M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Nous avons mené un certain nombre d’auditions afin d’élaborer cet amendement quelque peu compliqué. Tout le monde fait le constat de cette complexité, et cela ne date pas aujourd’hui : depuis 2004 on sait qu’en France le dispositif d’intervention en matière de politique de l’emploi est le plus compliqué d’Europe.
Regardez qui intervient dans ce domaine : l’État, ses services déconcentrés, Pôle emploi, les missions locales, Cap emploi, les maisons de l’emploi, les structures en charge des plans locaux pour l’insertion et l’emploi – les PLIE –, les collectivités territoriales, les partenaires sociaux, les chambres consulaires. C’est une véritable mosaïque, vous voyez comme l’affaire est compliquée !
Et face à ce constat, nous devrions rester les bras croisés ? Il y a plus de trois millions de chômeurs, et on nous dit : « ne bougeons pas ! »
On entreprend une réorganisation territoriale dont le problème le plus crucial est l’emploi, et dans ce domaine, on ne devrait surtout toucher à rien ? C’est cela que vous proposez, madame la ministre !
En dehors de celui dont nous discutons maintenant, ce texte ne contient plus d’articles concernant l’organisation ou la gestion de l’emploi ! Il est proprement sidérant que, dans une période économique particulièrement difficile, nous ne soyons pas capables de parvenir à un consensus pour essayer, au moins, de mieux réorganiser !
Vous avez, dites-vous, encore augmenté le personnel de Pôle emploi. Dont acte ! Mais la réponse, c’est toujours plus de charges ! Nous savons que les coûts de fonctionnement de nos politiques sont déjà trop importants, mais on en ajoute encore ! Or, à travers la coordination, on pourrait, si chacun parvenait à faire un effort, envisager de définir une meilleure réponse à périmètre financier constant. C’est une ambition tout à fait légitime.
Votre amendement prévoit pourtant de ne surtout rien bouleverser. Voilà : ça va mal, c’est compliqué, c’est difficile, mais, surtout, on ne bouleverse rien ! Telle n’est pas la réponse que les Français espèrent vous voir apporter à leur première préoccupation : le chômage.
Que proposons-nous ? Tout simplement une meilleure coordination, notamment au niveau des comités régionaux de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles, les CREFOP. Votre réponse ? Ils seront coprésidés ! Ah, c’est facile une coprésidence ! Ça permet de vraiment régler les problèmes ! Quand il y a une difficulté, on crée une commission ou on met en place une coprésidence. C’est souvent ce que je fais sur mon territoire quand je veux que rien ne bouge ! Une coprésidence entre préfet et président de région, c’est la garantie que personne ne prendra de décision.
Une mesure simple de coordination consisterait à confier à un président de région la présidence de ces CREFOP, que vous avez vous-même créés, madame la ministre.
Ces comités sont issus de la loi de mars 2014. Ce n’est pas très ancien : c’était il y a presque un an ! Ils ne se sont réunis qu’en fin d’année pour essayer de désigner les membres d’une commission exécutive. La politique de l’emploi, est-elle ou non une priorité ?
Le CREFOP offrait véritablement l’ébauche d’une instance de coordination, mais personne ne l’a réunie ! Très peu de régions ont mis sur pieds le dispositif. On peut toujours en changer la présidence, cela ne bouleversera rien : ces comités n’ont encore pris aucune décision.
C’est pourquoi nous proposons un système qui ne mettra personne de côté : le président du conseil régional assurera la coordination de la politique de l’emploi, et non pas sa gestion, j’insiste.
Que proposez-vous ? Une sous-commission chargée de la stratégie pour coordonner ! Retour à la case départ ! Ce n’est franchement pas une idée consensuelle. Voilà pourquoi nous avons fait un pas, qui, je le répète, ne fragilise en rien les partenaires sociaux. Épargnez-nous un procès d’intention à ce sujet : nous avons été très respectueux des prérogatives de chacun.
Concernant l’amendement n° 677, Bernard Cazeau a raison, il faut revoir la politique du handicap. Toujours au cours des auditions que nous avons menées, les acteurs nous ont fait part des remontées du terrain. Elles ne valent que pour ce qu’elles sont, mais je vous en fais part.
