M. Charles Revet. La France ne représente que 1 % des émissions de CO2 mondiales et n’émet que 5 tonnes par an et par habitant de CO2, soit le plus faible niveau parmi les principaux pays industriels de la planète. On ne peut que s’en féliciter.
Néanmoins, il convient de veiller, lors de la mise en œuvre d’une politique énergétique nationale fondée sur des objectifs de réduction des émissions de CO2, à ne pas créer des distorsions de compétition pour notre pays, faute d’engagements et de contraintes concrètes identiques pour les autres pays. C’est l’objet de cet amendement.
Madame la ministre, nous voulons être les meilleurs. Soit ! Mais il convient que, notamment au niveau européen, nos partenaires respectent les mêmes règles. Or je pourrais multiplier les exemples, même en m’éloignant un peu du sujet, qui vous montreraient qu’il n’en est rien.
Ayant été chargé des problèmes portuaires, maritimes et de la pêche, j’ai pu constater que la France dispose du patrimoine économique maritime le plus important du monde, presque équivalent à celui des États-Unis, mais qu’elle importe 85 % de ses poissons et crustacés !
Quand les pêcheurs de mon département se plaignent de ne pas avoir le droit de pêcher la coquille Saint-Jacques ou autres, et que des bateaux belges, hollandais ou anglais viennent pêcher au même moment dans les eaux territoriales françaises, ils ne comprennent plus rien !
Agissons donc au mieux, mais pas au détriment de nos propres entreprises !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Je souscris tout à fait à l’objet de l’amendement de Charles Revet. Toutefois, il faut aller au bout de sa lecture : il s’agit de subordonner l’objectif de réduction des gaz à effet de serre à la conclusion d’un accord international contraignant en la matière. Vous ne l’obtiendrez jamais, mon cher collègue, car il suffit qu’un pays ne soit pas d’accord pour que toute obligation d’objectifs disparaisse !
Je sais bien que vous en avez assez de voir notre pays être vertueux quand d’autres ne le sont pas. La France est, non pas le premier, mais le second pays le plus vertueux d’Europe en matière d’émission de gaz à effet de serre, grâce à notre nucléaire et notre hydraulique – nous ne sommes battus que par la Suède.
Néanmoins, je le répète, conditionner tout objectif de réduction d’émissions de gaz à effet de serre à un accord international serait une autre manière de s’interdire le moindre objectif en la matière.
Même si je suis, comme vous, cher collègue, énervé par l’attitude de nos voisins, un tel degré d’exigence me paraît irréaliste. C’est pourquoi je vous prie de bien vouloir retirer votre amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Revet, l'amendement n° 22 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Charles Revet. J’aurais préféré que Mme la ministre ne se contente pas de faire sien l’avis de notre rapporteur, car, même si c’est bien sympathique pour notre collègue,…
M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Cela prouve que le rapporteur est très bon ! (Sourires.)
M. Charles Revet. … c’est un peu court !
Pourriez-vous, madame la ministre, nous indiquer les démarches que le Gouvernement entend entreprendre auprès de nos partenaires européens, afin que nous soyons placés sur un pied d’égalité dans la compétition ? Si nous ne pouvons pas imposer une convention internationale à l’ensemble des États membres de l’Union, il nous est tout à fait possible en revanche de réfléchir aux dispositions qui pourraient éviter à nos entreprises de perdre systématiquement du terrain.
J’ai cru comprendre que l’emploi était l’un des objectifs prioritaires du Gouvernement. Or, chaque mois, nous perdons en compétitivité. Il faudra peut-être, un jour, entamer une réflexion sur les moyens de rebondir. C’est ce que j’aurais aimé vous entendre dire, madame la ministre.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
M. Charles Revet. Je comprends bien.
Mme Éliane Assassi. Vous avez déjà développé tous les arguments !
Mme Ségolène Royal, ministre. C’était aussi une manière pour moi de rendre hommage aux travaux de votre commission.
M. Jean-François Husson. C’est subtil ! (Sourires.)
Mme Ségolène Royal, ministre. Toutefois, j’accepte de vous répondre bien volontiers, monsieur le sénateur.
Tout d’abord, la construction d’une économie décarbonée n’est pas un poids, une corvée ; c’est une chance.
M. Charles Revet. À condition de ne pas être les seuls à la promouvoir !
Mme Ségolène Royal, ministre. Effectivement !
