Mme Cécile Cukierman. En moyenne !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Certains considèrent que c’est trop, et l’on peut l’entendre. Des amendements ont été envisagés en commission spéciale, notamment par le rapporteur, concernant le plafond…
M. Alain Néri. Et le seuil !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. … du nombre d’élus dans chaque conseil régional. Nous pourrons les examiner.
D’autres sujets ont été évoqués comme le nombre minimum de conseillers régionaux par département.
M. Alain Néri. Absolument !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Certains d’entre vous se sont exprimés sur ce point ; je pense notamment à M. Mézard, qui m’a fait part personnellement d’une préoccupation, celle de voir, dans de grandes régions, de petits départements compter trop peu d’élus, par ailleurs dans un contexte où la capitale régionale pourrait se trouver éloignée du département en question, ce qui poserait un problème de représentation des départements ruraux dans de grandes régions qui ne seraient pas que rurales.
Cette question n’est pas absurde ; on peut considérer qu’elle est importante et méritant notre attention et une réponse de notre part. En effet, sur ce sujet aussi, nous avons souhaité que le nombre de conseillers régionaux dans les départements les plus petits des grandes régions soit garanti là où, jusqu’à présent, il ne l’était pas par l’effet du mode de scrutin. Certains amendements tendent à ce qu’on aille au-delà de ce qui est proposé par le Gouvernement à l’article 7. Nous pourrons en discuter lors du débat.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement n’a aucunement la volonté d’imposer une carte qui serait à prendre ou à laisser, ce qui aurait été le cas si l’on avait soumis ce texte au référendum. En effet, les Français n’auraient eu aucune possibilité de l’amender. C’est la raison pour laquelle nous n’avons pas soutenu la motion référendaire d’hier.
Mme Éliane Giraud. Absolument !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Nous ne refusons pas non plus de discuter du nombre d’élus, ni d’aborder la question de la représentation des départements ruraux dans les grandes régions. Toutefois, cela doit avoir lieu au cours du débat, rationnellement, dans un climat d’écoute des uns et des autres, afin que la réforme puisse être réalisée dans de bonnes conditions.
Enfin, ce texte comporte d’autres dispositions concernant des sujets plus techniques, plus pointus qu’il nous fallait traiter, car ils résultent de l’adoption d’autres lois lors des derniers mois. Je pense à la mise en sommeil, à compter du 1er janvier 2015, des conseillers généraux de la métropole lyonnaise dès lors que celle-ci est constituée dans le cadre d’une reconfiguration des relations entre le département et la métropole. Je pense aussi aux conséquences tirées de la décision du Conseil constitutionnel relative à la suppléance des conseillers départementaux dans le cadre du scrutin binominal pour que nos dispositions législatives ne remettent pas en cause le principe de bonne administration des collectivités locales. Cette décision nous conduit à ne pas imposer que, lorsque l’un des deux élus binominaux est empêché d’exercer sa mission, l’autre démissionne pour assurer de nouveau la présentation d’un binôme composé d’un homme et d’une femme.
L’ensemble de ces éléments, plus techniques, sont inclus dans le texte et soumis à votre délibération.
Pour ne pas être trop long, je conclurai maintenant mon propos.
D’abord, si l’on regarde l’histoire des dernières décennies, on recense de multiples réformes territoriales, toutes inspirées par une volonté ou un objectif, à commencer par l’émergence très puissante des communes voilà près de cent cinquante ans : inscrire la République en tout point du territoire national, à travers des instances délibératives démocratiquement élues, assurant le développement de services publics partout en France et permettant une respiration démocratique.
Ensuite, au lendemain de la Résistance, les responsables politiques de l’époque ont manifesté la volonté de donner aux territoires la possibilité de se doter d’instruments d’aménagement du territoire.
Puis, François Mitterrand, Gaston Defferre, Pierre Mauroy ont souhaité renforcer l’autonomie des collectivités locales pour leur permettre d’être maître de leur destin, de choisir leur chemin.
