Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Primas, sur l'article.
Mme Sophie Primas. Les articles 15 et 18 prévoient deux prélèvements sur les chambres d’agriculture : un prélèvement d’un montant de 45 millions d’euros sur le fonds de roulement des chambres d’agriculture, notamment au profit d’un fonds national de solidarité et de péréquation constitué au sein du budget de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture, l’APCA, et, surtout, une diminution de recettes de 5,35 % de la taxe additionnelle à la taxe sur le foncier non bâti allouée aux chambres d’agriculture. Le manque à gagner est ainsi évalué à 15 millions d’euros pour 2015, soit 45 millions d’euros sur trois ans.
Ces dispositions, qui auront naturellement des conséquences sur les investissements, les emplois et les missions des chambres d’agriculture, sont en totale contradiction avec les besoins de notre secteur agricole, ainsi qu’avec les objectifs affichés par le Gouvernement en matière agricole.
Ainsi, pour la chambre interdépartementale d’agriculture de l’Île-de-France, qui représente 2 500 exploitations et 3 000 agriculteurs, emploie 70 salariés et tire la moitié de ses recettes de la taxe sur le foncier non bâti, la baisse du budget entraînera notamment le non-renouvellement de postes de conseiller en agro-machinisme, alors que cette compétence est centrale dans le cadre du projet agro-écologique présenté dans la loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt.
Elle permet en effet un accompagnement des GIEE, les groupements d’intérêt économique et environnemental, en améliorant les performances économiques et environnementales des systèmes de production agricole.
De plus, il faut noter que cette taxation intervient à la suite d’un transfert aux chambres de nouvelles missions, sans que des recettes supplémentaires soient prévues : apprentissage, centre de formalités des entreprises, installation des jeunes agriculteurs, avec notamment le contrôle des plans d’entreprises, etc.
Ces prélèvements sont également incompatibles avec l’objectif affiché de réduire la pression fiscale sur les agriculteurs, puisqu’ils inciteront les chambres à substituer à des prestations gratuites des prestations payantes, dont la charge reposera sur l’exploitant agricole.
Enfin, et de manière plus générale, alors que les filières sont durement touchées par la crise et les aléas du marché, elles ont plus que jamais besoin de l’accompagnement des chambres d’agriculture pour rester compétitives.
Telles sont les raisons pour lesquelles je vous proposerai, en mon nom propre, mais également au nom de la commission des affaires économiques et de mes collègues, des amendements « de raison », pour permettre aux chambres d’agriculture de servir pleinement le projet d’agro-écologie de M. Le Foll, mais aussi celui de transition énergétique. L’agriculture a un rôle majeur à jouer, mais pour ce faire, elle a besoin d’accompagnement.
Il faut donc soutenir nos chambres d’agriculture, qui sont le relais indispensable à toute nouvelle politique agricole.
Mme la présidente. L'amendement n° I-214, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. La question de la fiscalité locale affectée, qui est abordée avec cet article 15 du projet de loi de finances, se pose depuis plusieurs années, mais sous des auspices renouvelés.
En fait, plus le temps passe et plus la fiscalité affectée s’avère un moyen, pas toujours inutile, pour l’État de solder ses propres comptes.
Car ce qui pose problème avec cet article, c’est le processus qui consiste à définir une recette dédiée pour le règlement d’une question donnée, et à constater des surplus, recyclables comme autant de « poires pour la soif » budgétaires.
Selon nous, il y a détournement d’objet. On croit subventionner des clubs de football amateurs et, in fine, votre argent est englouti dans la réalisation d’un stade ou, pire encore, fait le seul bonheur du budget général.
Il convient donc de fixer les choses. Si la loi organique autorise le Parlement à voter une fiscalité dédiée, perçue au profit d’un opérateur de l’État, d’une agence quelconque ou d’un établissement public, elle l’autorise aussi, sur la durée, à examiner l’assiette de ladite taxe, ainsi que son rendement, et à l’adapter aux besoins exprimés, quel que soit le domaine.
Il ne nous semble pas de bonne politique de maintenir en l’état des taxes dont le rendement est générateur de « fonds de roulement » et qui s’avèrent, à l’expérience, une source de ponctions plus ou moins importantes dévoyant totalement la raison d’être du prélèvement.
