Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission du développement durable.
M. Hervé Maurey, président de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire. Je tiens à féliciter à mon tour Mme la ministre pour sa participation à l’ensemble de nos débats, durant presque deux semaines, et pour toute l’attention qu’elle a prêtée aux propositions des uns et des autres. De fait, nous n’avons pas toujours avec nous un ministre présent et attentif ; il m’est arrivé plusieurs fois de le déplorer, y compris lorsque j’étais dans la majorité.
Je me réjouis du choix fait par la conférence des présidents, sur l’initiative de M. le président du Sénat, de confier le projet de loi à la commission des affaires économiques et à la commission du développement durable, que j’ai l’honneur de présider, en vue d’une « co-écriture », selon l’expression de Gérard Larcher. Ensemble, nous avons accompli un bon travail.
Il m’importe de saluer le travail remarquable réalisé par Louis Nègre, rapporteur pour avis, qui a, lui aussi, auditionné plusieurs dizaines de personnes pendant plusieurs dizaines d’heures, avec le concours des collaborateurs de la commission du développement durable, que je remercie. Je remercie également tous les membres de notre commission, qui ont concouru à enrichir le projet de loi et à le rendre plus utile.
En commission, puis en séance publique, de véritables améliorations ont été apportées au projet de loi, venues des différentes travées de notre hémicycle. Un soir récent, à l’issue de l’examen d’un des titres du projet de loi, j’ai souligné que des amendements présentés par le groupe UMP, le groupe socialiste et le groupe écologiste avaient été adoptés en nombre à peu près égal ; les amendements du groupe CRC ont été un peu moins nombreux à être adoptés, mais c’est parce qu’ils avaient été déposés en plus petit nombre.
Mme Chantal Jouanno. N’oubliez pas le groupe UDI-UC ! (Sourires.)
M. Hervé Maurey, président de la commission du développement durable. Comment pourrais-je l’oublier, ma chère collègue ? (Nouveaux sourires.)
Permettez-moi de résumer brièvement le travail accompli par notre commission, à laquelle a été délégué l’examen des dispositions relatives à la mobilité, à la qualité de l’air, à la lutte contre le gaspillage, à l’économie circulaire et à la transition énergétique dans les territoires.
Nous nous sommes efforcés de faire preuve d’ambition. En d’autres termes, nous avons essayé, lorsque cela était possible, d’aller au-delà des mesures proposées par le Gouvernement et adoptées par l’Assemblée nationale.
C’est ainsi que, entre autres améliorations apportées au projet de loi, nous avons introduit une hiérarchie dans l’utilisation des ressources, ce qui est une première européenne, et interdit les emballages en plastique non biodégradables pour l’envoi de la presse et de la publicité à partir de 2017 ; nous avons également étendu la filière de recyclage papier à la presse, à l’exclusion, bien sûr, de la presse générale et politique, et décidé la création d’une filière de recyclage des navires de plaisance, ce qui est une autre première.
Au même moment, nous avons été soucieux d’alléger les contraintes. Dans cet esprit, nous avons supprimé la contribution financière instaurée par l’Assemblée nationale pour financer la prévention des déchets en aval des filières à responsabilité élargie du producteur.
De même, en ce qui concerne la mobilité, nous avons préféré l’incitation à la coercition, notamment en supprimant l’obligation d’élaborer des plans de mobilité.
Nous avons également supprimé l’obligation d’afficher la durée de vie des biens d’une valeur supérieure à 30 % de la valeur du SMIC, pour donner la préférence à l’incitation et à l’expérimentation.
Nous avons aussi cherché à être pragmatiques, car le pragmatisme est l’une des richesses du Sénat. Par exemple, il ne nous a pas paru raisonnable de supprimer la vaisselle en plastique, dès lors qu’il n’existe pas, aujourd’hui, de véritable alternative industrielle.
