M. Michel Bouvard, rapporteur spécial. Il s’agit, dans un souci de clarification et de respect de la loi organique – une politique doit être évaluée à coût complet -, de tirer les conséquences de la loi « Duflot » relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement, qui autorise l’État à céder des terrains de son domaine privé à un prix inférieur à leur valeur vénale. J’ai rappelé que la décote pouvait aller jusqu’à 100 %.
Bien que poursuivant des objectifs dont personne ne peut mettre en doute la légitimité, la politique de cessions décotées en faveur du logement social ne correspond à l’évidence pas à la vocation du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État », qui est de moderniser le parc immobilier de l’État et de contribuer au désendettement.
En conséquence, le présent amendement vise à minorer, d’un montant égal à la décote consentie, les dépenses immobilières affectées au ministère qui aura cédé les biens décotés.
Ainsi, ce sont bien les différents ministères – donc le budget général de l’État – qui assumeront, d’un point de vue budgétaire, les crédits consacrés à la politique en faveur du logement social et non pas un compte d’affectation spéciale qui n’est pas fait pour cette mission.
D’après les informations transmises par le Gouvernement, une soixantaine de dossiers sont en cours d’instruction conjointe, dans le cadre de la loi « Duflot », par les services chargés du logement et du domaine.
Pour l’année 2014, nous savons d’ores et déjà que trois terrains ont fait l’objet d’un acte de cession définitif avant le 1er septembre, pour une décote totale de 4,78 millions d’euros.
Il s’agit de la caserne Martin, à Caen, d’une valeur vénale de 4,3 millions d’euros, cédée pour 3,1 millions d’euros, soit une décote de 28 %, avec un programme de 157 logements ; d'un terrain de 10 600 mètres carrés au sein de la ZAC Flaubert, à Grenoble, d’une valeur vénale de 3,7 millions d’euros, cédé pour 1 million d’euros, soit une décote de 73 %, pour construire 151 logements ; et de l’ancien commissariat de Saint-Malo, porté par la SOVAFIM, d'ailleurs, dont on reparlera, d’une valeur vénale de 1 million d’euros, cédé pour 120 000 euros, soit une décote de 85 % pour 500 logements.
Encore une fois, nous ne remettons pas en cause la finalité, puisqu’il s’agit de la construction de logements sociaux, mais la clarification budgétaire exige que le compte d’affectation spéciale soit rendu à la mission qui est la sienne.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Monsieur le rapporteur spécial, le compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État » perçoit en recettes des produits de la cession des biens immobiliers de l’État, recettes d'ailleurs qui permettent de financer, d’une part, le désendettement de l’État, 30 % en règle générale, d’autre part, les projets immobiliers des ministères.
Vous proposez, dans le cas où les cessions sont affectées d’une décote liée à l’application de la loi dite « Duflot », de diminuer le montant des dépenses qui peuvent être effectuées par les ministères affectataires du bien cédé.
Pourquoi le Gouvernement y est-il défavorable ?
L’objectif qui est le vôtre par cet amendement, à savoir la limitation de la capacité à dépenser du ministère cédant pour tenir compte de l’existence d’une décote sur le prix de cession, est d’ores et déjà assuré du fait du principe d’antériorité de la recette à la dépense prévu par la loi organique relative aux lois de finances, qui commande la gestion des comptes d’affectation spéciale. En son article 21, la LOLF dispose en effet que le total des dépenses engagées ou ordonnancées au titre d’un compte d’affectation spéciale « ne peut excéder le total des recettes constatées », en l’espèce le produit des cessions des biens immeubles de l’État, ainsi que des droits à caractère immobilier, en tenant compte bien évidemment des décotes éventuellement consenties.
Ce principe assure donc déjà que les différents ministères assumeront, d’un point de vue budgétaire, les moindres recettes liées à la politique en faveur du logement social. Dès lors, votre amendement aboutirait à diminuer deux fois la capacité d’engagement des ministères : une première fois, car la recette est moindre qu’en l’absence de décote – là-dessus, nous sommes tous d’accord –, puis une seconde fois lors de la délégation des crédits à chaque ministère.
