M. le président. L'amendement n° 66, présenté par MM. Masseret et Bigot et Mme Schillinger, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
Compléter cet alinéa par les mots :
et Lorraine
II. – En conséquence, alinéa 11
Supprimer les mots :
et Lorraine
La parole est à M. Jean-Pierre Masseret.
M. Jean-Pierre Masseret. Cet amendement vise à témoigner d’une double fidélité. Fidélité à la proposition initiale du Gouvernement faite à l’Alsace et à la Lorraine de faire chemin ensemble et fidélité à ce que j’ai réalisé avec Philippe Richert, sur la base de la proposition du Gouvernement.
Avec ce voisin alsacien, avec ce collègue président de région, alors que nous n’appartenons pas à la même sensibilité politique, nous avons examiné ensemble la réalité de la vie quotidienne de nos concitoyens en matière de mobilité, de formation, de santé, d’études. Nous avons également examiné ensemble les potentiels pour créer de la croissance et des emplois au profit de nos concitoyens.
C'est sur cette base que nous avons fait savoir à tous, notamment par le biais de conférences de presse, ce qu’il nous paraissait important de conduire ensemble, dans l’intérêt de nos concitoyens, de leur vie quotidienne, pour organiser l’avenir.
Mes chers collègues, je vous demande de répondre à cette double fidélité en émettant un vote positif sur cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 1 rectifié bis, présenté par MM. Guené et Sido, Mme Loisier et MM. Kern, G. Bailly et Houpert, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 8
Rédiger ainsi cet alinéa :
« - Bourgogne, Champagne-Ardenne, Franche-Comté et Lorraine ;
II. – En conséquence, alinéa 11
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Charles Guené.
M. Charles Guené. La démarche dont procèdent notre amendement et nos sous-amendements relève de l’adhésion à des régions « stratèges », plus grandes et plus puissantes que celles qui sont souvent proposées, à l’intérieur desquelles les départements peuvent assumer la subsidiarité et la proximité dans lesquelles ils excellent.
Comme je l’ai dit tout à l'heure, nous aurions préféré une reconfiguration préalable des départements, mais, puisqu’il en est autrement, nous voulons par cet amendement ménager l’avenir dans cette optique et redonner du sens au découpage régional en rassemblant les régions dans des ensembles plus cohérents, en termes tant culturels et identitaires que de taille critique ou encore d'infrastructures. En effet, le projet de fusion entre les régions Alsace, Champagne-Ardenne et Lorraine a suscité – et suscite encore – un refus de nos amis alsaciens, qui souhaitent vivre seuls en suivant une voie originale.
Le présent amendement vise à en prendre acte. Il tire les conséquences objectives de cette situation en créant une région regroupant la Champagne-Ardenne, la Lorraine, la Bourgogne et la Franche-Comté dans un ensemble viable. Outre la puissance économique que représenterait une telle région, qui nous permettrait de rivaliser avec les plus grandes métropoles nationales et européennes, cette configuration correspond à plusieurs réalités et présente divers avantages.
Tout d’abord, elle allie deux binômes qui sont liés pour des raisons historiques, économiques et logistiques : Bourgogne et Franche-Comté, d’une part, et Champagne-Ardenne et Lorraine, d’autre part. Ils entretiennent ensemble des relations de voisinage, de services, de culture… Or force est de constater que ces deux binômes, pris séparément, seraient insuffisants pour constituer des masses critiques au niveau européen et qu’ils nous relégueraient, pour chacun d’entre eux, dans le peloton de queue des territoires.
En revanche, la mise en commun de nos potentiels est naturellement complémentaire. Elle ferait de ces quatre anciennes régions ainsi rassemblées une entité forte et un cœur de synergies. Je pense notamment aux pôles nucléaires réunissant Bure pour la Meuse et la Haute-Marne, Valduc pour la Côte-d’Or, Cattenom pour la Moselle, au futur parc national entre Champagne et Bourgogne ou encore aux pôles universitaires et médicaux de Dijon, Reims, Nancy, Troyes et Besançon.
Subsidiairement, il faut convenir que cette région serait résolument multipolaire et mettrait fin à la crise liée à la recherche d’une capitale unique.
Ensuite, une telle région laisserait toute sa place à une collaboration et à un partenariat entre les départements, qui verraient leur rôle de trame conforté.