Nous avons la chance de pouvoir être les plus rapides pour monter en puissance sur l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables, grâce à notre base d’énergie nucléaire, qui nous permet d’accélérer cette transition énergétique, et avec la sécurité énergétique que nous avons acquise. Il n’en reste pas moins que tout le monde doit s’y mettre : c’est l’objectif de la conférence Paris Climat 2015.
Pour certains pays, c’est une question de vie ou de mort ! Je reprends l’exemple des États insulaires que nous évoquions : sachant qu’une augmentation de 4 degrés de la température entraînerait une augmentation du niveau de la mer de 7 mètres par endroits, le changement climatique se traduira par la disparition pure et simple d’États, avec 200 millions de réfugiés climatiques à l’horizon de 2050, c’est-à-dire une menace sur la maîtrise de l’eau potable, des sources de conflits, de guerres, un risque de terrorisme nouveau, tout cela pour la maîtrise des ressources naturelles.
Donc, vous avez tout à fait raison, nous devons agir, nous en avons l’obligation, mais dans une dynamique collective.
Cela étant, l’accord que vous souhaitez, nous l’avons déjà au niveau européen. Le Conseil européen a en effet fixé aux États membres un objectif commun de réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre. De plus, aujourd’hui, dans la cadre de la préparation de la conférence de Paris sur le climat, chaque pays doit maintenant dire comment il s’y prend.
La France n’est pas en mauvaise position. Une partie de notre production est déjà décarbonée, grâce au nucléaire. Nous avons décidé, malgré tout, de faire monter en puissance les énergies renouvelables, et d’être plus forts sur l’efficacité énergétique, car c’est un ressort de développement économique, de croissance verte, et donc de création d’activité et d’emplois.
Vous nous alertez sur les dangers d’une concurrence déloyale et nous prenons en considération votre préoccupation dans le cadre de la protection des industries électro-intensives.
Pour le reste, nous considérons que la France, en étant exemplaire, doit jouer un rôle moteur, un rôle d’entraînement au niveau européen. Avec ce projet de loi de transition énergétique, nous concrétisons les objectifs ambitieux que s’est assignés le Conseil européen et, pour répondre à votre légitime préoccupation, nous nous engageons désormais pour faire en sorte que cette démarche européenne se généralise au niveau planétaire. C’est tout l’objet de la conférence sur le climat.
Tels sont les éléments d’information que je souhaitais porter à votre connaissance, monsieur le sénateur.
Mme la présidente. Monsieur Revet, qu’en est-il de l’amendement ?
M. Charles Revet. Je vais le retirer, madame la présidente, car j’ai bien compris que nous ne pouvions pas contraindre nos partenaires, mais je continue de pense que, devant l’importance de l’enjeu, il nous faudra à un moment ou un autre trouver des solutions pour au moins éviter de pénaliser nos entreprises.
M. Gérard Longuet. Et nos emplois !
Mme Sylvie Goy-Chavent. Il a raison !
Mme la présidente. L’amendement n° 22 rectifié bis est retiré.
Je suis saisie de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 274 rectifié, présenté par MM. Gremillet et Raison, est ainsi libellé :
Alinéa 25
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Daniel Gremillet.
M. Daniel Gremillet. Cet amendement vise à supprimer un alinéa qui pose vraiment problème sur le positionnement de notre pays à l’horizon de 2050.
Nous le savons tous, et les chiffres de l’INSEE le confirment, notre pays a perdu beaucoup d’emplois industriels, à un rythme de 9% par an depuis 1975. Sur la même période, la part de la production industrielle dans le produit intérieur brut est passée de 30 % à 19 %.
Dès lors que l’activité et la production industrielle déclinent, la consommation énergétique diminue, comme on le constate, puisque, sur la même période, elle est passée de 44 millions à 29 millions de tonnes équivalent pétrole, ou TEP.
Alors que nous pays connaît de nombreux handicaps, alors que nous avons besoin, si nous voulons conserver notre modèle social, de recréer des emplois industriels et de rendre à notre production industrielle sa juste part dans le PIB, que signifie prendre 2012 comme année de référence, sinon s’inscrire dans la décroissance ? D’autant plus que la population mondiale aura crû entre-temps de 2,2 milliards d’habitants…
Peut-on imaginer que la France, que l’Europe vont rester en dehors du mouvement et qu’elles vont s’astreindre à la décroissance, pour atteindre en 2050 une réduction de 50 % de la consommation énergétique finale ?
