M. Jean-Vincent Placé. Très bien !
M. Ronan Dantec. Je crois profondément, madame la ministre, à un État de droit dont l’exemplarité est notre socle démocratique, et cela vaut aussi pour l’action des collectivités territoriales.
Sur ce dossier du barrage du Testet comme sur d’autres projets, la prise de décision publique n’a pas respecté nos règles collectives. Comme l’a souligné le rapport de l’expertise que vous avez diligentée, la conduite de ce projet est entachée de fautes lourdes, comme le conflit d’intérêt entre l’expertise et la conduite des travaux ou la sous-évaluation des enjeux environnementaux, ce qui est malheureusement une tradition française.
Madame la ministre, il nous faut tous réagir pour sortir de la spirale tragique de la montée des affrontements dans la société française, qui ne se régleront pas en déployant de bataillons de gardes mobiles.
L’État doit aujourd’hui reconnaître que, sur un certain nombre de dossiers, il est passé en force, ou que, pour le moins, il n’a pas assez cherché à faire respecter par les porteurs de projets les réglementations, notamment environnementales. La remise à plat d’un certain nombre de projets d’aménagement, contestés précisément pour la manière dont ils ont été élaborés, serait une vraie réponse politique d’apaisement, après ce drame national.
Madame la ministre, êtes-vous prête aujourd’hui à vous mobiliser pour un État exemplaire, et de ce fait capable de mener ses projets à terme, car leur raison d’être aura été discutée en toute rigueur et exemplarité ? Si tel est le cas, nous vous demandons de traduire rapidement cette volonté en actes concrets, qui ne se réduisent pas à la seule question du barrage du Testet.
Ma question se veut donc précise : êtes-vous d’accord pour répondre favorablement aux propositions de l’ACNUSA, l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires, qui demande une nouvelle étude indépendante sur le plan d’exposition au bruit de l’aéroport actuel de Nantes-Atlantique ainsi que sur le projet de Notre-Dame-des-Landes, l’ACNUSA pointant les grandes faiblesses des hypothèses présentées par la Direction générale de l’aviation civile, c’est-à-dire par l’État lui-même ? (Exclamations sur certaines travées de l'UMP.)
Répondre favorablement à cette demande émanant d’une autorité indépendante et nullement contestée peut conduire à l’apaisement. France Nature Environnement, qui a perdu un de ses militants, écrit aujourd’hui avec grande dignité que la démocratie et le dialogue restent les meilleures réponses face à la violence. Madame la ministre, vos propres réponses sont ici attendues, elles ne doivent pas souffrir d’ambiguïté. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.
Mme Ségolène Royal, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Monsieur le sénateur, je voudrais tout d’abord m’associer à la profonde tristesse des parents et des amis de Rémi Fraisse, ainsi qu’à celle de l’association France Nature Environnement, dont il était membre.
Je voudrais aussi, au côté de M. le ministre de l’intérieur, exprimer toute ma solidarité aux forces de gendarmerie qui ont été blessées dans l’exercice de leurs difficiles fonctions.
M. Gérard Longuet. Tout à fait !
M. Éric Doligé. Bravo !
Mme Ségolène Royal, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, la violence n’a pas sa place dans la République quand il s’agit de remettre en cause les grandes infrastructures de notre pays, et je sais que vous partagez ce point de vue.
Ce cas montre, avec d’autres, que les procédures sont beaucoup trop longues. Concernant le respect de la réglementation, je voudrais vous rassurer, monsieur le sénateur, les procédures qui ont été suivies sont parfaitement légales et toutes les autorisations ont été données, contrairement à ce que vous avez dit.
Le problème tient au fait que certains recours ne sont pas suspensifs, ce qui crée ensuite des tensions, des tensions démocratiques, puisque les gens ne comprennent pas pourquoi, alors que des recours ont été déposés, les travaux commencent. Cette situation est parfaitement légale, puisque, encore une fois, un certain nombre de recours ne sont pas suspensifs.
Un problème important se pose donc, qui est celui de la durée : des ouvrages conçus parfois dix ans ou quinze ans auparavant, qui ont déjà fait l’objet de premières procédures et de recours suspensifs et qui ont donc été retardés de ce fait, subissent une deuxième vague de recours, eux, non suspensifs, alors que les travaux ont commencé.