Beaucoup d’entre eux déplorent « la baisse des formations des personnes handicapées financées par les régions ». En 2013, 5 162 personnes handicapées ont été prises en charge dans le domaine de la formation, alors qu’il y en avait 10 321 en 2011. En effet, les régions n’utilisent pas toujours les sommes versées, notamment par l’AGEFIPH, pour prendre en charge les actions d’insertion professionnelle de ces personnes handicapées. L’affaire est grave !
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Savary !
M. René-Paul Savary. Le taux de chômage des personnes handicapées est plus important que celui du reste de la population.
Néanmoins, dans un souci, là aussi, de respect des différents acteurs locaux, il nous a semblé que l’accompagnement social en général, concernant les personnes handicapées ou non, relevait toujours de la compétence des départements.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Bien sûr !
M. René-Paul Savary. C’est au niveau des plans territoriaux d’insertion, les PTI, que la coordination locale doit se faire, sous prérogative, bien sûr, de la coordination régionale assurée par le président de région.
Je ne voterai donc pas l’amendement du Gouvernement, et je m’abstiendrai sur l’amendement de M. Cazeau, qu’il faut améliorer.
M. le président. Madame la ministre, mes chers collègues, il est minuit, je vous propose de poursuivre nos travaux jusqu’à zéro trente, de manière que nous achevions l’examen de l’article 3 bis et que nous examinions l’amendement portant article additionnel après l’article 3 bis. (Assentiment.)
La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Nous voterons en faveur des amendements nos 727 et 677, respectivement présentés par nos collègues Pierre Jarlier et Bernard Cazeau, ainsi que l’amendement n° 1028 de la commission, mais nous ne suivons pas le Gouvernement sur son amendement n° 760.
Tout le monde s’accorde sur la nécessité d’une gouvernance efficace des politiques de l’emploi. Tendre vers leur territorialisation permettra un traitement plus fin des situations et des réponses apportées.
Madame la ministre, nous avons entendu les inquiétudes du Gouvernement, qui craint qu’une régionalisation des politiques de l’emploi ne déstabilise le système en vigueur autour de Pôle emploi. Nous ne les partageons pas, et ce pour deux raisons.
Tout d’abord, les collectivités locales agissent déjà fortement en matière d’emploi. Les missions locales interviennent notamment dans la gestion des emplois d’avenir.
Ensuite, le présent texte confère une responsabilité forte aux régions en matière économique. À nos yeux, la coordination régionale du service publique de l’emploi est cohérente avec la responsabilité des régions en matière d’économie, de gestion des lycées, de formation professionnelle, d’orientation, d’enseignement supérieur et de recherche, ainsi que de soutien aux mesures éducatives, après l’adoption hier de l’amendement proposé par ma collègue Marie-Christine Blandin.
Il nous semble donc que se dessine ici un faisceau de compétences régionales tout à fait cohérent, de nature à créer les conditions d’une action régionale efficace.
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.
M. Michel Mercier. Madame la ministre, l’amendement que vous avez déposé m’interpelle pour deux raisons.
Si j’ai bien compris, avec ce projet de loi, vous souhaitez que la région devienne le principal acteur local en matière de développement économique. Sur ce point, la commission vous a suivie, et on vous a suivie.
Toutefois, pour être efficace en matière de développement économique, il faut pouvoir jouer sur tous les tableaux. L’objectif recherché c’est forcément une meilleure efficacité de l’action publique. Si l’on ne veut rien changer, si l’on veut simplement faire joli dans un tableau répartissant les compétences, on va rater un peu la réforme. Je le répète, le Sénat et la commission des lois vous ont largement suivie jusqu’à présent, madame la ministre.
Il n’est pas facile, je le sais, de changer les choses pour ce qui concerne les institutions traitant des politiques de l’emploi. Je me souviens parfaitement de la création de Pôle emploi. Je ne dis pas du tout que les choses sont simples et faciles. Mais quand même, ce n’est pas parce qu’il est difficile de modifier les choses qu’on ne doit pas le faire !
