M. Vincent Capo-Canellas. Plus d’un tiers des produits destinés à devenir des déchets ménagers ne font l’objet d’aucun système d’éco-contribution, car ils ne disposent d’aucune filière de recyclage. Pourtant, les professionnels du secteur s’accordent à dire que le principe de responsabilité élargie du producteur est le moyen le plus structurant pour changer efficacement le comportement des acteurs économiques en matière de prévention et de recyclage des déchets.
Cette situation paradoxale constitue une forme de prime aux mauvais élèves, puisque seuls les produits pouvant faire l’objet d’une collecte séparée – emballages ou textiles, par exemple – paient une éco-contribution, alors que ceux qui n’en font pas l’objet – les déchets du bricolage, les textiles sanitaires, les jouets, les produits de loisirs, etc. – sont exonérés de toute participation à la gestion des déchets assumée par les contribuables.
Ce sont les collectivités territoriales et leurs contribuables qui sont, in fine, sanctionnés sur ces produits par une TGAP sur l’incinération ou le stockage de ces déchets ultimes non évitables.
Pour que la politique de gestion des déchets trouve toute sa cohérence, il est impératif que les produits générateurs de déchets ne faisant pas l’objet d’une collecte séparée en vue de leur recyclage ou de leur dépollution soient soumis à la taxe sur les produits générateurs de déchets. Cette dernière reste la seule mesure du Grenelle de l’environnement – l’engagement n° 244 – en matière de déchets à n’avoir fait l’objet d’aucune concrétisation.
Une telle disposition ne serait que justice, du point de vue aussi bien des « metteurs » sur le marché, déjà soumis à des dispositifs de responsabilité élargie des producteurs, que des collectivités territoriales assujetties à la TGAP.
Cette solution est d’ailleurs déjà mise en œuvre en Belgique, mais uniquement pour certains produits dits « jetables » difficiles à définir précisément ; à terme, elle pourrait être généralisée à tous les produits de grande consommation, comme cela vous est proposé dans cet amendement et pourrait, sur la base du montant détaillé, rapporter près de 150 millions d’euros par an.
Enfin, je précise que le Comité pour la fiscalité écologique a demandé au Commissariat général au développement durable de remettre une proposition d’ici à un an sur les modalités de mise en œuvre de cette TGAP.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Qui est réellement concerné par cet amendement ? Il s’agirait des « metteurs » sur le marché qui ne paient pas de TGAP, auxquels le principe de responsabilité élargie de producteur ne s’applique pas, qui n’ont pas de filière de recyclage et œuvrent dans la grande distribution…
Mais peut-être le Gouvernement pourra-t-il nous apporter un éclaircissement. En tout cas, la commission souhaite connaître son avis.
Cela étant, il s’agit sans doute d’un amendement d’appel, car il nous semble comporter une lacune technique, l’assiette n’étant pas clairement définie.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Il existe, monsieur Capo-Canellas, de nombreuses TGAP : sur les déchets, sur les émissions de substances polluantes, sur les lubrifiants, sur les huiles et préparations lubrifiantes, sur les lessives et préparations assimilées, ou encore sur les matériaux d’extraction. Une fiscalité incitative concerne donc déjà les principaux secteurs polluants.
Votre amendement vise à étendre une TGAP aux produits générateurs de déchets. Mais qu’est-ce qu’un produit générateur de déchets ? D’ailleurs, existe-t-il des produits qui ne soient pas générateurs de déchets ?
M. Michel Bouvard. En tout cas, pas les amendements ! L’homme est-il un produit générateur de déchets ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je crains qu’il n’émette pour le moins du CO2. (Sourires.) Le CO2 n’est-il pas un déchet ?
J’en reviens au sujet qui nous occupe et qui est sérieux.
Eu égard à sa rédaction, le présent amendement n’est pas opérationnel. Aussi, monsieur le sénateur, je vous demande de bien vouloir le retirer. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Capo-Canellas, l’amendement n° I-340 est-il maintenu ?
M. Vincent Capo-Canellas. Je me suis fait un plaisir de présenter cet amendement, qui est collectif, et je l’assume.
M. le rapporteur général se demande qui est concerné. En réalité, il faut s’interroger sur ce qui relève de cet amendement. Ce sont, notamment, les déchets du bricolage, les textiles sanitaires, les jouets et les produits de loisirs.
Cela dit, il est vrai que cet amendement souffre d’une imprécision technique. Nous allons par conséquent continuer à travailler sur le sujet.
Quoi qu’il en soit, je le retire.
