M. Michel Bouvard. Oui !
M. René-Paul Savary. Le même raisonnement vaut pour les collèges. Un département qui a fait l’effort de développer ses collèges y consacre des sommes importantes qu’il transférera à sa région, mais comme ses collèges sont construits, il n’y aura pas de retour d’ascenseur !
Toute notre économie locale va se trouver mise à mal par ce système de compensation. Il faudra donc bien aborder un jour la question des moyens mis à disposition des collectivités territoriales. La réorganisation est une chose, mais il faut des moyens pour exercer les compétences.
Votre amendement a donc le mérite, monsieur Labbé, outre la provocation, de faire en sorte que tout le monde commence à raisonner sur les transferts qui nous sont proposés et qui sont catastrophiques pour les collectivités départementales.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Je crois que cet amendement n’est pas raisonnable et il me semble, chers collègues écologistes, que vous tombez dans le commerce inéquitable ! (Sourires.) Il n’est pas raisonnable, parce que l’on ne peut pas travailler sur des chiffres calculés à l’emporte-pièce. Dès que des chiffres sont produits, on peut croire que le discours est sérieux, mais l’expérience nous a appris que tel n’est pas toujours le cas.
Votre démarche a donc un côté provocateur, mon cher collègue, mais elle me permet de rebondir sur l’économie générale de ce texte. En effet, madame la ministre, force est de constater qu’un volet manque à ce projet de loi. Vous nous dites que vous ne pouvez pas encore nous donner d’indications sur les transferts de ressources parce que vous ne savez pas encore quelles seront les modifications des périmètres de compétences.
Or il se trouve que vous avez déposé un projet de loi dans lequel les transferts de compétences sont clairement mentionnés, qu’on les approuve ou non – pour notre part, nous sommes en désaccord sur un certain nombre de ces transferts. Il eût donc été raisonnable et juste, et surtout conforme à un bon exercice démocratique, puisque ces transferts de compétences voulus par le Gouvernement vont être réalisés pour l’essentiel, comme nous l’avons compris en écoutant la réponse de M. le Premier ministre à ma question d’actualité cet après-midi, que ce projet de loi soit accompagné d’indications sur ce que le Gouvernement envisage pour les ressources fiscales des collectivités locales et les transferts de ressources.
On entend dire, par exemple, que vous tenez à transférer la voirie départementale aux régions, à l’encontre d’un certain nombre de considérations de principe, parce que ce serait le moyen d’apporter des ressources fiscales significatives aux nouvelles régions. Dans ce cas, il faut le dire ! En effet, ce qui ne va pas dans votre manière de procéder, c’est que vous ne dites pas les choses, d’où toutes les ambiguïtés, toutes les redondances et toutes les contradictions que nous vivons depuis plusieurs mois. Dites ce que vous voulez faire, nous serons d’accord ou nous ne le serons pas. En tout cas, procéder de manière obscure comme vous le faites – et les étoiles nous éclairent peu ! – n’est vraiment pas la bonne solution.
Si, dans le calme de notre réunion de ce soir, vous pouviez nous exposer les intentions du Gouvernement quant aux ressources futures de ces nouvelles collectivités, vous nous aideriez à faire un grand pas dans la compréhension de vos objectifs.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Monsieur Mézard, je vous connais trop bien pour croire que vous voulez me faire un procès d’intention.
J’entends dire, depuis des jours, sur certaines travées en particulier, que le transfert des routes à la région n’est justifié que par le transfert de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE.
À quelle situation le Gouvernement est-il confronté ? Depuis deux ans et demi, nous avons fait le constat, avec les départements, que la majorité d’entre eux se trouvent en grande difficulté, parce que progressent de façon importante, ici, l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, pour des raisons démographiques par rapport à l’ensemble de la ressource disponible, là le revenu de solidarité active, le RSA, en raison de la crise économique violente que nous traversons. Nous avons pris du temps, avec l’Assemblée des départements de France, l’ADF, et le Comité des finances locales, le CFL, pour envisager comment réagir à cette situation.