Je pense qu’il y a là quelque chose d’illogique sur le plan budgétaire. De plus, ce n’est pas très conforme à notre politique immobilière.
C'est la raison pour laquelle je sollicite le retrait de l’amendement. À défaut, je serais contrainte – avec regret – d’émettre, au nom du Gouvernement, un avis défavorable.
M. le président. Monsieur le rapporteur spécial, maintenez-vous l’amendement n° II-48 ?
M. Michel Bouvard, rapporteur spécial. Le dossier est complexe, nous en sommes d’accord. Dans la pratique, la réfaction qui est faite n’est pas directement corrélée à l’enveloppe budgétaire de chacun des ministères. En effet, une partie semble être traitée de manière interministérielle.
Donc, au bénéfice d’un inventaire plus complet, et dans la perspective de reprendre cette discussion sereinement, nous retirons l’amendement. Mais le sujet reste sur la table, madame la ministre !
M. le président. L'amendement n° II-48 est retiré.
L'amendement n° II-276 rectifié, présenté par M. Bouvard, est ainsi libellé :
Après l’article 64
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 141 de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006 est abrogé.
II. – En conséquence, faire précéder cet article de la mention :
Gestion du patrimoine immobilier de l’État
La parole est à M. Michel Bouvard.
M. Michel Bouvard. Il s’agit d’un vieux sujet. Ce n’est pas votre majorité qui a créé la SOVAFIM, la société de valorisation foncière et immobilière – voyez que je vous mets parfaitement à l’aise, madame la ministre !
Le présent amendement vise à mettre fin à la possibilité, pour l’État, de céder ses actifs immobiliers à la SOVAFIM en vue de leur valorisation par celle-ci.
Cet amendement s’inscrit dans la perspective d’une dissolution prochaine de la SOVAFIM, qui fait l’objet d’une demande récurrente de la Cour des comptes et de votre rapporteur spécial.
En effet, dans son rapport public annuel 2011, la Cour des comptes, « constatant que l’utilité de la SOVAFIM n’était pas durablement avérée, en avait recommandé la dissolution ».
Cette recommandation, ainsi que le précise le rapport public annuel 2014 de la Cour des comptes, « n’avait pas alors été suivie par les pouvoirs publics, qui, considérant que cette société était à même de remplir plusieurs tâches spécifiques en rapport avec la politique immobilière de l’État, l’avaient jugée prématurée et avaient renvoyé au bilan stratégique 2009-2011, puis à l’élaboration d’un plan de développement 2011-2015 ».
La Cour des comptes a procédé à une nouvelle analyse publiée dans le rapport public annuel 2014 ; je ne saurais trop inciter ceux d’entre vous, mes chers collègues, qui ne l’auraient pas encore fait à en prendre connaissance.
La Cour de comptes constate d’abord que « la mission initiale de la société, commercialiser les actifs immobiliers devenus inutiles de Réseau ferré de France, RFF, qui lui avaient été transférés, est aujourd’hui quasiment achevée ». La Cour souligne également que « l’évolution de son activité traduit les difficultés persistantes de son positionnement, dans un contexte où la politique immobilière de l’État a été elle-même évolutive ».
Enfin, la Cour souligne que « la SOVAFIM n’est pas parvenue à élargir son activité de cession d’actifs immobiliers d’origine publique : les tentatives de diversification de ses partenaires n’ont guère eu de résultats ; les relations avec les ministères sont malaisées et certains dossiers mal engagés ».
En conséquence, la dissolution de cet organisme, qui a par ailleurs fait l’objet d’une condamnation par la Cour de discipline budgétaire et financière le 17 juin 2014 pour plusieurs manquements aux règles de mise en concurrence de ses prestataires, paraît plus que souhaitable.
Nous connaissons les uns et les autres – tous ceux qui ont suivi les dossiers de l’immobilier de l’État – les errances de la SOVAFIM. Je vous renvoie encore une fois à la lecture du rapport complet de la Cour des comptes sur les dossiers qui n’ont pas abouti.