Honnêtement, si l’on veut que la région obtienne de bons résultats en matière de développement économique, il faut qu’elle puisse actionner tous les leviers, même si cela ne doit pas être forcément fait de manière exclusive : elle doit pouvoir développer l’apprentissage, la formation professionnelle et avoir aussi accès aux leviers de l’emploi. Telle est ma première remarque.
Or l’amendement que vous avez présenté, madame la ministre, vise simplement à supprimer ce qu’a fait le Sénat. Certes, vous prévoyez la création d’un siège supplémentaire dans un conseil d’administration, mais cela ne changera pas la face du monde.
L’alinéa 10 de l’article 3 bis du texte de la commission prévoit des conventions pluriannuelles au niveau régional pour régler les problèmes avec l’institution Pôle emploi. Or, même là, vous proposez d’ajouter les termes « le cas échéant ». C’est dire la grande timidité qui est la vôtre…
Voilà ce qui me fait dire qu’on ne cherche pas en fin de compte à rendre véritablement efficace l’action publique.
Par ailleurs, si l’on veut qu’une réforme territoriale ne soit pas remise en cause par la nouvelle majorité immédiatement après avoir été engagée – de nombreux exemples montrent que les majorités qui se succèdent jouent souvent au Yo-Yo ! –, il faut qu’elle soit acceptée par des majorités qui dépassent un seul camp.
Le Sénat et la commission des lois l’ont bien compris, puisque deux corapporteurs ont été désignés, l’un appartenant au groupe socialiste et l’autre au groupe UMP. En tant que membre d’un groupe minoritaire, je pourrais me plaindre parce que je vois toujours passer le train, mais celui-ci ne s’arrête jamais…
M. René-Paul Savary. Oh !
M. Michel Mercier. C’est la vérité ! Mais j’accepte cette situation parce qu’elle témoigne de la recherche de l’efficacité.
Le texte de la commission a été adopté par une majorité plus large que celle du Sénat ou de l'Assemblée nationale. Dès lors, je ne comprends pas pourquoi le Gouvernement refuse d’entrer dans la discussion. D’ailleurs, si j’ai bien compris, l’amendement n° 760 n’est que le premier d’une série d’amendements visant à revenir au texte initial du Gouvernement.
M. Michel Mercier. Eh oui, madame la ministre, je crois qu’il y en a d’autres ! Je le crains…
M. Bruno Retailleau. Il a raison !
M. Michel Mercier. Si vous voulez que la réforme soit acceptée – nous sommes de bonne volonté ! –, dites-nous clairement quelles sont les intentions du Gouvernement ! Nous sommes prêts à siéger tous les jours, même le samedi, et tous les soirs jusqu’à minuit et demi – cela ne nous pose aucun problème ! –, mais encore faut-il que cela serve à quelque chose. Ne renvoyez pas tout comme ça, sans explication ! Dites-nous ce que vous voulez faire et ayez à l’esprit le fait que nous devons rechercher, tous ensemble, la meilleure efficacité pour l’action publique.
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis.
Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Permettez-moi, à mon tour, de dire quelques mots sur la volonté de nous tous ici, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, de lancer et d’approfondir le débat sur l’efficacité des politiques publiques de l’emploi au niveau des régions, dans le cadre de la navette parlementaire, du fait de la multiplicité des acteurs, comme mes collègues l’ont rappelé.
Nous devons planter le décor, une bonne fois pour toutes, à l’échelle de la région, sans, pour autant, retirer des prérogatives à certains niveaux de territoire. La région permet d’avoir une vision stratégique, mais il faut nous préparer à définir, avec les outils de concertation prévus à tous niveaux territoriaux, la façon dont nous allons pouvoir travailler avec Pôle emploi, mais aussi avec l’ensemble des collectivités territoriales.
Ainsi que cela a été rappelé, les collectivités territoriales jouent aujourd'hui un rôle essentiel. Toutefois, les missions de toutes les autres structures lui étant juxtaposées, on constate une grande inefficacité dans l’utilisation des moyens mis à la disposition de tous ceux qui sont aujourd'hui éloignés de l’emploi.
