Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Monsieur le rapporteur spécial, vous proposez de créer un jaune budgétaire destiné à rassembler l’intégralité des crédits dédiés à la transparence, la sûreté et la radioprotection nucléaire.
Le Gouvernement tient à vous informer que la sûreté et la radioprotection sont assurées en France par deux entités : l’IRSN et l’ASN ; L’IRSN étant l’expert sur lequel s’appuie l’ASN, qui, elle, est l’autorité administrative indépendante.
Or ces deux organismes font l’objet d’une présentation exhaustive de leurs financements et de leurs missions dans les projets annuels de performance des programmes 190 et 181, auxquels ils sont respectivement rattachés.
La transparence de l’information est quant à elle assurée par le Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire et par les commissions locales d’information financées par le programme 181, dont vous pourrez trouver le détail dans le projet annuel de performance, le PAP, correspondant.
L’information est donc d'ores et déjà disponible dans deux documents budgétaires annexés au projet de loi de finances. Créer de la redondance dans ses annexes n’apparaît pas pertinent.
Monsieur le rapporteur spécial, dans un souci de simplification des procédures administratives et afin de ne pas surcharger les services compétents, le Gouvernement vous suggère donc de retirer cet amendement ; à défaut, il se verrait contraint d’émettre un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.
Mme Corinne Bouchoux. Au risque de surprendre, nous soutiendrons l’amendement présenté par M. Berson, même si c’est au terme d’une analyse politique différente.
À l’heure où l’agence Reuters annonce la survenue d’un incident grave dans une centrale nucléaire ukrainienne, nous pensons qu’il est pertinent, même si cela peut paraître redondant, de donner une information complète, claire et lisible au citoyen, pour lequel la LOLF n’est pas si simple à comprendre. En effet, que l’on soit pour ou contre la sortie du nucléaire, nous nous rejoignons tous sur ce besoin de transparence.
Nous voterons donc en faveur de cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Berson, rapporteur spécial.
M. Michel Berson, rapporteur spécial. Vous comprendrez, monsieur le secrétaire d’État, que je ne partage pas tout à fait votre analyse. Pour avoir travaillé pendant six mois sur ce dossier, je me suis rendu compte qu’il y avait en effet plusieurs documents portant sur ce thème. Vous en avez cité deux ; nous pourrions en citer d’autres.
Ces documents, néanmoins, sont complexes et peu lisibles. Sur un sujet qui interpelle l’opinion publique, il me paraît nécessaire de disposer de la plus grande transparence. C’est la raison pour laquelle j’ai proposé la création d’un nouveau jaune budgétaire.
J’insiste tout particulièrement sur une notion, celle de « coût complet ». Par de nombreux calculs, par beaucoup de visites et d’opérations de contrôles, j’ai réussi à reconstituer les coûts complets, lesquels ne sont pas mentionnés dans les projets annuels de performances, les PAP, auxquels vous faisiez allusion il y a un instant, monsieur le secrétaire d’État. (Mme Corinne Bouchoux approuve.) Or c’est précisément ce que nous demandons. Je considère donc qu’il est nécessaire d’aboutir à la création d’un jaune.
Toutefois, vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, dans cette assemblée, on cherche toujours le consensus et la concorde, par le dialogue.
M. Jean-Louis Carrère. Pas toujours, mais souvent ! (Sourires.)
M. Michel Berson, rapporteur spécial. Je vous propose donc de rectifier de l’amendement n° II-57, afin de demander au Gouvernement, non pas de présenter un jaune budgétaire en annexe générale au projet de loi de finances de l’année, mais de remettre au Parlement, avant le 1er octobre 2015, « un rapport relatif aux financements publics de la sûreté nucléaire, de la radioprotection et de la transparence nucléaire ».
Ce document n’aurait pas le statut de jaune budgétaire, mais il en aurait le contenu et serait limité à une seule année, l’année 2015. Par la suite, à partir de ce document, il serait peut-être envisageable d’aller plus loin, c’est-à-dire vers la création d’un jaune.