Je veux mettre fin à cette situation (Marques d’approbation sur certaines travées de l'UMP.), car c’est un problème à la fois pour le développement économique et pour la croissance, mais aussi un problème pour la protection de l’environnement, car il vaut mieux arrêter tout de suite un projet qui ne tient pas la route par rapport au code de l’environnement, plutôt que d’empêcher, par l’accumulation de recours, des projets d’infrastructures dont le pays a besoin.
C’est pourquoi, dans le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, je pose le principe de l’autorisation unique, qui permettra de réduire les délais, notamment les délais de recours.
Je souhaite vraiment que le Sénat s’empare le plus rapidement possible de ce projet de loi, afin que nous puissions mettre au clair les droits et les devoirs de chacun, ceux des maîtres d’ouvrage, qui doivent ou ne doivent pas décider de la suspension des travaux en fonction des recours déposés, mais qui doivent aussi avoir la stabilité juridique pour les entreprises afin que les grands équipements se construisent. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste ainsi que sur certaines travées du RDSE, de l’UDI-UC et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour le groupe CRC.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le ministre, samedi dernier, le Président de la République qualifiait de « très banale » la lettre de recadrage budgétaire de notre pays adressée par la Commission européenne.
Il précisait fermement que la France avait « fait ce qu’elle avait à faire ». Cette lettre est en effet la concrétisation du traité Merkel-Sarkozy, qui porte un coup terrible à la souveraineté budgétaire de la France.
La souveraineté budgétaire – faut-il vous le rappeler, monsieur le ministre ? – est un élément clé de la souveraineté populaire, démocratique en un mot, qui trouve sa source dans l’article XIV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Les termes de cette lettre sont humiliants. La Commission demande des explications sur « les raisons qui ont conduit la France à dévier des objectifs budgétaires fixés par le Conseil ».
« Dévier », « objectifs », « fixer » : les termes symbolisent l’autoritarisme de cette Europe. Malheureusement, dès lundi, vous avez fait acte de soumission. Vous avez trouvé 3,6 milliards d’euros pour calmer le courroux des maîtres bruxellois. Tout à coup, vous avez redécouvert le scandale de l’évasion et de la fraude fiscales, mais seulement pour l’effleurer, en ne récupérant que 900 millions d’euros sur les 80 milliards d’euros annuels qu’elles représentent, faut-il le rappeler ?
Aujourd’hui, vous tentez de transformer cette nouvelle capitulation en tour de force. Selon vous, l’Europe aurait validé votre budget sans exiger plus d’austérité.
Monsieur le ministre, ce n’est pas vrai !
Premièrement, le budget pour 2015 est déjà marqué au fer rouge par l’austérité du pacte de stabilité européen.
M. Philippe Dallier. Le fer rouge, cela devrait vous plaire !
Mme Cécile Cukierman. Quel humour !...
M. Thierry Foucaud. Deuxièmement, vous savez bien que, d’ici à la fin du mois de novembre, vous devrez présenter au nouveau commissaire à l’économie et aux finances des réformes structurelles, des réformes libérales, épousant les exigences du marché et du patronat, afin d’obtenir un délai supplémentaire pour revenir aux 3 % de déficit.
Monsieur le ministre, rappelez-vous ces termes du programme de François Hollande (Ah ! sur certaines travées de l'UMP.) : « Je renégocierai le traité européen en privilégiant la croissance et l’emploi et en réorientant le rôle de la Banque centrale européenne, je défendrai une association pleine et entière des Parlements nationaux et européens à ces décisions. »
Dès lors, mes questions seront simples, monsieur le ministre : quel mandat électoral détenez-vous pour accepter le diktat de Bruxelles ? Quelle légitimité vous permet de négocier avec Bruxelles sur des bases contraires aux engagements pris devant les Français en 2012 ? À l’heure où les forces de progrès sont taxées de « passéistes » par le Premier ministre lui-même, n’est-il pas temps de changer le logiciel de l’Europe, ce vieux logiciel libéral et antidémocratique ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste.)
Mme Cécile Cukierman. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre des finances et des comptes publics.
M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Monsieur le sénateur, ce sont des questions sérieuses que vous posez et je veux y répondre avec tout le sérieux qu’elles exigent.
Nous avons une monnaie commune avec dix-huit pays européens : l’euro. Que je sache, vous ne proposez pas de sortir de l’euro et vous avez bien raison, car le fait d’avoir une même monnaie nous confère aujourd’hui une vraie force dans la mondialisation, qui est parfois, à juste titre, source d’inquiétudes.
