M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, les commissions mixtes paritaires qui se sont réunies le 11 décembre ne sont pas parvenues à établir un texte commun ni sur le projet de loi de finances pour 2015 ni sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019. Il n’y a rien de surprenant à cela compte tenu des divergences qui opposent la majorité sénatoriale et la majorité gouvernementale en ce qui concerne la politique des finances publiques à mener.
Je vais défendre, dans un instant, deux motions tendant à opposer la question préalable au nom de la commission des finances. Elles rappellent que le Gouvernement a construit une trajectoire pluriannuelle reposant sur des hypothèses de croissance surestimées. Surtout, nous considérons que cette trajectoire ne respecte pas les engagements européens de la France. Par ailleurs, une grande partie de l’ajustement est reportée sur la prochaine législature.
Nous avons également motivé ces motions par le fait que la stratégie d’ajustement du Gouvernement repose sur un ajustement excessivement brutal des dotations versées aux collectivités territoriales – je vous renvoie au débat sur l’article 9 du projet de loi de finances pour 2015. Nous estimons que cette diminution des dotations aux collectivités locales aura des effets importants sur l’investissement public et sur la croissance, au lieu de remettre en cause les choix que fait le Gouvernement en matière de fonction publique et de maîtrise des dépenses « de guichet ». J’ai d’ailleurs eu l’occasion de l’indiquer tout à l’heure, le projet de loi de finances rectificative pour 2014 vise, pour partie, à financer les dérapages des dépenses de personnel et des dépenses dites « de guichet ».
Toutes ces raisons de fond expliquent que les commissions mixtes paritaires aient échoué.
Cela étant, et je m’en réjouis, l’Assemblée nationale a tout de même conservé un nombre significatif d’apports du Sénat, qu’il s’agisse du projet de loi de finances ou du projet de loi de programmation des finances publiques. Cela montre tout l’intérêt que représente l’adoption des textes par notre assemblée, même lorsqu’elle les modifie amplement et bien que le vote final soit divergent : au-delà des signaux politiques qu’il a donnés, le Sénat aura permis de compléter utilement les projets de loi ainsi que d’en améliorer substantiellement la rédaction.
Sans prétendre à l’exhaustivité, je rappellerai quelques-uns des principaux apports du Sénat, en commençant par le projet de loi de programmation des finances publiques.
Comme vous le savez, l’Assemblée nationale a examiné ce texte en nouvelle lecture la nuit dernière. Cet examen a été l’occasion de procéder à l’actualisation de la trajectoire pluriannuelle des finances publiques et, en particulier, de celle du solde structurel, afin de tenir compte des 3,6 milliards d’euros dont il vient d’être question.
Le projet de loi de finances ne respecte pas les engagements européens en ce qui concerne notamment la procédure de déficit excessif dont notre pays fait l’objet. Par conséquent, au terme des échanges avec la Commission, le Gouvernement s’est engagé, à la fin du mois d’octobre – cela justifie notamment les mesures contenues dans le projet de loi de finances rectificative –, à procéder à une amélioration de 3,6 milliards d’euros sur le solde public pour 2015, dont le détail a été dévoilé le 3 décembre et qui se retrouve dans le projet de loi de finances rectificative.
Quoi qu’il en soit, cette amélioration supplémentaire du solde conduit à réviser la prévision de solde structurel pour cette même année de 0,1 point de PIB. Ainsi, le texte tel qu’il résulte de la nouvelle lecture de cette nuit à l’Assemblée nationale, tire les conséquences de cette révision sur l’objectif à moyen terme qui demeure inchangé : il correspond toujours à un déficit structurel de 0,4 % du PIB en 2019. Peut-être le Gouvernement se donne-t-il ainsi une petite marge de sécurité, compte tenu des écarts constatés par rapport à la précédente loi de programmation.
Malgré cette amélioration des 3,6 milliards d’euros, la conformité de la trajectoire des finances publiques proposée par le projet de loi aux engagements européens de la France continue de susciter des interrogations. En effet, l’ambition de la trajectoire de solde structurel est significativement abaissée et le retour du déficit effectif à 3 % du PIB est reporté de 2015 à 2017.