Quand on sait que l’énergie consommée par l’industrie représente grosso modo 50 % de la consommation énergétique finale, rester sur cet alinéa annonce un avenir absolument critique pour notre pays et notre économie de production. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Gérard Longuet. Très bien !
Mme la présidente. L'amendement n° 584 rectifié, présenté par Mme Lamure, M. Calvet, Mme Di Folco, MM. Houel, Magras, P. Leroy et César et Mme Primas, est ainsi libellé :
Alinéa 25
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 2° Réduire l’intensité énergétique finale par an et par habitant de 50 % en 2050 par rapport à la référence 2012, en visant un objectif intermédiaire de 20 % en 2030 ;
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Mme Élisabeth Lamure. Je retire l’amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 584 rectifié est retiré.
L'amendement n° 716, présenté par MM. Dantec, Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 25, première phrase
Remplacer les mots :
Porter le rythme annuel de baisse de l’intensité énergétique finale à 2,5 % d’ici à 2030
par les mots :
Réduire la consommation énergétique finale de 20 % en 2030 par rapport à la référence 2012
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Nous sommes dans un débat extrêmement culturel, chacun l’aura compris. Pour certains, consommation énergétique et développement et emplois sont totalement liés. Or, l’enjeu fondamental de la durabilité de nos sociétés, y compris pour ce qui est de la solidité du développement économique, tient justement à la capacité de découpler la consommation énergétique et du développement économique.
Un développement économique durable passe, dans nos pays, par une maîtrise extrêmement forte des consommations énergétiques. À partir du moment où nous avons une loi de planification énergétique, ne pas se donner d’objectif à l’échéance de 2030 n’a pas de sens. On ne peut pas à la fois inscrire dans la loi un objectif de 30 % de réduction des consommations d’énergies fossiles – cela viendra dans la suite du texte - et ne pas se fixer un objectif de réduction de la consommation énergétique finale. Sinon, c’est que l’on n’y croit pas soi-même. D’ailleurs, je pense que certains ici n’y croient pas.
Si nous en restons là, nous ne tiendrons pas les objectifs fixés pour lutter contre le changement climatique, c’est très clair, et la société de la fin du XXIe siècle ne sera ni vivable, ni même imaginable. Cela doit nous interpeller. Il faut, à un moment ou à un autre, que nos discours sur la gravité du changement climatique soient en cohérence avec nos objectifs énergétiques, sinon tout cela n’est que posture. Il faut un objectif raisonnable pour 2030.
L’Europe a aujourd’hui un niveau de consommation d’énergie finale du niveau de celui de 1990, après un pic enregistré vers 2005. On le voit, donc, la consommation d’énergie finale baisse en Europe, à un rythme d’un peu plus de 1 % par an. Fixer un objectif de 20 % en 2030, c’est globalement, consacrer dans la loi la tendance européenne, et ce n’est pas un effort gigantesque.
En outre, il faut rappeler que 50 % de la consommation finale est une consommation domestique, avec des enjeux forts tant sur les modes de vie que sur la qualité des produits utilisés ; cela va de la voiture ne consommant que deux litres aux cent kilomètres à la recherche d’une certaine efficacité énergétique dans les produits électroménagers. Bref, les marges de manœuvre sont extrêmement importantes pour réduire la consommation énergétique.
Nous proposons un objectif extrêmement raisonnable – réduire la consommation énergétique finale de 20 % en 2030, et ce par rapport à la référence 2012 - et je m’excuse par avance du caractère modeste de notre amendement auprès de ceux qui ne manqueront pas de le relever. Notre objectif est en outre cohérent avec le reste du projet de loi, et cohérent avec la lutte contre le changement climatique, phénomène dont j’ai bien l’impression, à écouter les uns et les autres, que tous n’ont pas encore pris la mesure de la gravité.
Mme la présidente. L'amendement n° 686 rectifié bis, présenté par M. César, Mme Des Esgaulx, M. de Raincourt et Mmes Troendlé et Primas, est ainsi libellé :
Alinéa 25, première phrase
Supprimer les mots :
, en poursuivant un objectif de réduction de la consommation énergétique finale de 50 % en 2050 par rapport à l’année de référence 2012
La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. L’amendement est défendu.