Nous avons voulu écouter le terrain et les élus locaux, conformément à la vocation du Sénat et aiguillonnés par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, dont le premier vice-président, Rémy Pointereau, nous a encouragés dans la voie de la simplification. Ainsi, nous avons pris en compte les attentes des maires en ce qui concerne les zones de circulation restreinte, qui ne doivent pas être limitées dans le temps. Nous avons aussi beaucoup œuvré pour une meilleure prise en compte de la position des communes et des élus locaux au sujet de l’éolien.
Soucieux de simplification, nous avons substitué des définitions claires et largement partagées à d’autres qui ne l’étaient pas toujours, notamment en ce qui concerne le covoiturage et l’obsolescence programmée. Dans le même esprit, nous avons remplacé l’éco-diagnostic, qui aurait été un diagnostic de plus, par un volet « développement durable » au sein du dossier de diagnostic technique.
Telles sont les principales avancées introduites dans le projet de loi sur l’initiative de la commission du développement durable. Permettez-moi, pour conclure, de présenter trois observations.
En premier lieu, comme M. Nègre l’a souligné à plusieurs reprises et comme il le répétera certainement dans quelques instants, ce projet de loi est un Grenelle III de l’environnement : il s’inscrit pleinement dans la révolution environnementale voulue par le précédent gouvernement, au premier chef par Jean-Louis Borloo, même s’il faut reconnaître qu’il est moins complet que les deux précédents Grenelle, dont le champ d’application s’étendait à l’eau, à l’environnement et à la biodiversité – il est vrai, madame la ministre, que vous présenterez bientôt un projet de loi sur ce sujet.
En deuxième lieu, nous nous interrogeons au sujet des moyens. En effet, nous avons adopté un certain nombre de bonnes mesures, mais, pour qu’elles se traduisent dans les faits, des moyens doivent être mis en œuvre. Il faut que des mesures d’application soient prises, ainsi que certaines ordonnances, mais aussi que des moyens financiers soient trouvés.
M. Rémy Pointereau. Eh oui !
M. Hervé Maurey, président de la commission du développement durable. Or, de mon point de vue, nous n’avons pas encore reçu toutes les assurances souhaitables à cet égard.
En troisième lieu, je suis obligé d’exprimer certains regrets que m’inspirent des lacunes du projet de loi, tant il est vrai, madame la ministre, que la perfection n’est pas de ce monde !
D’abord, et surtout, nous n’avons pas du tout progressé en ce qui concerne la fiscalité écologique. Vous nous avez expliqué, madame la ministre, que les mesures fiscales ressortissent aux lois de finances. Toujours est-il que nous aurions pu fixer un cap, en faveur de la substitution à une fiscalité négative, pesant exclusivement sur le travail, d’une fiscalité écologique aux retombées positives.
Mme Éliane Assassi. Nous n’étions pas censés faire les explications de vote ce soir !
M. Hervé Maurey, président de la commission du développement durable. Ensuite, je regrette un certain manque de confiance à l’égard des territoires – nul doute que Chantal Jouanno m’approuvera. Vous savez bien, madame la ministre, que la transition énergétique et la lutte contre le réchauffement climatique ne pourront pas être réussies sans les territoires et les collectivités territoriales, qui doivent disposer des moyens nécessaires pour avancer dans cette voie, notamment sur le plan financier et quant à la possibilité de mener des expérimentations.
Comme l’a dit Jean-Claude Lenoir, le Sénat a très profondément marqué ce texte. Je tiens d’autant plus à le souligner que, lorsque le texte nous est arrivé, certains des interlocuteurs que j’ai reçus pensaient que le Sénat, ayant basculé à droite, serait dans une opposition systématique. Ceux-là ne connaissent pas bien le Sénat ! C'est justement l’une de nos spécificités que d'être beaucoup moins dans la posture politique, et je pense que vous-même, madame la ministre, l’avez ressenti dans nos débats par rapport à ce que vous avez pu vivre à l’Assemblée nationale.