Pour la première fois depuis le transfert des allocations de solidarité aux départements, un gouvernement, ministre du budget et ministre chargé de la décentralisation réunis, a reconnu que l’État devait de l’argent aux départements. Il a admis qu’un déficit important existait entre ce que l’État s’était engagé à faire pour le transfert des allocations individuelles de solidarité et la réalité.
Avec Jean-Marc Ayrault d’abord, nous avons donc décidé de débloquer, hors financements ordinaires des collectivités locales, quelque 827 millions d’euros, puis environ 900 millions d’euros en 2014, pour répondre à la demande des départements. Nous avons longuement discuté avec l’ADF puis le CFL sur le fait que, dans ce contexte de grande difficulté, 20 % des dépenses des départements étaient hors compétences. Il fallait se poser la question de ces 20 % : des transferts d’assiette fiscale devaient-ils être envisagés pour les financer, compte tenu de la situation « dramatique » de l’ensemble des départements, pour reprendre le mot employé par l’ADF et le CFL ?
On ne peut pas nous dire, à la fois, que nous n’avons pas pris en compte cette situation dramatique…
M. Jacques Mézard. Je n’ai jamais dit cela !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Effectivement !
On ne peut donc pas nous faire ce reproche, tout en disant que nous transférons les routes à la région uniquement pour enlever une ressource au département !
Le Gouvernement n’a pas dit un mot à ce sujet, parce qu’une grande part de nos départements seraient en situation d’être mis sous tutelle.
Nous rencontrons donc collectivement un problème majeur de financement des départements, auquel s’ajoute un problème majeur d’inégalité de situation des départements. Certains d’entre eux vont très bien, d’autres très mal. Au-delà même de la question des ressources fiscales, on doit se poser celle de l’équité, mot que vous utilisiez fort opportunément tout à l’heure.
Faut-il revoir les financements ? Oui, sans aucun doute. Ne faut-il revoir que le financement lié aux routes ou aux collèges ? Non ! Faut-il démarrer, en parallèle, la réforme de la dotation globale de fonctionnement, la DGF, qui, aujourd’hui, chaque fois qu’elle ne répond plus aux besoins des collectivités territoriales, prend une « couche » supplémentaire de péréquation – pardonnez-moi l’expression, parce qu’elle n’est pas belle, bien qu’elle soit réelle ! Il est vrai que nous procédons à des bascules compliquées au sein de l’enveloppe normée. Nous devons réécrire l’histoire de la DGF, parce que celle-ci est caractérisée par des situations de quasi-rente et des situations d’une injustice violente.
Pardonnez-moi si je suis un peu longue sur ce sujet, j’essaierai de ne pas récidiver trop souvent. Je regrette que la majorité du Sénat n’ait pas désigné, contrairement à ce que nous aurions souhaité, un parlementaire pour travailler avec nous sur ce sujet. Je pense que nous devons aussi mettre en place un groupe de travail consacré aux ressources des collectivités envisagées d’une manière globale.
La CVAE et surtout la cotisation foncière des entreprises, la CFE, – aujourd’hui, c’est essentiellement cette dernière qui finance le logement des salariés, leurs déplacements et les travaux de voirie et de réseaux divers nécessaires aux industriels – suffisent-elles à remplacer la ressource qu’apportait la taxe professionnelle ? Nous savons tous que ce n’est pas le cas !
La réforme de la CVAE a été difficile – je ne porte pas de jugement, même si je me suis battu contre – parce qu’il était difficile d’évaluer à l’avance cette sorte d’effet contracyclique qui nous revient dans la figure comme le manche du râteau.
