, le Languedoc-Roussillon, par exemple, où la désapprobation est extrêmement forte.
Pourquoi faire disparaître la région la plus attractive de France, qui, en moyenne, chaque année, accueille 30 000 nouveaux habitants et créé autant d’entreprises, ce qui fait naître de l’emploi, de l’emploi, toujours de l’emploi ?
Pourquoi risquer de donner un coup d’arrêt à des politiques innovantes en faveur du pouvoir d’achat, comme celle du train à un euro sur tout le territoire de la région ?
Pourquoi condamner « Sud de France », notre marque connue et reconnue à l’international ? C’est important, le commerce extérieur !
Le Languedoc-Roussillon et toutes ses forces vives contestent votre décision. L’argument démographique ne tient pas : notre région compte autant d’habitants que l’Aquitaine et la Bretagne, deux parmi les sept régions épargnées par le découpage !
Le contexte, je le sais et je le mesure, est aussi tendu en Picardie et dans l’ouest de la France.
M. Alain Fouché. Partout !
M. Christian Bourquin. Nous n’avons, en Languedoc-Roussillon, rien contre nos voisins de Midi-Pyrénées. Nous refusons simplement le mariage forcé ! (Rires et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Nous n’avons pas la même histoire, pas la même dynamique économique, pas la même logique de développement. Nous avons en effet construit notre identité du XXIe siècle sur nos atouts et nos spécificités ; et cela, il faut le prendre en compte !
J’en viens à ma question : le Gouvernement saura-t-il, durant les débats parlementaires, tenir compte des voix qui remontent de nos régions – le Languedoc-Roussillon en tête ? Le Gouvernement saura-t-il accompagner le changement tant réclamé sur le terrain, ce changement nécessaire, mais que n’expriment pas vos dernières décisions ? (Applaudissements sur les travées du RDSE.)
M. Alain Fouché. Non, ils ne sauront pas faire !
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique.
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur Christian Bourquin, au Sénat, le 8 janvier dernier, il y avait affluence. Un nombre important de parlementaires a proposé au Président de la République, sous l’autorité d’un rapport reconnu pour sa qualité, signé à la fois par M. Jean-Pierre Raffarin et M. Yves Krattinger, de diminuer le nombre de régions en France. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Fouché. Non, il ne s’agissait pas de supprimer les départements !
M. Gérard Larcher. Ce n’est pas ce que dit le rapport !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Ne vous énervez pas, monsieur Larcher ! L’île de Batz n’est pas concernée ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
Je reviens à la question posée. Ce débat important s’articulait autour de deux éléments : avoir moins de régions pour essayer de les ramener à une taille dite « européenne »,…
M. Gérard Larcher. En gardant les départements !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. … et garder, ou non, le département. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Gérard Larcher. Le garder ! Il n'y avait pas de « ou non » !
M. Alain Fouché. Tout s’est fait sans concertation !
M. Jean-Louis Carrère. Un peu de respect, chers collègues !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Un peu de respect, en effet, comme le dit M. Carrère !
À partir de là, il est apparu que les positions étaient extrêmement partagées sur les différentes travées. Il y avait, tous partis confondus, à droite comme à gauche, autant de voix pour proposer la suppression des départements que pour les conserver. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Sur ce dossier difficile, le Président de la République, après avoir écouté les débats qui avaient eu lieu au Sénat, a proposé, le 14 janvier dernier, de réduire le nombre de régions, les ramenant du chiffre initialement envisagé de dix ou onze à celui de quatorze.
Ensuite s’est posée la question du devenir des départements. Les débats qui se dérouleront dans cette enceinte sur le sujet seront, à mon avis, extrêmement intéressants.
Le Premier ministre, Manuel Valls, au vu de toutes vos réactions, a décidé de « prolonger » les départements jusqu’en 2020, pour nous donner collectivement le temps de voir s’ils sont supprimés dans les zones urbaines et maintenus dans les zones rurales, ce qui est la position majoritaire des parlementaires de manière générale, ou si l’on trouve un autre échelon de discussion de proximité.
Monsieur Christian Bourquin, vous avez l’occasion, avec votre conférence territoriale de l’action publique, d’anticiper ce sujet, puisque vous pouvez réunir l’ensemble de vos exécutifs et en parler.