Enfin, ce choix viendrait apporter une bouffée d’espoir et d’avenir aux zones intermédiaires de Sud Aube, Sud Haute-Marne et Nord Haute-Saône et de leurs symétriques du Nord Bourgogne-Franche-Comté et Lorraine. Ces zones intermédiaires, qui se sentent attirées l’une vers l’autre, trouveraient ainsi une place nouvelle, qui serait l’expression des réseaux que le temps leur a fait tisser au-delà des frontières d’hier.
M. le président. L'amendement n° 45, présenté par MM. Savary et Détraigne, Mmes Férat et Gruny, M. Lefèvre et Mme Troendlé, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 11
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Champagne-Ardenne, Lorraine et Picardie ;
II. – En conséquence, alinéa 15
Supprimer les mots :
et Picardie
La parole est à M. René-Paul Savary.
M. René-Paul Savary. La région Champagne-Ardenne, ballottée et refusée par certains territoires – ils ont bien tort de la bouder –, est composée de quatre départements. Le mien, la Marne, qui est au centre de ce territoire, est le symbole d’une économie performante. La production de champagne pèse 4,2 milliards d’euros et le PIB par habitant est proche de celui de l’Alsace. De mémoire, nous sommes à 25 000 euros, contre 27 000 euros en Alsace. D’autres sont nettement en dessous…
La région Champagne-Ardenne et le département de la Marne devraient donc faire l’objet de toutes les convoitises. Or on les refuse. Voilà pourquoi j’essaie de les remettre au centre du débat et de réfléchir à un dispositif cohérent.
J’ai été sensible aux arguments de Daniel Dubois. Ce qui nous est proposé manque en effet de cohérence. C'est pourquoi je propose de retenir le principe de grandes régions et de maintenir les départements, ce qui est tout à fait essentiel, sauf dans les zones métropolitaines – m'a-t-on rabâché – où les départements devront fusionner avec la région pour rationaliser l'administration. Ce sera le cas à Strasbourg et à Lille, qui sont des métropoles européennes importantes.
Je suis également favorable à ce que les départements bénéficient d’une facilité de détachement, afin que les décisions soient enfin prises par nos concitoyens, ces derniers étant amenés à débattre au sein des conseils généraux et régionaux. Ils pourront reprendre la main après que nous aurons défini les grandes orientations sur le plan national, comme c’est notre vocation. Tel est le raisonnement que j’ai essayé de suivre en déposant cet amendement.
Je m’interroge aussi sur le fait métropolitain. Trois grandes métropoles interagissent avec ce territoire : Lille au nord, Strasbourg à l’est et Paris, capitale de la France. Au milieu se trouve un no man’s land, sans capitale régionale, qui bénéficie toutefois du rayonnement de ces trois grandes villes. Je veux parler de la Picardie, de la Champagne-Ardenne et de la Lorraine. C’est la raison pour laquelle je me permets de vous présenter cet amendement, mes chers collègues, sachant qu’il sera sujet à confrontation.
M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous propose de prolonger cette séance jusqu’à minuit trente, afin d’aller plus avant dans l’examen des amendements.
Il n’y a pas d’opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
L'amendement n° 8, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 11
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« – Champagne-Ardenne ;
« – Lorraine ;
II. – Après l’alinéa 19
Insérer un I ter ainsi rédigé :
I ter - Après l’application en Alsace, en Champagne-Ardenne et en Lorraine de la procédure de fusion prévue à l’article L. 4124-1 du code général des collectivités territoriales, ce même code est complété par un article L. 8111-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 8111-1. - Dans les trois régions Alsace, Champagne-Ardenne et Lorraine, un décret en Conseil d’État peut fusionner en une collectivité territoriale unique la région et les départements qui en font partie. Cette collectivité territoriale unique exerce l’ensemble des compétences attribuées par la loi à la région et aux départements qu’elle regroupe. Elle leur succède dans tous leurs droits et obligations.
« Le présent article s’applique par dérogation à l'article L. 4124-1 du code général des collectivités territoriales et par dérogation aux autres articles de la présente loi. »
La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Dans ce débat sur les différentes alternatives qui s’offrent à nous pour le découpage des régions, je suis frappé par une chose : chacun veut décider à la place du voisin. Je suis tout de même un peu surpris de voir nos collègues expliquer aux Alsaciens qu’ils n’ont pas bien compris où se trouvait leur intérêt. Selon moi, personne n’est mieux placé que les Alsaciens – je prends l’exemple de l’Alsace, mais c’est vrai pour les autres régions – pour savoir ce qui est bon pour l’Alsace. Venir donner des conseils aux Alsaciens quand on est lorrain, bourguignon ou franc-comtois me paraît stupéfiant.