M. le président. L’amendement n° I-340 est donc retiré.
L’amendement n° I-145, présenté par Mme Jouanno et MM. Canevet et de Montesquiou, est ainsi libellé :
Après l’article 20
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 266 sexies du code des douanes est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... – Il est introduit des critères de modulation ou de réfaction à la taxe mentionné au I. conformes à la hiérarchie des modes de traitement des déchets fixée par la législation de l’Union européenne et l’article L. 541-1 du code de l’environnement. »
Cet amendement n’est pas soutenu.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-128 rectifié, présenté par MM. Fontaine, Magras, Laufoaulu et D. Robert, est ainsi libellé :
Après l’article 20
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le tableau constituant le deuxième alinéa du a du A du 1 de l’article 266 nonies du code des douanes, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Sur le territoire de La Réunion, pour les déchets réceptionnés dans une installation de stockage de déchets non dangereux, accessible par voies terrestres, le tarif de la taxe est fixé à 10 € par tonne de 2015 à 2020.
« À partir de 2021, les tarifs applicables sur le territoire de La Réunion sont ceux repris au tableau du présent a. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État et l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Michel Fontaine.
M. Michel Fontaine. L’amendement n° I-128 rectifié a pour objet d’aménager une période de transition à La Réunion en ce qui concerne les taux de la TGAP applicables pendant la période 2015-2020.
En effet, les collectivités de La Réunion font face à des enjeux majeurs en matière de continuité et de développement du service public de collecte et de traitement des déchets ménagers et assimilés, sur le plan tant financier que technique. En raison du contexte du territoire, l’augmentation de la TGAP prévue pour 2015 n’est pas incitative ; au contraire, elle pénalise les budgets des collectivités malgré les stratégies développées dans ce domaine.
En effet, en métropole, 45 % des déchets sont recyclés et n’entraînent pas l’acquittement de TGAP, 25 % sont incinérés et font l’objet d’une TGAP minorée, les 30 % restants sont stockés grâce à des équipements d’un niveau très avancé. Or tel n’est pas actuellement le cas à La Réunion. Ce fait a d’ailleurs été souligné dans le plan de prévention de la gestion des déchets non dangereux voté dernièrement par le département de La Réunion. Ainsi, la TGAP réduit la capacité d’investissement et accentue le retard déjà pris sur l’île. À ce jour, le taux de valorisation des déchets ménagers est de 18 %.
La modulation demandée pour La Réunion par le biais l’amendement n° I-128 rectifié est l’harmonisation avec les taux pratiqués en Guyane, soit 10 euros la tonne de déchets, pour les deux installations de déchets non dangereux de l’île, pendant toute la période de 2015-2020. Cela permettrait à La Réunion de réaliser les infrastructures nécessaires pour répondre aux objectifs du Grenelle de l’environnement, de développer les outils multifilières, mais également de mettre en œuvre au mieux la mutualisation des services et de développer les filières dites « de responsabilité élargie des producteurs », afin de retrouver un budget en équilibre pour certaines de ses collectivités ou d’atténuer leur déficit pour les autres.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. M. Fontaine vient de souligner que le tarif diffère en Guyane et à La Réunion, tout comme d’ailleurs à Mayotte. Pour la période 2015-2020, il propose de fixer ce tarif à 10 euros la tonne – c’est l’amendement n° I-128 rectifié – ou à 24 euros la tonne – c’est l’amendement n° I-129 rectifié –, sachant que le tarif normal est de 40 euros la tonne.
Par principe, la commission ne souhaite pas multiplier les exceptions territoriales, et, je vous le rappelle, mes chers collègues, les exceptions de la Guyane et de Mayotte doivent s’achever à la fin de l’année 2018. Certes, c’est un précédent.
La disposition proposée n’étant pas chiffrée, la commission a fait preuve de réticences. Pour cette raison, elle demande avec fermeté le retrait de l’amendement n° I-128 rectifié, et avec bienveillance celui de l’amendement n° I-129 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Quand on commence à admettre des exceptions, il est toujours difficile de ne pas aller au-delà.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. La Réunion le mérite !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Une exception existe pour Mayotte et la Guyane en raison de contraintes démographiques et géographiques, dont, certes, La Réunion n’est pas exempte, monsieur le sénateur, mais les contraintes qui pèsent sur cette île me semblent tout de même moins fortes.
Je suis un peu gêné, car ces territoires sont confrontés à de réelles difficultés. Je reconnais que la gestion des déchets sur le plan réglementaire et fiscal est plus avancée à La Réunion, qui dispose de centres de tri, de filières de responsabilité élargie du producteur qui n’existent pas à Mayotte et en Guyane. Cela étant, Mayotte est une collectivité qui a énormément de problèmes, tant démographiques que de développement. Mais il est toujours délicat d’établir des degrés dans ces difficultés.