Il se trouve que, dans d’autres fonctions, j’ai eu à connaître le dossier de l’îlot Saint-Germain, dans le quartier de la Défense, auquel s’était ajouté l’hôtel de la Marine. J’ai, à cette occasion, été amené à voir comment les tâches étaient réparties entre les uns et les autres.
La SOVAFIM faisait ce qui était facile, mission pour laquelle elle était généreusement rémunérée. Ce qui était compliqué revenait à la Société nationale immobilière et à sa filiale Explorimmo, avec tous les risques.
Nous sommes donc devant une entité qui a été utilisée au coup par coup depuis des années, mais dont le modèle économique, aujourd'hui, ne fonctionne pas, ce qui pose un vrai problème.
Ce qui est sûr, c’est que l’État a besoin de gérer un certain nombre d’activités dans la durée. À l’évidence, la SOVAFIM ne fait pas l’affaire.
J’ajoute – circonstance aggravante – que la SOVAFIM a fait l’objet de plusieurs condamnations par la Cour de discipline budgétaire et financière - je vous renvoie à un arrêt public en date du 17 juin 2014 -, pour plusieurs manquements aux règles de mise en concurrence de ses prestataires. Cela ne concerne donc pas un seul manquement sur un seul dossier : il y a plusieurs manquements sur plusieurs dossiers !
Dans ces conditions, je pense que nous pouvons, en adoptant cet amendement, fermer le robinet à la SOVAFIM et empêcher que de nouveaux dossiers lui soient confiés, de manière que l’État puisse en prononcer l’extinction. Il se trouve, en effet, que les dispositions de l’article 40 s’agissant d’une société anonyme, même détenue à 100 % par l’État, ne nous permettent pas de décider par nous-mêmes de la suppression de la SOVAFIM.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Le Gouvernement se posait la question d’une mission d’évaluation. Ce n’est pas possible parce qu’il s’agit d’une société.
M. Michel Bouvard. Cela a déjà été évalué !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je suis touchée par vos arguments. Cela signifie qu’il va falloir regarder les choses de très près avec les services.
Il est vrai que cela a été créé pour RFF, puis, au fur et à mesure, quand il a fallu mettre en vente des actifs immobiliers publics particuliers, on a confié à chaque fois l’opération à cette société, ce qui tendrait à prouver que, plus c’est privé, moins cela marche ! C’est ce que vous venez d’expliquer. C’est au moins le contre-pied de ce qui était soutenu au cours de notre précédente discussion.
Cependant, il serait pour nous extrêmement délicat de le décider au moment même où une importante restructuration est en cours, celle de l’îlot Fontenoy-Ségur, pour regrouper les services du Premier ministre. Le permis de construire a été validé ; les travaux vont débuter. Et je m’empresse d’ajouter, compte tenu de ce que vous venez de nous dire, monsieur Bouvard, que c’est une opération vertueuse, celle-là !
Je ne suis pas spécialiste de ce dossier, mais je m’engage à ce qu’il soit procédé à une véritable étude, car je vous ai bien entendu, monsieur le sénateur.
Pour l’heure, je ne peux guère que vous inciter à retirer votre amendement ; sinon, je serais obligée à en demander le rejet, ce qui n’est pas de bon augure pour une étude ultérieure.
La seule chose sur laquelle je peux m’engager, c’est sur le fait de vous répondre et de travailler sur cette question qui est pertinente, même si, aujourd'hui, je ne peux pas donner suite à votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. La commission n’a, hélas, pas pu examiner cet amendement qu’a présenté à titre personnel notre collègue, par ailleurs rapporteur spécial.
Je suis assez d’accord avec vous, madame la ministre, et je pense qu’il faut regarder de près ce qui nous est proposé. Notre collègue peut souhaiter tout de même recueillir l’avis de ses collègues, ici, ou bien retirer son amendement, au bénéfice de l’engagement que vous venez de prendre.
M. le président. Monsieur Bouvard, l'amendement est-il maintenu ?
M. Michel Bouvard. Dans la mesure où il s’agit d’empêcher de nouveaux transferts d’actifs à la SOVAFIM, cela ne doit pas faire obstacle à la restructuration des locaux du Premier ministre en cours. En tout état de cause, dans la version initiale de l’amendement, j’avais prévu une prise d’effet en 2016.