La situation est déjà suffisamment compliquée. Que chacun se contente de s’occuper de sa région et non pas de la région du voisin. Sinon, on n’en sortira jamais ! En outre, les conseils donnés aux voisins dans leur intérêt ne sont peut-être pas toujours dénués d’arrière-pensées…
Cet amendement concerne ma région et non pas celle des autres. Je constate que nos voisins alsaciens ont formulé un avis. Selon moi, ils ont tout à fait raison, et leur position est très pertinente. Quand on connaît bien l’Alsace, on comprend tout à fait que sa population et ses élus fassent un tel choix, qui me semble très cohérent.
En tant que lorrain, je pense que la Lorraine devrait suivre la même logique et faire un choix du même type, en privilégiant une région à taille humaine et non pas une pseudo-région européenne tentaculaire. Actuellement, la tendance est à l’inflation des régions. Vous l’avez noté, mes chers collègues, un amendement vise à réunir la Lorraine, la Champagne-Ardenne et l’Alsace. Un autre y ajoute la Bourgogne et la Franche-Comté. Bientôt, cela représentera la moitié de la France !
M. Michel Bouvard. On va recréer la Lotharingie !
M. Jean Louis Masson. Au moins, ces propositions nourrissent le Journal officiel ! Toutefois, à un moment donné, il faut tout de même faire preuve d’un minimum de bon sens. Créer un lien réunissant le sud de la Franche-Comté et le nord des Ardennes me paraît quelque peu surprenant. De même, joindre la Picardie, qui remonte jusqu’à la mer du Nord, avec les Vosges et la Lorraine, c’est également déconcertant.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean Louis Masson. Aussi cet amendement ne porte-t-il que sur ma région. Si on pouvait y faire ce que nos voisins alsaciens proposent pour leur propre région, ce serait une bonne chose.
M. André Reichardt. Très bien !
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 70 est présenté par Mme Létard et M. Lecerf.
L'amendement n° 43 est présenté par MM. Delebarre et Vandierendonck, Mme Génisson et MM. Poher, D. Bailly, Percheron et J.C. Leroy.
Tous deux sont ainsi libellés :
Alinéa 15
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« - Nord-Pas-de-Calais ;
« - Picardie ;
La parole est à Mme Valérie Létard, pour présenter l’amendement n° 70.
Mme Valérie Létard. Avec difficulté, le Sénat a tranché, mais son choix est désormais clair, en faveur de l’amélioration de la carte régionale plutôt que de sa suppression. Nous savons tous pour quelles raisons.
Dans ces conditions, à nous de faire progresser au mieux ce qui a mal démarré. Car nous n’avons que ce choix : limiter les effets collatéraux d’une réforme élaborée à l’envers, faisant courir de gros risques à nos régions et à leurs habitants, par absence de dialogue et de préparation. À cet égard, il suffit de rappeler ce que vous avez tous dit, mes chers collègues, à savoir l’extrême imprécision des études d’impact qui nous ont été fournies pour alimenter ce texte.
Permettez-moi de le rappeler, le texte initial du projet de loi faisait le choix de conserver la région Nord-Pas-de-Calais dans son périmètre actuel, et ce pour trois raisons : sa densité urbaine – 4,1 millions d’habitants –, son dynamisme économique et ses relations privilégiées avec les pays d’Europe du Nord, puisque nous sommes véritablement dans des stratégies de développement économique transfrontalières. Il s’agissait donc bien de capitaliser sur l’effort déjà entrepris par notre région, pour définir un projet de territoire cohérent, tirant parti de nos atouts et appuyé sur une maquette budgétaire significativement financée par les fonds européens. Malheureusement, l’Assemblée nationale est revenue sur une telle décision.
Dans un contexte socioéconomique extrêmement fragile où les taux de chômage de nos régions atteignent des pics de 15 %, la fusion du Nord-Pas-de-Calais avec nos voisins et amis picards ne pourrait qu’amplifier et aggraver un phénomène touchant déjà sévèrement nos deux régions. En effet, au-delà du seul trait de dessin, nous nous posons des questions essentielles et très concrètes. Que deviendront nos stratégies d’aménagement du territoire respectives, nos axes de développement économique, les investissements pertinents, dans une nouvelle région à l’échelle élargie ? Quelles ambitions allons-nous partager ? Quelle communauté de projet, de destin, comme le rappelait Bruno Retailleau, allons-nous construire, et avec quels moyens ?
