M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, sur l’article.
Mme Catherine Génisson. Madame la ministre, par cet article 36, vous souhaitez valoriser les bonnes pratiques dans les établissements de santé et accorder à ceux qui fonctionnent bien une reconnaissance, y compris budgétaire.
Un certain nombre de dispositifs, sur lesquels je ne m’étendrai pas, seront expérimentés en 2015 et devraient être généralisés en 2016. Je pense notamment à la valorisation de la dotation autorisée par la contractualisation.
Cette mesure, fondée sur l’exigence de qualité de soins et de sécurisation des parcours de soin, me semble bonne. C’est aussi une façon de valoriser les établissements qui travaillent bien ; c’est en tout cas l’exigence de qualité qu’il faut mettre en avant.
J’indique d’ailleurs que les procédures mises en place dans certains établissements, quand elles sont vraiment bonnes, pourraient être reproduites dans d’autres.
Par effet miroir, l’article 36 prévoit, pour les établissements qui ne répondraient pas à cette exigence de bonnes pratiques, un dispositif de sanction, qui serait déclenché, bien sûr, sous certaines conditions. À l’issue d’un dialogue approfondi avec l’établissement, l’agence régionale de santé pourra – ce n’est pas une obligation, l’article 36 l’indique bien – prononcer une sanction.
Je m’interroge cependant sur le principe même de la sanction financière. Il est important que les agences régionales de santé puissent examiner le fonctionnement des établissements de santé sur la base d’un certain nombre de critères, en particulier ceux qui sont mis en place par la Haute Autorité de santé, la HAS. Mais les établissements qui éprouvent des difficultés devraient voir leur périmètre d’activité modifié en fonction de leurs dysfonctionnements, afin de réussir à retrouver l’excellence.
En ce sens, je ne suis pas sûre que la sanction budgétaire incite à retrouver les bonnes pratiques. Des propositions plus structurelles d’amélioration du fonctionnement de ces établissements seraient peut-être plus efficaces.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 53, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Supprimer les mots :
sous la forme d’un score calculé
II. – Alinéa 4
1° Après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Ces critères sont élaborés sur la base de référentiels nationaux de qualité et de sécurité des soins établis par la Haute Autorité de santé.
2° Seconde phrase
Remplacer les mots :
du score
par les mots :
par établissement
III. – Alinéa 7
Après les mots :
des soins
insérer les mots :
établis par la Haute Autorité de santé
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement a un double objet.
Il vise d’abord à préciser l’articulation entre les modalités d’évaluation retenues pour juger de la qualité des soins et des activités des établissements et les référentiels nationaux, dont la commission des affaires sociales estime qu’ils doivent être établis par la Haute Autorité de santé.
Il tend ensuite à faire disparaître la notion de « score » de qualité des établissements hospitaliers, qui n’est pas définie en droit et relève de la technique financière ou médicale, voire du domaine sportif !
M. le président. L’amendement n° 246, présenté par Mmes David et Cohen, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
1° Première phrase
Après les mots :
critères d’appréciation retenus
insérer les mots :
après concertation avec les représentants nationaux des commissions et conférences médicales d’établissement et les conseils nationaux professionnels concernés
2° Compléter cet article par les mots :
après avis de la Haute Autorité de santé et des fédérations hospitalières représentatives
II. – Alinéa 6
1° Après les mots :
agence régionale de santé
insérer les mots :
après avis conforme des conférences médicales d’établissement
2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Lorsque des professionnels de santé libéraux interviennent dans l’établissement de santé, ils sont appelés à la signature dudit contrat.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Pour le groupe CRC, l’hôpital n’est pas une entreprise ayant pour objectif la rentabilité financière. À ce titre, nous nous opposons au calque de méthodes propres à l’entreprise dans le domaine de la santé. C’est pourquoi nous sommes opposés à la tarification à l’activité, la T2A, et à l’application de la méthode de scoring – je rejoins sur ce point ce que vient d’indiquer à l’instant M. le rapporteur général –, en ce qu’elle permet de classer les établissements de santé et de punir ceux qui sont mal placés.