Oui, mesdames, messieurs les sénateurs, cette force tient au fait que dix-huit pays ont choisi de se doter d’une monnaie commune et unique.
Parce que nous avons une monnaie unique, il est légitime que nous nous observions les uns et les autres et que nous nous concertions sur les autres aspects des politiques publiques. Car la politique budgétaire n’est pas complètement indépendante du reste de la politique économique, bien au contraire, elle a des conséquences sur cette dernière : je suis sûr, par exemple, que vous soutenez la politique monétaire actuelle de la Banque centrale européenne, qui est une bonne politique, car elle maintient les taux d’intérêt à des niveaux peu élevés et contribue à la baisse de l’euro, qui est beaucoup moins cher qu’auparavant. Il faut aussi se préoccuper de la coordination entre nos politiques budgétaires.
Il est donc légitime, et cela n’est pas de l’ordre du diktat, que nous discutions ensemble, entre pays européens, ainsi qu’avec la Commission.
Mme Cécile Cukierman. On nous impose bien des objectifs à atteindre !
M. Michel Sapin, ministre. Je le répète devant l’ensemble des sénateurs et des sénatrices après l’avoir dit devant les députés : la souveraineté nationale s’exerce par le vote du budget et ce vote a lieu au Parlement, à l’Assemblée nationale et ici, au Sénat. Nulle part ailleurs ! (Mme Cécile Cukierman s’exclame.)
On a pu entendre que la Commission européenne avait retoqué ou allait rejeter le budget de la France. C’est entièrement faux : c’est, ici, au Parlement, que cela se décide, et nous aurons d’ailleurs à débattre ici du budget de la France dans peu de temps, y compris les aspects qui correspondent au dialogue que nous avons eu avec la Commission.
Un dialogue confiant avec la Commission européenne d’un côté, un dialogue avec vous, Parlement, incarnation de la souveraineté nationale, de l’autre : c’est ainsi que nous concilions notre souveraineté nationale avec les exigences de l’Europe, cette Europe que nous construisons ensemble.
Quelle est notre préoccupation à tous ? Il faut plus de croissance, je viens d’en parler en réponse à M. Mézard, et je suis persuadé, monsieur le sénateur, que vous êtes favorable au projet européen d’investissement.
M. Thierry Foucaud. C’est une autre politique qu’il nous faut, plutôt que davantage d’investissements !
M. Michel Sapin, ministre. Retrouvons les chemins de cette croissance qui nous fait défaut, ayons une politique budgétaire adaptée à la situation – c’est ce que nous proposons à l’ensemble de nos partenaires européens – et nous pourrons relever ensemble le défi de la croissance et de l’emploi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Éliane Assassi. Des mots, ce ne sont que des mots !
RETOUR SUR LES ÉVÉNEMENTS À SIVENS ET LE DÉCÈS DE RÉMI FRAISSE
M. le président. La parole est à M. Éric Jeansannetas, pour le groupe socialiste.
M. Éric Jeansannetas. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
« Un jeune de vingt et un ans est mort. Quelles que soient les circonstances, quand un jeune disparaît, meurt, la première des attitudes, la première des réactions, c’est celle de la compassion ».
« Ce qui s’impose en premier lieu à tous, c’est la compassion pour la douleur de sa famille ; c’est la solidarité. Nous témoignons tous de notre solidarité à cette famille ».
Ces mots sont ceux du Président de la République et du Premier ministre, et je les fais miens aujourd’hui.
La mort d’un jeune homme, quelles qu’en soient les causes, est bien sûr une tragédie, et je veux exprimer ici, à mon tour, toute ma compassion pour l’incommensurable chagrin de sa famille, de ses amis, en mon nom et au nom de la représentation nationale dans son ensemble.
Ce drame de Sivens nous interpelle tous. Il nous interpelle sur la difficulté croissante du dialogue démocratique dans notre société. Les collectivités territoriales portent des projets structurants, des projets d’équipements ; elles prévoient l’avenir de leur territoire, et c’est heureux.
Mais, nous le constatons, les infrastructures nouvelles font de plus en plus souvent l’objet d’une contestation forte, organisée, médiatisée, parfois violente, souvent portée par des associations militantes de site en site, extérieures au territoire concerné.