En définitive, comme sur tous les textes, nous avons été guidés par le pragmatisme et l'intérêt général. Je crois que le Sénat n’a donc eu ici qu’un seul but : engager une transition énergétique ambitieuse au service de l'intérêt général, en essayant de se dégager autant que possible de tous les petits jeux politiques. (Mme Chantal Jouanno, M. Rémy Pointereau et M. Jean Desessard applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les rapporteurs ne pourront malheureusement pas s'exprimer le 3 mars prochain, le temps de parole étant réservé aux formations politiques. C'est pourquoi je souhaiterais aussi prononcer quelques mots, à la fois sur la forme et sur le fond.
Au moment nous achevons l’examen de ce texte, je voudrais d’abord remercier chacun d’entre vous pour la qualité de nos débats et l’écoute dont nous avons su faire preuve, les uns et les autres, pour réussir cette transition énergétique dont personne ne conteste la nécessité.
Je souhaite en particulier vous remercier, madame la ministre, de votre présence et de votre écoute permanentes. Vous avez su évoluer, ce qui montre que non seulement vous nous écoutiez, mais vous nous entendiez.
Comme j’avais déjà eu l’occasion de le dire lors de la discussion générale – et je crois que nos débats l’ont démontré par la suite –, notre commission a souhaité aborder ce texte important dans un état d’esprit constructif, en confortant ses dispositions partout où c’était possible, en l’équilibrant parfois, lorsque c’était nécessaire.
Ce sont en tout 1 000 amendements qui ont été déposés et que nos deux commissions ont examinés. Parmi ceux-ci, 245 ont été adoptés, dont 35 de la commission des affaires économiques et 16 de la commission du développement durable. Sous un autre angle, ce sont 3 amendements du groupe CRC qui ont été adoptés, 30 du groupe UMP, 16 du groupe RDSE, 36 du groupe UDI-UC, 27 des écologistes et 38 des socialistes. Cela montre que l’écoute s'est faite dans toutes les directions, et, sans chercher à afficher une quelconque performance, ces chiffres montrent que nous avons fait du bon travail.
C’est ce même état d’esprit qui nous a animés sur la question du nucléaire : nous sommes, je le crois, parvenus à une solution équilibrée en affirmant la nécessité d’une diversification progressive du mix électrique, mais aussi celle d’une mise en œuvre pragmatique et raisonnée : le cap est maintenu, mais la façon d’y parvenir tient compte des réalités techniques et scientifiques, afin de préserver cet élément essentiel de notre attractivité.
Toujours en matière d’objectifs, je rappellerai aussi que nous avons souhaité, madame la ministre, mettre en application vos propres propos pour faire de la fiscalité écologique une fiscalité incitative et non punitive, en prévoyant une stricte compensation du relèvement progressif de la part carbone par la baisse d’autres prélèvements : là aussi, nous adhérons au principe, mais affirmons la nécessité de préserver la compétitivité de nos entreprises et le pouvoir d’achat de nos concitoyens.
C’est le même principe de réalité qui nous a guidés en matière de gouvernance, lorsque nous avons choisi d’exclure les émissions de méthane entérique de la stratégie bas carbone et je tiens à saluer, madame la ministre, la façon dont vous avez su entendre, à travers nous, la préoccupation du monde agricole.
Concernant les bâtiments, nous avons également équilibré le texte en matière d’isolation, en donnant aux maires la possibilité d’accorder des dérogations aux règles d’urbanisme afin de permettre la réalisation d’une isolation par l’extérieur et en n’imposant pas une technique particulière d’isolation lors d’un ravalement important de la façade.
Nous avons également adopté plusieurs dispositions en séance publique, parfois contre l’avis de la commission,…
M. Ronan Dantec. C'est vrai !
M. Ladislas Poniatowski, au nom de la commission des affaires économiques. …parmi lesquelles je citerai les précisions apportées aux objectifs de rénovations des logements, la possibilité pour les constructions en bois de ne pas être pénalisées par les règles d’urbanisme relatives à la hauteur, la suppression du contrat de performance énergétique et environnementale, les précisions apportées aux modalités de mise en œuvre du service de tiers financement ou encore la création d’un groupement professionnel rassemblant les fioulistes indépendants.