Je vous demande donc de faire un pas en ce sens, monsieur le secrétaire d’État. Cette proposition, me semble-t-il, pourrait agréer le Gouvernement, en permettant d’élaborer un document dont il sera ensuite possible de prouver la pertinence. (M. André Gattolin applaudit.)
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° II-57 rectifié, présenté par M. Berson, au nom de la commission des finances, et qui est ainsi libellé :
I. - Après l’article 57 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er octobre 2015, un rapport relatif aux financements publics de la sûreté nucléaire, de la radioprotection et de la transparence nucléaire. Ce rapport regroupe l’ensemble des moyens budgétaires et fiscaux qu’il est prévu de consacrer à la sûreté nucléaire, à la radioprotection et à la transparence nucléaire. Il comporte une présentation, en coûts complets, des budgets prévisionnels de l’Autorité de sûreté nucléaire et de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, des données relatives à l’exécution pour l’année échue, ainsi que l’avis rendu par l’Autorité de sûreté nucléaire en application de l’article L. 592-14 du code de l’environnement.
II. - En conséquence, faire précéder cet article de la mention :
Recherche et enseignement supérieur
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Dans la mesure où l’exercice ne serait pas répétitif et où ce rapport ne serait pas produit chaque année, l’élaboration de ce document revêt un caractère moins contraignant que dans le précédent dispositif.
Dès lors, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Si je comprends bien son idée, M. Berson a le souci légitime d’informer les citoyens, afin qu’ils appréhendent mieux l’enjeu représenté par la sûreté nucléaire, la radioprotection et la transparence nucléaire ; par le choix du mix énergétique, en somme. Cela me paraît d’autant plus important que ces sujets, on le sait bien, s’accompagnent de questions relatives à l’indépendance, mais aussi à l’écologie, un thème dont le Président de la République a annoncé qu’il en ferait un grand engagement.
Si le dispositif de l’amendement rectifié est plus satisfaisant de ce point de vue, l’accessibilité d’un jaune budgétaire pour un citoyen m’interpellait. Il faudrait donc veiller à une vulgarisation de l’information en la matière, même si, en matière de sûreté nucléaire, il faut se défier d’agiter toute peur inutile.
Par ailleurs, tout autant que sur la sûreté nucléaire, nous devrions nous interroger sur le problème de la sous-traitance et de la précarité dans le service public concerné. (Mme Corinne Bouchoux approuve.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l’article 57 ter.
L’amendement n° II-181, présenté par M. Grosperrin, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :
I. – Après l’article 57 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement transmet au Parlement et au Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche, au plus tard le 30 juin 2015, un rapport sur le transfert par l’État aux universités des ressources nécessaires à l’exercice normal de leurs responsabilités et compétences élargies en matière budgétaire et de gestion des ressources humaines prévues à la section 2 du chapitre II du titre Ier du livre VII du code de l’éducation. Ce rapport évalue les conditions dans lesquelles la dotation annuelle versée par l’État aux universités permet d’assurer la compensation intégrale de l’accroissement net de charges résultant de décisions prises par l’État et susceptibles d’affecter le montant de la masse salariale des universités. Il précise en particulier l’évolution des moyens prévus par l’État pour permettre aux universités de supporter le coût des effets du glissement vieillesse-technicité résultant de décisions nationales et la perte de ressources liée à l’exonération du paiement des droits de scolarité au bénéfice des étudiants boursiers.
II. – En conséquence, faire précéder cet article de la mention :
Recherche et enseignement supérieur
La parole est à M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis.
M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis. Au travers de cet amendement, il s’agit de demander au Gouvernement de remettre un rapport au Parlement et au Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche, le CNESER. L’idée est de faire œuvre de transparence et de permettre aux universités de disposer d’une plus grande visibilité sur l’évolution des moyens qui leur sont consentis pour couvrir leurs dépenses obligatoires et incompressibles. C’est en effet indispensable pour l’exercice de leur autonomie.
