Mme la présidente. La parole est à M. Michel Bouvard.
M. Michel Bouvard. Madame la ministre, mes chers collègues, le Gouvernement a annoncé la sanctuarisation des crédits de la mission « Culture » pour les trois années à venir. Cette sanctuarisation est, à l’évidence, bienvenue ! Il ne faut effectivement pas oublier qu’elle succède à deux années de coupes sévères dans le budget du ministère. Depuis 2012, les crédits ont été réduits de 147 millions d’euros, soit une chute – inégalée depuis de nombreuses années – de 13 %.
On ne pouvait pas continuer ainsi à agir sur les crédits de la culture pour redresser les finances publiques, sans une remise en cause profonde des politiques publiques financées par les programmes de la mission. Vous comprendrez donc que l’on ne puisse qu’approuver cette respiration.
La culture, vecteur de connaissance, d’épanouissement personnel, de socialisation, est bien évidemment nécessaire à chacun de nos concitoyens. Mais elle occupe aussi un pan non négligeable de l’économie de notre pays. Comme vous le savez, madame la ministre, le secteur culturel est aujourd'hui en pleine évolution, sous l’effet du développement du numérique, et totalise 670 000 emplois, soit 2,5 % de l’emploi total du pays. Il représente 3,2 % du PIB en 2014, contre 1,6 % en 1960.
C’est un secteur qu’il est donc essentiel de soutenir !
Mais, au-delà de la stabilité d’ensemble, un certain nombre de variations sont à noter selon les programmes.
Commençons par les crédits du programme « Patrimoines ».
Certes, ceux-ci connaissent une progression de 0,6 %, mais les crédits de restauration des monuments historiques de l’État chutent de 7 %. La dotation du Centre des monuments nationaux est comparable à celle de 2014, qui, je le rappelle, avait subi une perte de 3 millions d’euros par la suppression de l’affectation d’une partie de la taxe sur les jeux en ligne.
Les enjeux liés au patrimoine, composante essentielle de la mémoire du pays, mais aussi élément d’attractivité touristique des territoires, justifient que des solutions soient trouvées pour conforter les crédits d’entretien de ce patrimoine, dont, en outre, dépendent aussi de très nombreuses entreprises artisanales. C’est pourquoi je soutiens pleinement l’initiative de notre collègue François de Mazières à l’Assemblée nationale, ayant abouti à l’adoption d’un amendement tendant à affecter au Centre des monuments nationaux le produit d’un tirage du loto par an.
Bien évidemment, les crédits du programme « Patrimoines » vont aussi subir indirectement les mesures annoncées de réduction des dotations allouées aux collectivités territoriales, et ce même si le Sénat a ramené cette baisse de 3,7 milliards d’euros à 2,3 milliards d’euros. Vous ne pouvez pas, madame la ministre, ignorer cette situation !
Nous souhaitons également que, à l’occasion de l’examen du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, un bilan soit dressé des dispositions de l’acte II de la décentralisation, mis en œuvre sous la responsabilité de Jean-Pierre Raffarin, en matière de transmission de monuments nationaux à des collectivités locales ou de montée en compétences de différentes régions dans le domaine du patrimoine.
Enfin, sujet déjà évoqué par d’autres orateurs, nous serions désireux d’obtenir des éclaircissements sur la position de l’État quant aux crédits affectés au patrimoine dans le cadre tant des contrats de projets État-région, les CPER, que des programmes européens actuellement en cours de négociation. Il semble que, malgré les interventions des acteurs de terrain dans chacune des régions, pas plus les programmes européens que les CPER ne prévoient une part significative pour le patrimoine.
Je tiens également à dire quelques mots de la situation du patrimoine archéologique.
La très forte progression des crédits correspondants – 124 % – masque les difficultés de l’Institut national de recherches archéologiques préventives, l’INRAP, liées à l’insuffisance de son financement par la redevance d’archéologie préventive.
Nous faisons face, ici, à l’un des très nombreux dysfonctionnements de l’interface CHORUS. Compte tenu des défauts constatés depuis l’origine de ce système, on peut, me semble-t-il, parler d’une véritable « faillite » de l’informatique financière de l’État. Il faudra, à un moment donné, que ce gouvernement ou un autre – le problème dure effectivement depuis des années – puisse dresser un bilan du fonctionnement de ce logiciel, tout particulièrement au regard du retour sur investissement de 800 millions d’euros qui avait été annoncé, en commission, à l’Assemblée nationale et au Sénat voilà quelques années.
S’agissant de l’INRAP, des interrogations demeurent. Ainsi, madame la ministre, peut-être pourrez-vous nous apporter quelques éclaircissements sur la dette accumulée de 50 millions d’euros figurant en page 90 de l’annexe au projet de lois de finances pour 2015 relative aux opérateurs de l’État… Certes, il faut compter avec certaines opérations d’avance de trésorerie, mais la situation est tout de même extrêmement préoccupante !
Nous devons aussi nous interroger sur la mise en concurrence qui était attendue. En effet, le nombre d’opérateurs agréés a diminué au cours de l’exercice écoulé, alors même que certains d’entre eux illustrent parfaitement à quel point il peut être intéressant de disposer d’études dans des délais raisonnables et à de meilleurs coûts.
Posant le problème de l’INRAP, je soulève en fait un sujet d’ensemble, celui de la gouvernance des opérateurs placés sous la responsabilité du ministère de la culture et de la communication. Celui-ci est, avec le ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, le principal ministère concerné par le pilotage d’opérateurs, qui, pour certains programmes, comme le programme « Patrimoines », représentent plus de la moitié des crédits.
Or, depuis de très nombreuses années, il est alerté sur les efforts indispensables qu’appelle la gouvernance de ces opérateurs. Je citerai notamment un rapport d’information de la commission des finances de l’Assemblée nationale, datant de 2008, sur la mise en œuvre de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, ou encore un rapport de la Cour des comptes de 2011 consacré aux musées nationaux, constatant un affaiblissement progressif du pilotage par le ministère.