Pour autant, si ces méthodes venaient à être mises en œuvre, nous souhaiterions pour le moins qu’elles le soient dans le respect de la démocratie sanitaire et en concertation avec l’ensemble des acteurs : les conférences médicales, les intervenants libéraux, les fédérations hospitalières, et surtout la Haute Autorité de santé. Ainsi, il nous semble indispensable d’indiquer, à l’alinéa 4 de l’article 36, que les indicateurs nationaux mentionnés sont élaborés « après concertation avec les représentants nationaux des commissions et conférences médicales d’établissement et les conseils nationaux professionnels concernés ».
À ce même alinéa, la mention de la Haute Autorité de santé a été ajoutée par M. le rapporteur général pour la définition des critères d’appréciation retenus ; il nous semble néanmoins important que l’arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale soit également validé par la HAS, ainsi que par les fédérations hospitalières représentatives. En effet, eu égard au caractère délicat de la construction d’une représentation statistique de l’image et de la qualité des établissements de santé, une consultation formelle pour avis des fédérations hospitalières représentatives nous semble justifiée.
Les modifications que cet amendement tend à apporter à l’alinéa 6 relèvent de cette même volonté d’associer les acteurs au processus de décision les concernant. Ainsi, il est primordial que les conférences médicales d’établissement ainsi que les professionnels libéraux intervenant dans l’établissement puissent être associés à la constitution du contrat d’amélioration des pratiques en établissement de santé. En effet, au titre de leur activité dans les établissements visés, ils sont à même d’identifier les obstacles à lever et les axes d’amélioration.
D’ailleurs, rappelons que, eu égard à la mission qui leur est confiée par l’article L. 6161-2 du code de la santé publique, les conférences médicales d’établissement ont toute légitimité à intervenir dans la signature du contrat. En effet, cet article dispose que « la conférence médicale contribue à la définition de la politique médicale et à l’élaboration de la politique d’amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins ».
Tel est, mes chers collègues, l’objet de cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 167, présenté par Mmes Deroche et Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. Chasseing, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deseyne, MM. Dusserre, Forissier et Gilles, Mmes Giudicelli, Gruny et Imbert, M. Lemoyne, Mme Micouleau, MM. Milon, Morisset, Mouiller et Pinton, Mme Procaccia et MM. D. Robert et Savary, est ainsi libellé :
Alinéas 5 à 12
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. René-Paul Savary.
M. René-Paul Savary. Les alinéas 5 à 12 de l’article 36 nous semblent inutiles.
Il existe déjà des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens, ou CPOM, et des contrats de bon usage des médicaments pour évaluer, si besoin est, la qualité des établissements de soins. Si des mesures d’ajustement sont nécessaires, mieux vaut les prendre dans ces documents. Les sanctions ne feraient que nuire à la bonne marche des établissements.
M. le président. L'amendement n° 247, présenté par Mmes David et Cohen, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 10 à 12
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cet amendement vise à supprimer les alinéas 10 à 12, qui prévoient un mécanisme de sanctions des établissements de santé n’ayant pas respecté leurs engagements contractuels à l’égard de l’ARS. Cela va dans le sens de mon propos introductif.
Aux termes de l’alinéa 10, l’agence régionale de santé peut prononcer à l’encontre de l’établissement une pénalité « correspondant à une fraction du montant des produits versés par l’assurance maladie, proportionnée à l’ampleur et à la gravité des manquements constatés et dans la limite de 1 % de ces produits ».
Comme nous l’avons indiqué, nous sommes opposés à l’introduction d’une telle logique de contractualisation-sanction. À nos yeux, la mission de pilotage territoriale dévolue aux agences régionales de santé ne doit pas consister en une mission de contrôle des hôpitaux.
Certes, il serait évidemment irresponsable de laisser les hôpitaux sans contrôle ; il existe effectivement des failles dans la qualité et la sécurité des établissements que nous ne pouvons pas tolérer.