Quand vous vous penchez sur la solidarité entre les individus, le vrai sujet, pour les départements, n’est pas de savoir s’ils continueront à assumer cette compétence, mais comment ces dépenses seront financées. Dans chaque département, aujourd’hui, ce financement est assuré par les impôts locaux et les droits de mutation à titre onéreux, les DMTO, c’est-à-dire une assiette fiscale large – l’impôt local a une assiette fiscale beaucoup plus large que l’impôt sur le revenu – et une assiette qui dépend des achats et ventes de biens immobiliers. Faut-il se poser la question du financement par les familles ? Les DMTO apportent une réponse partielle à ce sujet. La part de l’impôt sur les successions que nous avons essayé de consacrer à la solidarité nationale est-elle suffisante ? Je ne le sais pas. Faire appel aux familles n’est-il pas une forme de double peine ? Sans doute. Faut-il envisager un impôt national avec une assiette moins large, mais plus juste ? C’est un problème pour les classes moyennes. Rien n’est simple.
Tous ensemble, nous devons répondre à une question importante : à qui incombe ce financement ? Aux familles, aux territoires ou à la solidarité nationale ? Ou faut-il associer ces trois sources ?
Je peux vous assurer, monsieur Mézard, parce que je vous connais trop bien, que, si le transfert des routes aux régions avait pour seul but de leur permettre de disposer d’un peu de ressources supplémentaires pour aider les entreprises, la démarche ne serait pas honorable. Là n’est pas la question !
M. Jacques Mézard. Alors, pourquoi le faire ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. En revanche, la collectivité qui exerce la compétence transports, qui s’occupe des trains, des autocars, des liaisons intercités, des pôles d’intermodalité, des plates-formes rail-route, peut-elle être étrangère à ce qui se passe sur les routes ? Là est la vraie question ! Il faut donc faire attention à ne pas mélanger les deux sujets.
Au-delà de la réforme de la DGF, je crois profondément que, si nous pouvions chercher non pas des consensus, mais des ouvertures les uns vers les autres, comme le disait M. le Premier ministre cet après-midi, et travailler sur toutes les ressources des collectivités locales, y compris celles qui constituent des quasi-rentes, peut-être aurions-nous une chance, lors de l’examen du projet de loi de finances en fin d’année, de proposer une réforme qui tende vers l’équité.
Je crois que nous y arriverons, parce que c’est une nécessité. Pour sortir de la crise économique, il faut effectivement avoir une politique industrielle, une politique de la formation professionnelle, une politique de l’emploi, une politique du logement, et j’en passe… Il faut aussi reposer la question des ressources de nos collectivités territoriales et de ce que signifie le mot « équité » dans ce domaine.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. Je pense que la fiscalité économique ne doit pas être réservée à la collectivité qui exerce la compétence économique. En effet, la CVAE n’a pas de lien direct avec l’effort fait par des régions pour le développement économique. Le lien est indirect, il n’est pas mesurable.
Je veux, en revanche, ouvrir une piste de réflexion sur un flux qui est bien identifiable, celui de l’aide directe des régions aux entreprises. Au bout du compte, elle finance le budget de l’État puisqu’elle augmente le montant de l’impôt sur les sociétés. Cela signifie que plus les régions apporteront d’aides directes aux entreprises, plus l’État percevra de recettes au travers de l’impôt sur les sociétés. Cela a d'ailleurs amené certaines régions à préférer le système des avances remboursables aux aides directes de manière à avoir un retour du capital investi.
Pour inciter les régions à aider le développement économique, un retour sur investissement par rapport aux aides directes venant par l’attribution d’une part de l’impôt sur les sociétés serait peut-être une piste à creuser. En effet, quand la région investit dans le développement économique, il y a vraiment un lien direct, mesurable dans les comptes d’exploitation des entreprises et qui est très facile à isoler.
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. Madame la ministre, nous sommes entièrement d’accord, il y a devant nous un immense chantier sur la fiscalité et les ressources des collectivités. Il est vrai que depuis de nombreuses années maintenant, les caisses des départements sont vidées de leur substance par la conjugaison de l’augmentation des dépenses sociales et des allocations individuelles de solidarité et la non-compensation par l’État qui avait été promise. C’est clair ! D’ailleurs, plus le temps passe, plus les départements se portent mal. Demain, même les départements les mieux gérés seront en situation de quasi-faillite et devront finalement être mis sous tutelle. D’ailleurs, peut-être voulez-vous les faire disparaître pour supprimer 100 tutelles !