Par ailleurs, dans son avis du 28 novembre, la Commission européenne a relevé que l’ajustement structurel de 0,3 point de PIB restait très inférieur à la cible qu’elle avait arrêtée en 2013, dans le cadre de la procédure de déficit excessif, qui était alors de 0,8 point de PIB.
Aujourd’hui, nous sommes un peu dans une période d’attente puisque la Commission européenne a indiqué qu’elle réexaminerait la situation de la France en mars prochain, nous accordant un dernier répit. Il me paraîtrait important que le Gouvernement fasse un usage utile de cette période.
Dans ces conditions, il est possible que la programmation proposée par le présent projet de loi de programmation fasse long feu : de la décision que prendra la Commission européenne en mars 2015 dépendra la survie de la trajectoire qui nous est présentée aujourd’hui.
M. le secrétaire d’État a relevé que nous ne proposions pas de nouvelle trajectoire. Mais j’ai expliqué que nos désaccords de principe avec la programmation budgétaire étaient fondés sur les questionnements de la Commission européenne. Cependant, malgré ce désaccord de principe, de nombreux apports du Sénat relatifs à la gouvernance des finances publiques ont été maintenus par l’Assemblée nationale, et je m’en réjouis.
Ainsi, cette dernière a conservé trois des quatre articles introduits par le Sénat, qui tendent, notamment, à renforcer le contrôle opéré sur les opérateurs de l’État, ainsi que l’information du Parlement sur l’évolution du solde structurel pour les différents sous-secteurs des administrations publiques et de la dette publique.
Par ailleurs, l’Assemblée nationale a maintenu tout ou partie des modifications apportées par le Sénat à onze articles du projet de loi. Parmi ces modifications, figurent, en particulier, des dispositions tendant à renforcer l’information du Parlement sur les dépenses fiscales et les niches sociales, sur le déploiement des revues annuelles de dépenses. En outre, les apports du Sénat me semblent de nature à renforcer largement l’encadrement des niches sociales.
Au total, sur les trente-cinq articles que compte aujourd’hui le projet de loi de programmation des finances publiques, quatorze ont été introduits ou ont fait l’objet d’une modification substantielle par le Sénat. Un tel bilan nous semble tout à fait utile et honorable compte tenu du désaccord de fond qui oppose le Sénat à la majorité gouvernementale s’agissant de la trajectoire des finances publiques.
Aussi, en dépit de cela, le Sénat a pleinement joué son rôle en renforçant les instruments de gouvernance budgétaire, même si je regrette – comme d’autres collègues – que le plafonnement du taux de mise en réserve de 8 % des crédits hors dépenses de personnel n’ait pas été retenu. Je m’interroge déjà sur ce niveau record, comme sur le caractère réaliste des économies prises en compte dans le budget de cette même année.
J’en viens au projet de loi de finances pour 2015.
Comme on pouvait s’y attendre, l’Assemblée nationale n’a pas retenu les propositions du Sénat concernant les économies.
Je formulerai un regret concernant les économies demandées aux collectivités territoriales. La position du groupe majoritaire, partagée par d’autres groupes, consistait à proposer un étalement en vue d’atténuer la brutalité de l’effort exigé des collectivités, compte tenu notamment de ses conséquences sur l’investissement. Le Sénat avait adopté une position responsable consistant à minorer de 1,4 milliard d’euros – selon les chiffres de la commission d’évaluation des charges –, c’est-à-dire du montant du coût des normes imposées aux collectivités territoriales au titre de l’exercice 2013, dernier exercice connu.
Dans la continuité de cette initiative, nous avons également créé un mécanisme consistant à prélever sur les recettes de l’État, au profit des collectivités, une somme équivalente au coût des normes qui auraient été édictées en contradiction avec la circulaire du Premier ministre du 9 octobre dernier.