Mais nous considérons que le contrôle des établissements de santé ne doit pas être transféré aux ARS ; il doit continuer à relever de la compétence de la Haute Autorité de santé. Cette autorité administrative indépendante doit poursuivre la réalisation de ses trois grandes missions complémentaires : l’évaluation, la formulation de recommandations et les certifications et accréditations.
Tel est l’objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La commission sollicite le retrait de l’amendement n° 246 ; à défaut, l’avis serait défavorable.
En effet, l’amendement de la commission prévoit déjà que la Haute Autorité de santé établira les critères – c’est l’une des mesures proposées par nos collègues – et procédera aux consultations nécessaires.
Je crains que le fait d’associer les conférences médicales d’établissement, comme cela nous est suggéré, n’ait pour conséquence d’alourdir fortement le dispositif. Or, en matière d’évaluation de la qualité, il faut avant tout faire preuve de réactivité.
La commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 167.
Les auteurs de cet amendement soulignent à juste titre les multiples mécanismes qui existent déjà en matière de contrôle des pratiques hospitalières. Néanmoins, les contrats prévus par l’article 36 peuvent à mon avis être vus comme une déclinaison des CPOM dont l’ARS assurera la cohérence et qui sont susceptibles d’apporter un complément de revenu aux établissements.
Enfin, l’adoption de l’amendement n° 247, qui vise à supprimer les mécanismes de sanction, aboutirait à déséquilibrer le dispositif prévu. La commission demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. À mon sens, ces amendements ne sont pas en cohérence avec le dispositif que le Gouvernement veut instituer.
L’article 36 met en place une contractualisation avec les établissements afin de mieux diffuser les pratiques de qualité. Nous ne posons évidemment pas comme postulat qu’il y aurait des actes volontairement contraires à l’objectif de qualité. Mais il peut y avoir des négligences ou, tout simplement, des habitudes en contradiction avec la recherche de qualité.
Nous tenons compte des 211 expérimentations qui sont d’ores et déjà engagées dans les établissements et dont le comité de pilotage rassemble la Fédération hospitalière de France, la Haute Autorité de santé et les représentants des CME, soit l’ensemble des acteurs que vous souhaitez voir associés au dispositif. Votre demande – avoir des indicateurs objectivés pour définir les critères de qualité à atteindre – est donc déjà satisfaite. Les scores sont mis en place.
Faut-il en rester à ce qui a été la première étape, c'est-à-dire la démarche incitative ?
Selon un rapport de la mission sénatoriale d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale de 2012, une démarche purement incitative sans possibilité de sanctions ne suffit pas. Et les différents acteurs que j’ai mentionnés et qui participent à ces expérimentations partagent cette analyse.
Il s’agit non pas de sanctionner d’emblée ceux qui n’atteignent pas les objectifs, mais de réfléchir aux moyens de les aider à y parvenir.
La sanction n’interviendrait qu’au terme d’un long processus. Il y aurait d’abord une contractualisation avec l’agence régionale de santé, afin d’identifier les étapes à franchir pour atteindre les objectifs fixés et de chercher les soutiens qui pourraient être apportés à l’établissement. C’est seulement une fois le contrat passé que des sanctions pourraient être prononcées si les objectifs n’étaient pas atteints.
Il n’y aurait donc pas une incitation immédiate et une sanction immédiate ; il y aurait une incitation immédiate et un processus d’accompagnement pouvant déboucher sur une sanction, notre but étant évidemment non pas la sanction, mais le respect par l’établissement de ses engagements contractuels.
J’émets donc un avis défavorable sur ces quatre amendements, qui soit sont déjà satisfaits, la Haute Autorité de santé, les fédérations hospitalières et les CME étant associées au dispositif, soit ne sont pas de nature à favoriser le processus tel que nous l’entendons.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote sur l’amendement n° 53.