Concernant les énergies renouvelables, nous avons conforté les principales dispositions du texte, qu’il s’agisse du complément de rémunération – pour lequel a été prévue en séance une phase d’expérimentation pour les petits et moyens projets et les filières non matures avant le 1er janvier 2016 –, du financement participatif des sociétés de production et de projet, que nous avons élargi, ou encore du nouveau cadre de gestion de nos concessions hydroélectriques.
Ce dernier permettra d’optimiser l’exploitation de cette fameuse houille blanche, et nous l’avons encore complété : nous avons, par exemple, mieux articulé regroupement par vallée et prolongation pour travaux, afin d’accélérer leur engagement, ou réaffirmé, sur la proposition du Gouvernement, la part publique des sociétés d’économies mixtes hydroélectriques, les SEMH, comprise entre 34 % et 66 %.
En matière de sûreté nucléaire, nous avons en particulier prévu l’information obligatoire de l’acquéreur d’un terrain ayant accueilli une installation nucléaire de base qui aurait fait l’objet d’un déclassement, et porté de deux à quatre ans le délai laissé à un exploitant pour déposer un dossier de démantèlement d’installations particulièrement complexes. L’examen de cette partie en séance nous a encore permis d’améliorer l’information de l’IRSN, l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, ou d’étendre le champ des ordonnances à la protection des matières nucléaires et des sources de rayonnement ionisant les plus dangereuses et à la transposition de directives européennes.
Concernant la régulation des marchés et des réseaux, nous avons considérablement renforcé, en parfaite collaboration avec le Gouvernement, le soutien à nos industries électro-intensives, qui bénéficieront d’une batterie de mesures de nature à rétablir leur compétitivité, notamment vis-à-vis de leurs concurrentes allemandes. Je crois, madame la ministre, que nous avons fait là œuvre particulièrement utile pour aider à la reconquête industrielle de notre pays.
L’examen du texte en séance a aussi été l’occasion de conforter et de compléter l’article 46 bis, introduit à l’Assemblée nationale, pour favoriser les effacements de consommation électrique. Avec l’appui des services ministériels, nous sommes ainsi parvenus à une solution qui permettra de développer l’effacement, qui est vertueux tant du point de vue de la gestion des pointes de consommation que des économies d’énergie qu’il peut générer, sans léser ni surrémunérer aucun des acteurs concernés.
Nous avons en particulier prévu un régime de versement aux fournisseurs effacés différencié suivant les catégories d’effacement et le niveau des économies d’énergie, et remplacé la prime aux opérateurs d’effacement par des appels d’offres qui permettront de piloter la montée en puissance des effacements.
L’examen de l’article 50 nous aura également permis, à l’issue d’un dialogue très constructif entre le Gouvernement, la commission des finances et notre commission, de poser les bases d’une réforme de la contribution au service public de l’électricité assise sur deux principes : un vote annuel du Parlement en loi de finances et une contribution recentrée sur le soutien aux énergies renouvelables.
Par ailleurs, ce débat nous aura permis, levant ainsi certaines inquiétudes, de préciser la portée de cette réforme : celle-ci ne revient en effet nullement sur les tarifs sociaux ni sur la péréquation tarifaire, pour lesquels le Gouvernement travaille à de nouvelles sources de financement, de même qu’elle ne remet pas en cause le développement des énergies renouvelables, puisque le plafond retenu majore de 20 % les prévisions de la CRE en la matière. Là encore, le Sénat aura imprimé sa marque au texte.
Concernant, enfin, la lutte contre la précarité énergétique, nous avons interdit les frais liés au rejet de paiement pour les bénéficiaires du chèque énergie et rendu effective l’interdiction des rattrapages de consommation sur une longue période.