Nous avons fait preuve de responsabilité en souhaitant que cette moindre réduction de la baisse des dotations aux collectivités territoriales soit plus que compensée par des réductions de crédits, dont le montant total approchait 2 milliards d’euros, qui portaient sur un certain nombre de dépenses sociales, des contrats aidés, des dérapages de dépenses « de guichet » et sur la maîtrise de la masse salariale de l’État.
Enfin, le Sénat s’était très largement rassemblé autour de quelques principes et initiatives.
Ainsi, notre assemblée, conformément à son rôle constitutionnel, avait souhaité marquer une volonté très nette de préserver les recettes fiscales des collectivités territoriales. En application de ce principe, nous avions rendu facultatives plusieurs exonérations de taxes locales. Nous avions également maintenu la taxe sur les spectacles.
Nous avions en outre souhaité soutenir les petites et moyennes entreprises à travers le système permettant la mise en place d’une majoration des coefficients d’amortissement dégressif pour leurs acquisitions de biens d’équipement.
Enfin, s’agissant des modalités de répartition du prélèvement opéré sur les chambres de commerce et d’industrie, le Sénat s’était largement retrouvé autour de deux principes : la prise en compte des investissements engagés en 2014 et la référence aux comptes de 2013 pour le calcul des prélèvements.
À l’issue de l’examen en nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2015, l’Assemblée nationale n’a malheureusement retenu ni notre minoration de la baisse des dotations aux collectivités territoriales ni les économies proposées par la majorité sénatoriale.
Elle a toutefois adopté une cinquantaine d’articles conformes au texte adopté par le Sénat.
Elle a notamment repris la prorogation du crédit d’impôt en faveur de l’agriculture biologique, les mesures en faveur des logements dans les départements d’outre-mer, la mise en œuvre du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée pour les ventes directes sur les œuvres d’art, l’augmentation du plafond de déductibilité du salaire du conjoint de l’exploitant individuel de 13 800 euros à 17 500 euros, le rétablissement des fonds départementaux de péréquation de taxe professionnelle, les FDPTP.
En outre, l’Assemblée nationale a évolué sur un certain nombre de points ; je pense, en particulier, à la baisse des plafonds des taxes affectées aux chambres d’agriculture et aux chambres de commerce et d’industrie.
Comme vous le constatez, chers collègues, même si je vais défendre, dans un instant, une question préalable, la navette est utile puisqu’elle permet de faire évoluer l’Assemblée nationale sur un certain nombre de points. Je voudrais d’ailleurs, à cet égard, saluer l’attitude très constructive qui a été celle de la rapporteur générale du budget de l’Assemblée nationale et de nos collègues députés lors de nos différents échanges. Les collègues présents aux différentes commissions mixtes paritaires peuvent témoigner de la qualité des échanges très constructifs, même si ces commissions mixtes paritaires ont échoué. Sur l’initiative de la rapporteur générale, des apports du Sénat ont été repris.
La commission des finances a toutefois pensé que, même si le Sénat rétablissait son texte en nouvelle lecture, une navette supplémentaire ne serait sans doute pas de nature à faire beaucoup évoluer les choses, notamment sur les principaux points de désaccord, relatifs aux collectivités territoriales et aux économies. Elle a donc choisi de proposer au Sénat d’opposer la question préalable aussi bien sur le projet de loi de finances pour 2015 que sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur général, madame la présidente de la commission des finances, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur le contexte macroéconomique mondial et européen, qui a été largement abordé ici même ces dernières semaines. Je m’attarderai un instant sur le projet de loi de programmation.
Alors que l’agence Fitch a abaissé, cette semaine, la note de la France, le Premier ministre, Manuel Valls, a maintenu le cap en déclarant : « Sur la question budgétaire, nous assumons nos choix : réduire les déficits et la dépense publique, mais au rythme nécessaire et supportable. »
Ce rééchelonnement de notre trajectoire d’objectif de moyen terme au sens des engagements européens de la France est la seule orientation qui nous permettra d’assainir nos finances publiques sans détruire la demande intérieure ni entraver un éventuel retour de la croissance.