Il est nécessaire d’agir pour donner aux universités une ligne directrice crédible sur ces compensations. La commission de la culture, de l’éducation et de la communication envisage donc ce rapport comme un moyen de démontrer aux universités que l’État est prêt à assumer, à terme, la compensation de l’ensemble des charges transférées aux universités, quitte à ce que cet effort s’étale sur plusieurs années.
Il s'agit de partir d’un diagnostic partagé et négocié avec les universités, en s’appuyant sur les analyses de la Cour des comptes, des services du ministère et de l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, afin d’éviter le dialogue de sourds qui prévaut parfois entre le ministère et les présidents d’université.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. Vous demandez, monsieur le rapporteur pour avis, un rapport supplémentaire sur le financement des universités. Avec Dominique Gillot, nous avons rédigé un rapport sur ce thème il n’y a pas si longtemps. Par ailleurs, il a été décidé tout à l’heure qu’une autre analyse serait produite, sur la base d’un rapport de la Cour des comptes.
Dès lors, même si le questionnement qui a présidé au dépôt de cet amendement est intéressant, je dois avouer très sincèrement que je ne suis pas partisan de l’inflation du nombre de rapports. Il est certain que nos missions de contrôle nous obligent ; cela dit, n’en rajoutons pas !
Toutefois, puisqu’il s’agit d’un sujet particulièrement intéressant, la commission des finances s’en remet à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ce matin, lors de mon intervention à la tribune de cette assemblée, j’ai eu l’occasion d’évoquer certains des sujets que l’objet de cet amendement soulève, de façon assez provocante d'ailleurs, au regard de l’histoire de l’autonomie des universités.
Vous laissez en effet entendre, monsieur le rapporteur pour avis, que le Gouvernement ne prendrait pas en compte le glissement vieillesse technicité ou le solde des bourses, notamment, alors qu’ils sont pris en compte, pour la première fois, dans ce projet de budget.
En outre, non content de rejeter un budget que vous trouvez indigent, vous demandez au Gouvernement de rédiger un rapport portant sur des décisions prises à l’époque par votre majorité, qui n’avait d’ailleurs pas jugé bon d’assurer le financement du transfert de compétences aux universités !
Pour cette raison, et parce que, comme M. le rapporteur spécial, j’estime que trop de rapport tue le rapport, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Les dispositions de cet amendement méritent vraiment une explication de vote ! Le passage aux responsabilités et compétences élargies, ou RCE, des universités, en application de la loi relative aux libertés et aux responsabilités des universités, dite « loi LRU », s’est effectué en 2007. Nous avions alors pointé l’impréparation de cette réforme et constaté que les universités n’avaient pas les moyens de leur autonomie.
Dans le rapport rédigé par Dominique Gillot et Ambroise Dupont, au nom de la commission pour le contrôle de l’application des lois, on peut même lire : « De 2009 à 2012, les services centraux [du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche] ont contemplé passivement le passage des universités aux RCE. »
Et alors que la loi n’a pas prévu les moyens de son ambition, alors qu’un rapport parlementaire rédigé par un élu de droite et un élu de gauche fait le constat dont je viens de faire mention, on voudrait nous faire croire, au travers du présent amendement, que c’est le Gouvernement qui est responsable de la situation !
Je tiens seulement à rétablir les faits. Entre 2007 et 2012, toutes les universités ont accédé à l’autonomie. En 2012 – faut-il le rappeler ? –, seize universités sur soixante-quatorze avaient constaté un déficit. En 2013, elles étaient encore sept dans ce cas ; en 2014, elles n’étaient plus que quatre ! Si l’on veut être objectif et factuel, il faut donc convenir que c’est bien le gouvernement actuel qui, de façon drastique, a commencé à réparer les dégâts provoqués par l’ancienne majorité parlementaire.
Qu’un rapport de plus soit réalisé sur le sujet ne me dérange pas. Néanmoins, saisissons-nous déjà des rapports précédemment publiés, notamment celui qui a été rédigé par Dominique Gillot et Philippe Adnot, car ses auteurs disent les choses clairement. Appuyons l’effort du Gouvernement en faveur de la réduction des déficits des universités, plutôt que de rejeter en bloc, comme l’a fait la majorité sénatoriale tout à l’heure, les crédits de l’université – y compris, donc, les 135 millions d’euros rétablis par quatre amendements identiques pourtant précédemment adoptés.