Vous l’aurez compris, il s’agit d’arrêter de faire vivre une structure qui manifestement n’a pas d’utilité. L’État ne manque pas d’outils qui lui permettraient de porter des opérations immobilières dans de bien meilleures conditions. J’ajoute que les budgets de la SOVAFIM, tels que nous avons pu les examiner, sont relativement décevants.
Madame la ministre, malgré votre engagement, je suis tenté de maintenir l’amendement. Si d’aventure cette disposition se révélait constituer un obstacle pour l’opération en cours, et sous réserve que le Gouvernement accepte de travailler avec les parlementaires qui suivent la politique immobilière de l’État, je ne verrai pas d’inconvénient à ce que cet amendement disparaisse de la version définitive de la loi de finances. Mais voter en cet instant cet amendement serait marquer l’intérêt du Sénat pour la politique immobilière de l’État et envoyer un signal très fort, s’agissant d’un dossier ancien, sur lequel le Parlement tire la sonnette d’alarme depuis des années.
Autrement dit, monsieur le président, je maintiens l’amendement !
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.
M. Vincent Capo-Canellas. Notre rapporteur spécial vient de défendre cet amendement, qu’il a déposé à titre personnel, en reprenant des arguments contenus dans le rapport de la Cour des comptes. Je souhaite ajouter à ses propos forts justes qu’il est véritablement temps, à mon sens, de mettre fin à cette bizarrerie administrative et financière que constitue la SOVAFIM.
En clair, qu’en est-il ? Par arrêté conjoint du ministre chargé du domaine et du ministre affectataire, un terrain passe de l’immobilier de l’État à la SOVAFIM, laquelle le vend selon des mécanismes de cession parfois contestables, qui ne sont pas ceux, strictement définis, de France Domaine.
Il arrive par ailleurs que ce dispositif soit utilisé pour que des collectivités bénéficiant d’un droit de priorité en cas de cession des terrains de l’État se trouvent dessaisies : on nous menace de transférer le terrain à la SOVAFIM, et donc de passer outre le droit de priorité des collectivités existantes. J’ai vécu cette situation. Ce mécanisme, tout comme cette société, tient parfois du paranormal !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 64.
Nous avons achevé l’examen des crédits des missions « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » et « Crédits non répartis », ainsi que du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État ».
Relations avec les collectivités territoriales
Compte de concours financiers : Avances aux collectivités territoriales
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » (et articles 58, 58 bis, 58 ter, 58 quater, 58 quinquies, 58 sexies, 59, 59 bis, 59 ter, 59 quater et 59 quinquies) et du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales ».
La parole est à M. Charles Guené, rapporteur spécial.
M. Charles Guené, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la mission « Relations avec les collectivités territoriales », dotée de 2,7 milliards d’euros de crédits, représente moins de 3 % des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales. En effet, l’essentiel de ces concours, et notamment la dotation globale de fonctionnement, sont des prélèvements sur recettes et relèvent, à ce titre, de la première partie de la loi de finances.
Les crédits de la mission correspondent essentiellement aux dotations générales de décentralisation perçues par les collectivités territoriales en compensation de transferts de compétences.
Certaines dotations d’investissement sont également portées par cette mission : la dotation de développement urbain, devenue dotation politique de la ville, soit 100 millions d’euros en autorisations d’engagement, et la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, dotée initialement de 575 millions d’euros en crédits de paiement.
Les marges de manœuvre sur les crédits de cette mission sont donc limitées.
La commission des finances propose au Sénat d’adopter les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » tels que modifiés par son amendement, et d’adopter, sans modification, les crédits du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales ». Quant aux articles qui sont rattachés, ils traitent de la péréquation et de la répartition des dotations, formant un ensemble indissociable des dispositions relevant de la première partie du projet de loi de finances.