Nous n’allons pas entrer dans le détail des différentes taxes et contributions visées par l’article 15. Ce serait sans doute fastidieux.
Toutefois, nous tenons à respecter et à faire respecter des principes simples. La loi fixe l’assiette et le taux des contributions. Le législateur en contrôle l’emploi et en surveille l’usage. Il procède, en fonction du produit de ses observations, à leurs modifications d’affectation.
En lieu et place de cet article ponctionnant 581 millions d’euros, nous aurions pu avoir une baisse des impôts de 581 millions d’euros. Il suffisait pour cela de changer les barèmes des taxes mises en cause.
Ce n’est pas la voie choisie par le Gouvernement, mais c’est la seule qui vaille de notre point de vue. C’est la raison pour laquelle nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter cet amendement de suppression de l’article 15.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. L’amendement I-214 a pour objet de supprimer purement et simplement l’article 15 du projet de loi de finances, au motif que le plafonnement des taxes affectées n’est pas une bonne réponse aux questions soulevées par les différents prélèvements concernés.
La commission s’est montrée favorable à l’extension du plafonnement de taxes affectées. Globalement, nous considérons que cela permet une meilleure maîtrise des dépenses publiques, notamment de la part des agences de l’État.
Par ailleurs, l’adoption de cet amendement ne supprimerait en rien le mécanisme de plafonnement, qui est prévu par l’article 46 de la loi de finances pour 2012. Elle aurait pour seule conséquence de conserver les plafonds en l’état.
La commission considère donc que l’ensemble des opérateurs, et notamment les agences de l’État, doivent participer à la maîtrise de la dépense publique. C’est la raison pour laquelle elle a émis un avis défavorable sur l’amendement n° I-214.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Carole Delga, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire. Monsieur le sénateur, vous proposez par cet amendement de supprimer l’article 15, qui vise à diminuer les plafonds des ressources affectées aux opérateurs de l’État et à divers organismes chargés de missions de service public.
Le Gouvernement y est défavorable, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, il y a un devoir de cohérence. Le débat sur le plafonnement des taxes affectées a déjà été tranché par le Sénat dans le cadre de la discussion de la loi de programmation des finances publiques, dont les articles 15 et 16 prévoient une diminution minimale de 300 millions d’euros des plafonds des ressources affectées en 2015 et, à terme, la généralisation du plafonnement.
L’article 15 de ce projet de loi de finances s’inscrit dans ce cadre. Il répartit entre plusieurs organismes la diminution prévue par la loi de programmation.
Enfin, et surtout, il y a une question de responsabilité. Le Gouvernement a engagé l’ensemble des administrations publiques à se réformer profondément. Il est normal que les opérateurs et les agences de l’État contribuent aux efforts à hauteur de leurs moyens. Je le rappelle, les opérateurs et organismes chargés de missions de service public ont vu leurs ressources progresser en moyenne de plus de 15 % au cours du dernier quinquennat.
Après cette hausse incontrôlée, le Gouvernement prévoit une baisse ciblée de 1,1 milliard d’euros en 2015, adaptée à la capacité contributive des différents organismes.
Plus généralement, le plafonnement des ressources affectées est l’un des principaux outils dont nous disposons pour inciter les opérateurs de l’État à maîtriser l’évolution de leurs dépenses. C’est un enjeu central pour le pilotage de l’ensemble des finances publiques.
Il s’agit de prévenir le risque de débudgétisation et de permettre un débat annuel, à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances, sur les plafonds des ressources affectées à ces organismes, eu égard aux missions de service public qui leur sont confiées.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-108 rectifié ter, présenté par Mme Létard, MM. Jarlier, Delahaye, Bockel, Capo-Canellas, de Montesquiou et Médevielle, Mmes Gatel et Morin-Desailly, MM. Roche et D. Dubois, Mme Doineau et M. Tandonnet, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Remplacer le montant :
51 000
par le montant :
91 000
II. – Pour compenser la perte de recettes pour l’État résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – Au I de l’article 43 de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013, le montant : « 590 millions d'euros » est remplacé par le montant : « 550 millions d'euros ».