Les universitaires sauront en juger, chers collègues de la majorité ! En n’adoptant pas ces crédits, vous envoyez une copie blanche à l’Assemblée nationale, alors qu’un consensus sur ce point nous aurait peut-être permis d’être entendus.
Mme Françoise Férat. Peut-être…
Mme la présidente. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures trente, est reprise à quinze heures trente, sous la présidence de M. Claude Bérit-Débat.)
PRÉSIDENCE DE M. Claude Bérit-Débat
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2015, adopté par l’Assemblée nationale.
Politique des territoires
Compte d’affectation spéciale : Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Politique des territoires » (et article 57 ter), ainsi que du compte d’affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale ».
La parole est à M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial.
M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la préparation de mon rapport sur les crédits de la mission « Politique des territoires » m’a conforté dans une opinion personnelle, du reste largement partagée : notre politique d’aménagement du territoire, qui reste malheureusement très insuffisante et en grande partie illisible, mérite d’être globalement revisitée, selon une approche plus volontariste, plus globale et plus territoriale.
S’agissant de la baisse des crédits de la mission, il faut tout d'abord rappeler qu’elle s’inscrit dans une tendance constante de plusieurs années. Eh oui, il faut bien le reconnaître : la baisse a résisté à l’alternance politique ! (Sourires.)
En 2015, une fois encore, les crédits de l’ensemble de la mission seront en forte chute. En effet, le projet de loi de finances alloue à la mission « Politique des territoires », dans son nouveau périmètre, quelque 708 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 295 millions d’euros de crédits de paiement, ce qui correspond à une baisse de 13 % et 7 % respectivement par rapport aux crédits prévus pour 2014.
Cette baisse constante des crédits consacrés à l’aménagement du territoire n’est pas de nature à répondre aux ambitions de cette politique, qui sert pourtant un double objectif d’égalité des territoires et de cohésion sociale et territoriale. Force est de constater que, au contraire, c’est un sentiment d’abandon qui est ressenti dans de nombreuses campagnes et dans beaucoup de quartiers.
Le risque de fracture territoriale est donc bien réel, et il sera difficile de répondre aux attentes légitimes de nos populations dans ce domaine avec des moyens aussi faibles. Il le sera d’autant plus que l’Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement tendant à minorer de 13,33 millions d’euros supplémentaires les crédits de la mission.
Mes chers collègues, avant de vous exposer quelques perspectives pour la politique des territoires, je traiterai des programmes « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire » et « Interventions territoriales de l’État ».
Le programme 112, « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire », dit « PICPAT », correspond aux moyens traditionnellement alloués à la Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale, la DATAR. Depuis la disparition de cette dernière, il retrace les moyens affectés au Commissariat général à l’égalité des territoires, le CGET.
Ce programme est doté de 222 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de 270 millions d’euros de crédits de paiement ; ces montants font apparaître une baisse considérable, de 18 % et 4 % respectivement, par rapport aux crédits de 2014.
Ces moyens serviront à financer de nombreux dispositifs, à commencer par les contrats de plan État-région, dont la génération 2007-2013, prolongée en 2014, sera remplacée l’année prochaine par une nouvelle génération. Or les nouveaux contrats de plan État-région porteront sur les périmètres régionaux actuels : madame la ministre, quelles conséquences seront-elles tirées de la réforme des régions pour ces contrats ?
Ils financeront également les pôles d’excellence rurale, ainsi que diverses actions en faveur des territoires ruraux, telles que les maisons de santé pluridisciplinaires, les maisons de services au public et la revitalisation des centres-bourgs.
Madame la ministre, vous avez choisi pour une opération expérimentale cinquante projets sur un total de trois cents centres-bourgs identifiés : le Gouvernement ira-t-il plus loin, et dans quel délai, pour répondre aux attentes de très nombreuses petites villes de France qui connaissent de réelles difficultés ?