Cela étant dit, le sujet de ce soir n’est pas là. Monsieur Labbé, vous avez défendu cet amendement dont vous n’êtes pas l’auteur.
M. Joël Labbé. Je l’avais suggéré !
M. Bruno Sido. Même si vous n’y êtes pour rien, je voudrais néanmoins vous dire que c’est incroyable de faire ainsi un holp-up ! – il n’y a pas d’autre mot – sur des ressources affectées à des départements qui n’en peuvent déjà mais et auxquels vous voulez prendre encore plus. Pourtant, il était bien entendu, et depuis fort longtemps, que ce qui touche à la matière fiscale doit être traité dans des lois fiscales. (Mme Nicole Bricq s’exclame.)
C’est difficile, en effet, mais là, ce que vous proposez est tellement important que ce n’est tout simplement pas sérieux ! À vrai dire, je suis désolé de vous le dire, monsieur Labbé, mais vous le savez, les départements ont des responsabilités telles que s’il n’y a pas de révolution dans la rue aujourd'hui, si chacun trouve finalement peu ou prou sa place et réussit à vivre, chichement parfois, c’est grâce aux départements et aux allocations individuelles de solidarité.
Par conséquent, ce que vous proposez n’est tout simplement pas sérieux. Je ne voterai pas votre amendement, comme beaucoup d’autres, je le pense, mais de grâce, vous nous avez fait perdre du temps et nous n’avons pas besoin de cela !
M. le président. La parole est à M. Christian Favier, pour explication de vote.
M. Christian Favier. Je ne reviendrai pas sur l’amendement de notre collègue Labbé. Je crois que chacun l’a bien compris, il est la marque d’un certain amateurisme et il témoigne de la méconnaissance de l’action des départements. En effet, tous les collègues qui sont intervenus l’ont montré, l’action des départements ne se réduit pas à l’action sociale. Sa dimension est aujourd'hui bien plus large, ce qui nécessite, bien sûr, des moyens pour y faire face.
Je reviendrai plutôt sur l’intervention de Mme la ministre quant à la justification des transferts envisagés de la gestion des routes vers les régions.
Il ne s’agit bien évidemment pas de chercher à soulager financièrement les départements. Ce sur quoi il faut s’interroger, c’est sur l’efficacité de l’action publique. Aujourd'hui, les départements remplissent-ils correctement leur mission en matière de gestion de leur réseau routier ? Je considère que oui, et il a fallu aux départements plusieurs années pour intégrer le transfert des routes nationales, dont l’état était alors, il faut le rappeler, souvent déplorable. D'ailleurs, il n’y a qu’à voir la situation du réseau routier national conservé par l’État :…
M. Bruno Sido. Absolument !
M. Christian Favier. … c’est une véritable catastrophe !
M. Bruno Retailleau. C’est clair !
M. Christian Favier. En transférant demain le réseau routier départemental à des régions qui n’ont aujourd'hui aucune structure organisée pour le faire, ira-t-on vers une meilleure efficacité de l’action publique, ira-t-on vers une amélioration de ce réseau ? Je pense que non.
Donc, je ne vois pas pourquoi proposer ce transfert, qui n’apportera rien en matière de renforcement du rôle des régions. Celles-ci s’affirmeront non pas par le transfert des compétences en matière de routes ou de collèges mais en jouant leur rôle en matière de développement économique, en engageant des actions plus fortes pour le développement de l’emploi !
Pour ma part, je crois qu’il faut plutôt s’interroger sur le bon échelon pour exercer l’action publique et évaluer comment les choses fonctionnent aujourd'hui. Pourquoi bouleverser des choses qui fonctionnent bien et mettre en difficulté toute une organisation qui a été longue à mettre en place au niveau de nos départements et qui sera complètement désorganisée pendant parfois plusieurs années avant de retrouver une certaine efficacité ?
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. C’est avec beaucoup de sérénité que je vous ai écoutés. L’amendement a joué son rôle.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. De catarcysme !