La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. Dans un référé publié en janvier 2014, la Cour des comptes s’interroge « sur l’affectation à un établissement public national administratif aux missions pérennes et aux engagements pluriannuels d’une ressource principale exposée aux risques d’un marché particulièrement volatil ».
En effet, la loi de finances pour 2013 a affecté à l’ANAH, l’Agence nationale de l’habitat, dans la limite annuelle de 590 millions d’euros, le produit de la mise aux enchères de quotas d’émission de gaz à effet de serre. Ce produit constitue désormais la plus grande partie des ressources de l’agence.
La Cour a rappelé avec justesse que « cette affectation rend les recettes de l’ANAH dépendantes des fluctuations du marché des quotas carbone, alors que ses dépenses sont liées aux engagements précédemment conclus et au rythme des engagements nouveaux souhaité par les ministres de tutelle ».
Or les missions de cet établissement public administratif ont été régulièrement enrichies, puisqu’il est devenu un acteur essentiel, pour le parc privé, de la lutte contre la précarité énergétique et l’habitat indigne et dégradé, de la prévention de la dégradation des copropriétés fragiles et du redressement de celles qui sont le plus en difficulté. À cela se sont ajoutées deux nouvelles missions, l’adaptation des logements à la perte d’autonomie et la revitalisation des bourgs.
Relier les enjeux de la rénovation énergétique à un financement reposant sur le produit de la cession par l’État de quotas d’émission de tonnes de CO2 – les quotas carbone – répond peut-être à un « souci de cohérence entre les finalités de cette mise aux enchères – la lutte contre le réchauffement climatique – et les politiques mises en œuvre par l’ANAH », comme le soutient le ministère dans sa réponse apportée à la Cour.
Il n’en reste pas moins que le marché de la finance carbone connaît de très fortes variations, qui rendent très incertaines les prévisions de recettes inscrites dans les budgets, ce qui est une source potentielle d’instabilité financière pour l’agence. En 2013, par exemple, le produit des ventes aux enchères de quotas carbone a été de 219 millions d’euros, au lieu des 590 millions d’euros prévus au budget de l’ANAH.
Auditionné par la commission des finances du Sénat le 16 avril 2014, dans le cadre d’une audition commune sur les dispositifs d’aide à la rénovation énergétique des logements privés et sur la gestion de l’ANAH, M. Pierre Ducret, président-directeur général de CDC Climat, faisait observer que « le prix du quota européen est aujourd’hui de 5,20 euros, le prix à terme étant de 6 euros. La mesure […] consistant à retenir les allocations d’une partie des quotas […] a un double effet qui se révèle contradictoire : d’une part, elle fait remonter les prix, mais, d’autre part, elle conduit à diminuer les volumes pouvant être mis aux enchères. Aussi, même en cas de hausse des prix, les prévisions se situent très en deçà des prévisions initiales. […] S’agissant du financement de l’ANAH, dans l’hypothèse la plus basse pour 2015, qui retient un cours du quota carbone à 8 euros la tonne, les recettes issues de la vente de quotas seraient de 310 millions d’euros ». On est donc loin du plafond de 590 millions d’euros initialement retenu.
Parmi ses ressources, l’ANAH dispose également d’une fraction du produit de la taxe sur les logements vacants, dont le montant reversé à l’agence est plafonné à 21 millions d’euros depuis la loi de finances pour 2012. La somme correspondant au produit de cette taxe s’est accrue du fait de l’accroissement des taux et du champ d’application instauré par la loi de finances pour 2013. Il devrait, selon les estimations initiales, atteindre à terme 150 millions d’euros.
La rédaction actuelle de l’article 15 vise d’ores et déjà à porter le plafond versé à l’ANAH de 21 millions à 51 millions d’euros. Par le présent amendement, il s’agit d’aller plus loin encore et de relever ce plafond à 91 millions d’euros, en remplaçant 40 millions d’euros du produit des quotas carbone par une augmentation de la part de la taxe sur les logements vacants affectée à l’agence.
Mme la présidente. L'amendement n° I-118 rectifié bis, présenté par Mmes Lienemann et Guillemot et M. Vandierendonck, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Remplacer le montant :
51 000
par le montant :
91 000
II. – Après l’alinéa 66
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
V bis. – Au I de l’article 43 de la loi n° 2012-1509 de finances pour 2013, le montant : « 590 » est remplacé par le montant : « 550 ».