Aujourd'hui, nous ne pouvons pas considérer que le Parlement est suffisamment informé sur le sujet, en particulier au vu des « jaunes » annexés aux projets de loi de finances pour 2015 et pour 2014 sur les opérateurs de l’État, dans lesquels les mêmes imprécisions sont reproduites pour la mission « Culture ».
Je ne citerai que deux exemples, afin de ne pas être trop long.
S’agissant de la Cité de l’architecture et du patrimoine, tout d’abord, le « jaune » relatif à l’exercice 2014 annonce un contrat d’objectifs et de performance, ou COP, en préparation pour la période 2013-2015 ; dans le « jaune » relatif à l’exercice 2015, le document est toujours en préparation. Autrement dit, le COP est en phase d’élaboration depuis deux ans, alors même que son terme est prévu pour 2015 ! Voilà ce qui figure dans les documents remis à la représentation nationale !
Pour ce qui concerne l’établissement public du musée et du domaine national de Versailles, la période couverte par le COP, dans les deux annexes, est close, puisqu’elle court de 2011 à 2013. En outre, aucune information n’est fournie sur la date de signature de la lettre de mission. Nous n’en savons donc rien !
Je ne parle même pas du cas du Centre national d’art et de culture Georges Pompidou…
Je n’évoque pas des établissements mineurs, mes chers collègues ! Cela montre qu’il existe un véritable problème de gouvernance des opérateurs et, pour le moins, un problème d’information de la représentation nationale.
La question des opérateurs en cache une autre, qui concerne la dérive des coûts.
Le cas de la Philharmonie de Paris a déjà été évoqué. Nous examinerons également avec beaucoup d’intérêt les rapports qui seront rendus par la Cour des comptes sur le Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, le MuCEM, dont nous savons déjà, notamment par son rapport d’activité de 2012, qu’il connaît une dérive des coûts. D’ailleurs, comme pour la Philharmonie de Paris, cette dérive est sans doute due à un défaut d’engagement de l’État, puisque, je le rappelle, la création du MuCEM est née de la décision de fermeture du Musée national des arts et traditions populaires de Paris en 2005. Une dizaine d’années après, sans doute le ministère paye-t-il aussi les retards apportés à l’exécution d’un certain nombre de programmes.
Enfin, madame la ministre, je voudrais vous interroger sur un sujet qui nous tient tous deux à cœur, celui des relations avec Google.
Le 10 décembre de l’année passée, votre prédécesseur avait pris la décision de ne pas se rendre à l’inauguration de l’Institut culturel de Google à Paris. Aurélie Filipetti déclarait que, malgré la qualité des projets conduits, elle ne pouvait servir de caution à une opération qui ne levait pas un certain nombre de questions que nous avions à traiter avec Google. Parmi celles-ci figuraient la protection de la diversité culturelle et les droits d’auteurs. On pourrait y ajouter les retours sur investissement et les éventuels droits que pourraient encaisser des établissements publics nationaux, par exemple dans le cadre de la mise à disposition de Google Art Project de leurs collections.
J’aimerais savoir où en est la numérisation, qui pourrait constituer un vecteur de financement et de ressources pour ces établissements publics.
À titre personnel, je voterai les crédits de la mission « Culture » compte tenu de leur sanctuarisation, bien que le groupe UMP ait décidé, dans son ensemble, de les repousser.
Mme la présidente. La parole est à Mme Maryvonne Blondin.
Mme Maryvonne Blondin. J’interviendrai sur la partie « création » de la mission « Culture », dont je salue la quasi-stabilité du financement. Ce fait montre l’engagement politique fort pris par le Premier ministre et mis en œuvre par vous, madame la ministre, pour sanctuariser un budget sur trois années, dans une période d’effort collectif pour réduire la dette et redresser le pays. Il s’agit d’un véritable combat et d’une reconnaissance indispensable et essentielle pour le monde de la culture en cette période très chahutée. Je ne puis que vous dire ma satisfaction.
Cette stabilisation révèle une vision de la culture considérée non plus seulement comme un secteur creusant les dépenses publiques, mais bien comme un facteur générateur de richesses à tous égards. La culture est absolument nécessaire à la vitalité et à l’attractivité de tous nos territoires.
Cette vision met fin à la sempiternelle opposition entre culture et économie. En France, le secteur culturel génère davantage d’argent que les filières industrielles automobile ou agroalimentaire. Je vais rappeler les chiffres cités tout à l’heure par l’un de mes collègues, ce qui signifie que nous avons les mêmes sources : le poids économique de la culture dans le PIB a doublé depuis 1960 et les activités culturelles représentent 3,2 % du PIB. Pour reprendre les récents propos de Jack Lang : « c’est parce qu’il y a crise qu’il faut investir massivement dans la culture ». C’est ce qui avait été fait aussi bien en temps de rigueur, en 1983, qu’en pleine récession, en 1992.
Le dynamisme de ce secteur est particulièrement visible, eu égard au grand nombre d’inaugurations qui se tiennent actuellement à Paris, mais aussi à la progression d’environ 50 % des professionnels de la culture au cours des vingt dernières années, alors que les effectifs de l’ensemble des actifs n’ont progressé que de 16 % dans la même période. La culture emploie 670 000 personnes, soit 2,5 % de l’emploi total en France, selon une étude conjointe de l’inspection générale des finances et de l’inspection générale des affaires culturelles réalisée en 2014.
Les formations artistiques se sont spécialisées et adaptées à la réforme licence-master-doctorat. Aujourd’hui, en France, 36 000 étudiants de l’enseignement supérieur suivent un cursus consacré à la culture, dont 3 500 étudient les disciplines du spectacle vivant. Le soutien aux formations est une priorité, largement affirmée par votre ministère, madame la ministre, dans le cadre du présent projet de loi de finances pour 2015. L’action Soutien aux établissements d’enseignement supérieur et insertion professionnelle prévoit une augmentation de 6 % par rapport à 2014, alors que, voilà quelques années encore, arts et formations n’allaient pas de soi.