Même si l’on n’y voit pas encore bien clair sur la façon dont les choses vont s’articuler – certes, nous lançons des pistes, et le travail ne fait que commencer ! –, je suis extrêmement sensible à la démarche engagée. De nombreux présidents de conseils généraux se sont exprimés ; ils nous apportent des éléments, car, dans le cadre de leurs compétences, ce sont des sujets qu’ils connaissent bien. Les conseils régionaux consacrent des budgets énormes au titre de la politique de formation professionnelle et de la politique économique.
Pour leur part, les intercommunalités – métropoles, grandes ou petites intercommunalités – gèrent en direct des maisons de l’emploi ou participent à cette action au travers de groupements d’intérêt public, ainsi que des plans locaux d’insertion par l’économie. Certaines d’entre elles sont déjà en train de créer des services de l’emploi pour pallier les manquements actuels. Elles rencontrent en effet parfois des difficultés à trouver des solutions partagées en termes d’accompagnement à la création d’emplois lorsque des projets économiques sont engagés dans des territoires.
Bref, l’ensemble des collectivités mobilisent de nombreux moyens. Or, souvent – bien trop souvent ! –, nous n’arrivons pas à trouver les voies et moyens susceptibles de faire en sorte que les outils stratégiques, les financements portés par les niveaux institutionnels régionaux, départementaux et intercommunaux s’articulent pour répondre aux priorités stratégiques. Il convient de tout articuler, de bien structurer et lier toutes les actions afin que, tant au niveau régional qu’à tous les niveaux territoriaux, Pôle emploi puisse – enfin ! – avoir une ossature lui permettant de décliner ses actions de façon intelligente et structurée, avec un chef de file, qui, bien sûr, ne remet pas en cause une fois pour toutes les compétences des uns et des autres.
Selon moi, avec cet article 3 bis, nous pouvons aujourd'hui commencer à structurer des outils et engager une véritable réflexion sur cette question, qui pourra nous conduire, dans le cadre de la navette, à préciser un peu plus les choses et à proposer des mesures concrètes.
Mes chers collègues, vous l’avez souligné, il importe de trouver – enfin ! – des solutions, afin d’optimiser l’utilisation des milliards d’euros consacrés par les uns et les autres dans la politique de l’emploi. Il convient non pas de réduire les moyens consacrés à cette question, mais de trouver des solutions efficaces à un plus grand nombre de demandes des demandeurs d’emploi.
Combien de fois entend-on qu’il y a une déconnection complète entre les offres et les demandes d’emploi ! Eu égard aux sommes assez considérables que tous les territoires consacrent à la politique de l’emploi, nous ne devrions pas entendre de tels propos. Il y a une incapacité à anticiper, à prévoir. Ce n’est plus possible, il faut changer cet état de fait ! Trouvons le moyen de commencer à traiter ce problème !
M. le président. La parole est à M. Michel Delebarre, pour explication de vote.
M. Michel Delebarre. Notre position n’est pas rêvée. Ceux qui nous regardent travailler sur les orientations que nous voulons donner à la politique de l’emploi ne manqueront pas de nous trouver un peu légers si nous n’arrivons pas à fixer un certain nombre d’éléments forts dans le domaine de l’emploi. Et, monsieur le président, ce n’est pas en nous demandant si nous allons voter tel ou tel amendement que nous nous en sortirons !
Pour ma part, je voterai les deux amendements, en espérant non pas qu’ils demeurent dans leur rédaction actuelle, mais qu’on puisse construire quelque chose, qui satisfera ceux-là mêmes qui attendent que la Haute Assemblée fasse un travail parlementaire positif.
Je l’ai dit au rapporteur, le travail de la commission a été fait et bien fait, tant et si bien que ce dernier a une dizaine ou une quinzaine de revendications ou de suggestions, pour montrer que c’est en ce sens qu’il faut essayer d’avancer.