Enfin, ce programme intègre la prime d’aménagement du territoire et le plan d’accompagnement du redéploiement des armées, sans oublier les pôles de compétitivité.
Le programme 162, « Interventions territoriales de l’État », couramment appelé « PITE », relève du Premier ministre et comprend quatre actions interministérielles de portée régionale : la reconquête de la qualité de l’eau en Bretagne, le plan d’investissements en Corse, qui représente d'ailleurs plus de 54 % du total des crédits, les dépenses consacrées à l’écologie du marais poitevin et un plan spécifique à la Guadeloupe et à la Martinique.
Le projet de loi de finances prévoit de doter le PITE de 30 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de 33 millions d’euros de crédits de paiement, soit une baisse de 18 % et 11,5 % respectivement par rapport aux crédits de 2014.
En ce qui concerne la lisibilité de la politique des territoires, je tiens à souligner que, en dépit du volume limité de ses crédits, la mission continue de figurer au cœur de la politique transversale d’aménagement du territoire.
Néanmoins, les actions concourant à cette politique excèdent de beaucoup le périmètre de la mission, puisque près de 6 milliards d’euros sont engagés chaque année par l’État pour l’aménagement du territoire. Ainsi, les trois programmes de la mission « Politique des territoires » ne représenteront en 2015 que 13 % de cet effort total, éclaté entre quatorze missions et trente et un programmes budgétaires.
Cette politique doit être rendue plus lisible, pour être plus cohérente et plus efficace. De ce point de vue, je me félicite de l’intégration au sein de la mission « Politique des territoires » du programme 147, « Politique de la ville », auparavant rattaché à la mission « Égalité des territoires et logement ». Cette évolution résulte de la création en 2014 du Commissariat général à l’égalité des territoires, le CGET, placé sous l’autorité du Premier ministre.
Si ce rattachement va dans le bon sens, le Gouvernement s’est malheureusement arrêté au milieu du gué en maintenant la séparation entre les missions « Égalité des territoires et logement » et « Politique des territoires ». Or l’égalité des territoires est au cœur même d’une approche juste et équitable de l’aménagement du territoire.
La création du CGET, qui va dans ce sens, peut constituer une occasion de rendre plus cohérente l’approche globale de la politique des territoires, mais elle devrait être suivie de la création d’une mission budgétaire unique, de nature à offrir une vision plus large et plus claire des crédits en matière d’aménagement du territoire. Cette mission unique serait d’autant plus justifiée que les programmes concernés sont de plus en plus interdépendants. Madame la ministre, le Gouvernement envisage-t-il de rapprocher ces deux missions ?
Je souhaite, pour finir, présenter quelques observations et propositions.
En premier lieu, la politique d’aménagement du territoire est indissociable des réformes territoriales en cours. Si les régions sont confortées dans leur mission d’aménagement du territoire, la question de la solidarité territoriale sera déterminante pour assurer, demain, un juste équilibre entre le développement des pôles urbains et celui des territoires ruraux. L’État doit veiller à cet équilibre et être le garant de cette solidarité ; ces grands principes devront donc être inscrits dans la loi.
En deuxième lieu, les collectivités territoriales assument aujourd’hui les missions essentielles d’aménagement du territoire dans leurs actions de proximité, autour du fameux triptyque de développement que nous connaissons tous : emplois, services, logements. Or force est de constater que les moyens dont elles disposent pour mener cette politique ne sont pas toujours adaptés à la réalité de leur situation. La réforme de la dotation globale de fonctionnement, prévue pour 2016, sera donc la bienvenue, si elle assure une répartition plus équitable des dotations de l’État, notamment au bénéfice des territoires les plus fragiles.
En troisième lieu, certains territoires en souffrance ont des besoins plus marqués, comme notre collègue Alain Bertrand l’a très bien montré dans son récent rapport sur l’hyper-ruralité. Dans la période actuelle de rigueur budgétaire, il sera donc nécessaire de mieux cibler les dispositifs de soutien, notamment en matière fiscale. D’ailleurs, telle est aussi l’une des conclusions du rapport d’information de nos collègues députés Jean-Pierre Vigier et Alain Calmette sur les zones de revitalisation rurale.