Je citerai quelques exemples emblématiques. L’École européenne supérieure d’art de Bretagne est un établissement public de coopération culturelle, ou EPCC, créé sur l’initiative des villes de Brest, de Lorient, de Quimper et de Rennes, du conseil régional de Bretagne et de l’État. Cet ensemble, unique en France, développe un projet ambitieux et permet un véritable maillage territorial, une collaboration de ces différents pôles et collectivités sur tout notre territoire. Nous ne pouvons que nous réjouir d’une telle mise en œuvre.
Autre exemple, le Pont Supérieur est un EPCC interrégional précurseur, établissant un lien entre la Bretagne et les Pays de la Loire.
Mais comment faire face à l’arrivée massive de jeunes diplômés sur un marché de l’emploi précaire et saturé ? C’est un sujet préoccupant.
Comme l’a rappelé Françoise Laborde, j’ai remis un rapport intitulé : Réformer pour pérenniser le régime de l’intermittence – ce titre est important.
Mme Françoise Laborde. Un très bon rapport !
Mme Maryvonne Blondin. Nous attendons avec fébrilité les conclusions de la mission.
Je n’ai plus le temps de vous parler de notre ambition culturelle, madame la ministre, mais sachez que nous attendons avec impatience le projet de loi relatif à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, au premier abord, lier culture et économie ne paraît pas nécessairement naturel. La première renverrait à l’interprétation subjective et évanescente de la réalité, quand la seconde n’en serait que la traduction objective et rigoureuse par les chiffres.
Cependant, cela a été dit, il existe bel et bien une économie de la culture, qui génère 700 000 emplois et représente 3,2 % du PIB, soit sept fois plus que celle de l’automobile. De ce fait, les orientations budgétaires relatives à la sphère culturelle revêtent un enjeu déterminant, tant pour l’économie du secteur que pour l’emploi et l’activité dans sa globalité. De surcroît, l’enjeu de l’art et de la culture caractérise avant tout un projet de société fondé sur l’émancipation individuelle et collective.
À ce titre, une stabilisation des crédits de la mission « Culture » pour 2015 est une heureuse nouvelle, le secteur ayant participé, ces dernières années, à l’effort de redressement des finances publiques.
Le projet de loi de finances pour 2015 rompt ainsi avec les années précédentes. La sanctuarisation des ressources dévolues à la culture doit être saluée, d’autant plus, nous le savons, qu’elle intervient dans un contexte où la consolidation budgétaire demeure un impératif. Le Premier ministre l’avait annoncé le 19 juin dernier ; la promesse a ainsi été tenue.
Certes, quelques hétérogénéités dans la ventilation des crédits subsistent, mais elles ne font que symboliser les priorités du Gouvernement, telle la transmission des savoirs, notamment dans le cadre de l’enseignement supérieur, la démocratisation de la culture, avec le plan en faveur de l’éducation artistique et culturelle de 10 millions d’euros en 2015 qui doit être reconduit jusqu’à la fin du quinquennat, ou encore l’effort engagé envers les arts plastiques, même si ceux-ci restent le parent pauvre et que la situation des artistes plasticiens nous préoccupe toujours.
La culture est cette année préservée ; elle le sera dans les prochaines années. Quelle sage décision, mes chers collègues, que de défendre les lettres et les œuvres des artistes, ces boucliers modernes contre le populisme, le fatalisme et le « déclinisme » ambiants ! La culture sauvera le monde, disait le poète, et le seul Idiot qui restera sera celui de l’éternel Dostoïevski.
Qui défend l’art et la culture dans le contexte actuel doit avoir comme préoccupation première l’accès du plus grand nombre à cette source d’émancipation. Or la baisse des dotations de l’État à destination des collectivités territoriales, combinée à la définition de la culture – je la défends – comme une compétence partagée et non obligatoire, pourrait faire craindre un désinvestissement massif des collectivités, en l’occurrence synonyme d’accroissement des inégalités culturelles entre les territoires.
M. Michel Bouvard. Tout à fait !
Mme Sylvie Robert. Cette réalité, effrayante de par les scenarii qu’elle induit, amène à s’interroger violemment et appelle à la plus grande vigilance. Vincent Eblé a évoqué l’étude de l’Association des petites villes de France. Celle-ci doit nous faire réfléchir.
Si nous voulons, en tant que parlementaires de la République et élus locaux, éviter la fragilisation encore plus grande du secteur, il est impérieux, madame la ministre, de refondre le pacte culturel entre l’État et les collectivités territoriales.
C’est précisément l’objet du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, prochainement débattu au sein de cet hémicycle. Créer les conditions favorables à un véritable engagement financier des collectivités territoriales implique que l’État continue à s’investir pleinement à leurs côtés dans le processus de décentralisation culturelle, notamment par le maintien des crédits des directions régionales des affaires culturelles, les DRAC. Ce sera le cas pour l’année 2015, comme, je l’espère, pour les années suivantes.
Il ne faut pas omettre que prévenir le désinvestissement des collectivités en matière culturelle, c’est lutter contre toute forme de déterminisme. La promesse républicaine d’égalité des chances ne pourra être tenue que grâce à des pouvoirs publics volontaires et convaincus de la priorité que constituent non seulement la culture, mais aussi l’éducation dans notre pays.
Pour conclure, puisque l’avenir « s’indéfinit », il faut chercher toutes les solutions pour demeurer acteurs de nos destins et de nos identités, tout comme il est essentiel de rappeler certains droits fondamentaux et inaliénables, telle la liberté de création artistique. Je pense particulièrement, en cet instant, à l’artiste sud-africain Brett Baylet. (Mme Dominique Gillot applaudit.)
