Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Botrel, pour explication de vote sur l'amendement n° 136 rectifié ter.
M. Yannick Botrel. Le groupe socialiste se rallie aux arguments du Gouvernement et à ceux de notre collègue Roland Courteau, qui a défendu avec une grande conviction le regroupement des régions Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon, de même que M. Grand.
Ces arguments sont convaincants. Il s’agit en effet de deux régions complémentaires, proches tant de l’Espagne que de la Méditerranée. Bien sûr, dans ce cas aussi, il n’y a pas de vision unique des territoires, mais, en dépit des justifications avancées par la commission spéciale pour s’opposer au regroupement de ces deux régions, celui-ci répond à la volonté animant le Gouvernement. Le groupe socialiste votera l’amendement présenté par M. Courteau.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral. Je rappelle à nos collègues que nous en sommes à l’amendement n° 136 rectifié ter, qui vise à rapprocher les régions Midi-Pyrénées et Aquitaine ! Ce sont les amendements suivants qui portent sur le rapprochement entre les régions Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon. Nous avons déjà perdu beaucoup de temps ; si chacun s’exprime par anticipation sur des amendements dont le vote interviendra ultérieurement, nous n’en finirons jamais !
Mme la présidente. J’ai bien précisé, monsieur le président de la commission spéciale, que je donnais la parole pour explication de vote sur l’amendement n° 136 rectifié ter.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l’amendement n° 136 rectifié ter.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 2 rectifié, 48 et 144.
M. Roland Courteau. Je n’ai pas très bien compris l’argumentation de M. le rapporteur. Je pensais qu’il me donnerait davantage d’explications quant à la position de la commission spéciale. J’imagine que celle-ci a des arguments de fond pour s’opposer au rapprochement entre Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées : j’aurais aimé les connaître.
Que pèseraient, isolément, ces régions face à leurs grandes voisines, telles la Catalogne ou la région Aquitaine-Poitou-Charentes-Limousin ? N’y a-t-il pas rupture d’équilibre ?
On nous dit que la taille des régions n’est pas le seul élément à prendre en compte, mais il ne faut pas ignorer toutes les évolutions économiques, sociales, démographiques qui ont eu lieu depuis la création des régions, ni la transformation profonde des compétences des conseils régionaux, qui sont devenus de véritables échelons stratégiques et de planification dans les domaines de l’économie, de l’aménagement du territoire et des transports.
En outre, n’est-il pas temps d’adapter la carte à l’Europe des régions ? N’est-il pas temps de permettre nos régions dotées de compétences stratégiques de rivaliser avec les autres régions d’Europe ? N’est-il pas temps de transformer pour plusieurs décennies l’architecture territoriale de la République ? Et qui peut contester que la fusion entre Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées conduira à additionner les forces de ces deux régions et à donner au nouveau territoire ainsi constitué une réelle force de frappe ?
C’est une chance historique que cette union des régions du Midi de la France ! Nos atouts géostratégiques réunis sont indéniables. Il s’agit, ni plus ni moins, de constituer un véritable carrefour au cœur de l’arc méditerranéen !
Voilà nos arguments : ils me semblent peser davantage que ceux que j’ai pu entendre de la part de M. le rapporteur !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale. Monsieur Courteau, lors de la première lecture, la commission spéciale avait examiné ce problème avec attention, et estimé que la fusion ne s’imposait pas, étant donné l’existence de deux métropoles et la dimension suffisante des deux régions. Notre excellent collègue Christian Bourquin, président de la région Languedoc-Roussillon, avait d’ailleurs démontré que ce n’était pas forcément la meilleure des idées. Nous n’avons pas arrêté cette position au doigt mouillé ou pour faire plaisir à qui que ce soit ! Je le redis, il nous a semblé que réunir ces deux régions poserait plus de problèmes que de les laisser en l’état.
M. Roland Courteau. Alors que penser des autres ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale. Cette position avait été adoptée à une très large majorité en première lecture par la commission spéciale, qui a confirmé son choix. Je ne vois pas quels arguments nouveaux justifiant la fusion ont été apportés, par vous-même ou d’autres de nos collègues.
M. Roland Courteau. Vous ne m’avez pas écouté !
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je voudrais rappeler que, lors des débats en première lecture, le précédent rapporteur avait consulté les élus de ces régions et que, de cette consultation, n’avait pas émergé de choix tranché en faveur de l’une ou de l’autre des solutions.