Au total, le texte issu des délibérations du Sénat est à la fois ambitieux et équilibré, et j’espère par conséquent – je pèse bien mes mots – que nous parviendrons à nous accorder avec nos collègues députés afin d’engager, dans les meilleurs délais, cette transition énergétique.
Mes chers collègues, je voudrais en terminer par quelques remerciements. Messieurs les présidents de commission, vous avez eu des propos élogieux, mais sans tous ceux qui nous ont aidés dans ce travail, nous savons très bien que nous ne serions rien. C'est pourquoi je tiens aussi à remercier nos collaborateurs et nos administrateurs.
Madame la ministre, nous avons également beaucoup apprécié les échanges et le travail avec les collaborateurs de votre ministère, qui se sont montrés particulièrement réactifs. Je ne sais pas si vous leur aviez donné des consignes ; en tout cas, nous leur devons aussi d’avoir pu faire un très bon travail.
Enfin, je voudrais aussi remercier ceux que l’on voit moins : les services de cette maison. Vous l’avez vu, en séance, nous avons dû parfois « jongler » – les deux rapporteurs ont même dû faire quelques pas de tango pour changer de place très rapidement ! (Sourires.) – quand il a fallu faire des modifications, sous-amender, redistribuer des documents. Or c'est la machine que font fonctionner derrière nous tous les collaborateurs du Sénat qui permet de faire tout cela !
Au total, je pense que nous avons fait du bon travail, et j’espère, madame la ministre, qu’il sera utile pour la suite. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Louis Nègre, rapporteur pour avis.
M. Louis Nègre, au nom de la commission du développement durable. Madame la ministre, je voudrais d’abord mettre l’accent sur la prise de conscience que constitue ce texte, parce qu’il y a une urgence. Le GIEC, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, l’a dit et répété, et aujourd'hui, notamment à travers ce texte, je pense que nous nous en sommes rendu compte : le changement climatique est une réalité.
Pour reprendre une phrase de François Mauriac, il ne sert à rien à l’homme de gagner la lune – ce qui est le cas – s'il vient à perdre la terre – ce qui pourrait être le cas… Voilà pourquoi ce texte s'inscrit dans une prise de conscience partagée par nos concitoyens. Près de trois quarts des Français pensent en effet qu’il faut s'engager dans une transition énergétique.
Le deuxième point que je mettrai en exergue, c'est l’opportunité de réagir. Madame la ministre, chers collègues, cette opportunité est évidente. C'est notre responsabilité à l’égard des générations à venir. On ne peut rester inerte ; d’où l’actualité de ce texte qui s'inscrit globalement dans la démarche d’un Grenelle. Du reste, je considère, avec M. le rapporteur, qui l’a très bien dit, que ce texte est un « Grenelle III » en phase avec ce que pense aujourd'hui la population.
Mais, dans le cadre de notre opposition constructive, ce texte a été modifié sur l’initiative de la commission des affaires économiques et de son rapporteur, soutenu également par la commission du développement durable, sur le problème de l’énergie nucléaire, si important pour le Sénat. Sur ce point, nous pensons avoir tout simplement été guidés par le bon sens, dont j’espère qu’il triomphera bientôt.
S'agissant maintenant de la démarche de la commission du développement durable, elle est d'abord issue de ma fonction de maire. Elle est donc issue de l’expérience d’un élu local confronté aux réalités du terrain – donc à l’opposé des beaux discours théoriques ou idéologiques – et qui recherche en réalité des résultats.
Notre vision était ambitieuse, mais elle a aussi été guidée par le souci de pragmatisme, d’équilibre et de réalisme. Ce faisant, nous avons été spécialement attentifs à trois points.