Mes chers collègues, c’est affaire de démocratie et de liberté, et c’est également une grande responsabilité collective. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Mme Marie-Pierre Monier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits en faveur du patrimoine sont stables et marquent même une progression de 0,6 %, soit 4,4 millions d’euros de crédits de paiement supplémentaires par rapport à la loi de finances pour 2014.
Le groupe socialiste salue cette progression particulièrement significative dans le contexte d’économies budgétaires actuel. Cette situation prend le relais d’une forte érosion des crédits constatée depuis plusieurs années, laquelle reste préoccupante.
M. Michel Bouvard. Eh oui !
Mme Marie-Pierre Monier. Cela étant, madame la ministre, nous soutenons pleinement les trois grandes priorités définies par le programme 175.
Je commencerai par la mise en valeur patrimoniale et architecturale de nos cadres de vie. Élue d’un territoire rural, je suis particulièrement sensible au maintien du niveau des crédits destinés à soutenir les politiques patrimoniales des collectivités, qu’il s’agisse de la réhabilitation et de l’entretien des centres anciens ou du soutien au réseau des villes et pays d’art et d’histoire.
M. Michel Bouvard. Très bien !
Mme Marie-Pierre Monier. Une autre priorité de ce programme budgétaire est l’accessibilité du patrimoine sous toutes ses formes et pour tous les publics. À ce sujet, nous nous réjouissons du rééquilibrage significatif des crédits à destination des musées de province enfin amorcé par le maintien des crédits transférés aux collectivités et le retour des crédits déconcentrés à leur niveau des années 2013 et 2012.
Concernant la sauvegarde et la mise en valeur du patrimoine, troisième priorité de ce projet de budget, nous souhaitons vous faire part de nos préoccupations. La réduction de 1,3 % des crédits de l’action n° 1, Patrimoine monumental, demeure préoccupante en raison du désengagement progressif des cofinanceurs que sont les collectivités territoriales.
Une plus grande stabilisation offrirait aux acteurs de ce secteur une meilleure visibilité à moyen voire long terme. À la suite de l’adoption d’un amendement par l’Assemblée nationale est prévu un rapport gouvernemental sur la possibilité d’organiser un tirage exceptionnel du loto à l’occasion des Journées européennes du patrimoine. Si une telle opération s’avère réalisable, elle ne pourrait qu’être source de financement complémentaire.
Nos préoccupations concernent aussi la préservation du patrimoine archéologique. Les crédits de paiement de l’action n° 9 progressent de près 125 %. Toutefois, ces fluctuations d’une année sur l’autre sont liées à la nécessité de compenser ou non l’insuffisance du produit de la redevance d’archéologie préventive, ou RAP, qui finance les missions de l’INRAP.
Après la loi de 2001, plusieurs textes législatifs ont en effet permis aux aménageurs de bénéficier d’exonérations de versement de la RAP et ont ainsi bâti une véritable usine à gaz. Le financement de la RAP via des dotations exceptionnelles n’est plus tenable. Il est temps de le repenser et, pour cela, nous comptons sur le projet de loi relatif à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine annoncé pour le premier semestre 2015.
Je conclurai en rappelant que la préservation de l’héritage patrimonial est essentielle. La richesse qu’il représente constitue, outre un capital historique et culturel, un atout majeur de l’attractivité de la France. Elle permet notamment de maintenir la place de leader mondial de notre pays dans le secteur du tourisme.
Madame la ministre, la stabilité du programme budgétaire « Patrimoines » est remarquable dans le contexte économique actuel. C’est pourquoi le groupe socialiste, après les quelques remarques que j’ai formulées en son nom, soutiendra ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, après le débat de fond que nous avons eu voilà quelques jours au sein de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, j’ai le plaisir de vous présenter ce samedi matin – il n’y a pas d’heure ni de jour pour parler de culture – les crédits budgétaires de la mission « Culture ».
Ce projet budget, comme l’ont souligné pratiquement tous les orateurs, est stabilisé et même en légère hausse. Il permet surtout de mettre en œuvre les priorités politiques que s’est assignées le Gouvernement, en particulier mon ministère. Quelles sont-elles ? Elles sont simples, elles sont lisibles, elles sont ambitieuses.
Il s’agit d’abord de repenser l’accès à la culture, en partant des pratiques culturelles des Français. Il s’agit ensuite de renforcer l’excellence française pour en faire un instrument au service du rayonnement culturel de notre pays. Il s’agit enfin d’encourager le renouveau créatif, les jeunes artistes, les nouveaux créateurs, les nouvelles formes de création.
Après deux ans de baisse et de rationalisation en 2013 et 2014, le budget du ministère de la culture et de la communication est conforté pour les trois prochaines années. Il connaît même une légère augmentation de 0,33 % pour 2015, s’agissant de l’ensemble des crédits budgétaires, pour s’élever à 7,08 milliards d’euros.
C’est un signe fort adressé à l’ensemble des professionnels, des artistes, des hommes et des femmes qui œuvrent au quotidien pour notre patrimoine et notre création.
C’est aussi un engagement puissant vis-à-vis des collectivités locales : l’État ne se désengage pas et reste à leurs côtés pour porter les politiques culturelles sur l’ensemble des territoires. Cet enjeu est absolument essentiel pour moi, à l’heure où les débats à venir dans le cadre du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, à l’instar de ceux qui se sont tenus lors du vote de la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, ou loi MAPTAM, nous conduiront à nous interroger sur les modes de partenariat entre les collectivités et l’État, et à l’heure où la contrainte sur les finances publiques locales peut induire des retraits ou l’abandon de certains projets. J’y reviendrai tout à l'heure, à la fin de mon propos.