M. Joël Labbé. En revanche, je prenais un risque. J’ai entendu les termes « pas sérieux », « irresponsable », « amateurisme » –, autant de choses auxquelles j’ai envie de rétorquer : « […] va vers ton risque. À te regarder, ils s’habitueront. » En effet, de la provocation, vous en entendrez encore au fil du temps !
Est-ce tellement irresponsable d’être provocateur ? Je vous pose la question. Voilà une demi-heure que nous débattons. Après des moments d’énervement, que l’on peut comprendre puisqu’il y a eu de la provocation, on a véritablement bien échangé sur le fond de la question : les ressources des collectivités territoriales par rapport à leurs dépenses. C’est aussi simple que cela !
J’ai bien apprécié d’entendre plusieurs interventions, dont certaines de personnes énervées qui se sont calmées ensuite et ont exprimé des choses justes.
Quant aux propos des deux ministres, M. Vallini s’est très sobrement exprimé. J’ai apprécié qu’il m’ait directement et calmement répondu. Mme la ministre a développé sur ces questions. Nous sommes dans l’anticipation. Oui, nous avons été dans la provocation ! Je l’assume. Mais parce que j’ai eu de bonnes réponses et que nous avons eu pratiquement une demi-heure de débat sur ce sujet – c’était le but –, je retire mon amendement. (Sourires sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. L'amendement n° 741 est retiré.
Article 3 bis (nouveau)
Service public de l’emploi
Le code du travail est ainsi modifié :
1° L’article L. 5311–3 est ainsi rédigé :
« Art. L. 5311–3. – La région coordonne, sur son territoire, les actions des intervenants du service public de l’emploi, sous réserve des missions incombant à l’État, dans les conditions prévues aux articles L. 6123–3 et L. 6123–4.
« Les communes peuvent concourir au service public de l’emploi dans les conditions prévues aux articles L. 5322–1 à L. 5322–4. » ;
2° L’article L. 5312–3 est ainsi modifié :
a) Au début du premier alinéa, sont ajoutés les mots : « Après consultation des conseils régionaux, » ;
b) Le 3° est ainsi rédigé :
« 3° L’évolution de l’organisation territoriale de l’institution et l’adaptation des conditions de mise en œuvre de ses missions à la situation de chaque région ; »
c) Après le 3°, il est inséré un 3°bis ainsi rédigé :
« 3° bis Les conditions dans lesquelles l’institution coopère au niveau régional avec les autres intervenants du service public de l’emploi, à travers des conventions pluriannuelles ; »
d) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Avant l’expiration de la convention, le directeur général de l’institution présente des propositions visant à réduire le nombre d’intervenants du service public de l’emploi et à rationaliser son organisation. » ;
3° L’article L. 5312–4 est ainsi modifié :
a) Le 4° est ainsi rédigé :
« 4° Un représentant des régions, désigné sur proposition de l’association des régions de France ; »
b) Après ce même 4°, il est inséré un 5° ainsi rédigé :
« 5° Un représentant des autres collectivités territoriales, désigné sur proposition conjointe des associations des collectivités concernées. » ;
4° Après le premier alinéa de l’article L. 5312–10, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le directeur général nomme les directeurs régionaux après avis du conseil d’administration. » ;
5° L’article L. 5312–11 est abrogé ;
6° L’article L. 6121–4, tel qu’il résulte de l’article 21 de la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, elle peut procéder directement à l’achat de formations collectives présentant un intérêt national dont la liste est fixée par décret. » ;
7° L’article L. 6123–3 est ainsi modifié :
a) Le troisième alinéa est ainsi rédigé :
« Il est présidé par le président du conseil régional. La vice-présidence est assurée par le représentant de l’État dans la région. » ;
b) Le quatrième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le bureau est présidé par le président du conseil régional. » ;
8° L’article L. 6123–4 est ainsi rédigé :
« Art. L. 6123–4. – I. – Le président du conseil régional signe avec le directeur régional de l’institution mentionnée à l’article L. 5312–1 et les représentants régionaux des missions locales mentionnées à l’article L. 5314–1 et des organismes spécialisés dans l’insertion professionnelle des personnes handicapées une convention régionale pluriannuelle de coordination de l’emploi, de l’orientation et de la formation.