Quoi qu’il en soit, le Gouvernement, comme la commission d’ailleurs, ne souhaite pas généraliser ces exceptions. C’est la raison pour laquelle il émet un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Fontaine, l'amendement n° I-128 rectifié est-il maintenu ?
M. Michel Fontaine. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° I-129 rectifié, présenté par MM. Fontaine, Magras, Laufoaulu et D. Robert, est ainsi libellé :
Après l’article 20
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le tableau constituant le deuxième alinéa du a du A du 1 de l’article 266 nonies du code des douanes, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Sur le territoire de La Réunion, pour les déchets réceptionnés dans une installation de stockage de déchets non dangereux, accessible par voies terrestres, le tarif de la taxe est gelé à 24 € par tonne de 2015 à 2020.
« À partir de 2021, les tarifs applicables sur le territoire de La Réunion sont ceux repris au tableau du présent a. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État et l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
M. le président. La parole est à M. Michel Fontaine.
M. Michel Fontaine. Cet amendement a pour objet d’aménager une période de transition à La Réunion, en prévoyant un gel de la TGAP à son niveau de 2014, soit 24 euros par tonne de déchets pour les installations de déchets non dangereux de l’île, et ce pendant toute la période considérée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Il est extrêmement difficile de comparer les difficultés de la Guyane, de Mayotte et de La Réunion, mais cette dernière connaît également une très forte expansion démographique dont il faut tenir compte.
C’est la raison pour laquelle, bien que la commission ait d’ores et déjà sollicité le retrait de l’amendement n° I-129 rectifié en se fondant sur le manque de chiffrage, sa demande est bienveillante.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 20.
L'amendement n° I-144 rectifié, présenté par Mme Jouanno, MM. Canevet et de Montesquiou et Mme Billon, est ainsi libellé :
Après l’article 20
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La septième ligne de la dernière colonne du tableau constituant le dernier alinéa du B du 1 de l’article 266 nonies du code des douanes, est ainsi rédigée :
« 160,8 (500 à compter du 1er janvier 2017, 1 000 à compter du 1er janvier 2019) »
La parole est à M. Michel Canevet.
M. Michel Canevet. Il s’agit d’augmenter progressivement la TGAP en 2017 et 2019, de façon à pouvoir lutter contre les émissions d’oxyde d’azote. En effet, on a observé que, en France, cette taxation correspond, grosso modo, à 1 % du montant prélevé en Suède. Il conviendrait de s’inspirer de la pratique de ce pays en vue d’améliorer la qualité de l’air.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Un amendement similaire avait été repoussé dernièrement lors de l’examen de la proposition de loi du groupe écologiste relative à la prise en compte du bonus-malus automobile. Mme Jouanno, l’un des auteurs de l’amendement, l’avait même qualifié de « provocateur »…
La commission est défavorable à une augmentation aussi forte de cette taxe, qui devrait tripler dans les deux ans et sextupler d’ici à cinq ans si le présent amendement était adopté.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Gouvernement a engagé le rapprochement de la fiscalité sur le gazole et sur l’essence, puisqu’il vous propose, mesdames, messieurs les sénateurs, d’augmenter de 2 centimes la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, la TICPE, sur le gazole, avec, même si c’est très modeste, un effet sur la contribution climat-énergie qui est légèrement plus important sur le gazole que sur l’essence.
Sur la forme, cet amendement ne décrit pas parfaitement les modalités de convergence et ne fixe pas le tarif final applicable au diesel et à l’essence.
Sur le fond, le Gouvernement ne souhaite pas, à ce stade, aller plus loin que les dispositions du présent projet de loi de finances ni s’inscrire dans une démarche pluriannuelle. Par conséquent, il émet un avis défavorable.
M. Michel Canevet. Je retire cet amendement, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° I-144 rectifié est retiré.
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° I-8 rectifié bis est présenté par MM. De Legge, Revet, Vaspart, Husson, Cornu, Emorine, Bizet et Pointereau, Mme Canayer et MM. Magras et Portelli.
L'amendement n° I-137 est présenté par MM. F. Marc et Botrel.