Nous devons, ensemble, discuter du redressement de la France. Si votre région compte, comme tant d’autres, de très beaux fleurons, le taux de chômage y est aussi extrêmement élevé. Sans doute est-il temps, au moment où nous vous proposons un ensemble de qualité, de reparler de politique industrielle.
En tout cas, et ce sera ma conclusion, le ministre de l’intérieur – il m’a demandé de l’excuser, car il est aujourd'hui à Mayotte – sera présent pour exposer un dossier d’une telle importance. Il vous dira la position du Gouvernement, mais il va de soi qu’il laissera le débat au Sénat totalement ouvert. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
annonces du premier ministre en matière de logement
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour le groupe UMP. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Élisabeth Lamure. Ma question s’adresse à Mme la ministre du logement et de l’égalité des territoires.
Le ministre de l’économie l’a reconnu très récemment devant des journalistes, le marché du logement va mal. Cet aveu rejoint malheureusement la profonde inquiétude des constructeurs, comme des agents immobiliers.
Nous commençons ainsi à payer la politique menée par le Gouvernement en la matière, en particulier avec la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, la loi ALUR, présentée et défendue par votre prédécesseur. Ce monstre juridique de plus de 150 articles, fruit d’un compromis politique avec la frange la plus idéologique de la majorité, est en train de créer une crise du logement sans précédent en France.
Mme Fabienne Keller. Absolument !
Mme Élisabeth Lamure. Pourtant, que n’avons-nous adressé comme avertissements au Gouvernement sur les dangers économiques et les aberrations administratives de ce texte.
Le résultat, aujourd’hui, est que les investisseurs ne veulent pas faire construire et que les propriétaires ont peur de mettre en location. Les chiffres communiqués par le Commissariat au développement durable sont là pour le prouver : en un an, entre mai 2013 et avril 2014, le nombre de logements neufs mis en chantier affiche un recul de 6,5 % – un triste record !
Plus grave encore, les logements commencés au cours des trois derniers mois sont en baisse de 17,6 % par rapport à la même période en 2013.
M. Roger Karoutchi. C’est dramatique !
Mme Élisabeth Lamure. À l’urgence sociale qui découlera de cette tendance s’ajoute le discrédit politique pour François Hollande, qui annonçait, au cours de la campagne présidentielle de 2012 : « J’agirai pour que soient construits au cours du quinquennat 2,5 millions de logements intermédiaires, sociaux et étudiants, soit 300 000 de plus que lors du quinquennat précédent ! » Encore une promesse de campagne non tenue.
M. Roger Karoutchi. Il n'y a pas que celle-là !
Mme Élisabeth Lamure. Malheureusement, au rythme actuel de 315 000 logements mis en chantier par an, vous ne dépasserez même pas 1,7 million de logements construits sur l’ensemble du quinquennat, alors que 2,2 millions de logements ont été bâtis entre 2007 et 2012, comme le reconnaît le Président de la République.
Madame la ministre, vous vous rendez demain dans mon département pour clôturer, à Lyon, le Congrès de la Fédération des promoteurs immobiliers. (Mme Corinne Bouchoux s’exclame.)
Dans ce contexte, quel correctif très attendu de la loi ALUR comptez-vous annoncer pour remédier à la crise du logement qui frappe durement les Français ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du logement et de l'égalité des territoires.
Mme Sylvia Pinel, ministre du logement et de l'égalité des territoires. Madame la sénatrice, la crise du logement mérite en effet que nous puissions travailler et nous rassembler pour trouver les solutions les plus appropriées à l’accès au logement,…
M. Philippe Dallier. Il faut déjà défaire ce que vous avez fait !
Mme Sylvia Pinel, ministre. … à la fois pour les Français qui sont en attente de l’attribution d’un logement social, mais aussi pour ce secteur économique indispensable à la vitalité de nos territoires et particulièrement pourvoyeur d’emplois.
Vous avez plus précisément évoqué la situation du logement social. Justement, l’Union sociale pour l’habitat, le mouvement HLM, ainsi que mes services, m’ont alertée sur le retard, la diminution ou l’abandon de certains programmes de logements sociaux dans une période récente, consécutive aux changements survenus dans certaines municipalités. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Dallier. Ah ! Nous y voilà !