Le droit de ne pas être d’accord avec les pouvoirs locaux ? Oui, on peut tout à fait l’entendre. Le droit de manifester ? Oui, bien sûr, c’est une liberté fondamentale. Le droit de s’opposer par tout moyen légal ? Oui, c’est l’essence même de notre République. Mais la violence, l’utilisation de la force, l’organisation, des semaines durant, d’actions qui s’apparentent à de la guérilla contre les forces de police ou de gendarmerie ne sont jamais acceptables.
M. Gérard Longuet. Très bien !
M. Éric Jeansannetas. Ces situations tendues sont autant de risques accrus pour les forces de l’ordre et pour les manifestants eux-mêmes. Tout élu de la République a le devoir de condamner ces méthodes pour mieux défendre la liberté de manifester.
Quels que soient ses engagements et ses convictions, personne ne devrait mourir pour un projet de barrage. C’est ce qu’a exprimé notre collègue Thierry Carcenac, président du conseil général du Tarn, qui est dévasté par cette tragédie et à qui nous apportons aussi tout notre soutien.
Monsieur le ministre, après ce drame, vous l’avez évoqué vous-même, il y a un devoir et une exigence de vérité. Vous avez immédiatement suspendu, dès la mise en cause des jets de grenade par la gendarmerie, l’emploi des grenades offensives. L’enquête en cours doit permettre de faire toute la lumière sur les responsabilités, personnelles ou collectives.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous apporter des éclairages sur cette situation ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, vous avez dans votre propos évoqué la dimension dramatique des événements qui se sont produits à Sivens, dans la nuit de samedi à dimanche.
Je veux avec vous, après Ségolène Royal, avoir une pensée pour la famille et les amis de Rémi Fraisse, pensée que j’ai aussi exprimée à l’Assemblée nationale mardi et à travers un communiqué dans la journée de lundi.
En effet, dans ces circonstances, alors que la tristesse est insondable, incommensurable, les manifestations de solidarité et de sympathie comptent.
Ensuite, il y a un devoir moral pour l’État, celui de la vérité. Nous avons indiqué, dès les premières heures après le drame, que nous souhaitions bien entendu que cette vérité advienne, et qu’elle advienne vite. C’est la raison pour laquelle l’ensemble des administrations de l’État, notamment la mienne, se sont mises à la disposition de la justice pour que la vérité soit possible et que tous les éléments lui soient communiqués.
Le juge procède à ses investigations, il enquête, et les premiers éléments qu’il a communiqués témoignent de la détermination de tous à savoir.
Je veux maintenant apporter des éléments de réponse aux interrogations légitimes qui ont été formulées, et aux critiques aussi.
La présence des forces de l’ordre était-elle nécessaire à Sivens, alors que le chantier avait été débarrassé vendredi ?
Cette présence des forces de l’ordre se justifiait pour deux raisons.
Premièrement, il y avait des risques de contre-manifestations. Et si ces contre-manifestations s’étaient produites et avaient donné lieu à des affrontements causant des morts en nombre plus important encore, on aurait demandé où étaient les forces de l’ordre.
Deuxièmement, des violences ont aussi été à déplorer : je rappelle que, depuis le 1er septembre dernier, 56 gendarmes ont été blessés…
Mme Catherine Procaccia. Scandaleux !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. … et 81 procédures judiciaires ont été ouvertes.
Je veux exprimer à ces gendarmes, qui font leur travail avec des valeurs et un sens profond de la République, mon soutien, ma reconnaissance et ma gratitude, parce que dans la République, cela doit aussi être dit. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, de l'UMP et de l'UDI-UC.)
On m’a reproché, ce matin encore, de manquer de cœur et de ne pas faire preuve de compassion. Devant la représentation nationale, je veux m’exprimer en toute sincérité sur ce sujet.
Au cours des dernières années, j’ai eu à connaître des drames dans ma propre circonscription. Je pense notamment à l’attentat de Karachi, qui a causé 14 morts, et sur lequel j’ai conduit des investigations loin des caméras – car on peut faire preuve de compassion sans être devant les caméras ! Lorsqu’un événement de ce type se produit et que vous êtes ministre de l’intérieur, vous interrogez votre conscience au plus profond, vous essayez de trouver les mots justes et de les adresser, avec toute la pudeur qui s’impose, à ceux auxquels ils doivent être adressés.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Voilà ce que j’ai essayé de faire, voilà comment j’essaie de me comporter dans cette épreuve, une épreuve pour la famille de Rémi Fraisse, bien entendu, mais aussi pour moi-même.