III. – Pour compenser la perte de recettes résultant des I et II ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° I-261 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Requier et Barbier, Mme Laborde, M. Bertrand, Mme Malherbe et MM. Castelli, Esnol et Fortassin, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Remplacer le montant :
51 000
par le montant :
61 000
II. – Pour compenser la perte de recettes pour l’État résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – Au I de l’article 43 de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013, le montant : « 590 millions d’euros » est remplacé par le montant : « 580 millions d’euros ».
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Cet amendement, qui concerne le financement de l’ANAH, diffère quelque peu de celui qui vient d’être présenté à l’instant par M. Vincent Delahaye, pour ce qui concerne le montant de l’augmentation du plafond de la taxe affectée à l’ANAH.
L’amélioration de l’habitat et la lutte contre l’habitat indigne sont des priorités de l’action du Gouvernement. En ce sens, les autorisations d’engagement de l’ANAH ont augmenté ces dernières années. Il faut dire que l’objectif affiché par le Gouvernement est ambitieux : dans le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, le nombre annuel de rénovations de logements est fixé à 500 000 par an à compter de 2017.
Depuis la loi de finances pour 2013, la principale source de financement de l’ANAH provient de la vente des quotas carbone, avec une affectation limitée à un plafond fixé à 590 millions d’euros par an. La baisse du prix de la tonne équivalent carbone ne permet toutefois pas d’atteindre ce plafond, en raison d’un marché très volatil.
Le présent amendement tend donc à l’abaisser à 580 millions d’euros, et à augmenter d’autant, en contrepartie, le plafond de la taxe sur les logements vacants prévu à l’article 15.
Le Gouvernement a consenti un effort, en faisant progresser ce plafond de 21 millions à 51 millions d’euros dans le texte initial. Nous proposons, par cet amendement, de le porter à 61 millions d’euros, soit dix petits millions d’euros supplémentaires, madame la secrétaire d’État. (Mme Carole Delga, secrétaire d'État, sourit.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Sur ces deux amendements, la commission s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée. La raison en est simple : s’ils prévoient tous deux une perte de recettes, qui varie d’ailleurs légèrement selon l’amendement considéré, ils apportent, aux yeux de la commission, une réponse, peut-être partielle, à un vrai problème, qui a été souligné dans le rapport, que je relisais à l’instant, de Philippe Dallier, rapporteur spécial de la mission « Égalité des territoires et logement ».
Notre collègue rappelle que la principale recette de l’ANAH provient de la mise aux enchères des quotas carbone. Le problème, c’est que celle-ci n’a pas rapporté autant que prévu. En effet, on avait compté sur un produit plafonné à 590 millions d’euros, alors que l’ANAH ne recevra que 220 millions d’euros en 2014. On est donc loin du compte !
Le Gouvernement est conscient du problème, puisqu’un certain nombre de recettes sont affectées à l’ANAH pour sécuriser son financement : la taxe sur les logements vacants, des recettes au titre de la contribution des fournisseurs à la sécurité d’approvisionnement en électricité, un certain nombre de remboursements de subventions, ainsi qu’une partie des fonds d’Action Logement pour 2015.
Toutefois, le produit n’y est pas, à tel point, comme le signale Philippe Dallier dans son rapport, que les préfets ont été destinataires d’une circulaire par laquelle il leur est demandé de ne pas traiter les demandes de subventions pour des travaux de rénovation énergétique formulées par les propriétaires occupants modestes.
Ces amendements soulèvent tout simplement la question de la capacité de l’agence à assurer ses missions. Aussi, on ne peut que leur prêter la plus grande attention.
L’amendement n° I-108 rectifié ter induit une perte de recettes pour l’État de 40 millions d’euros, tandis qu’elle n’est que de 10 millions d’euros avec l’amendement n° I-261 rectifié. De fait, l’amendement de M. Mézard est moins coûteux. Toujours est-il que la commission s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée, car elle estime qu’il y a là un vrai problème et que les réponses du Gouvernement sont insuffisantes pour le régler.