Le projet de loi de programmation des finances publiques prévoit une baisse de 11 milliards d’euros des concours de l’État aux collectivités, dont 3,67 milliards d’euros dès 2015. Le Sénat, vous le savez, a choisi de minorer de 1,4 milliard d’euros cette baisse, en prenant en compte les dépenses imposées par l’État aux collectivités territoriales ainsi que le coût de la réforme des rythmes scolaires.
En effet, si les collectivités territoriales doivent contribuer au redressement des comptes publics, nous craignons qu’elles ne rognent sur leurs projets d’investissement, ce qui aurait un effet négatif sur notre économie, mais aussi sur les services offerts à nos concitoyens.
Je vous présenterai donc un amendement visant à tirer les conséquences du vote du Sénat sur l’article 9 du présent projet de loi, car l’article 58, rattaché à la présente mission, répartit la diminution de la dotation globale de fonctionnement entre les différents niveaux de collectivités territoriales.
Les autres mesures que nous avons à examiner sont essentiellement destinées à corriger, à la marge, les effets de la baisse des dotations. En effet, le Gouvernement, conscient des conséquences désastreuses de la réduction des dotations sur la santé financière des collectivités, augmente la péréquation pour que les plus fragiles ne sombrent pas. Il propose ainsi une hausse de la péréquation dite « verticale », mais intégralement prise en charge par les collectivités territoriales.
Considérant qu’une telle majoration de la hausse de la péréquation n’était pas compatible avec la baisse des dotations, le Sénat a choisi de revenir au rythme d’évolution de la péréquation verticale de 2014, c’est-à-dire de l’augmenter de 119 millions d’euros en 2015, au lieu des 228 millions d’euros initialement prévus.
La commission des finances propose également au Sénat, après en avoir débattu, de ralentir le rythme de la montée en puissance du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC, en divisant par deux la progression prévue en 2015.
La diversité de nos collectivités justifie la solidarité territoriale que met en œuvre la péréquation. Mais, alors que les ressources se raréfient, l’effort de solidarité demandé semble à certaines plus difficilement supportable.
Pour être légitime, la péréquation doit voir ses effets évalués : les dispositifs, nombreux et reposant sur des critères divers, sont-ils cohérents et efficaces ? C’est une question à laquelle il est délicat de répondre sans une véritable évaluation et des simulations appropriées, tout comme il est difficile d’apporter ici des modifications sans visibilité.
L’article 58 du projet de loi de finances pour 2015 met également en œuvre un début de réforme de la dotation forfaitaire de la DGF des communes et des départements. En effet, la DGF a été conçue pour augmenter, et son architecture n’est plus adaptée au contexte actuel.
Cette consolidation de la dotation forfaitaire ne suffira pas et le Gouvernement a annoncé son intention de réformer la dotation globale de fonctionnement l’année prochaine...
Je ne conteste pas la nécessité de cette réforme, mais je m’interroge sur sa portée, alors que la révision des valeurs locatives des locaux d’habitation semble être à l’arrêt, madame la ministre. Comment garantir un système plus juste, alors que les bases des impôts locaux sont obsolètes et injustes ? Peut-être pourrez-vous, madame la ministre, nous en dire plus sur l’avancée de ces réformes et leur calendrier ?
Peut-être pourrez-vous également préciser les annonces récentes du Premier ministre, s’agissant notamment d’une hausse de 200 millions d’euros de la DETR et d’un fonds destiné aux « maires bâtisseurs » ? Comment ces mesures seront-elles financées ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean Germain, rapporteur spécial.
M. Jean Germain, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce débat est l’occasion d’aborder globalement les articles du présent projet de loi de finances qui concernent les finances locales, et on sait que celles-ci sont marquées cette année par la diminution de 3,67 milliards d’euros de la DGF, afin de contribuer au redressement des finances publiques.
Je pense que, face à cet effort sans précédent qui est demandé aux collectivités, il faut demeurer responsable et cohérent, mais également entendre les inquiétudes que ces mesures suscitent.
La responsabilité, tout d’abord, consiste à admettre que l’indispensable redressement de nos finances publiques nécessite d’associer à cet effort les collectivités territoriales.