Nous, nous voulons aujourd’hui donner davantage de lisibilité, de clarté, de force aux collectivités locales et à l’administration déconcentrée de l’État dans l’ensemble des territoires de la République. C’est la raison pour laquelle nous voulons des régions fortes qui puissent organiser leurs atouts économiques de façon plus pertinente et plus puissante. Nous voulons des intercommunalités qui permettent le déploiement des services publics, notamment dans les milieux ruraux. Nous voulons des services déconcentrés de l’État qui garantissent à tous les citoyens français que le service public continuera à se déployer partout en France, dans les quartiers de nos villes comme en milieu rural.
Nous voulons aussi une clarification pour éviter l’enchevêtrement des compétences, les doublons, les pertes en ligne, qui causent beaucoup de dépenses budgétaires susceptibles d’être évitées. Ces dépenses de fonctionnement correspondent à autant de moyens que nous ne mobilisons pas sur nos territoires pour investir en vue de la modernisation de nos services publics et de nos infrastructures économiques.
Pour répondre à Anne-Marie Escoffier et à d’autres orateurs de toutes sensibilités qui se sont exprimés hier sur ces travées, je veux dire que la crédibilité du discours sur les économies suppose de dire la même chose dans toutes les assemblées, à tout moment, avec la même exigence de rigueur. On ne peut pas dire dans cet hémicycle qu’il faut faire non pas 50 milliards d’euros d’économies, mais 100 milliards d’euros et, dans le même temps, soutenir que les collectivités territoriales n’ont pas vocation à être appelées à contribution dans le cadre d’un effort qui est deux fois plus important que celui que le Gouvernement propose.
Compte tenu de la structure de la dépense publique en France, dire qu’il faut faire 100 milliards d’euros d’économies, ce qui est la proposition du principal parti de l’opposition, et déclarer que cela peut avoir lieu sans qu’à aucun moment on touche à la fois aux structures et aux dotations des collectivités locales relève d’une équation absolument impossible. On ne peut déjà pas économiser 50 milliards d’euros sans toucher à la dépense des collectivités locales, a fortiori 100 milliards d’euros !
Parmi les 50 milliards d’euros d’économies, pour partie reprises par l’actuel gouvernement, qui ont été préparées lorsque j’étais ministre délégué au budget, la répartition entre les différentes strates de dépenses publiques était bien établie. Elle conduisait les collectivités locales à consentir 10 milliards d’euros d’économies. D’ailleurs, et je tiens les documents à votre disposition, cela correspond très exactement au niveau d’économies proposé par le parti auquel un certain nombre d’entre vous appartiennent à l’occasion de l’élection présidentielle de 2012.
Mme Nicole Bricq. Voilà ! Écoutez !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. On ne peut pas, et c’est la crédibilité de toute la parole publique qui est en cause, dire que les économies sont bonnes quand on les propose et au niveau où on les préconise et nécessairement mauvaises lorsque d’autres sont chargés du rétablissement des comptes quelques mois après être arrivés au Gouvernement.
Les économies, il faudra les faire, et ce sera impossible à structures inchangées. En effet, si l’on veut dégager des économies qui soient soutenables pour les territoires, il faut modifier l’organisation du territoire.
J’ai entendu dire que la fusion des régions ne permettrait aucune économie. Pour répondre à cet argument, je voudrais simplement vous donner des exemples concrets. Lorsque, dans certaines régions, des services techniques sont mis en commun afin de gérer les achats, l’entretien des bâtiments, la maintenance des véhicules, les services de paie ou les services des ressources humaines, au bout de quelques années apparaissent des économies d’échelle qui permettent de dégager mécaniquement des économies de fonctionnement.
Jean-Pierre Godefroy et moi-même avons opéré voilà quinze ans une fusion entre la ville de Cherbourg, dont il était maire, et la commune d’Octeville, dont j’étais maire. En quinze ans, nous avons diminué nos dépenses de fonctionnement de 30 % !
M. Jean-Pierre Godefroy. Tout à fait !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale chargée de l’examen du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral. Ça s’appelle la mutualisation !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Nous avons mutualisé, mais nous n’avons licencié personne. Seulement, tous les personnels partant à la retraite n’ont pas été remplacés. De plus, tout ce que nous avons économisé en fonctionnement, nous l’avons investi dans les services publics et utilisé pour ne pas augmenter les impôts, qui, en quinze ans, sont restés stables.