Faute de disposer de ressources suffisantes, l’ANAH ne sera pas à même d’assurer les missions que lui a confiées l’État. C’est d’ailleurs pourquoi, je le disais à l’instant, elle a été contrainte cette année de repousser certaines opérations, faute de moyens.
Puisque M. le ministre a fait devant nous l’addition des choix faits par le Sénat, par bienveillance, notre choix devrait plutôt se porter sur l’amendement le moins coûteux. Aussi, j’exprimerai une préférence pour l’amendement n° I-261 rectifié, qui ne coûte que 10 millions d’euros ; pour autant, l’amendement n° I-108 rectifié ter, je le répète, mérite aussi toute notre attention, car il fait écho aux constats de notre collègue Philippe Dallier sur l’impasse financière dans laquelle se trouve l’ANAH.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Carole Delga, secrétaire d'État. Les auteurs de ces amendements proposent de relever le plafonnement de la taxe sur les logements vacants. Le Gouvernement y est défavorable, pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, les autorisations d’engagement de l’ANAH ont été augmentées et sont passées de 432 millions d’euros en 2013 à 530 millions d’euros cette année, et ce afin d’atteindre les objectifs de rénovation fixés par le Gouvernement. Cet effort substantiel conduit à mobiliser un ensemble de recettes pour financer l’ANAH, dont une hausse de 30 millions d’euros du plafond de la taxe sur les logements vacants prévue par le projet de loi de finances.
En parallèle, les efforts en faveur de la rénovation énergétique sont accrus grâce au crédit d’impôt en faveur de la tradition énergétique, qui remplace le crédit d’impôt développement durable, et qui permettra de mobiliser jusqu’à 30 % de crédits supplémentaires, soit 700 millions d’euros de plus.
Ce projet de loi prévoit donc un effort significatif en faveur de la rénovation thermique. Tout effort supplémentaire doit être gagé par des économies sur le budget de l’État. Les mesures prévues à ces amendements – y compris les 10 millions d’euros que coûterait l’adoption de l’amendement de M. Mézard – ne sont pas financées. Or nous ne pouvons pas dégrader la norme de dépenses et le déficit de l’État.
Bien sûr, nous entendons les inquiétudes que vous avez exprimées, monsieur le rapporteur général, mais je veux vous assurer que, grâce aux mesures qui sont prévues dans ce projet de loi de finances pour 2015, nous pourrons faire en sorte que l’ANAH remplisse pleinement ses missions, s’engage fortement en faveur du logement et de l’environnement et soit un acteur majeur, à côté d’Action Logement, à même de répondre à tous les besoins de rénovation énergétique.
Le Gouvernement demande aux auteurs de ces amendements de bien vouloir les retirer ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Dilain, pour explication de vote sur l’amendement n° I-108 rectifié ter.
M. Claude Dilain. Madame la secrétaire d'État, effectivement, le Gouvernement a veillé très attentivement à préserver les recettes de l’Agence nationale de l’habitat et, en tant que président de son conseil d’administration, je ne peux que vous remercier de cette attention. Comme cela a été dit, notre ressource principale provient de la vente de quotas carbone, une ressource complètement aléatoire, comme l’a souligné le rapport de la Cour des comptes – et, pour l’instant, l’aléa nous est défavorable. En revanche, les missions de l’ANAH sont pérennes et fixes.
L’agence est aussi victime de son succès. C’est le cas notamment du programme « Habiter mieux », l’un des plus importants de l’ANAH, qui vise à lutter contre la précarité énergétique et qui s’adresse – j’y insiste – uniquement à des ménages modestes ou très modestes. Sans cette aide, ces derniers n’auraient pas fait de travaux. Grâce à ces derniers, ils en ont terminé avec les hivers passés dans le froid et les fortes dépenses de chauffage ; ils habitent désormais un logement correctement chauffé et voient leur facture énergétique diminuer, ce qui constitue pour eux un changement très important.