Dans ce contexte, la nouvelle majorité sénatoriale a choisi de minorer de près de 40 % la diminution des dotations proposée par le Gouvernement. Je peux comprendre ce choix,…
M. Philippe Dallier. Ce n’est déjà pas mal !
M. Jean Germain, rapporteur spécial. … mais je ne suis pas certain qu’il soit pleinement cohérent avec les propositions formulées, parallèlement, au niveau national.
Les propositions qui ont été formulées, ici ou là, par des personnalités influentes de l’opposition nationale vont également dans le sens d’une contribution des collectivités, et vont même plus loin que ce que prévoit le présent projet de loi de finances.
Quoi qu’il en soit, il est vrai que cette évolution des dotations suscite parmi les collectivités territoriales de grandes inquiétudes, sur l’évolution des investissements ou, tout simplement, pour certaines d’entre elles, sur le bouclage de leur prochain budget. C’est la raison pour laquelle le groupe socialiste aurait préféré un étalement sur quatre ans de cette diminution.
Nous voulons parler franchement au Gouvernement, que nous soutenons : nous pensons que de nombreuses collectivités territoriales vont faire plus que « pincer » leur investissement, et cela aura des conséquences négatives pour notre pays.
Ces inquiétudes se nourrissent également des dispositions du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, qui peuvent laisser dans le flou certaines collectivités. Plus vite ce flou sera dissipé et mieux nous nous porterons !
M. Jean Germain, rapporteur spécial. Nous soutenons la hausse de la péréquation verticale proposée par le Gouvernement. Le doublement de son rythme de progression par rapport à l’an dernier aide les collectivités les plus vulnérables à passer, cette année, le cap de la baisse des dotations. Nous savons tous cependant qu’une fois passé 2015 une réflexion – elle a été annoncée - devra avoir lieu sur la DGF ainsi que sur le rythme de la péréquation et sa répartition.
Je me félicite que le Premier ministre ait annoncé que le montant de la DETR serait majoré de 200 millions d’euros et que les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle, les FDPTP, seraient maintenus, conformément à ce qu’a souhaité le Sénat. Il faudra aussi nous éclairer sur les 100 millions d’euros concernant les « maires bâtisseurs ».
Je regrette en revanche que le Gouvernement n’ait pas suivi le Sénat sur les « petites taxes », supprimées à l’article 8. L’enjeu financier n’est certes pas considérable, mais cet article envoie un signal très négatif aux collectivités, alors que nous souhaitons maintenir l’autonomie fiscale. Dans ce cadre, la fin de l’automaticité de certaines taxes, notamment celle de la surtaxe sur la taxe d’habitation, et le fait que leur reconduction soit soumise à la volonté des organes délibérants nous paraissent de meilleure politique.
J’en viens aux amendements que nous avons cosignés avec Charles Guené et qui, je l’espère, seront également de nature à rassurer, au moins partiellement, les collectivités.
Il s’agit, tout d’abord, de garantir aux communes qui bénéficient actuellement de la fraction « bourg-centre » de la dotation de solidarité rurale qu’elles continueront à en bénéficier après la réforme de la carte cantonale. Certes, la question ne se posera qu’en 2017, mais je pense utile de préciser ce point dès aujourd’hui.
Par ailleurs, nous vous proposons de revenir sur l’augmentation du critère de l’effort fiscal nécessaire pour bénéficier du FPIC. À compter de 2015, ce critère sera à 0,9 : cela nous semble suffisant et nous vous proposons d’en rester là, afin de garantir une certaine stabilité, dans l’attente de la réforme de la DGF.
Enfin, nous vous proposons également de revenir sur la diminution de 1 million d’euros des crédits de la mission, votée par nos collègues députés en seconde délibération. C’est un symbole : l’enjeu financier n’est pas considérable, si on le rapporte aux 3,67 milliards d’euros de baisse des dotations. Mais il est important de ne pas réduire encore les dotations par rapport à ce qui était annoncé. On le sait, les considérations psychologiques, notamment dans notre pays, sont parfois aussi importantes que d’autres.
Compte tenu de ces observations, nous vous proposons d’adopter avec modification les crédits de la mission et du compte spécial.