C’est à la faveur du débat qui a eu lieu en commission spéciale, singulièrement marqué par l’intervention de notre regretté collègue Christian Bourquin, que celle-ci a pris la décision de maintenir l’« autonomie » – si je puis m’exprimer ainsi – des deux régions.
Mme la présidente. La parole est à Mme Hermeline Malherbe, pour explication de vote.
Mme Hermeline Malherbe. Je parle ici au nom de l’ensemble des élus de la région Languedoc-Roussillon, qui ont voté à soixante-cinq pour et un contre le maintien de la situation actuelle. C’est tout de même un acte fort, le résultat d’un vote démocratique !
Par ailleurs, je rappelle que la population, consultée sur l’initiative de notre défunt collègue Christian Bourquin via le site internet de la région, s’est prononcée à une large majorité pour que le Languedoc-Roussillon continue à constituer à lui seul une région.
De plus, cela a été dit, chacune des deux régions concernées dispose d’une métropole.
On avance l’argument de la complémentarité, mais la complémentarité ne suffit pas forcément pour faire un bon mariage.
On a également invoqué l’histoire : pour ma part, je préfère me référer à la République de Rome et à la Via Domitia plutôt qu’au comté de Toulouse, symbole de la royauté ! Outre que nous sommes ici des élus de la République, une telle référence fait sens pour l’identité culturelle de la région Languedoc-Roussillon.
J’entends aussi parfois, même dans cet hémicycle, évoquer la région Languedoc, ce qui exclut le Roussillon. Il ne me semble pas digne de la République qu’une région se fonde en excluant une partie des siens !
Outre les habitants de la région Languedoc-Roussillon, les acteurs sociaux et économiques ont également pris position contre la fusion. Je ne prendrai que deux exemples des difficultés concrètes qu’induirait celle-ci.
Premier exemple, la marque Sud de France, qui stimule de façon importante le commerce extérieur de la France et qui est source d’emplois locaux, qu’il s’agisse de l’agriculture, de la viticulture, du tourisme, de la logistique ou du transport, a du sens pour une région qui ne se réduit pas à sa démographie, mais se définit aussi par son dynamisme et son attractivité. En effet, c’est l’une des régions de France qui attirent le plus de nouveaux arrivants. Cette dynamique est à prendre en compte.
Second exemple, la mobilité dans la région Languedoc-Roussillon a été facilitée avec le train à 1 euro, « grand frère » du bus à 1 euro du département des Pyrénées-Orientales. Cette initiative, qui favorise l’accès à l’emploi et apporte un surcroît de pouvoir d’achat à nos concitoyens, a du sens pour l’ensemble des habitants du Languedoc-Roussillon.
Enfin, pour revenir sur l’exclusion du Roussillon dans le discours de certains, je rappellerai, en ma qualité d’élue de la République, que le Roussillon, c’est l’accent catalan de la République française ! (M. Jacques Mézard applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Grand. Je voudrais répondre à la commission spéciale.
Le Languedoc-Roussillon seul, c’est un taux de chômage de 17 %. Mme Malherbe vient de nous expliquer que notre région attire beaucoup de nouveaux habitants. Cela est vrai : finalement, la misère est plus douce au soleil… Mais, ma chère collègue, un tel taux de chômage doit nous amener aujourd’hui à nous interroger.
Le budget des régions Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées réunies ne s’élèverait qu’à 2,7 milliards d’euros : c’est très peu ! La fusion est incontournable. D’ailleurs, la métropole de Montpellier et celle de Toulouse travaillent déjà au rapprochement, parce que, pour nous, l’enjeu est économique. Il s’agit de réindustrialiser le Languedoc-Roussillon, de former une main-d’œuvre susceptible d’attirer des industries. À cet égard, Toulouse et Montpellier sont parfaitement complémentaires. Ces deux villes sont reliées par une grande avenue de 200 kilomètres, l’autoroute A 9. Nous avons besoin de la dynamique de Toulouse et Toulouse a besoin de la dynamique de Montpellier. La région Midi-Pyrénées a besoin de nos ports, d’un accès à la mer ; nous, nous avons besoin de son industrie. Est-il positif de voir des entreprises industrielles de Midi-Pyrénées aller s’implanter ailleurs que dans le Languedoc-Roussillon ? Je crois que nous devons avoir aujourd’hui une véritable vision.