L'amendement n° I-171 est présenté par M. Delahaye.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 20
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le septième alinéa du III de l’article 266 quindecies du code des douanes est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Cette part peut être portée jusqu’à la limite de 1,4 %, pour les personnes qui mettent à la consommation en France du gazole mentionné au I, qui sont également producteurs d’esters méthyliques d’acides gras issus des matières premières énumérées à l’article 21 de la directive 2009/28 CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 précitée, et qui collectent et transforment les matières premières utilisées, sur une échelle territoriale pertinente. Un arrêté conjoint des ministres chargés des douanes, de l’écologie, de l’énergie et de l’agriculture fixe les conditions et les modalités de mise en œuvre de cette disposition. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État et l'Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour présenter l’amendement n° I-8 rectifié bis.
M. Dominique de Legge. Cet amendement a trait à la filière des biocarburants. Ceux-ci sont fabriqués à partir d’acides gras qui, eux-mêmes, proviennent soit de productions végétales, soit de productions animales.
Les huiles végétales ne posent pas de problème particulier, puisqu’il s’agit d’une production agricole de type classique. Les huiles animales, quant à elles, participent d’une filière de recyclage des déchets, et, par conséquent, se révèlent d’un coût beaucoup plus onéreux.
C’est la raison pour laquelle avait été instituée jusqu’en 2013 une fiscalité particulière, dite de « double comptage », en vertu de laquelle, fiscalement, un mètre cube d’huile végétale était compté pour deux mètres cubes d’huile animale. En 2013, on a revu la proportion d’huiles comme additifs dans la fabrication des biocarburants, en la portant de 7 % à 7,7 %, sans pour autant en tirer les conclusions sur le plan fiscal.
C’est pourquoi cet amendement a simplement pour objet de rétablir l’attractivité qui était procurée aux filières participant au recyclage des graisses animales dans la fabrication des biocarburants.
M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel, pour présenter l’amendement n° I-137.
M. Yannick Botrel. Comme l’amendement précédent, celui-ci concerne la production de biocarburants, qui peuvent être produits, cela vient d’être dit, à partir d’huiles végétales ou animales.
Le taux d’incorporation des graisses animales non alimentaires dans les biocarburants a été fixé voilà plusieurs années, sur lequel se sont fondées les filières pour mettre au point leur projet industriel. À cet égard, une entreprise basée au Havre a réalisé un investissement important de 41 millions d’euros. Source de nombreuses créations d’emplois, cette usine est un exemple probant d’économie circulaire dont l’un des acteurs est la SVA Jean Rozé, qui a dernièrement repris l’abattoir Gad situé à Josselin dans le Morbihan et menacé de fermeture.
Or la récente baisse du plafond d’incorporation de ce type de biocarburants fragilise l’équilibre économique trouvé autour de cette filière et menace les emplois induits. De plus, cette diminution conduit paradoxalement à importer de plus en plus d’huiles végétales, en particulier l’huile de palme, alors que nous avons les moyens d’assurer en France une production de biocarburants de qualité issue de ces graisses animales non alimentaires.
Le présent amendement vise donc à revenir au taux d’incorporation initial, afin d’assurer une production efficace des biocarburants issus d’huiles animales et de garantir ainsi la viabilité économique de cette filière.
M. le président. L’amendement n° I-171 n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos I-8 rectifié bis et I-137 ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ces amendements visent à doubler la proportion de graisses animales qui peut être incorporée dans les carburants afin de bénéficier de l’amélioration de la TGAP « biocarburant ».
Les discussions sur ce sujet avaient commencé lors de l’examen de la loi de finances rectificative pour 2010, par le biais d’un amendement de la commission des finances tendant à limiter à 0,35 % l’incorporation des graisses animales au motif que la filière en cause ne comptait en France aucun site de production de telles graisses destinées à être incorporées dans les carburants.
Comme l’a indiqué à l’instant Yannick Botrel, une usine est maintenant implantée au Havre. Cette production française permet ainsi, à partir de produits provenant de régions situées au-delà du Havre, d’incorporer dans les carburants des graisses animales.
La solution serait évidemment de relever le plafond, mais la commission a évoqué des problèmes techniques. En effet, si l’on sait qu’un surplus de graisses dans les artères est néfaste pour la santé, qu’en est-il pour les moteurs ? (Sourires.) « Mettez un tigre dans votre moteur »… Soit, mais la présence de ces graisses saturées ou insaturées a certainement une incidence sur la fiabilité des matériels : ne peuvent-elles se figer ?
Le pourcentage de graisses susceptible d’être incorporé doit-il être limité ? Jusqu’où peut-on aller ? Ou le problème n’est-il que de nature fiscale ? La commission n’ayant pas toute l’expertise nécessaire en la matière, elle souhaite entendre le Gouvernement sur ce sujet.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Gouvernement n’est pas complètement convaincu sur cette question, et ce pour plusieurs raisons.