Mme la présidente. L'amendement n° 715, présenté par MM. Dantec, Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 25, première phrase
Remplacer les mots :
en poursuivant
par les mots :
pour atteindre
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. L’amendement est défendu.
Mme la présidente. L'amendement n° 894, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 25, première phrase
Après les mots :
consommation énergétique finale
insérer les mots :
de 20 % en 2030 par rapport à l’année de référence 2012, et de réduction de la consommation énergétique finale
La parole est à Mme la ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre. Il s’agit de rétablir, pour être cohérent avec ce qui a été fait à l’Assemblée nationale, l’objectif de 20 % de réduction de la consommation énergétique en 2030.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques sur les cinq amendements restant en discussion ?
M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Ces cinq amendements visent à revenir sur l’objectif de réduction de la consommation énergétique finale introduit à l’article 1er, tantôt pour l’affaiblir, voire le supprimer, tantôt pour en renforcer le caractère contraignant. C’est l’un des alinéas qui ont suscité beaucoup de réaction de la part de tous ceux que j’ai pu auditionner.
Lors de l’examen du texte en commission, cette dernière a souhaité rendre cet objectif à la fois plus compatible avec la préservation de la croissance économique, et plus réaliste, en revenant à l’horizon de 2030 et à l’objectif de rythme annuel de baisse de l’intensité énergétique prévu dans le texte initial. Car j’ai repris, madame la ministre, votre première rédaction, celle que vous avez abandonnée, puisque vous défendez maintenant la position acceptée après discussion à l’Assemblé nationale.
M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. J’ai donc repris votre première rédaction, car elle est plus pragmatique, même si elle est évidemment moins forte que votre objectif intermédiaire.
Quant à l’autre volet qui pose problème – l’amendement 274 rectifié tend même à supprimer purement ou simplement l’alinéa en cause – j’ai en revanche maintenu le seuil de 50 % en 2050, mais non comme le souhaitaient les rédacteurs initiaux, madame la ministre, non comme le souhaitaient certains auteurs d’amendements, monsieur Dantec, puisque nous prévoyons de « poursuivre » l’objectif, et non pas d’atteindre un seuil brutal.
J’ai atténué la rédaction, car je pense, comme je l’ai dit dans la discussion générale, qu’il n’est pas dans notre intérêt d’y arriver,…
M. Joël Labbé. Ah bon ?...
M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. … sauf à parier sur une stagnation économique de notre pays.
M. Charles Revet. Ou sur une régression !
M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Effectivement !
Alors, oui, j’espère que nous n’atteindrons pas l’objectif, non pas que je le récuse, madame la ministre, mais parce que je refuse qu’il soit inscrit dans le marbre que la consommation énergétique va diminuer de 50 % d’ici à 2050. C’est un objectif pessimiste et, moi, je suis optimiste.
J’espère au contraire que l’économie va redémarrer, que nous allons retrouver de la croissance et que les chiffres vont nous donner tort. Nous procédons donc en douceur et, si nous maintenons l’objectif de 50 %, c’est sans indiquer une date sur laquelle nous viendrions buter. Dans le texte que nous avons adopté en commission, et j’ai forcément une préférence pour cette rédaction, le rythme annuel de baisse de l’intensité énergétique finale – suivant votre rédaction, madame la ministre – serait porté à 2,5 % d’ici à 2030, en poursuivant un objectif de réduction de la consommation énergétique finale – en « poursuivant » seulement – de 50 % en 2050 par apport à 2012.
Cette dynamique soutient le développement d’une économie efficace en énergie, notamment dans les secteurs du bâtiment, des transports et de l’économie circulaire, et préserve la compétitivité et le développement du secteur industriel.
J’espère que cette rédaction consensuelle l’emportera sur celles qui sont proposées par nos collègues, un peu, sinon parfois totalement différentes.
La commission est donc défavorable à tous les amendements restant en discussion.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes au cœur d’un débat très important. Il y a parfois un peu d’ambiguïté dans les mots que nous utilisons. Je ne crois pas, par exemple, qu’« efficacité énergétique » et « réduction de la consommation » signifient « décroissance », au contraire.
D’une part, grâce aux économies d’énergie, nos entreprises sont plus compétitives et la facture des particuliers diminue ; ils peuvent dès lors utiliser autrement leur pouvoir d’achat.