Nos orientations budgétaires sont soumises à de multiples contraintes : un contexte économique morose, la pression des institutions européennes, le risque de déflation. Les marges de manœuvre sont étroites. Malgré tout, le plan d’économies programmé constitue un effort inédit, d’autant qu’il se double d’une stabilisation des prélèvements obligatoires.
Cette trajectoire a le soutien de la majorité des sénateurs du groupe du RDSE.
Nous avions toutefois souligné que, à partir de 2016, les projections gouvernementales, sacrifiant à l’optimisme de toutes les lois de programmation, relevaient plutôt de l’incantation et de l’espoir d’une reprise forte dont nous ne voyons pas les prémices.
Cependant, nous n’avons pas compris la démarche de la majorité sénatoriale, qui supprima en première lecture pas moins de onze articles, portant notamment sur les données de la trajectoire pluriannuelle, pour adopter finalement une loi de programmation qui n’en était plus tout à fait une !
Au sujet du projet de loi de finances pour 2015, je pourrais reprendre aujourd’hui le texte de l’intervention que j’ai prononcée ici même, il y a trois semaines, en première lecture, dans la discussion générale.
En effet, depuis le vote sur l’ensemble, intervenu le 9 décembre, et l’échec – prévisible ! – de la commission mixte paritaire, le 11 décembre, l’Assemblée nationale a procédé à une nouvelle lecture – ou devrait-on dire à une relecture du texte – en le modifiant largement, adoptant près de 150 amendements.
Notre groupe avait, dans sa majorité, rejeté le texte remanié par la Haute Assemblée le 9 décembre. À ce titre, nous nous satisfaisons de la suppression, par l’Assemblée nationale, de la modification du quotient familial dans le calcul de l’impôt sur le revenu, des trois jours de carence pour les fonctionnaires et de la réduction du glissement vieillesse technicité et autres « marqueurs » instaurés par la majorité sénatoriale.
Dans cette même perspective, nous soutenons l’effort en faveur des priorités du Gouvernement : l’éducation, avec notamment les créations de postes inscrites dans les crédits de la mission « Enseignement scolaire ».
En outre, les dispositions en faveur de la construction sont primordiales, dans la continuité du plan de relance du logement.
L’Assemblée nationale a également rétabli les crédits des neuf missions qui avaient été rejetés ici même.
Nous nous réjouissons que notre amendement – adopté en première lecture, mais tombé du fait du rejet des crédits de la mission – rétablissant ces crédits de la mission « Recherche et Enseignement supérieur », qui constituent l’un des axes prioritaires et structurants du redressement économique de notre pays, ait permis de revenir, à l’Assemblée nationale, sur ce coup de rabot inopportun.
Nous ne pouvons qu’approuver le renoncement des députés à rétablir la dotation de soutien à l’investissement local, qu’elle avait instaurée à l’article 9 ter.
A contrario, nous regrettons que certaines modifications, dont plusieurs résultaient de suggestions ou d’amendements de notre groupe, n’aient pas été retenues. L’Assemblée nationale a ainsi rétabli le niveau initialement prévu pour la baisse de la dotation globale de fonctionnement. Nous n’avons eu de cesse d’alerter le Gouvernement sur le risque que présente cette diminution qui, si elle est nécessaire au regard de l’effort des collectivités à la réduction de nos déficits, est trop brutale.
S’ajoutant à l’état actuel des finances locales, elle engendrera une forte baisse de l’investissement des collectivités, avec des conséquences prévisibles sur l’emploi et les entreprises, et pourra se traduire par une hausse concomitante de l’imposition locale. Ainsi, la pause fiscale promise pour 2015 se verra remise en cause.
J’en viens au plafonnement des taxes affectées, qui est l’un des leviers d’économies massivement activé par le Gouvernement.
Un motif de satisfaction, tout d’abord : le compromis trouvé à l’Assemblée nationale est conforme à notre amendement qui fixe à 61 millions d’euros le montant du produit de la taxe sur les logements vacants affecté à l’Agence nationale d’amélioration de l’habitat.
S’agissant des chambres d’agriculture, le montant de la taxe additionnelle à la taxe sur le foncier non bâti est porté à 98 %, mais ce taux baisserait à 96 % en 2016 et à 94 % en 2017.