Un budget doit se lire de manière politique et non comme une suite de chiffres sans cohérence ni fil rouge. Un budget vient en appui de politiques et de priorités politiques. Je m’attarderai surtout sur deux d’entre elles.
La première de ces priorités, c’est la jeunesse. Je vais donc commencer mon propos par le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », qui permet de concrétiser deux ambitions.
Tout d’abord, le plan en faveur de l’éducation artistique et culturelle sera poursuivi et verra ses moyens augmenter pour atteindre 40 millions d’euros, afin que les DRAC puissent en particulier accompagner les collectivités locales et proposer des projets culturels de qualité sur le temps libéré par la réforme des rythmes scolaires. Il s’agit d’un engagement et c’est un choix fort du Gouvernement en faveur de la culture comme vecteur de lien social et levier de lutte contre les inégalités. Plus d’un tiers de ces crédits sera consacré aux territoires issus de la cartographie prioritaire.
Je souhaite également rappeler, madame Blandin, que ce plan ne se limite bien évidemment pas au temps périscolaire, mais implique une réflexion importante avec le ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Nous souhaitons mener, dans le cadre de la réforme des programmes scolaires, une réflexion de fond entre ce ministère et le mien sur la formation des enseignants et le contenu des programmes, afin de pouvoir moderniser l’enseignement culturel au sein de l’éducation nationale.
En parallèle, les DRAC sont incitées à s’investir davantage dans les zones blanches de l’action culturelle – les zones rurales, les zones périurbaines, par exemple –, où la proposition culturelle des institutions, de l’État, des collectivités territoriales est défaillante.
Je souhaite passer à une phase d’accélération et envoyer un signal tout particulier à ces territoires qui peuvent apparaître comme relégués, ou se sentir comme tels. Je ne veux plus que de telles zones demeurent.
Un certain nombre d’exemples, à l’image du travail mené depuis longtemps dans le Nord-Pas-de-Calais ou, plus récemment, dans la région Rhône-Alpes, montrent que des marges existent pour travailler plus activement au bénéfice de l’égalité des citoyens et de l’égalité – ou de l’équité – des territoires. Comme l’a rappelé Mme Laborde, c’est un impératif absolument catégorique que d’œuvrer à l’égalité des territoires en matière d’accès à la culture.
La seconde priorité, soulignée, entre autres, par M. Gattolin et par Mme Laborde, c’est l’enseignement supérieur, à commencer par les étudiants eux-mêmes. J’augmenterai ainsi de plus de 14,5 % les bourses sur critères sociaux et les aides pour les étudiants. Aider ces élèves, qui se trouvent parfois dans des difficultés économiques, à mener à bien leur projet d’étude est un impératif de responsabilité sociale.
S’agissant des écoles elles-mêmes, le budget pour 2015 permettra de poursuivre la structuration des formations professionnalisantes. Pour mener à bien cet enjeu de structuration – je réponds à MM. Gattolin et Luche, mais je sais la présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, Mme Morin-Desailly, très intéressée par ces questions –, j’ai dû faire le choix difficile de concentrer désormais les moyens sur les seuls conservatoires à rayonnement départemental et régional adossés à des pôles supérieurs d’enseignement du spectacle vivant, mission qui relève de la responsabilité de l’État. J’y reviendrai tout à l'heure, mais sachez que l’État assume ce choix de recentrage de ses actions. Il s’agit de mettre fin à un certain nombre de saupoudrages pour se concentrer sur des établissements relevant plus spécifiquement des missions de l’État.
L’année 2015 verra aussi, et j’en suis particulièrement heureuse, le lancement de nouveaux projets d’investissement, qu’il s’agisse de la création d’une école de la photographie à Arles, du déménagement du département des restaurateurs de l’Institut national du patrimoine, ou encore de la modernisation nécessaire des écoles d’architecture de Marseille et de Toulouse.
Certains d’entre vous l’ont souligné, il me semble nécessaire que le ministère de la culture et de la communication exerce une action de pilotage à l’égard de l’enseignement supérieur dont il est en charge.
L’une de mes priorités pour les deux années à venir est justement de faire en sorte que les 110 000 étudiants et la centaine d’établissements qui dépendent de mon ministère soient effectivement pilotés par ce dernier. Ils doivent en connaître la vision, la façon dont il entend mobiliser ce magnifique réseau d’écoles – art, architecture, paysage, etc. – intervenant dans différents secteurs de la création pour le mettre au service de la détection, de l’accompagnement, de la formation, de la professionnalisation de ceux qui, demain, seront les artistes, les talents, les créateurs à même de faire vivre le modèle culturel français.
Je n’oublie pas que les métiers d’art font partie intégrante du monde de la création, comme l’a souligné M. Nachbar. J’en fais l’une de mes priorités : ces métiers participent au rayonnement culturel de notre pays et peuvent œuvrer à la projection internationale de mon ministère.
Ils sont aussi une source de débouchés professionnels pour un certain nombre de jeunes désireux de s’engager aujourd’hui dans ce type de formation. J’ai visité avant-hier le Mobilier national : quels savoir-faire, quelle expertise ! Nous devons les transmettre aux générations futures, afin qu’ils ne se perdent pas et se maintiennent sur le territoire français. Il s’agit là encore d’un secteur auquel j’accorde une priorité, à tout le moins une attention très forte.
Des créateurs de demain aux créateurs d’aujourd’hui, il n’y a qu’un pas. Le Premier ministre s’y était engagé dès le mois de juin dernier, les crédits du programme « Création » sont consolidés en 2015, mais aussi pour les trois années à venir. C’est un signe fort d’engagement de l’État à l’heure où la mission tripartite de MM. Gille, Combrexelle et Mme Archambault travaille avec l’ensemble des acteurs concernés sur des solutions viables et pérennes – j’insiste sur ces qualificatifs – s’agissant du régime de l’intermittence.
Les moyens budgétaires alloués au spectacle vivant participent à la structuration de l’économie de ce secteur et à l’amélioration des conditions d’emploi des artistes.