D’abord, la compétitivité de notre économie, qui est absolument nécessaire pour réussir la transition énergétique. Nos entreprises doivent être aidées, soutenues, stimulées pour en faire des leaders, ce que certaines sont déjà dans le domaine de la transition énergétique. Cependant, notre commission conçoit un regret que j’ai déjà exprimé dans les débats, mais j’y insiste, car c'est peut-être l’un des outils les plus efficaces, comme on le voit par exemple en Suède : il aurait été bon d’imaginer une fiscalité du carbone – à enveloppe constante, naturellement.
Mme Chantal Jouanno. On y vient…
M. Louis Nègre, au nom de la commission du développement durable. Ensuite, nous avons souhaité redonner aux territoires et aux élus locaux que nous sommes, au Sénat, toute leur place dans les processus de décision.
Enfin, nous avons souhaité apporter à nos concitoyens une meilleure qualité de vie à travers un texte de loi qui conduise à un environnement plus propre et donne une plus grande place au renforcement de l’information – quant à la sûreté nucléaire, par exemple.
À l’issue de ces débats, qui ont duré plusieurs dizaines d’heures, je voudrais donner quelques exemples. Nous avons élagué, rectifié… Bref, nous avons amélioré le texte, le rendant plus accessible et cohérent.
Ainsi, nous avons repositionné le projet de loi dans le contexte européen. En matière de transports, nous avons soutenu une politique – là encore, très ambitieuse – des déplacements ou du covoiturage, en veillant à donner aux nouvelles filières industrielles des véhicules propres et à toutes les filières les moyens de se développer.
Sur la qualité de l’air et la santé publique, nous avons renforcé la lutte contre la pollution atmosphérique en y incluant notamment les particules fines, avec une vision globale qui est celle du changement climatique et des gaz à effet de serre, mais aussi avec une vision locale, sachant que, avec plus de 42 000 morts prématurées en France, les polluants atmosphériques empoisonnent nos concitoyens.
S’agissant de la lutte contre le gaspillage et de l’économie circulaire, nous avons introduit le concept innovant de la hiérarchie des ressources, défini plus précisément l’obsolescence programmée, confirmé la suppression des sacs en plastique de caisse dès 2016, comme vous le souhaitiez, engagé une démarche vers une généralisation du tri à la source des biodéchets et, enfin, supprimé l’interdiction, parce qu’il n’y a pas d’alternative réelle, de la vaisselle jetable pour la remplacer par un tri à la source s’inscrivant dans la transition énergétique.
Le travail législatif du Sénat a amélioré sensiblement le texte initial, mais, au-delà de cette plus-value incontestable du bicamérisme, nous avons obtenu également, grâce à vous, madame la ministre, une revalorisation du Parlement.
En effet, sur notre initiative, vous avez formellement accepté en séance, ce dont je vous remercie de nouveau, que les rapporteurs – je crois que c’est une première – suivent de près l’élaboration des décrets d’application, afin de s’assurer de la cohérence de ces derniers avec la volonté du législateur. Il s’agit d’une avancée démocratique significative, surtout quand on sait que, malheureusement, certains décrets ne sont pas toujours conformes à l’esprit de la loi.
Je voudrais terminer en remerciant mes collègues, sur toutes les travées, pour leur disponibilité, leur travail et leurs exigences, auxquelles j’ai tenté de répondre au mieux. Je me félicite également de la confiance réciproque qui s’est instaurée avec Ladislas Poniatowski et le président de la commission des affaires économiques.
Je voudrais également vous exprimer ma gratitude, madame la ministre, pour votre écoute, votre approche constructive et votre disponibilité durant ces débats, ainsi que celle de tous vos collaborateurs.
J’adresse également mes remerciements à la délégation aux collectivités territoriales, qui a conduit un important travail de veille en matière de simplification des normes.
Je termine en remerciant chaleureusement les membres de la commission du développement durable pour leur attitude aussi respectueuse que productive. Je veux aussi manifester ma gratitude à M. le président de la commission du développement durable, Hervé Maurey, pour sa conduite éclairée des débats, ainsi qu’à tous les collaborateurs de notre commission pour leur exceptionnelle efficacité et leur gentillesse. (Applaudissements.)