Aujourd'hui, la feuille de route est blanche, car il n’y a eu encore aucun travail partenarial pour confronter les aspirations des territoires de nos deux régions et, surtout, définir des contours pertinents si fusion il devait y avoir.
Mes chers collègues, vous avez entendu M. Daudigny, et vous entendrez tout à l’heure nos collègues du Nord-Pas-de-Calais. Un collègue de l’UMP a notamment évoqué l’attraction de l’Oise par l’Île-de-France. Vous pourrez également constater que les trois départements de Picardie se tournent naturellement vers trois régions différentes,…
M. René Vandierendonck. Eh oui !
Mme Valérie Létard. … chacun, M. Daudigny l’a rappelé, expliquant l’intérêt et la réalité de sa propre attraction.
Face à ces éléments, on voit bien l’intérêt de rester dans la configuration actuelle, qui permettrait ensuite à la Picardie de bénéficier du droit d’option pour choisir la région dont elle se sent économiquement, culturellement et géographiquement la plus proche, ce qui permettrait de mettre en œuvre des communautés de projets efficaces et intelligentes, dans l’intérêt des habitants. Car si les deux régions sont fusionnées d’office, il sera bien évidemment quasi impossible de revenir sur une telle décision, les conditions du droit d’option, une fois les régions fusionnées, étant beaucoup plus complexes à mettre en œuvre.
Quant à notre région, le Nord-Pas-de-Calais, le maintien de ses limites actuelles lui permettrait de se réserver la possibilité d’une fusion des trois institutions territoriales, c'est-à-dire de la région et des deux départements, avec une métropole centrale, qui, de toute façon, à terme, coupera en son milieu le département du Nord, ce qui ne sera pas cohérent.
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Valérie Létard. Monsieur le président, je n’ai jamais pris la parole depuis le début de ce débat. Si vous le permettez, j’essaierai de m’exprimer en une seule fois à l’occasion de la présentation de cet amendement.
M. le président. Efforcez-vous d’être synthétique !
Mme Valérie Létard. Concernant les limites préservées, qui permettraient de ne pas insulter l’avenir et de conserver la possibilité de fusionner nos trois institutions, elles me paraissent aller dans le sens de ce que veut le Gouvernement, à savoir une maîtrise des dépenses publiques – il s’agit d’un projet rationnel –, mais aussi une simplification de l’accès aux procédures administratives, grâce à une cohérence administrative et institutionnelle mieux maîtrisée.
Enfin, si cette fusion est votée, je vous rappelle tout de même, monsieur le ministre que, dans des territoires aussi fragiles économiquement que les nôtres, il existe un risque de gel des investissements publics des collectivités soutenus par les contrats de plan État-régions et les fonds européens, pendant les deux ans qui seraient nécessaires pour reconquérir et rétablir une stratégie de développement économique et d’aménagement du territoire. En effet, il ne sera pas question d’investir dans un aménagement structurant, par exemple un port à conteneurs, sur un territoire qui pourrait ne plus être, demain, celui qui serait destiné à développer la logistique. Par conséquent, tous les projets seraient arrêtés pendant deux ans. Or, dans un territoire où le chômage atteint 15 %, on crée les conditions de porter ce taux à 25 % au bout de deux ans si on ne fait pas en sorte que les communautés de projets soient anticipées.
Quand deux régions normandes fusionnent, elles y travaillent depuis des années ! À l’inverse, pour ce qui concerne le Nord-Pas-de-Calais et la Picardie, on prévoit d’abord de nous séparer, puis on nous dit subitement que nous serons rassemblés. Je n’ai rien contre mes amis picards ! Peut-être même est-il possible de travailler à une région plus importante. Mais encore faudrait-il que celle-ci ait un sens stratégique et économique. Il conviendrait également qu’elle soit préparée, anticipée et de bon sens. Quel est aujourd'hui le territoire de bon sens ?
On le voit, nous ne sommes pas mûrs. Quoi qu’il en soit, chacun s’est exprimé, les représentants du Nord-Pas-de-Calais et nos amis picards, chacun avec sa façon de parler, son cœur et son bon sens, ainsi que son expertise des territoires. Si, aujourd'hui, on place le Nord-Pas-de-Calais dans cette voie, on le met dans une situation dont il mettra des décennies à se remettre. (Applaudissements sur certaines travées de l'UDI-UC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Michel Delebarre, pour présenter l’amendement n° 43.