On nous dit que les membres du conseil régional ont voté à la quasi-unanimité contre la fusion : évidemment, ils ont peur de perdre leur siège ! (M. Jacques Mézard s’exclame.)
Mme Cécile Cukierman. La gauche et la droite ont voté contre par soixante-cinq voix contre une !
M. Jean-Pierre Grand. Je le redis, la question aujourd’hui, c’est d’avoir une vision. Cette réforme devra s’accompagner d’une déconcentration des pouvoirs de l’État, pour que nos régions aient les moyens de mener leurs politiques. Cela ne peut pas se faire à l’échelle d’une petite région, comme l’est la nôtre actuellement. Si nous avions été capables de régler seuls les problèmes de la région Languedoc-Roussillon, cela aurait déjà été fait !
J’ai toujours soutenu la politique de Georges Frêche,…
Mme Hermeline Malherbe. Cela ne se voit pas !
M. Jean-Pierre Grand. … parce qu’il avait une vision. Nous devons renouer aujourd’hui avec cette vision : je vous y invite du fond du cœur ! Franchement, l’argument tenant à l’existence de deux métropoles est bien faible. Si la nouvelle région compte deux métropoles, c’est un atout, pas un handicap !
M. Jacques Mézard. Il n’y en aura qu’une !
M. Jean-Pierre Grand. Non, il y en aura deux, Toulouse et Montpellier.
Je maintiens que l’enjeu, pour nous, est économique, humain. Je ne peux plus accepter que, dans ma région, dans mon département, il y ait 17 % de chômeurs ! (M. Jacques Bigot applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Gisèle Jourda, pour explication de vote.
Mme Gisèle Jourda. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, si je suis favorable au regroupement entre Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon, c’est parce que, à mon sens, la carte des régions adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale répondait bien mieux à l’objectif ambitieux de rendre les régions plus fortes, plus attractives et plus pertinentes, à l’aune tant nationale qu’européenne et internationale.
Pour l’Audoise que je suis, fière d’appartenir au Languedoc-Roussillon, le rapprochement avec Midi-Pyrénées est la voie du bon sens. Il constitue une véritable chance, sous deux aspects essentiels.
C’est tout d’abord une question de cohérence historique. Ce rapprochement permettra en effet de retrouver les racines d’une longue histoire commune des pays d’oc, avec les départements limitrophes de la Haute-Garonne, de l’Ariège, du Tarn et du Tarn-et-Garonne. Je n’évoquerai ici que celle, récente, liée aux réseaux de Résistance.
Le rapprochement permettra ensuite, au travers d’un aménagement du territoire efficient, de dresser des perspectives d’avenir par la mise en synergie des atouts économiques majeurs des deux régions, dont la puissance cumulée pourra se comparer, notamment, à celle de la dynamique Catalogne voisine, le Languedoc-Roussillon offrant à Midi-Pyrénées une ouverture sur la Méditerranée et, par là même, sur l’Afrique.
Il ne s’agit en aucun cas de faire prévaloir les spécificités de l’une des deux régions sur celles de l’autre. Je regrette vraiment les procès d’intention faits en la matière. Personne ne doit absorber personne : l’objectif est de construire ensemble un espace géographique, économique et social pour tous, générateur de développement. Il s’agit de relever avec force et conviction le défi de bâtir une entité nouvelle, riche de ses potentialités, forte de celles à créer par l’innovation, la recherche et le soutien aux entreprises sur nos territoires.
Refuser cette alliance et vouloir rester seuls constitue un repli sur soi, une sorte de peur de l’avenir. Or il n’est pas opportun de rester figés ; nous nous devons, au regard du futur, de l’avenir économique de nos territoires et de notre pays, de nous adapter pour construire des régions qui soient de taille à affronter les défis européens et internationaux.
Je suis convaincue que le mariage entre Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon, alliant deux métropoles de caractère, à l’accent occitan et catalan, Toulouse et Montpellier, chacune harmonisant des départements à dominante rurale, est une réponse adaptée aux enjeux de demain, tant pour les territoires que pour les femmes et les hommes qui y vivent.