Mme la présidente. Pour ma part, je tiens à témoigner ma reconnaissance aux services du compte rendu intégral et du compte rendu analytique, pour leur bienveillance et leur résistance physique, car la journée a été longue et la pause du soir, particulièrement courte. (Applaudissements.)
La parole est à Mme la ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, à ce moment du débat, je veux simplement rappeler une chose très simple, mais fondamentale : l’énergie, c’est la vie. Selon moi, c’est l’intensité et la grandeur de la tâche à laquelle nous nous sommes attelés qui nous a sans doute permis de nous dépasser nous-mêmes, de dépasser un certain nombre de clivages, d’être ensemble imaginatifs, et de comprendre, même si nous ne l’avons jamais dit, qu’à l’approche de la conférence sur le climat la France doit être exemplaire s’agissant de la définition de sa politique énergétique.
Nous le savons aussi, notre pays est en crise, nombre de nos concitoyens n’ont pas de travail. Or la transition énergétique peut constituer un ressort, en offrant la possibilité de créer des activités et des emplois. C’est également cette idée qui nous a portés.
À mon tour, je voudrais vous remercier, mesdames, messieurs les sénateurs. Vous avez été très nombreux au cours de ces débats. Je tiens à saluer le travail remarquable des commissions, des présidents des commissions et des rapporteurs, qui viennent de s’exprimer excellemment, des services des commissions et, bien évidemment, de toutes les équipes du ministère, qui sont engagées depuis maintenant dix mois dans cette tâche énorme, à savoir la préparation de ce projet de loi de transition énergétique pour la croissance verte, qui concerne, finalement, tous les aspects de la vie économique et sociale.
Je tiens à souligner la qualité des travaux qui ont été menés à propos d’un texte à la fois très technique et très opérationnel, qui touche très directement nos concitoyens. Je pense en particulier aux grandes avancées, très attendues, en matière de lutte contre la précarité énergétique, dont nous avons débattu ce soir. Je veillerai tout particulièrement à ce que le chèque énergie entre rapidement en application et que les quelque 4 millions de nos concitoyens qui ont droit à cette aide puissent en bénéficier, tout en accédant à la citoyenneté énergétique, c'est-à-dire au droit de voir leurs logements améliorés en matière de performance énergétique.
En évoquant la transition énergétique et la croissance verte, nous inventons le futur, et c’est passionnant. Il est assez rare en politique de pouvoir échapper aux échéances électorales de court terme pour s’intéresser au long terme. Souvent, nos concitoyens nous reprochent de ne pas avoir le courage de considérer ce qui se passera après les échéances électorales. Débattre de ce qui arrivera en 2020, en 2030, en 2050, c’est vivre un moment politique unique, c’est toucher à l’essence de la politique, à savoir la capacité de projeter une société vers le futur, de tracer un horizon, de poser les échéances d’un progrès humain, social, économique et écologique.
Nous savons que nous ne serons pas jugés par nos électeurs sur ce que nous avons inventé pour l’année 2030 ou 2050, et cet aspect mérite d’être souligné. Si nous nous penchons sur ces échéances lointaines, c’est parce que nous comprenons que ce qui se passera en 2050 impacte très directement ce qui se passe aujourd'hui. Nous avons donc œuvré pour définir un mix garantissant notre indépendance énergétique, dans le cadre de la montée en puissance des énergies renouvelables, pour répondre à nos obligations de citoyens du monde dans la lutte contre les dérèglements climatiques, qui nous touchent aussi très directement. Je le rappelle, je suis d’une région qui a subi la tempête Xynthia, laquelle a entraîné des décès.
Le monde regarde ce que nous pourrons faire, en tant que pays développé, ce sur quoi nous pourrons nous engager lors de la conférence de Paris sur le climat, pour que les risques tragiques liés aux dérèglements climatiques puissent être jugulés.