M. Michel Delebarre. Je ne suis pas non plus intervenu depuis le début du débat. En outre, à la lecture du dérouleur de séance, je m’attendais à intervenir juste avant Mme Létard. Monsieur le président, vous avez fait un cadeau à ma collègue, qui a pris huit minutes pour s’exprimer. Vous savez donc à quoi vous attendre avec moi… (Sourires.)
J’évoquerai le même sujet que ma collègue, à savoir le Nord-Pas-de-Calais et ne dirai pas un mot de l’Alsace. J’ai pourtant compris, depuis quelques heures, qu’il valait mieux en parler…
Monsieur le ministre, je ne crois que ce soit une bonne idée de rapprocher la Picardie et le Nord-Pas-de-Calais – ces deux régions, en définitive, ne sont associées à aucune autre région –, en disant « puisqu’elles sont là-haut, on va les fusionner ». Ces deux régions n’ont aucun rapport entre elles. Les différents intervenants ont d’ailleurs du mal à argumenter sur l’importance de notre solidarité de fait. Quand on vit dans le Nord-Pas-de-Calais, on ne vit pas avec la Picardie. Et quand on vit en Picardie, je ne crois pas qu’on vive avec le Nord-Pas-de-Calais.
Historiquement, à terme, est-ce notre destin ? Je ne peux pas le dire. Nous avons un atout possible, le canal Seine-Nord Escaut, lequel, s’il était un jour réalisé, créerait sans doute des liens plus importants. Mais tel n’est pas aujourd'hui le cas.
La première carte établie par le Gouvernement ne fusionnait pas le Nord-Pas-de-Calais et la Picardie. Elle partait d’un constat légitime et exact : ces régions doivent avoir leur propre destin. Dans le Nord-Pas-de-Calais, nous le considérons ainsi.
Sans doute – j’écoute avec attention tout ce qui s’est dit sur l’Alsace – une évolution des structures internes de la région et des deux départements, qui avancera plus vite qu’on ne l’a jamais imaginé, nous permettra-t-elle de travailler davantage ensemble, voire de faire évoluer nos propres structures. C’est ainsi que je vois l’avenir, dont les perspectives doivent procéder d’une décision interne très forte, dans un cadre défini par une carte, qui, je l’espère, permettra de distinguer nos deux régions.
Monsieur le ministre, je voudrais faire une remarque, dans le prolongement de propos qui ont été tenus par différents intervenants.
La géographie et l’histoire sont ainsi faites que nos plus proches voisins, que certains voient en Picardie, sont peut-être belges aussi.
M. René Vandierendonck. Très bien !
M. Michel Delebarre. La région Nord-Pas-de-Calais se créera son propre destin et les conditions de son développement seulement si elle est capable de regarder le nord de l’Europe, si elle est capable, à l’instar de quelques autres régions françaises, de regarder au-delà de sa frontière pour une coopération intelligente avec les territoires voisins.
M. Michel Bouvard. Très bien !
M. Michel Delebarre. Vous le savez, depuis des années, l’Union européenne appuie les stratégies transfrontalières. L’Alsace, la Lorraine le savent bien ; certaines communautés autonomes espagnoles entretiennent quant à elles des relations avec des régions françaises. Envisageons donc l’avenir aussi dans les relations transfrontalières. C’est ainsi que le Nord-Pas-de-Calais, qui a durement vécu les dernières décennies, s’inscrira sans doute dans son histoire et dans son avenir. Le Gouvernement devrait y être attentif. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Valérie Létard applaudit également.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je veux rappeler la position générale de la commission spéciale sur cette carte.
Nous avons décidé que l’Alsace pourrait vivre le destin qu’elle s’est assigné depuis de nombreuses années hors de toute fusion avec les régions Champagne-Ardenne et Lorraine. Nous avons également décidé que les régions Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon vivraient leur autonomie, revenant ainsi à la position que nous avions adoptée en première lecture.
Par conséquent, la commission spéciale a émis un avis défavorable sur l’ensemble des amendements qui viennent d’être présentés, car ils visent tous à modifier la carte des régions telle qu’elle l’a élaborée. Je précise néanmoins qu’elle n’a pas examiné le sous-amendement n° 145 dans la mesure où il a été déposé après sa réunion d’hier. Cependant, puisqu’il tend à contrevenir à sa position, j’émets également un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 41 rectifié ter et retire l’amendement n° 143 à son profit.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur le sous-amendement n° 146, qui est incompatible avec la position de retrait qu’il a adoptée, ainsi que sur l’amendement n° 24 rectifié et le sous-amendement n° 145.