De son côté, Mme la ministre présente un certain nombre d’orientations dont elle dit qu’elles sont positives et sont de nature à faire évoluer les choses. D’ailleurs, constatons que certains points sont positifs.
Toutefois, les deux propositions ne collent pas, et elles ne colleront pas plus dans cinq minutes lorsque nous devrons nous prononcer sur celles-ci !
En revanche, en l’espace de quelques jours, j’en suis convaincu, on peut élaborer un produit qui soit beaucoup plus significatif.
L’un des points qui posait problème – un certain nombre de sénateurs avaient cette arrière-pensée –, c’est Pôle emploi.
C’est très drôle, il y a quelques heures, un certain nombre de ministres de l’économie et des finances potentiels se laissaient aller à prévoir des impôts nouveaux et à formuler certaines propositions pour l’avenir de la France. En l’occurrence, si nous nous laissions aller, nous serions quelques-uns à être des ministres de l’emploi, potentiels aussi : quand on est ministre de l’emploi, on est bien moins opérateur qu’on ne le croit !
À croire qu’on va pouvoir prendre telle chose ou telle autre à Pôle emploi ! Mais non, cela ne va pas… Pôle emploi est une création de l’État.
M. Michel Mercier. Une création difficile !
M. Michel Delebarre. Certes, mais cette institution, qui a ses propres problèmes, commence à bouger, à évoluer. Laissons l’État assumer sa responsabilité !
En revanche, nous pouvons faire avancer les choses sur bien d’autres points, qui se trouvent à l’intersection des propositions de Mme la ministre et des suggestions de M. le rapporteur. Alors, travaillons à les faire converger ! Voter tel ou tel amendement ne changera pas les choses.
M. Bruno Retailleau. Ah oui, il faut bien voter, pourtant !
M. Michel Delebarre. Oh, j’applaudis des deux mains ceux qui pensent qu’il suffit de voter quelque chose pour que cela devienne réalité. Mais, après, il faut ramer, si je puis dire, pour rendre les choses un peu cohérentes afin de pouvoir les mette en œuvre.
Moi, je souhaite qu’on soit capable de faire ensemble quelques propositions en matière de politique de l’emploi. Les gens pourront dire : c’est bien, ils ont raison, ils ont regardé ce qui se passe, et on agit.
M. Bruno Retailleau. On ne change rien !
M. Michel Delebarre. Pour ma part, je voterai bien un mix des deux amendements. Même si Jean-Jacques Hyest n’y croit pas, moi j’y crois.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ce n’est pas de cette manière que cela se passe !
M. Michel Delebarre. On peut faire bouger les lignes. On n’a pas besoin de quinze jours pour faire des propositions. Nous devenons caricaturaux : vous votez cette proposition, vous ne votez pas l’autre ! Comme si les dispositions proposées dans le premier amendement étaient bonnes et pas les autres !
Vu la situation, faisons un effort pour élaborer une proposition crédible et présentable entre celle de Mme la ministre et celle de M. le rapporteur. Si nous ne parvenons pas à trouver un terrain d’entente, excusez-moi de vous le dire, c’est que nous ne sommes vraiment pas doués. Or ce n’est pas vrai ; je crois que nous sommes plus doués que cela !
En formulant cette suggestion, je suis bien conscient que je complique votre tâche, monsieur le président, mais je connais vos capacités.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je veux bien tout ce que l’on veut. Le rapport de la commission a été déposé avant Noël. Nous avons fait des propositions.
Si tout le monde avait la volonté sincère, comme on nous l’avait dit ou comme on nous l’avait laissé espérer, de travailler ensemble, il en serait autrement. Mais, c’est toujours pareil, comme sur d’autres sujets, un jour, quelqu’un nous dit que nos propositions sont très bien et, le lendemain, une autre personne nous dit qu’elles n’ont plus rien à voir avec le texte.
Conclusion : nous sommes face aujourd’hui à un amendement du Gouvernement qui ne comprend que deux bricoles, autrement dit rien, et qui tend simplement à supprimer tout ce que la commission des lois et la commission des affaires sociales avaient modestement suggéré. Elles avaient proposé de mieux associer la région aux politiques d’accompagnement vers l’emploi.