Oui, des économies de fonctionnement auront lieu pour les raisons que je viens de vous indiquer ! Nous devrons les utiliser pour contribuer au redressement de nos comptes et investir dans les infrastructures dont nous avons besoin. Le quantum de ces économies est de 10 milliards d’euros. Si nous pouvons, par une imagination commune, parce que nous sommes liés à l’obligation de redresser nos comptes, faire plus et mieux, tant mieux ! C’est notre devoir que d’y parvenir, mais ce sera impossible en empêchant la réforme.
C’est donc confiant dans la possibilité d’atteindre tous ces objectifs à la fois que je suis heureux de présenter aujourd’hui ce texte à la délibération du Sénat avant son examen à l’Assemblée nationale. Je ne doute pas que le débat sera de qualité et qu’il nous permettra de cheminer ensemble vers des objectifs d’intérêt général. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Delebarre, rapporteur de la commission spéciale chargée de l’examen du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à l’ouverture de cette discussion générale sur le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, je suis, en tant que rapporteur de cette commission spéciale, dans une situation paradoxale. En effet, la commission spéciale n’a pas adopté de texte lors de sa réunion du 26 juin dernier. Pourtant, elle a été, pour quelques heures, le cadre d’échanges constructifs (M. Roger Karoutchi s’esclaffe.), voire de convergences qui ont conduit à l’adoption de dix-huit amendements dont douze que j’avais proposés.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale. En effet !
M. Michel Delebarre, rapporteur. Dans un endroit de ce Sénat, entre quatre murs, s’est passé un phénomène ô combien important, qui était une forme non pas de compromis mais de convergence des pensées et des réflexions. La commission spéciale s’est même laissée aller jusqu’à redessiner – en pointillé, rassurez-vous – une carte régionale rénovée, différente sur plusieurs points de celle qu’a proposée le Gouvernement avec treize nouvelles régions. La discussion des amendements nous permettra peut-être de revenir plus longuement sur le sujet.
Néanmoins, je suis convaincu que, si les travaux de la commission spéciale avaient pu être poursuivis, nous aurions pu espérer avancer vers la proposition d’une autre cartographie.
Mme Catherine Tasca. Exactement !
M. Michel Delebarre, rapporteur. Peut-être aurait-il fallu plus de temps, plus de compréhension entre nous et éviter qu’un texte à tendance référendaire ne vienne percuter l’état serein dans lequel nous étions. (Mme Éliane Assassi s’exclame.)
Je ne reviendrai pas sur la présentation du texte qui nous est soumis, monsieur le ministre, car vous l’avez clairement et parfaitement exposé, rappelant les objectifs visés par le Gouvernement. Ces objectifs sont connus, puisqu’ils correspondent à ceux qui ont été fixés par le Premier ministre dès son discours de politique générale à l’Assemblée nationale et dans la déclaration lue devant la Haute Assemblée au mois d’avril dernier.
À cet égard, les deux projets de loi déposés sur le bureau de notre assemblée forment un ensemble, ce dont tous nos collègues conviennent aisément. (M. le président de la commission spéciale opine.) Le Sénat sera d’ailleurs conduit à examiner ces deux textes en priorité, conformément à l’article 39 de la Constitution. C’est la manifestation la plus évidente que le Sénat est le représentant des collectivités territoriales de la République, comme le rappelle l’article 24 de notre Constitution.
Tous les sénateurs présents dans cet hémicycle mesurent l’importance de la réforme qui nous est proposée. Celle-ci n’étend cependant pas nos horizons jusqu’à la Corse ou aux outre-mer, qui, du fait de leur statut particulier, n’entrent pas dans le champ de la réforme. Il faut dire – je pense que notre collègue Thani Mohamed Soilihi ne me contredira pas – que ces territoires ont connu, depuis plusieurs années, des bouleversements institutionnels autrement plus importants. Ils sont à l’évidence un exemple dans la voie de la diversification des organisations territoriales au sein de notre République unitaire mais décentralisée.
M. Jacques Mézard. La Corse ? Bel exemple en la matière !
M. Michel Delebarre, rapporteur. La future création de la métropole de Lyon nous démontre que, en s’appuyant sur un consensus local, le « sur mesure » institutionnel est une voie à explorer. Lors de nos débats en commission spéciale, plusieurs de nos collègues l’ont affirmé : une solution qui satisfait une région de France n’est pas forcément pertinente pour une autre région.