Ce rapprochement va dans le bon sens. Ne nous privons pas d’unir nos complémentarités et de les mettre au service de l’intérêt général et des populations. Cela est primordial ! C’est pourquoi, mes chers collègues, je voterai cet amendement, en espérant vivement vous avoir convaincus de faire de même. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. J’étais aux côtés du président Christian Bourquin lorsqu’il a posé, au début de juillet, une question d’actualité au Gouvernement portant sur l’avenir du Languedoc-Roussillon. Il a exprimé avec force et conviction la volonté de la quasi-unanimité de son conseil régional de refuser la fusion. Quand j’entends aujourd’hui affirmer qu’un tel vote ne fait que traduire la volonté de ces élus de conserver leur siège,…
M. Jean-Pierre Grand. Oui, ce n’est que cela !
M. Jacques Mézard. … je me dis que ce débat n’est pas d’un très haut niveau. Il est assez grave, mon cher collègue, que l’on puisse avoir une telle conception de la démocratie et de l’expression des élus régionaux !
Quand les membres de toutes les forces politiques d’un conseil régional s’unissent pour dire leur volonté, en tant qu’élus du peuple, de conserver leur région telle qu’elle est, il est tout de même surréaliste d’entendre affirmer par certains que leur vote n’a aucune valeur. Et ce sont parfois les mêmes qui voulaient s’opposer à la fusion du Nord-Pas-de-Calais et de la Picardie ! C’est un peu fort de café !
Mme Cécile Cukierman. Eh oui, on est passé de l’autre côté de la Loire…
M. Jacques Mézard. Il ne s’agit pas de donner des leçons, mais que ceux qui veulent de très grandes régions demandent à leurs collègues du Gard ce qu’ils pensent du rattachement de leur département à Toulouse. Il y aura certes deux métropoles, comme il y a plusieurs communautés d’agglomération dans certaines régions, mais il n’y aura qu’une seule métropole régionale ! Il n’est pas raisonnable ni sérieux de prétendre que ce rôle sera partagé entre deux villes : cela ne sera pas la réalité de demain.
Le Midi-Pyrénées a effectivement une histoire, que je respecte. Son président, Martin Malvy, disait hier que la fusion entraînerait un accroissement des pouvoirs dévolus à la nouvelle région. Ainsi, faire de grandes régions permettrait de donner davantage de pouvoir aux présidents de région… Nul doute, mes chers collègues, que tel sera bien le cas : le mode d’élection étant conservé, le président de région et les fonctionnaires qui l’entourent auront en effet plus de pouvoir. Telle est la réalité ! Comme avancée démocratique, il y a mieux !
Quels arguments nous oppose-t-on ?
« Faisons de grandes régions », tel est le leitmotiv du Gouvernement. Mais cela vaut surtout pour le sud de la Loire : en Bretagne, par exemple, les avis divergents sont davantage écoutés. On peut également modifier les limites des grandes régions si elles ne conviennent pas au maire de Tulle… En revanche, lorsque le conseil régional du Languedoc-Roussillon vote par soixante-cinq voix contre une en faveur du maintien de la région telle qu’elle est, cela ne plaît pas au Gouvernement !
M. Jean-Pierre Grand. Ce ne sont pas les conseillers régionaux qui font la loi !
M. Jacques Mézard. Ils ont le droit de s’exprimer, et un gouvernement se doit d’entendre la voix des élus locaux ! Ces derniers se sont exprimés voilà quelques semaines ; il convient d’entendre leur point de vue, quel qu’il soit.
M. Jean-Pierre Grand. C’est justement pour cela que je suis là !
Mme Cécile Cukierman. Alors respectez les élus locaux !
M. Jacques Mézard. C’est une question de démocratie ! Je ne dis pas pour autant que chaque conseil régional doit imposer sa loi au Gouvernement : je suis d’essence jacobine et le resterai toute ma vie ! Je dis simplement qu’il est anormal d’imposer des fusions arbitraires, injustes. On ne joue pas ici au Monopoly, pour reprendre les mots de Mme Aubry, qui a également parlé de « Rubik’s Cube »… Vous voyez que j’ai de bonnes références ! (Sourires.)