Cette proposition ne me paraît pas excessive, mais, comme toujours, on la dénature. On nous dit que nous voulons tout anéantir, remettre en cause le partenariat social pour l’indemnisation du chômage. J’ai entendu n’importe quoi.
Il est vrai que chaque « boutique » est plus attachée à sa pérennité qu’au service public. C’est ainsi dans notre beau pays : on veut maintenir des structures non coordonnées. C’est bien pourquoi nous voulons la coordination, celle-ci devant se faire au niveau régional.
Par ailleurs, j’ai la conviction profonde qu’il est indispensable de lier accompagnement vers l’emploi et formation, et cela doit se faire au niveau régional, sinon cela ne fonctionnera pas.
La formation professionnelle a été confiée aux régions, certains s’en plaignent, notamment les services qui en étaient chargés avant. Or, comme je le dis toujours, les services publics sont au service du public, et non pas au service de ceux qui les constituent.
J’admire Michel Delebarre, mais lorsqu’il se prononce en faveur de l’amendement du Gouvernement, qui détruit totalement ce que nous avions patiemment élaboré,…
M. Michel Delebarre. Ce n’est pas vrai !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. … cela signifie clairement que, alors que nous nous sommes battus pour donner le maximum de compétences économiques à la région, ce qui n’a pas été facile, on refuse toute nouvelle décentralisation.
D’ailleurs, la situation sera sans doute la même en ce qui concerne la formation universitaire et scolaire. On voudra que l’éducation nationale s’en charge seule – elle s’en occupe tellement bien… –, alors que la formation professionnelle relève de la compétence de la région. Une liaison entre les deux ne me paraît pas non plus excessive. (Mme Nicole Bricq s’exclame.) En effet, il y a des formations des deux côtés sans aucune communication entre elles. Pensez-vous vraiment que cela fonctionne bien ? (Mme Nicole Bricq s’exclame de nouveau.)
Lors de notre long débat commission des lois qui a précédé l’adoption de cet amendement, j’avais l’impression – mais cela a peut-être changé, ce qui est normal…– que l’on était parvenu à un vrai consensus.
M. René-Paul Savary. Moi aussi !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La première fois que nous avons parlé de ce sujet, certains m’ont dit : Le ministère du travail n’en voudra pas. (M. Michel Delebarre s’exclame.) Cela se confirme.
Si on dit « non » à toutes les nouvelles propositions du Sénat (M. Michel Delebarre s’exclame de nouveau.), si en plus on nous dit que tout ce que l’on a fait – j’espère que ce que nous proposons sur la compétence économique de la région demeurera ; mais on peut s’attendre à tout… – ne sert à rien, c’est quand même un peu dommage.
C’est pourquoi je considère qu’il faut voter le texte de la commission et ensuite discuter réellement pour aménager et trouver des solutions. Mais si le texte de la commission n’est pas adopté, cela signifie que l’on ne veut rien faire. Or ce n’est pas du tout ce que nous souhaitons.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Il faut tout prendre en compte, y compris avec vous, monsieur Retailleau, qui avez regagné l’hémicycle à l’instant pour ce sujet important.
Nous avons eu dans cette enceinte une discussion, laquelle s’est terminée en mars 2014, sur un texte qui figurait dans le projet de loi « décentralisation » et qui était le gros point de la décentralisation.
J’ai accepté en début d’année que cette grande partie soit enlevée du texte que nous discutons aujourd’hui afin de gagner du temps sur la formation professionnelle et les grandes questions de l’emploi.
La décentralisation majeure, en dehors de la gestion des fonds structurels, qui était dans le premier projet de loi, vous ne la souteniez pas du tout. Je le rappelle par souci de cohérence – nous devons tous être cohérents avec nos propos antérieurs.
En effet, à l’époque, la majorité actuelle du Sénat et une partie de l’ancienne majorité, soit environ les trois quarts des sénateurs, ne soutenaient pas le grand volet de la décentralisation, considérant qu’il allait trop loin et qu’il contenait un trop grand nombre d’articles.