La Haute Assemblée est fidèle à sa vocation en étant la caisse de résonance de débats qui parcourent nos régions. J’en veux pour preuve les plus de trente contributions que j’ai reçues en retour du courrier que j’avais adressé aux présidents de conseils généraux et régionaux. J’ai transmis ces documents à l’ensemble des membres de la commission spéciale, conformément au souhait de M. Mézard. (M. Jacques Mézard acquiesce.) Je vais m’attacher à vous en restituer, à grands traits, quelques orientations.
Les réponses se montrent majoritairement favorables à une forme de « big-bang territorial ». Les élus régionaux et départementaux estiment qu’une modernisation de nos structures territoriales est aujourd’hui nécessaire. Toutefois, ils m’ont fait part de leurs inquiétudes, qui s’articulent, en particulier, autour de deux points principaux.
Le premier concerne la place du département dans la carte territoriale de demain. Beaucoup estiment que la puissance d’une région est non seulement liée à sa superficie, mais aussi aux compétences exercées et aux moyens budgétaires et financiers dont elle dispose pour les assumer. Si des régions plus grandes sont toutefois acceptées, c’est à la condition que le département, en tant qu’échelon de proximité et intermédiaire, soit préservé dans les territoires ruraux. Le département – dans les réponses que j’ai reçues – conserve toute sa légitimité dans une France où les régions verraient leur nombre réduit et leur périmètre élargi.
Sur ce premier point, je tiens également à préciser que les propositions de découpages régionaux se révèlent convergentes, qu’il s’agisse du regroupement du Poitou-Charentes et du Limousin avec l’Aquitaine ; du maintien du Languedoc-Roussillon et de Midi-Pyrénées dans leurs limites territoriales actuelles ; ou encore de la réunion de l’Auvergne avec Rhône-Alpes. En revanche, plusieurs propositions alternatives m’ont été adressées pour chacune des régions Picardie, Champagne-Ardenne et Lorraine, ainsi que pour les régions Centre et Pays de la Loire.
Le deuxième point qui émerge des réponses reçues concerne la répartition des conseillers régionaux par section départementale. Je tiens à signaler les nombreuses inquiétudes qui se sont fait jour quant à la représentation équitable des territoires ruraux au sein de conseils régionaux plus importants.
Les départements ruraux ainsi que les régions réclament un nombre minimal de conseillers régionaux pour leur permettre de défendre les intérêts de leur territoire au sein d’ensembles régionaux plus vastes.
Les régions ne sont pas seulement des circonscriptions administratives. Les structures territoriales existantes ont permis à notre pays d’entrer dans la modernité. Elles se sont construites au fil des décennies, même si leurs contours actuels sont récents au regard de l’histoire, d’une longue histoire que je me suis attaché à rappeler dans le rapport que j’ai déposé au nom de la commission spéciale.
À l’aube du XXIe siècle, nous devons franchir une nouvelle étape et prendre des décisions qui vont préparer la France de demain. Notre monde a changé, nous en sommes tous conscients. Mais si le monde a changé, nous devons changer nous aussi, pour moderniser nos structures afin de les conserver et de les rendre plus fortes. C’est le projet du Gouvernement.
Comme je l’ai relevé en commission, recueillant un large assentiment de la part de mes collègues, cette réforme ne peut pas uniquement se justifier par d’éventuelles économies financières à long terme, pour l’heure difficilement perceptibles. Non, le véritable but, c’est de bâtir des régions de taille européenne. La comparaison avec des collectivités semblables au sein d’autres États européens alimentera nos débats, que ce soit pour la récuser, la nuancer ou l’approuver.
On peut s’accorder sur le constat que les régions françaises sont en moyenne moins denses que leurs voisines européennes et, surtout, que leur poids économique est plus faible. La comparaison avec l’Allemagne est particulièrement éclairante : le PIB régional moyen en valeur absolue est deux fois plus important de l’autre côté du Rhin ! Des divergences se dessinent sans doute concernant les conséquences à en tirer : nouvelle délimitation, transfert de compétences, pouvoir réglementaire autonome ? Le débat est totalement ouvert !