On l’oublie trop souvent, ces moyens budgétaires représentent avant tout de l’activité, et donc de l’emploi. Avant de parler de chômage, nous aimerions tous pouvoir davantage parler de diffusion du spectacle vivant, de dynamisme de la création, d’emplois pour les artistes et les techniciens du spectacle.
J’aimerais répondre à Pierre Laurent, à Françoise Laborde, à Philippe Bonnecarrère et à Maryvonne Blondin sur l’intermittence. Le sujet est d’actualité et d’importance.
La richesse et la diversité de l’offre de spectacles vivants, mais aussi sa production audiovisuelle et son cinéma constituent une richesse fantastique pour notre pays, ainsi qu’un élément de son prestige à l’international. L’intermittence, ce n’est pas un statut. On parle d’hommes et de femmes, artistes et techniciens, qui contribuent à faire exister et vivre cette richesse. Or leurs activités sont discontinues, car elles sont liées à des projets artistiques – festivals, films, création en général – par essence discontinus. Et c’est cette spécificité de l’emploi des artistes et des professionnels de la création que prend en compte le régime des intermittents depuis l’origine de l’assurance chômage en France.
Des efforts sont sans doute nécessaires et les intermittents en font, comme tous les salariés. Toutefois, je refuse qu’une profession, dont les conditions d’exercice sont souvent très difficiles, parfois précaires, soit montrée du doigt ou stigmatisée.
Je ne veux pas, à ce stade, anticiper sur les conclusions de la mission tripartite. Cependant, nous devons replacer ce dossier de l’assurance chômage des artistes et techniciens du spectacle dans un cadre plus large, l’inscrire dans une ambition culturelle pour notre pays. Je le réaffirme ici devant vous : dans un contexte budgétaire contraint, que nous connaissons tous, le fait que le budget en faveur de la création soit préservé pour les années 2015 à 2017 constitue un choix fort.
Cette ambition, nous la retrouvons aussi dans le financement de projets que d’autres, avant nous, avaient su lancer sans jamais budgéter. Le budget pour 2015 permettra ainsi l’ouverture de la Philharmonie de Paris – évoquée par M. Gattolin et d’autres orateurs –, un nouvel équipement de référence non seulement pour la diffusion musicale, mais aussi pour la sensibilisation de nouveaux publics, des jeunes, grâce à son programme éducatif ambitieux.
Au-delà des difficultés de la fin du chantier – c’est souvent le cas pour des équipements aussi ambitieux –, ce que marque le présent budget est bien l’ouverture de l’établissement : les crédits de fonctionnement de l’État sont prévus, la Philharmonie de Paris étant appelée à travailler en synergie avec la Cité de la Musique et les structures musicales qu’elle aura vocation à accueillir.
Monsieur Gattolin, je suis évidemment d’accord pour introduire des indicateurs de performance relatifs à la fréquentation, aux ressources propres, mais aussi, pourquoi pas, aux programmes d’éducation artistique et culturelle, à la vocation pédagogique de la Philharmonie de Paris. Je pense que cela serait de bonne gestion. Je vous propose de travailler ensemble à cette question.
Je veux être très claire devant les inquiétudes qui ont été exprimées à propos de ce chantier : Paris ne doit pas résumer l’ambition de l’État en matière de culture et l’ambition de la politique culturelle de l’État ne se limitera pas à Paris, qu’il s’agisse de la métropole, du Grand Paris ou de la capitale. Telle n’est pas ma vision de la politique culturelle, qui se doit d’être présente sur l’ensemble des territoires et de réaliser la promesse républicaine de ce ministère, c’est-à-dire apporter la culture – ou faire en sorte qu’elle soit accessible – au plus grand nombre de nos concitoyens, quel que soit l’endroit où ils se trouvent, quel que soit leur milieu d’origine, quelle que soit leur capacité économique. Ne soyons pas en deçà d’un certain niveau d’ambition.
Il manquait sans doute à la France une grande salle, à la hauteur de celles dont disposent nos voisins européens. Je peux d’ailleurs dire qu’un certain nombre de chefs d’orchestre étrangers que j’ai rencontrés nous envient déjà ce très beau lieu. Nous devons maintenant faire de l’ouverture de celui-ci un enjeu majeur en termes d’attractivité et de rayonnement culturel de notre pays. Veillons à ce que cette ouverture soit réussie !
Madame Blandin, je vous le confirme, le réseau des scènes de musiques actuelles est très important aux yeux du Gouvernement. Les pratiques, notamment celles des jeunes, se déplacent de l’écoute vers l’accès au concert, au spectacle vivant. En deux ans, mon ministère a ajouté 1 million d’euros de nouveaux crédits à ce réseau. Cela témoigne de son importance dans l’accès aux cultures, notamment aux cultures nouvelles.
En quelques mots, j’évoquerai les arts plastiques à travers la rénovation des hôtels de Montfaucon et de Caumont qui accueilleront à Avignon la collection Lambert, mentionnée par M. Gattolin, la plus grande donation depuis vingt ans en France. L’ouverture de ce lieu est prévue au mois de juillet 2015. Il s’agira d’un moment important pour le ministère de la culture et de la communication. Je songe aussi à la poursuite du programme des FRAC de deuxième génération.
Tels sont, brossés à grands traits, les points saillants des crédits budgétaires alloués au secteur de la création.
S’agissant du cinéma, évoqué par MM. Assouline et Bonnecarrère, le Gouvernement a fait le choix de ne pas amputer les capacités d’action du CNC par un prélèvement dans les réserves de l’établissement.
Il a également fait le choix, dans le projet présenté au Parlement, de ne pas plafonner les taxes prélevées sur le marché de la diffusion cinématographique et audiovisuelle.