Mme Catherine Génisson. Nous avons obtenu des précisions de la part de la commission et du Gouvernement.
Madame la ministre, si j’ai bien compris, on sanctionnera non pas le constat de dysfonctionnements, mais bien le fait pour un établissement de ne pas vouloir y remédier.
Mme Annie David. Mais enfin ! Aucun établissement ne refuse de remédier à des dysfonctionnements !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je remercie Mme la ministre de prendre toujours le temps de nous apporter des précisions sur les expérimentations en cours ; c’est important pour nos travaux.
J’adhère évidemment à la philosophie des mesures proposées et des réformes engagées. Mais, en tant que parlementaire, je constate un décalage entre les ambitions affichées et la réalité du terrain, décalage qui tient avant tout aux conditions concrètes de mise en œuvre du processus. Compte tenu de la toute-puissance des ARS, les sanctions ne tombent pas à l’issue d’un dialogue constructif sur les difficultés rencontrées par les établissements au quotidien !
Par ailleurs, le ciel n’est pas serein. En effet – et cela a commencé bien avant l’arrivée de ce gouvernement aux responsabilités –, les hôpitaux publics et les établissements publics de santé subissent depuis des années un travail de sape ; on leur demande toujours plus avec moins de moyens ! Dans ce contexte, ajouter des sanctions nous paraît contreproductif. Nous maintenons donc nos amendements.
Nous ne sommes pas dans la posture ou dans l’opposition frontale. Nous avons notre analyse, tout comme le Gouvernement a la sienne et les autres groupes ont la leur. Mais, selon nous, ce qui est envisagé ne correspond pas à la réalité.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Je fais miens les propos de notre collègue Laurence Cohen : ce qui est envisagé ne correspond à la réalité.
Madame la ministre, je vous remercie de nous apporter des précisions, mais il serait préférable de le faire lors de l’examen des textes en commission ; cela nous aiderait dans l’élaboration des amendements… Vos informations sur les expérimentations en cours sont très intéressantes, mais nous aurions apprécié d’en prendre connaissance lors des auditions.
Si les fédérations hospitalières nous interpellent pour déposer des amendements, c’est bien que des problèmes se posent. Et ce sont ces problèmes-là, ceux du terrain, que nous essayons de faire remonter. Nous devrions avoir ces discussions en commission, et non en séance plénière. Je m’étonne par exemple que vous parliez de « négligences ».
L’expérience montre – je suis moi-même membre du conseil de surveillance d’un petit hôpital de proximité et président de celui d’un centre hospitalier universitaire, ce qui me permet de bien connaître la situation des deux catégories d’établissements – qu’il y a un certain nombre de difficultés sur le terrain.
Avant d’en arriver aux sanctions, faisons déjà en sorte que les objectifs fixés dans les CPOM soient tenus. Et il est difficile de tenir des objectifs définis pour l’année en cours quand les moyens n’arrivent qu’en milieu ou en fin d’année ! Mais cela ne vous empêchera pas de considérer que, les objectifs n’étant pas tenus, les sanctions doivent être prononcées…
Cessons d’accabler tous ces établissements de santé, qui manquent déjà de moyens, d’équipes et de médecins, avec des nouvelles mesures administratives de contrôle de la qualité, de scoring… Les personnels passent leur temps à remplir des formulaires administratifs. Et quand il manque une ligne ou deux, on n’est plus dans les clous !
Encore une fois, avant d’instituer des sanctions, montrons l’exemple et favorisons la coordination avec ces établissements.
J’attire également votre attention sur les scores, madame la ministre. Certains services spécialisés très performants peuvent se permettre de choisir les patients à opérer et de récuser des malades pour réaliser de meilleurs scores. Et d’autres services, qui ont un nombre limité de patients – cela ne signifie pas pour autant qu’ils ne sont pas performants –, récusent moins de malades et ont de moins bons scores. Faisons attention : des malades sont sauvés parce que des équipes prennent des risques au détriment de leur score ! Et, dans le même temps, certains hôpitaux sélectionnent les malades.