« II. – Au regard de la situation locale de l’emploi, la convention signée avec le directeur régional de l’institution mentionnée à l’article L. 5312–1 détermine, dans le respect de la convention mentionnée à l’article L. 5312–3 :
« 1° La programmation des interventions de l’institution et les conditions dans lesquelles elle participe à la mise en œuvre des actions prévues à l’article L. 5111–1 ;
« 2° Les conditions dans lesquelles elle coopère avec les maisons de l’emploi, les missions locales, l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes et les autres intervenants du service public de l’emploi ;
« 3° Les conditions dans lesquelles elle mobilise de manière coordonnée les outils des politiques de l’emploi et de la formation professionnelle de l’État et de la région, dans le cadre de la politique nationale de l’emploi ;
« 4° Les conditions dans lesquelles elle participe au service public régional de l’orientation ;
« 5° Les conditions dans lesquelles elle conduit ses actions au sein du service public régional de la formation professionnelle ;
« 6° La contribution éventuelle de la région aux actions entreprises ;
« 7° Les modalités d’évaluation de ces actions, selon des modalités fixées par décret pris après avis de l’association des régions de France.
« La mise en œuvre de la convention fait l’objet d’une présentation régulière par le directeur régional devant le bureau du comité mentionné à l’article L. 6123–3.
« III. – Au regard de la situation locale de l’emploi, les conventions signées avec les représentants régionaux des autres intervenants déterminent, dans le respect de leurs missions, les conditions et modalités prévues aux 3° à 7° du II du présent article. »
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, sur l'article.
M. René-Paul Savary. Avec l’article 3 bis, nous abordons la politique de l’emploi.
Cet article, qui résulte d’un amendement de la commission des affaires sociales, laquelle avait réfléchi sur le sujet, pose les jalons de la décentralisation de la compétence « emploi » aux régions.
En effet, dès lors que la région est compétente en matière de développement économique, d’orientation, de formation professionnelle et d’apprentissage, pourquoi ne pas aller au bout de la logique en lui confiant également cette compétence emploi ? Car l’emploi nous préoccupe tous.
Vous ayant déjà présenté en détail le contenu de cet article additionnel lors de la discussion générale, je me contenterai de rappeler les deux principes fondamentaux qui ont guidé notre réflexion. D’une part, nous confortons les missions de Pôle emploi au niveau national et régional afin d’en faire l’acteur incontournable de la politique de l’emploi. D’autre part, la région aura la charge d’assurer la coordination des intervenants du service public de l’emploi sur son territoire, ce qui implique naturellement qu’elle préside le Comité régional de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles, le CREFOP, qui a été créé par la loi du 5 mars 2014.
Le mérite de cet article additionnel est, me semble-t-il, de lancer le débat, sans tabou, sur la place des régions en matière de coordination de la compétence emploi puisque nous ne pouvons pas aller plus loin – article 40 oblige !
Je ne suis pas certain de bien comprendre les intentions du Gouvernement en la matière. Mme Marylise Lebranchu, puis M. André Vallini se sont tout d’abord montrés favorables à une expérimentation de la décentralisation de la compétence emploi – lors d’une réunion qui s’était tenue salle Clemenceau –, avant que le Premier ministre lui-même n’y mette son veto à Dijon en faisant en sorte de présenter l’amendement n° 760 du Gouvernement, qui revient au texte initial et qui vide complètement de sa substance l’article 3 bis que nous avons essayé de mettre sur pied dans notre souci de transfert d’une coordination de cette politique de l’emploi au niveau régional en cohérence avec orientation, formation professionnelle et apprentissage.
Il y a une redoutable logique dans cette affaire. C'est la raison pour laquelle il est important de se pencher très sereinement sur ce dispositif. Il ne s’agit pas de déshabiller les compétences de l’État – c’est une compétence régalienne. Il ne s’agit pas de remettre en cause le code du travail. Il ne s’agit pas, bien entendu, de remettre en cause les allocations attribuées aux chômeurs. Il s’agit d’envisager une meilleure coordination de la politique de l’emploi à l’échelon régional pour mieux la décliner à l’échelon local.