Mme Sylvia Pinel, ministre. Il est donc important – je vous rejoins sur ce point, madame la sénatrice – que nous puissions travailler ensemble, afin de ne pas retarder ces chantiers et de trouver les solutions adaptées aux difficultés rencontrées par un certain nombre de maires qui cherchent à créer tous les équipements liés au logement.
Vous m’avez plus particulièrement interrogée sur la mise en application de la loi ALUR. Ce texte a été voté récemment par le Parlement.
Mme Élisabeth Lamure. Pas par nous !
Mme Sylvia Pinel, ministre. Et comme le Premier ministre l’a rappelé hier, il est de la responsabilité du Gouvernement de le mettre en œuvre.
Vous le savez, plus de 200 mesures d’application et une centaine de décrets sont nécessaires. Nous avons commencé ce travail en hiérarchisant les textes d’application, donnant la priorité à ceux qui sont susceptibles de redonner du pouvoir d’achat aux Français. Toutefois, je ne peux pas vous laisser dire qu’un certain nombre de ralentissements seraient imputables à un texte qui n’est pas appliqué, puisque seulement deux ou trois dispositions de cette loi sont aujourd’hui du droit positif.
M. Alain Fouché. Le problème, c’est surtout le manque de crédits !
Mme Sylvia Pinel, ministre. Nous agissons avec pragmatisme et réalisme pour la mettre en œuvre, parce qu’il est nécessaire de travailler avec les investisseurs et les professionnels, de retrouver la confiance. Tel est le sens du programme de responsabilité et de solidarité que nous avons mis en place, et nous allons continuer à travailler dans ce sens.
M. Philippe Dallier. Médaille d’or de la langue de bois !
Mme Sylvia Pinel, ministre. Tel est le message de confiance que je délivrerai demain, à Lyon, dans votre département, madame la sénatrice. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour le groupe socialiste.
M. François Patriat. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
Elle n’est pas purement technique, comme son intitulé pourrait le laisser penser, car elle intéresse une filière qui contribue beaucoup à la notoriété de la France, qui est créatrice d’emplois et qui est donc importante pour l’économie.
M. René-Paul Savary. Absolument !
M. François Patriat. Il s’agit de la filière vitivinicole qui, vous le savez, est très mobilisée depuis que la Commission européenne a décidé, en 2008, de libéraliser les droits de plantation dans notre pays.
Tout le monde s’est mobilisé, les viticulteurs, les vignerons, les professionnels et les élus locaux, les élus nationaux, les parlementaires français se rapprochant de leurs homologues européens afin de s’élever contre cette dérégulation qui constitue une menace latente pour la qualité de notre potentiel.
Monsieur le ministre, je voudrais vous remercier d’avoir su rassembler autour de vous, lors de la renégociation de la PAC, les États européens. Vous avez réussi à obtenir une majorité qui a remis en cause cette libéralisation et obtenu que l’on en revienne à un système d’autorisation, garant de la qualité de notre potentiel vitivinicole.
Maintenant, il s’agit de passer aux actes, d’appliquer et d’exécuter la décision. Or la Commission tente aujourd’hui de détourner la décision que vous avez obtenue en permettant une libéralisation déguisée.
Je m’explique. Les vins qui sont sans AOC et sans IGP – c’est-à-dire les vins de table – pourraient, demain, être plantés sur des territoires d’AOC. Et à partir du moment où ils respectent les règlements de ces territoires, ils pourraient obtenir, de façon déguisée, l’appellation d’origine contrôlée ou l’indication géographique protégée sans que les professionnels puissent s’y opposer.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est un détournement !
M. François Patriat. De plus, des vignes destinées à la production de vins de table pourraient à l’avenir être arrachées dans une certaine partie du territoire – je n’en cite aucune – et replantées dans des territoires AOC, la Bourgogne ou le Bordelais, par exemple, obtenant ainsi, de façon détournée, une appellation. Quelques dizaines de milliers d’hectolitres risqueraient donc de venir menacer l’équilibre économique que nous tentons de préserver.
Vous avez réussi, monsieur le ministre, à réunir une plateforme avec treize États européens, mais il semble que la Commission veuille aller au bout de sa démarche.
Je vous demande donc comment nous pouvons vous accompagner, vous aider ou mener des actions pour empêcher que cette libéralisation soit menée à son terme et permettre l’application de la décision que vous avez courageusement obtenue lors de la réforme de la PAC. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées de l’UMP.)