Je regrette que certains profitent de cet événement, non pas pour que la vérité l’emporte, mais pour faire de la politique en abaissant tout ! (Applaudissements prolongés sur les travées du groupe socialiste et du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
observations de la commission européenne sur le budget de la france
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour le groupe UMP. (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.)
M. Roger Karoutchi. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, permettez-moi d’abord de saluer la dignité de la réponse de M. le ministre de l’intérieur.
Ma question, qui s’adresse à M. le ministre des finances et des comptes publics, porte sur le même sujet que celle de notre collègue Thierry Foucaud, mais je ne m’exprimerai pas exactement dans les mêmes termes…
Mme Éliane Assassi. Cela nous rassure ! (Sourires.)
Mme Cécile Cukierman. En effet !
M. Roger Karoutchi. Monsieur le ministre, vous avez été franchement maître d’œuvre, après une lettre prétendument banale de la Commission européenne, qui soulignait le dérapage du budget de la France pour 2015.
Vous avez aussitôt trouvé 3,6 milliards d’euros, non pas d’économies – n’exagérons rien ! –, mais au titre du produit de la lutte contre la fraude fiscale et de la baisse des taux d’intérêt.
Vous mettiez à l’instant en avant la souveraineté du Parlement, mais vous avez trouvé ces 3,6 milliards d’euros après le vote du budget par l’Assemblée nationale, à laquelle vous aviez caché qu’il existait encore des marges pour réduire le déficit de 2015 ! (Sourires et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Je ne connais pas le commissaire européen Jyrki Katainen – il commence toutefois à être connu –, mais cet homme a assurément beaucoup de mérite. Il a déclaré hier à la presse que la France et l’Italie ne devaient pas se réjouir trop vite, car les décisions définitives de la Commission européenne ne seraient prises qu’à la fin du mois de novembre, lorsque le bilan réel des économies pour 2013, 2014 et 2015 aurait été effectué et que l’ensemble des prévisions et des programmes de ces pays auraient été étudiés.
Autrement dit, validation pour le moment, mais décision définitive dans un mois, après étude complète !
Or, monsieur le ministre, en examinant, hier, le projet de loi de programmation des finances publiques, la commission des finances du Sénat a constaté, premièrement, que vous envisagiez un déficit inférieur à 3 % mais après 2017 seulement – après moi, le déluge ! – et, deuxièmement, que vos prévisions de croissance n’étaient pas celles des agences et organismes spécialisés.
Par conséquent, la Commission européenne risque fort de nous adresser une critique simple, celle d’un excès d’optimisme, qui conduit à prévoir trop de rentrées fiscales, pas assez de réduction du déficit et pas assez d’économies.
Ne craignez-vous pas, monsieur le ministre – c’est toute la question de la sincérité et de la transparence budgétaires – que l’affichage, ici ou à l’Assemblée nationale, qui ne correspondrait pas à ce que vous dites à Bruxelles, finisse par valoir à la France des sanctions au niveau européen ?
Ne payons-nous pas finalement le débat interne à la gauche et au PS, entre ceux qui ne veulent pas réellement la réduction de la dépense publique, parce qu’ils considèrent qu’elle crée de la croissance, et ceux qui sont plus orthodoxes, et qui souhaitent la réduction des déficits ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des finances et des comptes publics.
M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Je vous remercie de votre question, monsieur Karoutchi. Elle exprime de façon parfaitement légitime les préoccupations de la représentation nationale, plus particulièrement de la majorité du Sénat à laquelle vous appartenez, devant la situation de la France et son déficit, dont je vous rappelle qu’il était aux alentours de 7 % en 2009, et qu’il se situe aujourd’hui aux alentours de 4,4 %. S’il fallait parler de déluge, j’ai le sentiment que, le déluge, c’était avant moi, et non après moi… (Sourires et applaudissements sur les travées socialistes.)
Pour le reste, et sur le fond des choses, M. Katainen, dont vous aurez aujourd’hui fait connaître le nom à l’ensemble des Français, fait parfaitement le travail dont les pays membres de l’Union européenne et de la zone euro l’ont chargé, à savoir le travail de dialogue, de discussions et d’échanges entre les uns et les autres que je décrivais à l’instant. En effet, il est normal, puisque nous avons la même monnaie, que nous nous préoccupions aussi de coordonner nos politiques budgétaires. C’est ce que fait M. Katainen, et il le fait en respectant parfaitement les règles – je ne reviendrai pas sur le calendrier, vous l’avez décrit, sinon pour ajouter qu’il se déroule parfaitement normalement.