Dans le jeu de Monopoly, il y a des cartes « reculez de deux cases », « retournez à la case départ » et « allez tout droit en prison ». J’espère que vous laisserez aux régions davantage de liberté ! (Mme Hermeline Malherbe applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Le groupe écologiste soutient l’amendement de Roland Courteau. En effet, les écologistes des deux régions concernées, après en avoir discuté, sont arrivés à la conclusion que la formation d’une grande région Languedoc – soit dit sans exclure le Roussillon ! – n’était pas une mauvaise chose.
Ce n’est pas parce que le conseil régional a émis un vote à une majorité écrasante que la même quasi-unanimité prévaut dans la région, comme en attestent certaines prises de position à Montpellier.
Dans ce cas précis, n’aurait-il pas été pertinent d’organiser un référendum pour régler la question ? Le léger désaccord que j’ai avec mes collègues communistes, dont je partage largement les avis sur cette réforme, tient à ce que, selon moi, la tenue d’un référendum ne doit pas être obligatoire dans tous les cas. En effet, cela risque de bloquer le processus de fusion lorsqu’un consensus existe déjà. Il convient donc de ne pas y recourir systématiquement. En revanche, dans le cas présent, où la fusion fait véritablement débat, la question aurait pu être tranchée par référendum, ce qui aurait exigé la tenue d’une vraie discussion sur le fond, en particulier sur la nature et la mise en œuvre des outils de solidarité territoriale à l’échelle de la nouvelle grande région. Faute d’avoir vraiment répondu à ces questions, on en reste à des débats surtout théoriques, les uns invoquant les cathares, les autres les rois de France… En Bretagne, on peut remonter au moins jusqu’au VIe siècle, avec les premiers migrants venus d’Irlande ! (Sourires.) Je trouve donc ce débat assez faible.
Par ailleurs, en cas de fusion entre les deux régions qui nous occupent, se posera aussi la question du droit d’option, en particulier pour le département du Gard. Si l’on en reste au statu quo, si l’on conserve de petites régions, le droit d’option sera plus compliqué à mettre en œuvre.
Enfin, le devenir de la partie catalane, que je ne confonds pas avec le Languedoc, constitue lui aussi un enjeu en soi. Quel sera demain le statut de ce territoire ? Dans quelle organisation territoriale s’inscrira-t-il ? Tout le monde a souligné, y compris pour justifier le maintien de l’entre-soi, l’importance de la question de la collaboration par-delà les frontières. Cela ouvre aussi un débat sur l’Europe. En l’occurrence, se pose la question du renforcement des liens avec la Catalogne espagnole.
Tous ces éléments doivent être versés au débat, qui a du mal à progresser parce qu’il a été mal structuré. Pour notre part, les écologistes des deux régions concernées ayant conclu que la fusion pouvait être une bonne chose, nous soutiendrons cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. André Vallini, secrétaire d'État. Sur la fusion envisagée entre Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées, permettez-moi tout d’abord de donner quelques éléments chiffrés.
Ces régions comptent chacune moins de 3 millions d’habitants. Isolément, elles n’atteignent pas la taille critique pouvant leur permettre de développer davantage leur attractivité dans les années à venir. Les spécialistes en géographie économique le disent tous.
Ensemble, ces deux régions pourront disposer de six pôles de compétitivité et de quarante-trois laboratoires d’excellence. Elles sont situées, et ce sera encore plus vrai si elles fusionnent, à la convergence d’axes économiques importants et appartiennent déjà, l’une et l’autre, à l’eurorégion Pyrénées-Méditerranée, avec la puissante Catalogne et les îles Baléares.
La nouvelle région qui résultera de cette fusion constituera un exemple d’une région plus grande, plus efficace, plus attractive, avec 5,7 millions d’habitants et un PIB moyen par habitant de l’ordre de 25 000 euros.
Beaucoup d’orateurs ont eu recours à des références historiques. Mme Malherbe est ainsi remontée à l’Empire romain, d’autres ont évoqué le comté de Toulouse et l’Occitanie. Tout cela est passionnant et il n’est pas question, pour le Gouvernement ainsi que pour tous ceux qui soutiennent l’évolution de la carte régionale, de gommer des identités qui, pour la plupart, remontent à l’Ancien Régime, voire bien au-delà, et ont survécu à la Révolution française, à la Restauration, à deux empires, à cinq républiques, pas plus que d’en forger de nouvelles. Il s’agit simplement – si j’ose dire – de construire ensemble des régions puissantes, attractives, compétitives, qui, même fusionnées, continueront à cultiver les identités spécifiques du Roussillon, du Languedoc, du Midi, des Pyrénées.