De surcroît, à l’article 18, le montant du prélèvement exceptionnel sur fonds de roulement est porté à 55 millions d’euros au lieu de 45 millions. Enfin, les mentions, que nous avions ajoutées, permettant d’associer l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture à cet effort ont été supprimées.
Pour ce qui est des chambres de commerce et d’industrie, alors que l’Assemblée nationale avait adopté un amendement de Joël Giraud portant le plafond de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la TACVAE, qui leur est affectée à 606 millions d’euros, le Gouvernement a demandé une seconde délibération pour rétablir le seuil initial de 506 millions d’euros. Sans commentaires…
Nous regrettons également la suppression de l’indemnité d’aide au départ à la retraite pour les artisans ou les commerçants qui éprouvent des difficultés à vendre leur fonds de commerce, et ce malgré le sous-amendement déposé par le Gouvernement.
Nous déplorons aussi l’adoption d’un amendement revenant sur les modifications que nous avions permises afin d’aider les exploitants confrontés à des aléas ou des difficultés conjoncturelles, dans le cadre des crédits de la mission « Agriculture ».
Sur l’ensemble de ces sujets, l’Assemblée nationale étant restée sourde à certaines améliorations sénatoriales, pourtant assez consensuelles, nous proposerons au Sénat, s’il rejette la motion tendant à opposer la question préalable, d’adopter les amendements qu’il a déjà votés lors de la première lecture. Il est de notre responsabilité d’améliorer encore ce texte. Nous nous en priverions si nous votions la motion proposée par le rapporteur général de la commission des finances. C’est la raison pour laquelle nous la rejetterons. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. Monsieur le secrétaire d’État, je suis surpris de votre surprise !
S’agissant du projet de loi de finances rectificative, que nous venons de rejeter, la situation est invraisemblable ! Voilà un texte qui nous arrive à la dernière minute, qui comporte un nombre incroyable d’articles additionnels, qui aborde des sujets de fond difficiles à traiter, et on nous demande de l’examiner en une seule journée ! Nous avons déposé un certain nombre d’amendements pour faire vivre le débat et nous avons voté le texte modifié en première lecture. Nous attendons les retours de l’Assemblée nationale, nous attendons la commission mixte paritaire, et l’on ne voit rien venir, ou presque rien !
Donnons une deuxième chance au Gouvernement, nous sommes-nous dit, et proposons quelques amendements en seconde lecture. Et que nous répondez-vous, monsieur le secrétaire d’État ? Vous ne nous donnez que des réponses négatives ! Aucune ouverture ! Aucune perspective !
Dans ces conditions, nous ne pouvons pas voter un texte validant la stratégie budgétaire du Gouvernement, alors que nous ne la partageons absolument pas.
Alors pourquoi feignez-vous la surprise ? C’est maintenant à nous de nous étonner !
Vous nous dites, monsieur le secrétaire d’État, que de bonnes nouvelles s’annoncent et qu’il faut être optimiste.
M. Vincent Delahaye. Optimiste, vous l’êtes depuis le début !
Vous en revenez toujours à l’opposition entre optimisme et pessimisme, on discute toujours à partir de vos propres hypothèses et, à la fin, nous ne sommes jamais d’accord avec vous !
La prévision que vous nous avez annoncée le 15 décembre se réalisera, nous dites-vous, le 31 décembre. Sur ce point, je suis d’accord avec vous : oui, nous atteindrons sans doute 0,4 % de croissance pour 2014 !
Mais, au début de l’année, vous parliez d’une croissance à 1 %, avant d’annoncer, au mois de juillet, qu’elle serait de 0,7 % ; nous vous avions alors répondu que nous n’atteindrions pas ce taux.
Aujourd’hui, vous pariez sur un taux de 0,4 %. Nous ne vous contredirons pas sur ce point, mais je crois qu’il faut tout de même faire preuve sérieux en matière de prévisions.