D’autre part, si nous réussissons à atteindre cet objectif d’économie d’énergie, ce sera la preuve que nous aurons atteint un niveau important d’investissements dans la croissance verte, les énergies renouvelables, la performance énergétique, avec l’isolation des bâtiments et la construction de bâtiments à énergie positive ou encore les transports propres, la voiture électrique, sans parler des réseaux intelligents.
L’énergie est un facteur de production très coûteux : plus nous poussons le pays à l’économiser, plus nous rendons nos entreprises compétitives et plus nous créons de croissance. Voilà l’enjeu !
J’entends dire parfois que l’on n’y arrivera pas ; cela me paraît dommage…
M. Didier Guillaume. On y arrivera !
Mme Ségolène Royal, ministre. C’est comme pour les élections : si l'on se dit dès le départ que l’on n’y arrivera pas, on est sûr de perdre ! (Sourires.)
Les objectifs ambitieux d’une transition énergétique et écologique sont cohérents avec ceux, que vous avez votés, du Grenelle de l’environnement et avec nos engagements européens. Une clause de révision tous les cinq ans est prévue.
Je pense que nos entreprises, notre économie ont besoin de repères. Il faut donc que nous prenions la responsabilité de fixer des objectifs clairs. Certes, monsieur le rapporteur, c’est un pari sur l’avenir, mais n’est-ce pas la responsabilité du politique, au sens noble du terme, de fixer un horizon raisonnable et atteignable, même s’il est ambitieux, je vous le concède ? Quoi qu’il en soit, on ne peut pas, à la fois, reconnaître l’urgence climatique et renoncer à fixer des objectifs ambitieux !
M. Roland Courteau. Exactement !
Mme Ségolène Royal, ministre. Je le répète, tous les cinq ans, ces objectifs pourront être révisés.
En ce qui concerne la réduction de la consommation d’énergie, elle sera liée à nos progrès en termes de territoires à énergie positive, de bâtiments à énergie positive et de performance énergétique du bâtiment.
Par exemple, j’ai visité récemment des logements locatifs à énergie positive, dans le 11e arrondissement de Paris, qui depuis trois ans sont équipés en panneaux photovoltaïques, en chauffe-eau solaires, en doubles vitrages et récupèrent l’énergie des eaux usées : la facture d’énergie pour une famille de deux enfants y est passée de 180 euros pour deux mois à 50 centimes d’euro ! Pourquoi une telle économie ne serait-elle pas possible pour toutes les nouvelles constructions à énergie positive ?
Bien sûr, il s’agit d’un saut qualitatif, technologique et énergétique majeur, mais c’est une chance formidable à saisir ! Il est très rare que l’occasion d’opérer une mutation économique de cette importance se présente. Il faut absolument que nous gardions notre avance dans ce domaine, parce que ce sont ceux qui font le pari d’avoir une énergie d’avance qui gagneront ce combat économique, social, environnemental.
M. Didier Guillaume. Très bien !
Mme Ségolène Royal, ministre. Plus nous irons de l’avant, plus nous pourrons constituer des réseaux d’entreprises. Quand des bâtiments à énergie positive se construisent, quand des travaux d’isolation sont réalisés, dans les logements ou dans les entreprises – elles ont beaucoup d’efforts à faire dans le domaine de la récupération énergétique et de la performance énergétique de leurs bâtiments –, on voit se développer toute une filière économique de services, avec les compteurs intelligents, les réseaux intelligents, les quartiers et les villes intelligents, tous ces territoires à énergie positive dont nous venons de parler.
Nous réussirons grâce au volontarisme des élus, des entreprises, des partenaires sociaux. Le Conseil national de la transition écologique, où sont représentés le MEDEF, les PME, les salariés, les élus de tous bords politiques, les associations, et le Conseil économique, social et environnemental ont débattu de ces questions et adopté des objectifs ambitieux.
La commission des affaires économiques a fait le choix de rétablir en partie la rédaction initiale du Gouvernement, en supprimant l’objectif intermédiaire de réduction de 20 % de la consommation énergétique finale à l’horizon de 2030, pour fixer un rythme annuel de baisse de l’intensité énergétique finale de 2,5 %. Ce choix est très astucieux, parce qu’il tient compte du besoin d’énergie en fonction de la croissance. En effet, il s’agit non pas de réduire pour réduire, mais d’économiser l’énergie en renforçant la performance énergétique des entreprises.