La précédente majorité avait écrêté les taxes affectées au cinéma et à l’audiovisuel. Dès notre arrivée, nous avons restauré l’intégrité du modèle de financement mutualiste du fonds de soutien au cinéma et à l’audiovisuel. Je regrette profondément que la majorité sénatoriale soit revenue sur cette décision dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances, au détriment de la création, ainsi que du rayonnement culturel et économique de notre pays. Tout cela au moment où le monde du cinéma et de l’audiovisuel doit faire face à une baisse forte des investissements dans la production, ainsi qu’à un recul de 10 % des recettes attendues du CNC. Je souhaite que la suite de la discussion parlementaire permette de revenir sur cette situation.
Pour 2015, l’établissement sera autorisé à puiser dans sa réserve de solidarité pluriannuelle pour amortir l’incidence conjoncturelle de la baisse des taxes sur les investissements du secteur et éviter un effet récessif, qui serait préjudiciable à la diversité de la création et sans doute aussi à l’emploi.
Je sais, monsieur le rapporteur pour avis David Assouline, combien vous êtes sensible à cet effort maintenu en faveur de notre cinéma ; je sais aussi que vous attendez du Gouvernement un certain nombre de réformes, à l’heure de la révolution numérique et de la popularisation de la vidéo à la demande. Ce sont des sujets sur lesquels nous sommes actuellement en train de travailler, y compris avec vous ; je souhaite à ce propos que nous puissions faire évoluer les réformes en cours d’élaboration.
Je veux vous dire combien je partage votre ambition en faveur de notre cinéma. Oui, le cinéma est un élément de l’attractivité de notre pays. Le budget pour 2015 de la culture doit nous permettre de renforcer, de remuscler la place de la France dans la compétition internationale, qui fait rage actuellement. Je suis très attentive à ce que les dispositifs fiscaux, notamment le crédit d’impôt international ou le crédit d’impôt en fiction et en animation, permettent de repositionner la France comme une destination prioritaire pour le tournage des grandes productions cinématographiques.
J’ai parlé de création, de cinéma, mais mes propos ne seraient pas complets, bien évidemment, si je n’évoquais pas avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, la grande richesse des secteurs des patrimoines.
Pour ce qui concerne l’archéologie, sujet évoqué par Vincent Eblé, Philippe Nachbar et Marie-Pierre Monier, une subvention pour charge de service public de 5 millions d’euros sera activée pour l’INRAP. Il s’agit non pas de modifier le régime de financement de cet opérateur, sur lequel je reviendrai plus tard, mais bien de reconnaître pleinement, Vincent Eblé l’a rappelé, l’existence des missions de service public qui lui sont confiées, en matière scientifique comme territoriale.
Plus généralement, pour ce qui concerne le patrimoine, l’État répondra aussi présent, avec le maintien des crédits déconcentrés – beaucoup d’entre vous s’en sont réjouis –, soit une enveloppe de plus de 224 millions d’euros pour les monuments historiques, dont on sait l’importance pour l’emploi, l’activité économique et l’attractivité touristique de nos territoires.
Du reste, et c’est un point saillant du projet de budget pour 2015, grâce aux marges dégagées par la fin des grands chantiers décidée dès 2012, l’effort d’investissement peut aujourd’hui reprendre, tout en s’accompagnant d’une vision plus structurée et plus rationnelle, permise, vous le savez, par l’élaboration de schémas directeurs d’entretien et de restauration, qui se substituent progressivement à une logique d’opération au coup par coup, sans vision de moyen terme.
L’amélioration de l’accueil du public sera également au cœur de nos priorités, avec la rénovation de l’accueil du musée de Cluny, la restitution au public de l’hôtel de la Marine, Philippe Nachbar l’a évoquée – rendue possible grâce à la mobilisation des moyens et de l’expertise du Centre des monuments nationaux et de la Caisse des dépôts et consignations –, mais aussi le projet Pyramide du musée du Louvre. C’est également le sens de l’expérimentation de l’ouverture sept jours sur sept, à horizon 2017, de trois grands musées nationaux très fréquentés – Versailles, le Louvre et Orsay –, qui est menée dans l’idée d’améliorer non seulement les conditions de circulation ou d’accès du public à nos collections, mais également les conditions de travail des agents des institutions en question.
Par ailleurs, même s’il s’agit d’un projet dématérialisé, c’est bien la meilleure accessibilité du public au patrimoine archivistique qui est aussi à l’œuvre avec le beau projet interministériel de plateforme d’archivage électronique, dit « VITAM », qui permettra d’assurer la conservation des archives électroniques, lesquelles, compte tenu de la dématérialisation croissante des décisions administratives, sont de plus en plus importantes.
Plusieurs d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, s’interrogent également, à juste titre, sur l’incidence sur la politique culturelle de l’État de la future réforme territoriale ; je veux vous en dire quelques mots.
L’année 2015, dans la perspective des débats à venir sur le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République et des débats passés sur loi MAPTAM, sera l’occasion de discuter avec les collectivités de l’avenir de l’ensemble des politiques culturelles conduites sur les territoires. C’est un enjeu essentiel pour moi, puisque, vous le savez, la culture est un champ de responsabilité très largement partagé entre l’État et l’ensemble des échelons de collectivités territoriales.
Je sais ce que ce pays doit à ces dernières en matière d’action culturelle. Nous devons repenser le rôle de chacun, sans fragiliser le haut niveau d’ambition culturelle, et en réaffirmant les principes auxquels nous croyons : la liberté de création, la liberté de programmation dans une société démocratique – des exemples récents, rappelés par certains des orateurs, montrent que, dans cette période de crise et de fracture sociale, ce grand principe n’est pas toujours une évidence –, mais aussi, pour ce qui me concerne, l’exigence et l’innovation, le souffle du renouveau créatif, qui sont également des priorités à constamment réaffirmer.