L’objectif pour 2014 était de venir en aide à 38 000 ménages. Grâce aux arbitrages budgétaires qui ont été rendus, nous allons pouvoir instruire 50 000 dossiers, ce qui est très important, et ce pas seulement pour les bénéficiaires eux-mêmes. Il n’en demeure pas moins que nous avons 62 000 dossiers en attente au titre de ce seul programme, madame la secrétaire d'État. Cela signifie que 12 000 dossiers resteront en stock. Comme l’a dit M. le rapporteur général, nous avons été contraints d’adresser une circulaire aux préfets pour leur demander de sélectionner uniquement les ménages très modestes – ce sont à eux que s’adressent en priorité les actions de l’ANAH – au détriment des ménages modestes.
À la suite de ces instructions, il m’est arrivé de recevoir des lettres d’insultes. Ceux qui espéraient pouvoir obtenir une subvention et dont le dossier a été bloqué vont devoir passer un nouvel hiver dans les difficultés.
L’année prochaine, en l’état actuel de nos financements, nous pourrons rénover – très difficilement – 45 000 logements. Or, sur ces 45 000 logements, il faut déjà retrancher les 12 000 que j’ai évoqués à l’instant. De fait, l’année prochaine, nos actions seront très en deçà de la demande.
Nous pourrions pourtant satisfaire cette dernière. Il faut aussi savoir que les travaux engagés sont exécutés exclusivement par des entreprises locales, souvent des artisans. On a calculé que, quand elle perçoit 500 millions d’euros de subventions, l’ANAH engage pour 1,5 milliard d’euros de travaux et – cette estimation demanderait sans doute à être affinée – maintient ou crée 27 000 emplois.
Madame la secrétaire d'État, en dépit de tous les efforts que vous avez déployés, je ne peux, en tant que président du conseil d’administration de l’ANAH, que soutenir l’amendement présenté par M. Delahaye et, en solution de repli, celui qu’a défendu M. Requier.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Lenoir. Madame la secrétaire d'État, ces amendements, qui émanent de différents groupes de la Haute Assemblée, ont pour but de vous aider. (Sourires.) Je comprends bien la réponse que vous avez apportée : elle manifeste votre solidarité avec la ligne gouvernementale. Mais, vous comme nous, nous sommes confrontés à un problème de moyens pour lutter contre le logement indigne et la précarité énergétique.
Dans quelques semaines, nous allons examiner un texte important, le projet de loi sur la transition énergétique. Toute une partie de ce texte proposé par le Gouvernement porte sur le logement. Aussi, comment pouvez-vous expliquer que ses ambitions dans le domaine de la transition énergétique soient ainsi contraintes par des ressources que je qualifierai de volatiles ?
La Cour des comptes s’est montrée extrêmement sévère, et les chiffres ont été rappelés tout à l’heure : 590 millions d’euros prévus pour le budget de l’ANAH et seulement 219 millions d’euros acquis au titre, notamment, d’une taxe carbone dont on sait qu’elle repose sur un marché peu animé, aux résultats évidemment maigres.
Madame la secrétaire d'État, vous êtes attachée à votre territoire, comme nous le sommes tous, responsables à divers titres des politiques qui sont menées dans nos départements et dans nos pays. Nous nous sommes engagés auprès des populations à soutenir des projets, par exemple les opérations programmées d’amélioration de l’habitat, grâce aux aides de l’ANAH. Or il ne se passe pas une semaine sans que nous entendions quelqu’un nous faire part de sa déception au regard des ambitions que nous avions affichées – cela a été dit par Claude Dilain, expert s’il en est sur cette question, dont j’ai apprécié le propos très pragmatique. Or nous ne sommes pas en mesure de répondre. Madame la secrétaire d'État, s’il y a un domaine dans lequel vous devez vous montrer solidaire de votre collègue chargée de la transition énergétique, c’est bien celui-là ! L’effet est double : une diminution de la facture énergétique pour les personnes dont le logement est rénové ; du travail pour les entreprises qui conduisent les travaux.
Vous-même êtes chargée des PME : les entreprises artisanales de nos territoires sont aujourd’hui privées de travaux qu’elles auraient pu conduire au profit de particuliers aidés par l’ANAH. C’est pourquoi, madame la secrétaire d'État, vous devez accepter en silence que le Sénat vote ces amendements. Je suis persuadé qu’à la sortie de l’hémicycle, vous manifesterez, toujours silencieusement, votre grand contentement devant la résolution manifestée par l’ensemble des sénateurs à vous aider dans cette noble tâche ! (Sourires.)