Pour élaborer un projet de loi de finances ou un projet de loi de programmation des finances publiques, il faut se fonder sur des hypothèses prudentes. Tant que ce ne sera pas le cas, nous n’aurons jamais de bonnes nouvelles, nous n’en aurons que des mauvaises, qu’il s’agisse du projet de loi de finances rectificative ou du projet de loi de règlement.
Vous nous proposez un projet de loi de programmation des finances publiques. Pour notre part, nous sommes favorables à la programmation, mais elle suppose de la crédibilité, et non pas, toujours, de l’instabilité.
Le programme de stabilité de la France a été présenté à Bruxelles au mois d’avril dernier. Six mois plus tard, en novembre, il est complètement contredit par le projet de loi de programmation des finances publiques, en termes de croissance, de déficit ou de retour à l’équilibre ; celui-ci, annoncé pour 2017, est désormais repoussé à 2019 ! Comment pourrions-nous vous suivre sur ce terrain, monsieur le secrétaire d’État ?
Il est écrit dans le projet de loi de programmation des finances publiques qu’il a fallu revoir complètement la copie budgétaire en raison de circonstances exceptionnelles. Lesquelles ? Au cours des six derniers mois, je ne les ai pas vues !
Le même texte prévoit une croissance de 1 % pour 2015, de 1,7 % pour 2016, de 1,9 % en 2017 et de 2 % par la suite. Cette hypothèse est hyperoptimiste ! Et nous ne sommes pas les seuls à le dire ! Un mois plus tard, dans le projet de loi de finances pour 2015, vous l’aviez d’ailleurs corrigée : il ne s’agit plus de 1 % de croissance, mais de 0,9 %...
Il faudrait cesser de poser des hypothèses aussi optimistes. Pour ma part, j’avais proposé à plusieurs de vos prédécesseurs de retenir un taux de croissance faisant consensus, puis de lui soustraire 0,5 point. Ainsi, nous serions plus proches de la vérité et les éventuelles erreurs seraient en fait de bonnes nouvelles puisqu’il faudrait les corriger dans un sens positif.
Nous ne pouvons pas approuver ce projet de loi de programmation des finances publiques dans la mesure où il retarde le retour à l’équilibre et ne contient aucune des réformes de structure que nous attendons depuis fort longtemps.
Pour ce qui concerne le projet de loi de finances pour 2015, nous constatons que les amendements adoptés au Sénat n’ont reçu un accueil favorable ni du Gouvernement ni de l’Assemblée nationale, ce que l’on peut regretter.
Ce projet de budget prévoit toujours des déficits très élevés. Je ne dis pas qu’ils n’existaient pas avant vous, monsieur le secrétaire d’État, ni que vous êtes responsable de la situation budgétaire actuelle de la France. Seulement, depuis que vous êtes aux affaires, la situation est loin de s’être améliorée, contrairement à ce que vous dites : son évolution en 2014 – on l’a vu au travers du projet de loi de finances rectificative – prend la forme d’une augmentation du déficit.
En 2015, le déficit sera également très élevé puisqu’il atteindra 75 milliards d’euros. La croissance prévisionnelle et les recettes sont encore, à mon avis, surévaluées, et très peu d’efforts sont faits pour réduire les dépenses. Sur ce point, nous ne pouvons pas être d’accord avec vous, monsieur le secrétaire d’État : nous ne pourrons réduire la dépense publique qu’en mettant en place des réformes de fond.
Ces réformes, nous ne les voyons pas venir. La stratégie « météo » du chef de l’État consiste à dire qu’il fera beau demain et qu’après la pluie vient le beau temps. On a l’impression que vous attendez que la croissance revienne comme par miracle et que tout se rééquilibre. Or ce n’est pas ce qui va se passer !
Nous vivons actuellement une période de fortes tensions ; nous le voyons en Russie, en Grèce et ailleurs. Nous sommes à la merci d’un risque non négligeable, dont la survenue serait dramatique pour le financement des déficits et pour le niveau des dettes souveraines : celui d’un retournement de l’orientation des taux, qui viendrait s’ajouter à une conjoncture internationale de plus en plus déprimée.