Il faut donc veiller à ce que les critères de référence – et ils sont nécessaires – ne soient pas contreproductifs au regard de notre objectif commun : garantir la qualité des soins dans tous les équipements de santé.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.
M. Gilbert Barbier. Notre collègue René-Paul Savary pose la bonne question.
Pour ma part, je soutiens cet article. Nous ne pouvons effectivement pas nous contenter de ce qui figure dans les kiosques à journaux depuis hier ; il faut une évaluation précise des établissements de santé.
Mais les sanctions s’appliquent aux établissements. Et M. Savary vient de pointer la différence pouvant exister au sein d’un même établissement – plus un hôpital est grand, plus ses services sont nombreux – entre des services très performants et d’autres qui le sont moins.
Il faudra nous transmettre les résultats de l’expérimentation menée dans les établissements témoins que vous avez retenus. Mais on comprendrait mal qu’une sanction financière soit appliquée globalement à l’établissement parce qu’un ou deux services n’ont pas respecté les scores. On parle en effet de « scores » même si ce terme n’est pas très favorable en matière de résultats concernant les soins. Va-t-on appliquer cette mesure par service ou pour l’ensemble de l’établissement ? J’ai une inquiétude sur ce point, mais peut-être l’expérimentation en cours nous apportera-t-elle des solutions.
Je voterai cet article, madame la ministre, mais des explications devront nous être données à l’issue de cette première année.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Je comprends bien les interrogations qui sont soulevées. Je le répète, la volonté du Gouvernement n’est pas de mettre en place une démarche punitive. Sa volonté est que cette qualité soit valorisée, ce qui correspond à la demande de l’ensemble des fédérations, des acteurs et des professionnels de santé, et qu’elle soit intégrée dans les procédures d’évaluation des établissements.
Ne faisons pas comme si, aujourd’hui, cette procédure d’évaluation des établissements n’existait pas ! Nous ne sommes pas en train de passer d’une période où l’on n’analyse rien à une période où l’on analyserait tout. Ce n’est pas ce qui est proposé !Divers indicateurs existent d’ores et déjà aujourd’hui, et il s’agit de faire en sorte de les rassembler, de les agréger, afin de permettre une appréciation de l’engagement et des efforts réalisés.
Aujourd’hui, 10 % des établissements présentent des risques infectieux et 10 % des établissements présentent des risques médicamenteux. On ne peut pas se contenter de considérer ce taux de 10 %, car c’est à la fois peu et beaucoup. Il faut évidemment accompagner ces établissements pour déterminer ce qui, dans leur pratique, peut être amélioré. En cas d’amélioration, il y aura, au contraire, une valorisation financière. Il s’agit, par exemple, dans un tout autre domaine, de tenir compte des établissements dans lesquels la prise en compte et le soulagement de la douleur sont effectivement mis en avant.
Si ces indicateurs n’existaient pas aujourd’hui, je ne pourrais pas vous dire qu’il y a des risques médicamenteux dans 10 % des établissements ! La traçabilité de la douleur, la qualité de la tenue du dossier du patient, la date d’envoi du courrier de fin d’hospitalisation – c’est un sujet sur lequel nous aurons l’occasion de revenir dans le projet de loi relatif à la santé, car ce courrier, qui est théoriquement obligatoire, n’est pratiquement jamais expédié sinon à des dates totalement aléatoires – sont des éléments essentiels pour le parcours de santé et le parcours de soins du patient.
M. René-Paul Savary. Cela existe !
Mme Marisol Touraine, ministre. Cette disposition existe, mais elle n’est pas encore appliquée. Les médecins traitants ne cessent de dire qu’ils se battent pour obtenir ces éléments. Donc, faisons en sorte que les établissements les mettent en œuvre.