La première tient aux problèmes techniques qui pourraient se poser, mais le Gouvernement n’est pas spécialiste en moteur et n’a pas d’avis particulier en l’espèce.
Plus sérieusement, si je voulais trouver une échappatoire, j’évoquerais le côté peu limpide de la rédaction de ces amendements, puisqu’il est fait allusion à « une échelle territoriale pertinente », la pertinence étant une notion juridique plutôt attachée à la personne et délicate à codifier.
Par ailleurs, ces amendements ne visent qu’une seule société, ce qui me semble quelque peu discriminatoire. Certes, monsieur Botrel, vous me direz que de nouvelles entreprises pourraient être créées, mais quelques mauvais esprits pourraient considérer que nous avons adapté la législation en ayant le souci d’intérêts plus particuliers que généraux. (M. René-Paul Savary s’exclame.)
C’est pourquoi le Gouvernement n’y est pas favorable.
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.
M. Dominique de Legge. Monsieur le secrétaire d’État, vous opposez au Sénat la même réponse qu’à l’Assemblée nationale, et je relève votre constance. Deux problèmes restent toutefois en suspens.
Premièrement – cet enjeu n’est pas propre à cette affaire –, il faut garantir la stabilité fiscale. On ne peut pas inciter des investisseurs et des opérateurs à financer l’innovation, en leur offrant des aménagements à même de garantir l’équilibre du système, puis, une fois les crédits engagés, annoncer que l’on a changé d’avis et modifier les règles du jeu.
M. Dominique de Legge. Deuxièmement, vous relevez que cette disposition ne touche, dans les faits, qu’une entreprise. Ce point ne nous a pas échappé. Mais doit-on pénaliser une société au motif qu’elle est la seule à avoir cru en la parole fiscale du Gouvernement ? Doit-on au contraire lui permettre de continuer son activité, pour toutes les raisons que M. Botrel a excellemment évoquées ?
Vous vous contentez de nous opposer un avis défavorable. Vous auriez tout de même pu aller plus loin en admettant l’existence du problème, et en vous engageant à l’examiner avant de revenir vers nous. Or je ne perçois aucune volonté d’ouverture de la part du Gouvernement. C’est pourquoi je maintiens mon amendement.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, je n’ai pas réponse à tout, bien entendu, mais je ne vois pas en quoi l’État n’aurait pas respecté sa parole.
Aucune modification pénalisant les entreprises de cette filière n’est introduite par le présent projet de loi. Je n’ai pas connaissance qu’une disposition de cette nature ait été mise en œuvre dans un passé récent.
Vous souhaitez donner un avantage supplémentaire à ceux qui ont suivi cette démarche, et je le conçois. Vous proposez de les autoriser à porter la part du biocarburant considéré à 1,4 %. Parallèlement, vous suggérez que le Gouvernement opère un retour en arrière, qu’il ne garantit pas la stabilité fiscale.
Si un quelconque engagement fiscal ou, plus largement, normatif, a subi une entorse, démontrez-le moi ; je suis prêt à faire amende honorable et à réviser la position du Gouvernement. Pour l’heure, nous ne disposons pas des éléments à même de nous en convaincre, et je reste persuadé que nous n’avons pas manqué à nos engagements.
M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel, pour explication de vote.
M. Yannick Botrel. Je tiens à appuyer M. de Legge : un projet industriel, même s’il relève d’une seule entreprise, a été bâti sur des normes en vigueur lorsque ce dispositif est apparu. Ces règles ont été remises en cause en 2010, alors que les investissements étaient déjà engagés. C’est là une situation très fâcheuse pour un industriel, quel qu’il soit !
La France, je le répète, importe de grandes quantités d’huile de palme, produite par un certain nombre de pays du monde dans les conditions que l’on sait, et au prix d’une déforestation certaine. Notre pays dispose pourtant d’une ressource de substitution !
Pour toutes ces raisons, il faut prendre ces amendements en considération.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Messieurs les sénateurs, vous faites état d’un changement des normes survenu en 2010. Je vous avoue que je n’en ai pas connaissance. Cela dit, je vous crois sur parole, je n’ai pas prétention à connaître tous les sujets.
Si la modification d’une norme fiscale ou d’une autorisation d’incorporation portant sur une certaine quantité de ce produit a bel et bien échappé à l’attention de mes collaborateurs, je suis prêt à réexaminer la position du Gouvernement. Dans un premier temps, je vous invite à vous rapprocher de mes services, en résumant votre demande par écrit.
Je précise que je ne prends, à ce stade, aucun engagement quant à cette mesure elle-même. Pour l’heure, je reste défavorable à ces amendements.