Toutefois, j’y insiste, fixer un objectif intermédiaire de 20 % de réduction est réaliste, dans la mesure où cela permet une première montée en puissance, avant une intensification de l’effort d’économie d’énergie entre 2030 et 2050. Il me paraît moins réaliste de prévoir une montée en puissance linéaire d’aujourd’hui à 2050. C’est la raison pour laquelle je défends la modification apportée au texte par l’Assemblée nationale.
Vous l’aurez compris, j’émets un avis défavorable sur les amendements nos 274 rectifié, 716, 686 rectifié bis et 715. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote sur l’amendement n° 274 rectifié.
M. Roland Courteau. Mme la ministre a dit l’essentiel. Je voudrais cependant rappeler que d’autres pays de l’Union européenne, comme le Royaume-Uni, l’Allemagne ou d’autres encore, considèrent que, pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, il faut en passer par la réduction de la consommation d’énergie de 50 % à l’horizon de 2050. Je rappelle également, à la suite de Mme la ministre, que c’était l’un des objectifs fixés dans le cadre du Grenelle de l’environnement.
Réduire notre consommation d’énergie de 20 % d’ici à 2030, comme le propose le Gouvernement, et de 50 % d’ici à 2050, ne va pas à l’encontre de la compétitivité de nos entreprises et de la croissance, au contraire ! Il s’agit de maîtrise de l’énergie et d’efficacité énergétique, et non d’une restriction susceptible de casser la croissance. Il s’agit de consommer mieux en consommant moins, pour produire autant et peut-être même plus, avec des machines plus efficaces, ayant un meilleur rendement.
J’en veux pour preuve le fait que l’industrie a réalisé, en vingt ans, 20 % d’économies d’énergie. Or il reste des verrous à faire sauter, dans le domaine technologique, pour produire mieux. Il faut améliorer l’efficacité énergétique de nos logements, c’est-à-dire leur isolation thermique, promouvoir l’efficacité active des réseaux intelligents, lutter contre les gaspillages, favoriser l’effacement énergétique.
Selon le CNRS, la promotion des économies d’énergie, de l’efficacité et de la sobriété énergétiques pourrait permettre de créer des centaines de milliers d’emplois d’ici à 2030. Selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, il est envisageable d’aller plus loin encore à l’horizon de 2050. On ne peut donc pas dire que la croissance serait cassée par ces efforts d’économie d’énergie : bien au contraire, la compétitivité de nos entreprises serait améliorée, et le pouvoir d’achat de nos ménages accru.
Prenons l’exemple de l’économie circulaire, chère à notre collègue Gérard Miquel : la production d’une tonne de matériaux nouveaux nécessite deux fois plus d’énergie que celle d’une tonne de matériaux issus du recyclage. La rénovation thermique des bâtiments peut engendrer jusqu’à 30 % d’économies d’énergie, les compteurs intelligents jusqu’à 20 %, sans effets secondaires négatifs, bien au contraire.
La facture énergétique de la France s’élève à environ 69 milliards d’euros. Ne vaut-il pas mieux consacrer ces milliards d’euros à nos territoires, plutôt qu’aux pays producteurs de pétrole ? Il faut savoir aussi qu’une hausse d’un point de la facture énergétique aboutit à une contraction de la croissance de 0,5 %.
Enfin, force est de constater que le principal gisement d’énergie dans ce pays réside bien dans les économies d’énergie. Comme vous l’avez dit, madame la ministre, le crédit d’impôt pour la transition énergétique, le CITE, et l’éco-prêt à taux zéro peuvent être à l’origine de plusieurs milliards d’euros de travaux. Faisons donc confiance au tiers financement et au Fonds de garantie pour la rénovation énergétique pour multiplier les travaux de rénovation thermique.
En ce qui concerne les transports, qui consomment 30 % de notre énergie, l’organisation du territoire, la densification des espaces urbanisés, le développement des transports en commun ou des véhicules propres permettront de réduire notre consommation d’énergie avec le même service rendu.
Il est donc possible de faire croître la richesse nationale tout en faisant diminuer notre consommation d’énergie, en créant des emplois, en réduisant la facture énergétique de la France et en diminuant les émissions de gaz à effet de serre. Les économies d’énergie, l’efficacité énergétique, la sobriété énergétique constituent un atout pour la planète, pour la croissance verte et pour l’emploi ! C’est pourquoi nous voterons contre l’amendement de M. Gremillet. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)