Il m’a été donné de présider, pendant deux ans, le comité des régions, à Bruxelles. J’ai ainsi pu côtoyer des représentants des collectivités territoriales de tous les pays de l’Union européenne, et j’ai le souvenir des discussions menées avec les présidents de la Catalogne ou de la Rhénanie du Nord-Westphalie. Ces régions comptent plus de 10 millions d’habitants. En leur sein, les véritables questions sont : quels sont les enjeux de développement territorial, quelles sont les préoccupations en matière de développement économique, quelle est l’image de la région à l’échelle internationale ? Telle était la teneur du débat ! À l’avenir, il faut que, en France aussi, les présidents de conseil régional se focalisent sur ces enjeux, car ce sont ceux qui contribueront à la croissance de notre pays.
Le diagnostic a été établi. La commission spéciale s’est attachée à en dégager des grands principes pour la réforme territoriale.
Tout d’abord, sur l’initiative de nos collègues du groupe UDI-UC, elle a adopté, au titre d’un article additionnel, les principes qui doivent guider le législateur dans cette réforme : la recherche d’une meilleure efficience publique ; la lutte contre l’érosion de la démocratie locale ; le respect de la diversité des territoires ; la redéfinition de la sphère d’intervention de l’État et la réforme de la fiscalité locale pour accroître l’autonomie fiscale des collectivités territoriales.
Ensuite, s’agissant des limites régionales, la commission spéciale a adopté plusieurs amendements visant à redessiner la carte régionale.
Les modifications par rapport au projet initial sont les suivantes : comme je l’ai déjà indiqué, le Poitou-Charentes et le Limousin pourraient être rattachés à l’Aquitaine, et ce sur l’initiative de MM. Didier Guillaume et Philippe Adnot.
Les Pays de la Loire seraient rapprochés de la région Centre…
M. Yannick Vaugrenard. Ah non !
M. Ronan Dantec. Il faut en parler !
M. Michel Delebarre, rapporteur. Mes chers collègues, je donne simplement quelques illustrations de sujets qui ont été évoqués. Je n’ai pas dit qu’ils suscitaient l’unanimité. Au reste, le fait qu’une solution ait été évoquée ne signifie pas qu’elle a été adoptée.
M. Jean-Pierre Sueur. La vallée de la Loire est si belle ! On ne peut la découper en morceaux…
M. Éric Doligé. Il en va de même pour la France !
M. Michel Delebarre, rapporteur. Jean Germain, Jacqueline Gourault ou encore Philippe Adnot ont mentionné cette possibilité de fusion.
La Champagne-Ardenne pourrait former un grand Est avec l’Alsace et la Lorraine.
La Picardie et le Nord-Pas-de-Calais seraient fusionnés. Il s’agit, là aussi, d’une piste examinée par la commission. Ce n’est pas mon avis.
M. Roger Karoutchi. Eh oui !
M. Michel Delebarre, rapporteur. Les régions Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées conserveraient leur autonomie ; c’est un souhait de Christian Bourquin ou encore de Jacques Mézard.
Nous avons eu l’occasion de débattre de tous ces cas de figure. Ces modifications, opérées sans démembrement des régions actuelles et avec une diminution du nombre de régions par rapport à la carte proposée, font écho à un souhait du Gouvernement.
En revanche, il a paru souhaitable à la commission spéciale de permettre aux départements de choisir, après coup, un autre rattachement afin de prendre en compte des situations particulières. Aussi a-t-elle adopté à une large majorité l’un de mes amendements tendant à supprimer la consultation obligatoire des électeurs en cas de fusion de régions et de départements, de fusion d’une région et des départements la composant ou de transfert d’un département de sa région d’origine vers une région limitrophe.
Au fond, nous nous sommes plutôt attachés à imaginer des régions qui, au-delà de leurs contours territoriaux, seraient des organismes vivants. Ainsi, au cours des années à venir, notre carte régionale, loin d’être intangible, répondrait de mieux en mieux aux souhaits de nos territoires.
Dans ces hypothèses, les modifications des contours des régions ou des départements résulteraient des seules délibérations concordantes des assemblées délibérantes concernées, conformément au principe de subsidiarité. C’est le gage donné aux territoires que la carte régionale élaborée par le Parlement doit pouvoir vivre et être ajustée au besoin, sans que l’on puisse en tirer prétexte pour ne rien changer.