Je tenais à vous présenter le cadre de travail qui nous a animés pour cet article 3 bis.
M. le président. La parole est à M. Christian Favier, sur l'article.
M. Christian Favier. Madame la ministre, mes chers collègues, la situation de l’emploi est particulièrement grave dans notre pays puisque les dernières statistiques officielles de Pôle emploi, publiées en décembre, ont marqué une nouvelle étape dans la détérioration de la situation avec plus de 5,5 millions de personnes privées d’emploi au total entre les trois catégories A, B et C.
Y a-t-il pour autant un lien de cause à effet entre la progression du nombre des personnes privées d’emploi et l’activité de Pôle emploi qui, pour le compte de l’État, est chargée d’intervenir pour les recevoir, les indemniser et les orienter vers la reprise d’activité ?
Est-ce en confiant l’organisation du service public de l’emploi aux régions que l’on va résoudre le problème ? C’est la question qui nous est posée.
Il y a, on le sait, beaucoup de non-dits en matière d’emploi dans notre pays et le chômage, s’il constitue le problème sur lequel chacun se penche avec gravité, recouvre aujourd’hui des formes si diverses qu’il est quasiment impossible de penser qu’une simple « réorganisation administrative » du service public de l’emploi suffise à renforcer les moyens de le réduire.
La seule lecture des données statistiques de Pôle emploi fixe rapidement les choses.
Les deux premières sources du chômage continuent d’être les mêmes : d’une part, les licenciements économiques ; d’autre part, les privations d’emploi pour fin de contrat de travail à durée déterminée.
Certains parlent de rigidité du code de travail, alors qu’il a été largement fragilisé depuis une bonne trentaine d’années par l’ensemble des dispositifs de flexibilité facilitant les embauches sur durée précaire ou limitée, favorisant notamment l’intérim et le temps partiel imposé, ce qui, faut-il le rappeler, touche les femmes en priorité.
Ce n’est pas parce que les régions auront acquis l’éventuelle mission d’organiser les services de Pôle emploi que cette situation cessera.
Il convient, de notre point de vue, de faire le bilan de la fusion ratée de l’ANPE et des ASSEDIC.
La qualité du service rendu aux personnes privées d’emploi passe, de fait, par une clarification et une amélioration du dialogue social au sein des services de Pôle emploi et par un renforcement des garanties collectives accordées aux salariés de l’établissement.
D’autant que les opérateurs privés de soutien à la recherche d’emploi qui se sont développés ces dernières années n’ont pas fait la démonstration, dans le cadre de la fin du monopole de la gestion des offres et demandes d’emploi par l’ANPE, de leur capacité à faire mieux que l’opérateur public.
Il convient donc, selon nous, de renforcer les garanties collectives accordées aux agents de Pôle Emploi pour gagner en efficacité dans l’action menée face au chômage. Moins de précarité au sein des personnels de l’établissement, c’est plus de disponibilité pour les personnes privées d’emploi, plus de suivi personnalisé et de qualité.
C’est notamment ainsi que nous rendrons plus performant le service public de l’emploi, même si ses difficultés sont loin d’être le seul obstacle sur la voie du plein-emploi.
Enfin, il faut le dire, la disparité des moyens entre les régions ne permettra pas un traitement égalitaire des citoyens privés d’emploi sur l’ensemble du territoire. Aussi, nous ne sommes pas favorables à ce transfert de compétences vers les régions.
Si, malgré tout, on devait aller au bout de ce transfert, il ne faudrait pas s’arrêter au milieu du gué, mais transférer aussi aux régions la gestion du RSA, puisque ses allocataires, au nombre de 1 million, n’ont pas vocation à demeurer seulement des bénéficiaires d’allocations sociales, mais sont appelés à retrouver un emploi.
Si l’on doit donner cette mission ambitieuse aux régions, il faut aussi leur confier la gestion du RSA.