Je veux en revanche rappeler ici la préoccupation principale du Gouvernement, dont nous aurons à débattre lors de l’examen du budget. Avant toute chose, nous voulons éviter que l’Europe et la France ne connaissent une longue période de trop faible croissance et de trop faible inflation.
Les Français pourraient croire qu’une trop faible inflation est une bonne nouvelle, parce qu’ils comprennent que les prix ne vont pas augmenter. Il s’agirait en réalité d’une très mauvaise nouvelle du point de vue économique.
En effet, si les acteurs économiques anticipent uniquement des baisses de prix, à un moment donné la machine s’arrête, et on replonge dans la récession, ce que nous ne voulons pas.
Il me semble dès lors possible d’exprimer très simplement la bonne politique à mener, au niveau européen comme au niveau national : oui, la France doit continuer à réduire ses déficits – c’est bien ce que nous faisons –, mais elle doit le faire à un rythme adapté à la situation de faible croissance d’aujourd’hui.
M. Roland Courteau. Évidemment !
M. Michel Sapin, ministre. Si nous voulons à toute force réduire nos déficits pour telle ou telle raison impérative, alors nous retomberons dans la récession.
À l’inverse, si nous le faisons de manière coordonnée et raisonnable, nous répondrons à l’impératif de rééquilibrage de nos finances publiques tout en soutenant la croissance, qui sera plus forte.
C’est exactement le chemin que nous vous proposons, avec, d’un côté, 40 milliards d’euros pour soutenir les entreprises et l’emploi et, de l’autre, 21 milliards d’euros d’économies budgétaires, qui sont nécessaires à la France, et qui sont sans précédent. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Hermeline Malherbe applaudit également.)
ebola
M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour le groupe socialiste.
Mme Hélène Conway-Mouret. Ma question s'adresse à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
Madame la ministre, le virus Ebola se glisse aujourd’hui trop souvent dans les conversations courantes. S’il a même été mis en chanson par des artistes africains, dans l’espoir de sensibiliser les populations à risque, son nom suscite désormais la plus grande inquiétude.
Identifié pour la première fois en 1976, alors qu’il venait de tuer près de 280 personnes dans des villages isolés d’Afrique centrale, on impute à ce virus en octobre 2014 la mort de plus de 4 900 personnes, tandis que l’épidémie touche autant les grands centres urbains que les zones rurales et se propage d’un pays à l’autre, partant de Guinée pour toucher la Sierra Leone, le Liberia, le Nigeria, le Mali, le Sénégal, mais aussi les États-Unis, l’Espagne ou la France.
Nous savons que le virus se transmet à la suite de contacts directs avec des personnes infectées ou des surfaces et matériaux contaminés par les fluides corporels de ces personnes. Nous savons aussi que nous vivons désormais dans un village global, où les échanges sont incessants, dans ce monde fini si cher à Paul Valéry.
Mais justement, parce que cette épidémie a pris une ampleur planétaire, la réponse ne peut être qu’universelle. Aux décès déjà constatés s’ajoutent en effet 10 000 personnes infectées, et les spécialistes prévoient 1,5 million de malades en 2015 si l’épidémie n’est pas stoppée dans des pays aux systèmes de santé fragiles, qui manquent aussi cruellement de ressources humaines et d’infrastructures.
Les réponses sont pour l’heure multiples, sans coordination évidente au niveau international. Certaines sont contestées, comme la quarantaine imposée par les États-Unis aux soignants revenant des pays touchés, ceux-là mêmes qui ont le plus besoin de personnel médical. Un tel réflexe ne peut que décourager les volontaires de santé. Dans d’autres pays, comme l’Espagne, la gestion gouvernementale de la situation a transformé l’urgence sanitaire en crise politique.
À l’approche des fêtes de fin d’année et de l’accroissement attendu des déplacements à cette occasion, compte tenu par ailleurs de la multitude de points d’entrée en France, il semble important de faire preuve de pédagogie, de rassurer tout en informant, afin d’éviter une psychose collective.
À cette fin, et compte tenu des erreurs qui ont pu être commises dans le passé, notamment dans la gestion de la crise liée à la diffusion du virus H5N1, je souhaiterais connaître les mesures que le Gouvernement a prises, au plan national et régional – nos territoires abritent nombre de ports et aéroports – et international – je pense ici à la protection de nos populations expatriées et au rôle que nos postes consulaires peuvent jouer.