Des représentants d’associations d’élus, réunis au sein du Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel, le CCTDC – lieu de dialogue sans beaucoup d’équivalents entre l’État et les partenaires locaux en matière culturelle –, et moi-même avons évoqué l’idée d’un pacte culturel. J’y suis, comme vous, madame Robert, très attachée. Je crois en effet que ce pacte pourrait être un excellent moyen, dans le cadre actuel de réforme de l’organisation territoriale de la République, dans un contexte de crise des finances locales en particulier et des finances publiques en général, de réaffirmer l’ambition que nous nous fixons collectivement, de manière partenariale et collaborative, pour les politiques culturelles, au service de nos concitoyens.
Je m’engage à travailler sur ce sujet avec l’ensemble des échelons de collectivités territoriales, pour que nous puissions exprimer cette ambition collective, définir, de manière partenariale, les moyens que nous entendons y affecter, et réaliser nos projets.
La culture ne doit pas rester étrangère à ce mouvement de fond de modernisation, qu’il faut savoir saisir ; c’est non pas tant un risque, pour moi, qu’une opportunité pour la culture dans notre pays.
Du point de vue de l’État, je veillerai au respect de grands principes, auxquels je suis attachée : la confirmation d’une présence territoriale forte du ministère de la culture et de la communication, d’abord ; la modularité au service de la solidarité, ensuite – l’État, je le crois, ne devra pas être présent partout de la même manière ; c’est là une conception dépassée de son rôle ; il faut cesser de concevoir son action de manière totalement uniforme, pareille à un jardin à la française, et s’adapter aux besoins, aux réalités des territoires et des collectivités de notre pays ; une approche partenariale fondée précisément sur la qualité et les besoins spécifiques de chaque territoire, enfin.
Au-delà de ce propos, qui m’a, me semble-t-il, permis de revenir sur un certain nombre de points évoqués par les divers orateurs, je vais essayer très brièvement – si vous me le permettez, madame la présidente, je sais avoir déjà dépassé le temps qui m’était imparti – de répondre aux quelques questions très précises qui viennent de m’être posées.
À propos de l’archéologie préventive, d’abord, un certain nombre de questions ont concerné la capacité du ministère du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité, notamment, à procéder à la liquidation de la RAP, taxe qui permet de financer les travaux. Je tiens à dire à M. Nachbar et à Mmes Blandin et Monier que les difficultés en la matière semblent aujourd’hui résolues. La reprise de cette part de liquidation a pu être effective au mois de mars 2014, et les premiers versements de l’INRAP au Fonds national pour l’archéologie préventive, le FNAP, notamment, ont eu lieu en avril dernier. Les titres de paiement émis cette année s’élevaient à la fin du mois d’octobre à 102 millions d’euros ; les encaissements effectifs devraient atteindre 86 millions d’euros pour l’ensemble de l’année. La situation est donc en train de s’améliorer.
Il n’empêche que, avec un nombre d’opérateurs agréés en diminution, ainsi que l’a signalé Michel Bouvard, et une activité moindre – un nombre moins important d’opérations d’aménagement conduisant à une attrition dans cette activité –, des questions se posent sur la capacité du secteur de l’archéologie préventive à absorber la concurrence introduite par nos prédécesseurs au Gouvernement.
J’en viens, ensuite, au classement des conservatoires régionaux et départementaux évoqué par Jean-Claude Luche. Je ne suis pas persuadée que les collectivités territoriales et les directeurs d’établissement d’enseignement spécialisé ne voient dans le label accordé par l’État qu’une contrepartie de crédits budgétaires. Ce classement constitue avant tout, me semble-t-il, une démarche d’expertise et d’évaluation de la part des services de l’État, conduite à la demande des communes ou de leur groupement, pour permettre aux responsables locaux de situer le niveau de l’enseignement dispensé par les établissements dont ils ont la charge.
Je trouve en revanche pleinement légitime votre interrogation, monsieur le sénateur, sur ce qu’État et collectivités peuvent conjointement attendre de ce classement. Je crois que celui-ci mérite d’être repensé et modernisé, dans le sens d’une plus grande clarté et d’une meilleure appropriation par les territoires.
Je voulais enfin répondre à la question posée par Philippe Bonnecarrère et Michel Bouvard sur les CPER. S’ils ne comprennent pas de volet culturel spécifique, chacun des volets des CPER contient bien, en revanche, des projets culturels. Il est donc faux de dire que la culture n’est pas du tout intégrée dans ces travaux et dans la réflexion menée.
Je précise aussi, monsieur Bouvard, que le volet patrimoine des CPER se voit doté de 120 millions d’euros, prévus sur la période 2015-2020, soit 20 millions d’euros par an. À titre de comparaison, pour la période 2007-2014, la somme était de 160 millions d’euros, soit un effort exactement identique de 20 millions d’euros par an. Pour le volet création, ce sont 72 millions d’euros, soit 12 millions d’euros par an, qui ont été prévus pour les CPER 2015-2020. L’effort a donc été maintenu pour la culture, la création, le patrimoine. Cela répond, je le pense, à vos interrogations, monsieur le sénateur.
J’ai déjà largement excédé le temps qui m’était imparti. Je tiens seulement à remercier l’ensemble des orateurs de s’être ainsi mobilisés pour ce projet de budget de la culture.
Mon ambition pour mon ministère est grande, mesdames, messieurs les sénateurs ; elle a commencé à se traduire dans le budget qui vous est présenté aujourd’hui, et elle s’affirmera encore, vous le constaterez, dans les budgets des années à venir, mais aussi dans le projet de loi relatif à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine, sur lequel, je m’en réjouis, nous aurons à discuter ensemble. Cette ambition se manifestera enfin dans l’ensemble des mesures qui, ni législatives ni réglementaires, devront faire vivre la création, l’exception culturelle, le modèle culturel de notre pays ; c’est un enjeu absolument majeur de rayonnement de notre pays, mais aussi de cohésion et de lien social. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)