Nous avions alors passé un accord avec le ministre de l’emploi pour que, compte tenu de la position des sénateurs et de l’urgence, le texte de décentralisation sur la formation professionnelle puisse passer en priorité.
Nous avons donc réussi un tour de force : la plus grande compétence décentralisée a été portée non par la ministre en charge – parce que le Sénat s’y opposait –, mais par le ministre du travail et de l’emploi.
À ce moment-là, il était parfaitement possible, s’agissant d’un texte de réforme et de décentralisation de la formation professionnelle, d’aborder aussi la gestion des problèmes de l’emploi au niveau des régions, des départements, et des intercommunalités, puisque nous discutions de la question de la décentralisation. Or personne n’est intervenu, ou très peu, pour tenter de rationaliser les choses.
Voté en mars, le texte s’applique depuis le 1er janvier 2015. Avant la fin du premier mois de son application…
M. Bruno Retailleau. Il n’y a pas de bon moment ni de mauvais moment !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Monsieur Retailleau, je ne vous ai jamais interrompu ! Un membre du Gouvernement n’a pas les mêmes droits qu’un sénateur, me direz-vous, et vous avez raison, mais je vous prie de ne pas m’interrompre.
Le 1er janvier 2015, la mise en application de la décentralisation de la formation professionnelle et la mise en place de ce fameux comité, issu de cette phase de décentralisation, devaient donc débuter.
Trois semaines après, on s’oppose à cette mise en application, jugeant que l’on s’est trompé. Ce qui était valable au 1er janvier 2015 ne l’est plus : la responsabilité de la gestion est confiée à la région.
Il est vrai que l’application d’une loi peut poser problème, et mérite peut-être une nouvelle discussion. Néanmoins, je garde en mémoire le rejet par les sénateurs de la décentralisation de la formation professionnelle.
Lorsque nous sommes arrivés avec cette loi le 5 octobre 2012, vous n’y étiez pas non plus favorables, et d’excellents arguments étaient avancés, tels que l’égalité de droit des gens par rapport à la formation professionnelle ou l’égalité de droit par rapport aux services publics. Mais vous êtes revenus sur ce que vous avez dit à l’époque et la situation a bien changé depuis, et c’est tant mieux !
Cela étant, ce n’est pas simple de réécrire complètement un projet de loi après si peu de temps, car c’est bien de cela qu’il s’agit. Lorsqu’on parle du comité régional en disant qu’on a juste opéré un changement, il ne faut pas oublier que ce comité régional a trois semaines !
Nous recherchons tous une meilleure efficacité de l’action publique, monsieur le rapporteur. Nous en sommes tous d’accord, il faut améliorer la performance de Pôle emploi. C’est l’objectif de la nouvelle convention tripartite. Il n’est pas possible d’enfoncer un coin dans la porte d’une convention tripartite.
Il est question de permettre aux régions de renforcer l’investissement sur les compétences en matière de formation. Cependant, la part des régions dans la formation des demandeurs d’emploi a baissé l’an passé. Il s’agit là aussi d’un problème que nous devons regarder de près. Pourquoi a-t-elle baissé ? Et beaucoup de ceux qui dirigent les régions me sont proches.
L’amendement du Gouvernement vise à renforcer la coordination entre les opérateurs, même si nous avons parfaitement conscience, monsieur le rapporteur, que les choses ne sont pas suffisamment avancées, je l’ai dit à plusieurs reprises.
La ligne rouge, c’est que l’État ne perde pas les leviers dans le déploiement de ses dispositifs. Il faut regarder cela de près et nous le ferons. J’imagine ainsi que certains qui évoquent souvent l’unité de la République seront attentifs à cet égard. Nous devons savoir comment il est possible de lier vos propositions et la réalité.
Concernant la rationalisation des opérateurs, les uns et les autres s’interrogent sur la nécessité de maintenir, à côté de Pôle emploi, à côté des missions locales, à côté des maisons de la formation professionnelle, les maisons de l’emploi, financées en partie par l’État ?
Nous pourrions peut-être commencer par supprimer les maisons de l’emploi.