Par conséquent, ne nous trompons pas de débat. La nouvelle carte doit être élaborée dans le respect de l’histoire et des identités culturelles, dans le respect du travail accompli par Georges Frêche et Christian Bourquin pour le rayonnement du Languedoc-Roussillon. Néanmoins, les temps changent, et il faut que les régions aussi sachent évoluer. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement appelle à l’adoption de ces trois amendements identiques.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 rectifié, 48 et 144.
J'ai été saisie de deux demandes de scrutin public, émanant l’une du groupe UMP, l’autre du RDSE.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 7 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l’adoption | 123 |
Contre | 217 |
Le Sénat n'a pas adopté. (Mme Hermeline Malherbe et M. Jacques Mézard applaudissent.)
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 4 rectifié bis est présenté par MM. Bouvard et Pellevat.
L'amendement n° 20 rectifié est présenté par MM. Mézard, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Hue, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. - Alinéa 7
Supprimer les mots :
et Rhône-Alpes
II. - En conséquence, après l'alinéa 18
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« - Rhône-Alpes. »
La parole est à M. Michel Bouvard, pour présenter l’amendement n° 4 rectifié bis.
M. Michel Bouvard. Cet amendement, que j’ai déposé avec M. Pellevat et qui est très largement approuvé par les élus savoyards, tend à maintenir la région Rhône-Alpes en l’état.
Le 14 avril dernier, le président du conseil régional, Jean-Jack Queyranne, après présentation de la réforme, s’exprimait en ces termes : « Est-ce que Rhône-Alpes doit s’agrandir ? Nous sommes déjà une région de taille européenne, grande comme la Suisse. Si la question de la taille se pose pour d’autres régions, ce n’est pas le cas pour Rhône-Alpes. »
Je demande à la commission spéciale de faire preuve de cohérence. Elle a souhaité que, dans un certain nombre de territoires, on garde des petites régions ou des régions de taille moyenne. Cela a été le cas pour l’Alsace, au nom de l’identité, pour le Languedoc-Roussillon et pour Midi-Pyrénées. En quoi la région Rhône-Alpes, qui compte 6,2 millions d’habitants, soit davantage que les régions que je viens de citer et que l’on a finalement renoncé à fusionner, dont le PIB régional est le deuxième de France, qui représente un dixième du territoire national et la sixième région européenne, serait-elle trop petite ? En quoi n’est-elle pas de taille européenne ?
Bien évidemment, il ne s’agit pas d’un refus de solidarité à l’égard de l’Auvergne. C’est une question de cohérence. J’ai eu l’occasion de rappeler ce matin que la région Rhône-Alpes est déjà le produit d’une fusion. En effet, à l’origine, il avait été envisagé de créer une région Rhône et une région Alpes distinctes. De fait, la région Rhône-Alpes compte deux pôles : le pôle alpin, que vous connaissez bien, monsieur le secrétaire d’État, et le pôle rhodanien.
Mme Cécile Cukierman. Et il y a l’ouest, aussi !
M. Michel Bouvard. La fusion avec l’Auvergne serait potentiellement un facteur de déséquilibrage de la région, au travers d’un recentrage sur Lyon et, progressivement, d’une marginalisation de l’aire alpine et du sillon alpin.
Je précise que la région Rhône-Alpes comporte d’ores et déjà deux métropoles intramuros, Lyon et Grenoble. Il en est une troisième, que l’on oublie toujours, la métropole genevoise, sous l’influence de laquelle vit toute une partie de la région. Nous avons besoin que le travail accompli avec la métropole genevoise soit conforté, que l’économie de la partie alpine de notre région, notamment des territoires qui n’appartiennent pas à l’aire métropolitaine grenobloise, puisse continuer à se développer.
Or nous savons très bien, car c’est le discours que l’on nous tient régulièrement depuis vingt ans, qu’avec l’intégration de l’Auvergne l’accent sera mis sur un rééquilibrage de la région vers l’ouest, assorti d’un basculement des moyens au profit de cette partie de l’espace régional. Cela entraînera la marginalisation progressive des territoires frontaliers, qui sont pourtant confrontés aux problématiques des risques, de l’altitude, de la croissance démographique et de la coopération avec les deux pays voisins.