Un autre sujet a retenu l’attention des membres de la commission spéciale : le nombre de conseillers régionaux par région et par section départementale. Un débat s’est ainsi engagé sur l’opportunité du plafonnement à 150 du nombre d’élus régionaux au sein de chaque assemblée délibérante, y compris dans les régions dont les limites resteraient inchangées.
La commission spéciale a finalement approuvé la solution que je lui proposais : fixer le nombre de sièges de conseillers régionaux par région en reprenant les effectifs actuels dans la limite de 170 élus en règle générale et de 180 élus pour l’Île-de-France.
Le débat n’est pas clos : il s’agit simplement d’un arrêt sur image. Je connais au moins deux ou trois de nos collègues selon qui, avec 180 élus, on manquerait encore un peu d’air.
M. Roger Karoutchi. Eh oui !
M. Michel Delebarre, rapporteur. Ils aimeraient, pour respirer, aller au-delà de 200. Ils avancent – peut-être est-ce vrai ; pour ma part, je n’en ai pas l’expérience – que, en deçà de 200 ou, pour être exact, de 209 élus,…
M. Philippe Kaltenbach. Bon chiffre ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale. C’est tout à fait cela !
M. Michel Delebarre, rapporteur. … la région d’Île-de-France ne peut pas s’exprimer. Je ne fais que rapporter une partie de nos échanges…
Monsieur le ministre, la position de la commission spéciale ne m’a pas paru figée sur ce point. Toutefois, j’ai perçu comme un souffle nous poussant à rehausser les seuils fixés.
S’agissant de la représentation des départements au sein du conseil régional, le Gouvernement propose d’assurer au minimum un conseiller régional par département par réaffectation de sièges entre sections départementales. La commission spéciale a salué le mécanisme garantissant un nombre minimal de conseillers régionaux au sein de chaque département, mais elle a préféré revenir au mécanisme qu’elle avait adopté à l’unanimité, le 15 mai 2013, sur l’initiative de notre collègue Alain Bertrand et sur le rapport de notre collègue Alain Richard. Ainsi, elle a préféré assurer non plus un mais deux conseillers régionaux pour chaque section départementale. En outre, ces sièges s’ajouteraient, au besoin, à l’effectif total et ne seraient pas prélevés sur d’autres départements de la même région.
Plusieurs membres de la commission spéciale ont vivement appelé de leurs vœux une évolution plus libérale de la jurisprudence constitutionnelle en matière de répartition des sièges. Il semblerait que le Conseil constitutionnel accepte un, accepterait deux, se crisperait à trois et renverrait M. Mézard à ses chères études s’il se présentait avec sa proposition de cinq. Sur ce point, des divergences d’appréciation subsistent, qui méritent sans doute d’être confrontées. Pour ma part, j’ai tenu à proposer des solutions, certes plus favorables aux départements ruraux mais respectant les contraintes imposées par la jurisprudence constitutionnelle.
Voilà, en quelques mots, les éléments de réflexion de la commission spéciale. Toutefois, en écoutant M. le ministre, j’ai cru comprendre que nos préoccupations avaient déjà été transmises au Gouvernement.
Mes chers collègues, les sujets insolubles ne sont pas si nombreux que cela. La prise en compte de ces préoccupations n’empêcherait certes pas d’adopter un texte opérationnel, mais celles-ci ne doivent pas être confondues avec le débat de fond : pour bien des membres de la commission spéciale, il est difficile de réfléchir à ces questions sans savoir quel sera réellement le destin du département.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale. C’est tout le sujet !
M. Michel Delebarre, rapporteur. Est-il appelé à disparaître ? Si oui, en 2020 ou à un autre moment ? Et, dans un cas comme dans l’autre, comment serait assurée la complémentarité avec les niveaux départemental et intercommunal ?
Bref, bien des membres de la commission spéciale, tout en mesurant l’importance de notre débat, souhaitaient le voir borné en raison d’autres préoccupations de fond. Ces dernières sont à mes yeux légitimes, car, lorsque nos collègues sont sur leur territoire et qu’ils rencontrent d’autres responsables élus, c’est sur ces questions-là qu’ils sont interrogés en priorité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur quelques travées du groupe UMP.)