Bien évidemment, nous serons jugés sur l’accompagnement et le financement de cette transition énergétique. Je vous ai bien entendus sur ce point, mesdames, messieurs les sénateurs. Sachez que je me bats pour que ce financement soit au rendez-vous. Il l’est déjà avec le crédit d’impôt transition énergétique, la ligne financière spécifique de la Caisse des dépôts et consignations, dont les communes doivent se saisir, et le fonds de financement de la transition énergétique, qui sera doté sur trois ans de 1,5 milliard d’euros et me permet de financer dès aujourd'hui les territoires à énergie positive.
Le travail continue puisque la commission mixte paritaire va se réunir. Entre-temps, je reste à votre disposition, mesdames, messieurs les sénateurs, pour apporter tous les éclairages et toutes les explications nécessaires, qu’il s’agisse d’une disposition du texte ou d’une prise de position particulière du Gouvernement. J’ai bien noté certains points de divergence – pourquoi les dissimuler ? –, notamment sur le nucléaire. J’ai entendu aussi l’ouverture exprimée ici par Gérard Longuet ; nous verrons ce qu’il en sera !
Quoi qu’il en soit, le travail de convergence se poursuit. Nous avons une lourde responsabilité, celle de donner confiance, notamment aux entreprises prêtes à investir dans la croissance verte et à créer des activités et des emplois. Plus nous sécuriserons les règles d’engagement dans la transition énergétique, plus nous leur donnerons confiance, et plus elles pourront créer des emplois, distribuer des salaires et, donc, du pouvoir d’achat. Au bout du compte, c’est cela qui est nécessaire !
Je voudrais remercier tous les groupes ici présents de leur créativité et de leurs propositions. Je retiens notamment l’initiative du groupe CRC, grâce auquel a été votée une disposition passée un peu inaperçue, et pourtant très importante, notamment pour les familles modestes et en situation de précarité, qui sont piégées par les dates de péremption des produits alimentaires : je parle de la mesure prévoyant la suppression de la DLUO, la date limite d’utilisation optimale.
Je remercie également les groupes écologiste, UDI-UC et UMP, dont les positions ne sont pas toujours les nôtres. Quant au groupe socialiste, je tiens à lui exprimer ma gratitude pour son soutien, ses propositions, ainsi que son travail attentif et très engagé.
Je n’oublie pas non plus les sénateurs des territoires d’outre-mer. Vous savez l’importance que j’attache à ces territoires, qui doivent être à l’avant-garde de la transition énergétique. Ces zones que l’on appelle souvent périphériques peuvent être au centre de la transition énergétique, en préfigurant l’évolution des continents.
Au cours de ces deux dernières semaines, nous avons passé des moments intenses, engagés, fatigants, mais tout à fait passionnants. C’est un moment politique dont je me souviendrai, parce qu’il a été de grande qualité. C’est une chance d’avoir à porter un texte comme celui-ci. Il s’inscrit dans la continuité des travaux qui avaient été réalisés avant que j’arrive à la tête de ce ministère. J’ai essayé de les accélérer autant que faire se peut.
Je suis, vous le savez, très attachée à la co-construction des textes parce que je crois que la démocratie vivante, c’est celle où l’on est capable de s’entendre, de se comprendre, de dégager l’intérêt général, de faire un chemin vers la vérité des autres. C’est ainsi que j’ai conçu ce débat. Je suis très heureuse à la fois de l’écoute permanente dont j’ai pu bénéficier auprès de vous et des échanges que nous avons pu avoir. Nous avons essayé d’être toujours au service de l’intérêt général et de dégager non seulement des grands principes, mais aussi des actions concrètes qui feront dire à nos concitoyens que nous avons bien agi, que nous avons rempli notre mission d’élus et de responsables politiques.
Nous continuerons d’œuvrer pour que les belles règles du nouveau modèle énergétique français entrent en application et conduisent notre pays vers un sursaut économique, en donnant du travail à ceux qui n’en ont pas. (Applaudissements.)