Le Gouvernement sollicite le retrait de l’amendement n° 66 au profit de l’amendement n° 41 rectifié ter.
Il émet un avis défavorable sur les amendements nos 1 rectifié bis, 45 et 8, ainsi que sur les amendements identiques nos 43 de M. Delebarre et 70 de Mme Létard, et ce pour des raisons sur lesquelles je veux dire un mot.
Madame Létard, monsieur Delebarre, vous avez fait l’un et l’autre une intervention extrêmement forte, et je souhaiterais y apporter quelques réponses.
Je comprends parfaitement l’intérêt pour le Nord-Pas-de-Calais de se tourner vers les régions nord de l’Europe, et je partage totalement cette vision des choses. Monsieur Delebarre, lorsque j’étais ministre délégué aux affaires européennes, je vous ai rencontré en tant que président de la mission opérationnelle transfrontalière ; nous avons eu l’occasion de traiter cette question, et j’ai parfaitement conscience de l’intérêt que peut représenter pour le Nord-Pas-de-Calais le développement de coopérations renforcées avec les régions du nord de l’Europe dans le domaine universitaire, dans le domaine des transports, dans le domaine culturel. Mais je ne vois aucune antinomie, bien au contraire, entre le développement de ces coopérations et la création d’une région plus grande qui pourrait se donner cette ambition européenne. Considérer que l’un serait exclusif de l’autre reviendrait à penser que les régions françaises auraient tout intérêt à se tourner vers les régions européennes, en aucun cas vers les régions sœurs françaises, et que se tourner vers ces dernières rendrait peu ou prou impossibles les coopérations européennes. Ce n’est pas vrai, ni pour la grande région Est ni pour Nord-Pas-de-Calais-Picardie.
Vous dites également qu’il n’existe ni points communs ni coopération entre les régions Nord-Pas-de-Calais et Picardie. Je ne partage pas du tout votre sentiment. D’ailleurs, les présidents de chacune de ces deux régions ont eux-mêmes, à plusieurs reprises, verbalisé les zones de coopération existant entre celles-ci.
Reprenons-les.
Vous avez parlé du canal Seine-Nord. Ce n’est quand même pas un chantier à trois francs, six sous ! C’est un chantier qui va mobiliser des fonds européens.
Lorsque j’étais ministre délégué au budget, vous avez suffisamment défendu auprès de moi – avec brio et talent – le canal Seine-Nord en m’expliquant qu’il était structurant d’un axe transrégional passant à la fois par la Picardie et le Nord-Pas-de-Calais pour m’expliquer maintenant, avec le même brio, à travers cet amendement, que ce canal Seine-Nord ne serait plus structurant au motif qu’il n’existe pas encore. Il existera, il mobilisera des financements et sera un axe structurant de ces deux régions.
Par ailleurs, vous le savez très bien, en dépit de leur dissemblance due aux différentes dimensions des ports, sur les façades maritimes peuvent se développer des coopérations très importantes dans le domaine du tourisme, dans le domaine des activités de pêche et de transformation des produits de la mer.
Vous le savez également, des pôles de compétitivité travaillent ensemble : entre l’université de technologie de Compiègne et un certain nombre de départements de l’université de Lille, il existe des coopérations hautement technologiques qui sont à l’origine de transferts de technologies vers le privé. Ces coopérations sont revendiquées par les régions comme extrêmement denses, extrêmement riches et porteuses d’avenir, notamment si on les inscrit dans des programmes européens tels qu’Interreg.
Je peux comprendre l’argument de temps consistant à dire que cette réforme ne serait pas nécessairement opportune à cet instant précis, mais, tout simplement par souci de rigueur et d’honnêteté, je ne peux pas accepter devant cette assemblée l’idée qu’il n’existerait aucune coopération possible entre ces deux régions ; je ne peux pas non plus accepter l’idée que, dès lors qu’elles coopéreraient, elles ne pourraient plus coopérer avec d’autres régions de l’Union européenne.
Je me range à nombre de vos arguments, mais, pour autant, je ne suis pas convaincu par vos propositions. D’autant que plusieurs de ces arguments – qui n’ont pas été développés, mais c’est là tout le plaisir de la rhétorique – plaident plutôt en faveur de la carte retenue par l’Assemblée nationale.
Par souci de cohérence et par souci de rendre possibles les coopérations entre régions, le Gouvernement, je le répète, émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.