Le jour où cela arrivera, nous n’aurons plus que nos yeux pour pleurer et nous pourrons regretter de ne pas avoir prévenu cette situation, mais il sera trop tard ! Certains diront : « C’est la faute des marchés ! » D’ailleurs, on les entend déjà, mais ils ne remercient pas lesdits marchés de nous prêter à des taux si bas !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Si les taux sont bas, nous avons de la chance, mais si les taux remontent, ce sera de la faute du Gouvernement, c’est bien cela ?
M. Vincent Delahaye. Ils étaient bas avant 2012, monsieur le secrétaire d’État ! Ce n’est pas une conséquence de la politique du Gouvernement ; en tout cas, ce n’est pas mon analyse...
Il faut assainir rapidement les finances publiques si nous voulons éviter de nous retrouver dans une situation trop inconfortable en cas de changement de conjoncture mondiale. Or on ne fait rien aujourd’hui.
Nous avons proposé des mesures fiscales, car nous pensions que la réforme fiscale annoncée par le gouvernement Ayrault à grands coups de communication n’avait en fait jamais vu le jour. Ces propositions visaient à simplifier l’impôt, à réduire ses taux et à élargir ses bases.
Le groupe UDI-UC a donc défendu des amendements relatifs à l’impôt sur le revenu et à l’impôt sur les sociétés, dont nous regrettons qu’ils n’aient pas été adoptés, et d’autres sur les plus-values immobilières. Sur ce dernier point, le débat a avancé, et je pense que nous pourrons aller plus loin en 2015.
Nous avons également proposé de mettre en place une « TVA compétitivité », et de le faire franchement et jusqu’au bout, et non partiellement, comme ce fut le cas pour celle prévue dans le projet de loi de finances rectificative pour 2012.
Je comprends, monsieur le secrétaire d’État, que vous ayez des désaccords avec les chefs d’entreprise : ils tiennent à l’incompréhension qui existe entre vous et le monde de l’entreprise en général, malgré les déclarations d’amour du Premier ministre. En effet, les entreprises ne comptent pas de la même façon que vous. Certes, tout n’est pas de votre fait – seulement la moitié ! –, mais elles se sont tout de même vu réclamer, en 2012 et 2013, 30 milliards d’euros d’impôts supplémentaires. Elles ont été lourdement taxées !
Le CICE, que l’on nous a présenté comme la recette miracle, a permis de leur rendre, à la fin de 2014, 11 milliards d’euros. Et on leur annonce, à partir de 2015, des baisses de cotisations à hauteur de 4,5 milliards d’euros. Mais, entre-temps, on a augmenté les cotisations retraite, lesquelles s’élevaient, en 2014, à 1,7 milliard d’euros, auxquels s’ajouteront 600 millions d’euros de charges supplémentaires en 2015 : les entreprises devront donc supporter 2,3 milliards d’euros de charges supplémentaires.
Les charges de 2014 additionnées à celles de 2015, cela donne 4 milliards d’euros : ce n’est pas très loin des 4,5 milliards de réduction de charges que vous leur promettez, monsieur le secrétaire d’État !
Vous comprendrez que les chefs d’entreprise aient du mal à s’y retrouver !
Il faudrait avoir le courage de mettre en place les baisses de charges et les réformes de fond dès maintenant. Or ces mesures, on ne les trouve pas dans les textes que vous nous présentez. On ne les pressent pas non plus dans vos propos, pas plus que dans ceux du Premier ministre et du Président de la République. Voilà ce qui nous ennuie : nous ne voyons pas de perspectives d’amélioration, à moins d’un changement subit de météo, dont nous nous réjouirons !
Ce n’est pas ainsi, selon nous, qu’il faut gouverner. En première lecture, nous avons voulu donner à nos propositions une chance de prospérer et au Gouvernement l’occasion de se montrer ouvert à certaines d’entre elles. Malheureusement, cela ne s’est pas produit.
Voilà pourquoi, en nouvelle lecture, nous voterons pour les motions tendant à opposer la question préalable sur ces textes. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur plusieurs travées de l’UMP.)