M. Gilbert Barbier. Les services !
Mme Marisol Touraine, ministre. Non, pas les services ! Pour quelles raisons ? Parce qu’il appartient à la direction de l’hôpital de jouer son rôle de direction à l’égard des services dans lesquels cela ne se passe pas. Aucun directeur de service n’est responsable vis-à-vis de la Haute Autorité de santé ou vis-à-vis de l’Agence régionale de santé.
Pour en finir sur ce point, je souligne que c’est au niveau national que les scores et les indicateurs sont définis et que les sommes sont déboursées. Il n’appartient donc pas à l’Agence régionale de santé de dire, dans sa toute-puissance – je reprends votre formule, madame Cohen – que tel établissement remplit les critères et que tel établissement ne les remplit pas. La qualité et l’élément positif y seront identifiés nationalement. Ensuite, si nous constatons des dérapages, des contrats seront alors signés localement avec l’ARS, comme sont aujourd’hui signés des programmes de retour à l’équilibre.
C’est une démarche importante – je ne veux pas la minorer – dans la mesure où elle permet de rassembler, comme le recommandait d’ailleurs la Mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la MECSS, dans son rapport de 2012, l’ensemble des politiques un peu disparates qui existent depuis un certain nombre d’années, afin de permettre une meilleure prise en compte de la qualité.
Les professionnels de santé, les représentants des fédérations, des conférences médicales d’établissement ou de certains mouvements hospitaliers que j’ai rencontrés m’ont tous dit : « N’appliquez pas uniquement la T2A, introduisez des éléments qualitatifs dans l’appréciation de ce qui se passe dans les hôpitaux. » C’est très exactement ce que nous faisons. Or vous me reprochez la mise en place de ces éléments qualitatifs au motif que cela va renforcer la logique financière qui s’applique aux hôpitaux. Pourtant, beaucoup d’acteurs – y compris de votre côté, madame Cohen – demandent que soient instaurés des critères qualitatifs afin de contrebalancer les critères purement comptables qui régissent la tarification à l’activité, ou T2A. J’entends donc vos propos, mais ne suis pas certaine de parfaitement les comprendre !
En tout cas, la démarche du Gouvernement est de casser une approche purement comptable et de favoriser les bonnes pratiques à partir de critères qui doivent être aussi objectifs que possible.
Mme Nicole Bricq. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Je voudrais compléter le propos de Mme la ministre en précisant que l’on retrouve, à la page 244 des fiches d’évaluation, l’ensemble des incitations à l’amélioration de la qualité et les contrats d’amélioration des pratiques.
Pour autant, s’il est vrai que, depuis plusieurs années, la démarche de la qualité a été mise en place dans les établissements de santé – et elle doit être poursuivie –, cela ne veut pas dire que tous ceux qui y participent souscrivent aux propositions qui sont faites. Si c’était le cas, nous n’aurions pas reçu les propositions d’amendements qui ont été formulées par les fédérations hospitalières regroupées. Il ne s’agissait pas uniquement de la Fédération hospitalière de France, la FHF ; la FHF ainsi que la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés non lucratifs, la FEHAP, et la FHP, la Fédération de l’hospitalisation privée ont, ensemble, proposé certains des amendements que nous portons.
Si cette démarche de la qualité est une nécessité absolue, s’orienter à partir de là vers la démarche punitive me semble dangereux pour les établissements. Il vaudrait mieux continuer à mettre en place des incitations et faire en sorte que ceux qui ont véritablement la notion de qualité médicale – en particulier la Haute Autorité de santé – soient inclus dans ces démarches.
Je propose donc de voter l’amendement n° 53 de la commission, ce qui permettra que les autres amendements soient retirés ou n’aient plus d’objet.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Madame la ministre, nos amendements ne contredisent nullement la démarche de qualité que vous défendez. Nous sommes tout à fait favorables à l’introduction de critères de qualité, d’éléments de responsabilisation, etc.
Le problème est que la mesure financière que vous proposez s’apparente à un bonus-malus, qui va, selon nous, aggraver les choses. Ce n’est pas la bonne réponse à des problèmes qu’il faut traiter. Voilà la précision que je voulais apporter.