En vérité, la concentration des moyens de l’État sur les zones les plus fragiles sera déterminante pour assurer une réelle efficacité à la politique d’aménagement du territoire. Certains territoires subissent des handicaps naturels qu’il faut mieux prendre en compte ; d’autres, des mutations économiques qui méritent une plus grande solidarité nationale.
Dans l’attente de ces nouveaux zonages, il est absolument essentiel de maintenir en 2015 les dispositifs de soutien liés aux zones de revitalisation rurale. C’est, je crois, ce qui est prévu dans le projet de loi de finances rectificative pour 2014, ce dont je me félicite.
En somme, c’est une nouvelle approche de l’aménagement du territoire qui est nécessaire : une approche plus ciblée, je le répète, mais aussi plus globale et plus territoriale, fondée sur l’accompagnement des stratégies locales de développement territorial.
Nous nous plaignons souvent de la lourdeur des financements croisés par les différentes collectivités territoriales. Toutefois, en matière d’intervention de l’État, il faut reconnaître que nous sommes aussi bien servis : la dotation d’équipement des territoires ruraux, le fonds national d’aménagement et de développement du territoire, le fonds d’intervention pour la sauvegarde de l’artisanat et du commerce et les autres dispositifs obéissent chacun à des modalités propres, sans réels liens entre eux.
Aujourd’hui, les acteurs locaux s’organisent et bâtissent des projets de territoire en hiérarchisant leurs priorités d’intervention sur le fondement d’objectifs de développement adaptés à leurs spécificités. Ces projets sont contractualisés avec les départements et les régions. L’Union européenne soutient ces démarches globales, notamment en milieu rural avec les programmes LEADER. Ces partenariats contractualisés sont des gages d’efficacité de l’action publique. À cet égard, l’expérimentation des opérations de revitalisation des centres-bourgs est extrêmement intéressante.
En secteur urbain, les contrats urbains de cohésion sociale répondent à la nécessité de rassembler tous les acteurs locaux autour d’un projet cohérent, ciblé, partenarial et contractualisé. Puisque cette démarche fait la preuve de son efficacité, pourquoi ne pas créer sur le même modèle des contrats ruraux de cohésion territoriale ?
De fait, les stratégies locales de développement existent et les projets de territoires, notamment intercommunaux, sont de plus en plus nombreux ; ils mobilisent les acteurs locaux et ont déjà donné des résultats concrets sur le terrain.
Aussi, dans les territoires en souffrance, qu’il est urgent d’identifier, la participation de l’État à des contrats issus d’une démarche volontariste de développement serait à la fois utile et source d’une plus grande efficacité. Elle permettrait, en outre, de passer enfin d’une logique de guichet à une logique de projet, à l’instar de ce que font aujourd’hui l’Union européenne, les régions et les départements dans leur politique de contractualisation.
Madame la ministre, madame la secrétaire d’État, les assises de la ruralité ont montré que les attentes en matière d’aménagement du territoire sont non seulement nombreuses, mais aussi pressantes.
Pour remédier au sentiment d’abandon que j’ai évoqué tout à l’heure, les élus et les populations des zones rurales attendent des signes forts, notamment l’instauration d’un nouveau lien entre le monde rural et le monde urbain – car il ne faut surtout pas opposer les deux –, pour renforcer notre cohésion territoriale, et la mise en œuvre d’un pacte de solidarité en direction des territoires les plus en difficulté.
Plus généralement, c’est un nouvel élan de la politique d’aménagement du territoire qui est attendu. C’est pourquoi nous serons très attentifs aux prochaines annonces du Gouvernement, prévues, je crois, dans quelques jours.
Mes chers collègues, dans l’attente de ces annonces, les crédits de la mission « Politique des territoires » étant ce qu’ils sont, la commission des finances vous propose de les rejeter.