M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton.
Mme Nicole Duranton. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteur, mes chers collègues, j’accueille avec satisfaction, mais aussi avec une certaine curiosité, cette proposition de loi de M. Didier Guillaume, qui reprend l’amendement du président Philippe Bas, déposé à l’article 36 bis du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, qui était en discussion au Sénat en novembre 2013, amendement sur lequel Mme Marylise Lebranchu avait émis un avis défavorable.
Je tiens à saluer le travail du Sénat : les modifications que notre assemblée a apportées au texte ont été intégralement conservées par l’Assemblée nationale. Cela va sans dire, mais cela va mieux en le disant...
Je profite de mon intervention pour attirer l’attention de chacune et de chacun d’entre nous sur l’orientation de notre réflexion quant aux questions d’accessibilité pour les personnes en situation de handicap, notamment en matière de stationnement. Je peux d’autant plus me le permettre que je suis vice-présidente du Grand Évreux Agglomération chargée de la mobilité et de l’accessibilité. Je salue cette proposition de loi, mais elle permet aussi d’élargir le débat. Il me semble nécessaire d’aller plus loin.
La loi du 11 février 2005 prévoit, à son article 2, et pour la première fois, une définition du handicap qui s’entend comme « toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions ».
Cette loi dresse ensuite la liste des champs sur lesquels peut porter la perturbation, ils sont au nombre de six : les fonctions physiques, c’est-à-dire le handicap moteur, les fonctions sensorielles, mentales, cognitives, psychiques ou le polyhandicap. Faciliter le stationnement des personnes en situation de handicap, à tout âge de la vie, c’est faciliter le stationnement de toutes ces personnes dont la limitation de déplacements est reconnue.
J’ai retenu en particulier une phrase de Jean-François Chossy, pour qui l’accessibilité est non pas la largeur des portes mais la grandeur d’esprit. Avec cette proposition de loi, allons-nous assez loin sur les questions d’accessibilité ? Allons-nous dans le sens voulu par une personne en situation de handicap ayant des déficiences auditives ou encore visuelles ? Respectons-nous sa volonté ?
Francine Maragliano, élue déléguée aux personnes en situation de handicap à la ville d’Évreux et représentante des usagers à l’observatoire régional de Normandie, avec qui je travaille en étroite collaboration sur les questions d’accessibilité au Grand Évreux, m’a fait part de ses réflexions. Ne serait-il pas plus approprié de faciliter en priorité le stationnement pour les personnes en situation de handicap à proximité des lieux d’accès aux soins, comme les pharmacies, les cabinets de médecin, les laboratoires ou tout autre point de santé ? Ne faudrait-il pas le faciliter également à proximité des lieux dont l’intérêt est grand dans la vie quotidienne, comme les banques, les assurances, les boulangeries ? Nous ferions alors un véritable pas en avant en faveur de l’accessibilité pour tous.
Nous devons avant toute chose entendre et écouter les personnes en situation de handicap. Ma collègue élue à Évreux m’a donné un exemple marquant : la signalétique. Lorsque l’on parle de stationnement pour personnes handicapées, nous pensons instantanément au logo bleu représentant une personne en fauteuil. Ce logo existe en France depuis les années soixante et a été créé par une étudiante danoise à l’occasion d’un concours de design. Plus de cinquante ans après, ce logo représente dans l’inconscient collectif l’ensemble des situations de handicap. Pourtant, aujourd’hui, les personnes en fauteuil ne représentent que 5 % de ceux qui sont en situation de handicap. Avoir une réflexion sur ce logo, c’est élargir le débat. Avoir une réflexion sur la notion de « personne en situation de handicap », c’est aussi élargir le débat.
Élargir le débat, c’est se préoccuper de tous les handicaps évoqués et définis dans la loi de 2005. Élargir le débat, c’est également retrouver le sens premier du droit en le rendant accessible à tout citoyen à tout âge de la vie. C’était d’ailleurs l’objectif initial de la loi du 11 février 2005 qui était sous-tendu par une seule et unique intention : « l’accès à tout pour tous ».
Élargir le débat, c’est aussi remettre les personnes en situation de handicap au cœur du débat. Souhaitent-elles vraiment être des citoyens à part ?
Je souhaite également aborder l’utilisation frauduleuse de cartes de stationnement pour personnes handicapées. Hélas ! la mise en place de la nouvelle carte européenne de stationnement n’a pas permis d’endiguer la circulation de faux documents, qui restent aisément accessibles sur internet. Les communes n’ont généralement pas les moyens de contrôler les titulaires de ces cartes, et ce sont finalement les titulaires de droit qui subissent ces incivilités ! Un vrai travail reste à faire concernant la sécurisation de ces cartes de stationnement.
Je souhaite sincèrement que cette proposition de loi nous permette d’aller plus loin, qu’elle soit l’occasion d’élargir le débat sur la prise en compte des six handicaps définis dans la loi de 2005.
Pour conclure, je citerai Marcel Proust : « le seul, le vrai, l’unique voyage c’est de changer de regard ». (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur plusieurs travées de l'UDI-UC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson.
Mme Catherine Génisson. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, étant la dernière à intervenir dans la discussion générale, je rappellerai les arguments qui doivent nous faire voter avec conviction en deuxième lecture cette proposition de loi.
C’est en effet en décembre 2013 que le Sénat a adopté, après un très large consensus, cette proposition de loi présentée par le président du groupe socialiste du Sénat, Didier Guillaume, que je remercie chaleureusement de son engagement fort, car il s’agit d’un enjeu important. L’Assemblée nationale a, à son tour, adopté cette proposition de loi le 25 novembre dernier, après quelques modifications rédactionnelles.
Ce texte a pour objectif de faciliter la vie quotidienne des personnes en situation de handicap, il vise à retisser du lien social. En facilitant le stationnement des personnes handicapées titulaires de la carte de stationnement, le dispositif proposé répond en partie à une exigence de compensation concrète du handicap : permettre de mieux vivre tout ce qui compte pour la qualité du quotidien.
Comme l’a rappelé notre rapporteur, Claire-Lise Campion, que je veux ici saluer pour son engagement indéfectible auprès des personnes handicapées, le Sénat, en première lecture, a étendu les règles de gratuité et de non-limitation de la durée de stationnement à l’ensemble des places, qu’elles soient ou non réservées aux personnes handicapées.
Les personnes handicapées titulaires de la carte de stationnement pourront donc occuper gratuitement et sans limitation de durée toutes les places de stationnement, ce qui constitue une indéniable avancée concrète. Les communes disposeront d’un délai de deux mois, après la promulgation de la loi, pour s’adapter à ces nouvelles dispositions.
Le Sénat, dans sa sagesse coutumière, a entendu un certain nombre d’inquiétudes relatives, par exemple, au risque de stationnement abusif faute de limitation de durée. Ainsi, le Sénat a ouvert la possibilité aux autorités compétentes de fixer une durée maximale de stationnement en respectant le seuil de douze heures minimum.
De même, certains acteurs associatifs, politiques, se sont inquiétés de la gratuité, comme dérogation au droit commun, et notre président de groupe Didier Guillaume a légitimement insisté sur le fait que la gratuité n’était pas une fin en soi, mais constituait une incitation à aller plus loin, pour faciliter la vie quotidienne des personnes handicapées.
Des inquiétudes ont vu le jour sur l’impact pour les finances locales de la gratuité du stationnement – une de nos collègues a d’ailleurs mis l’accent sur la faible incidence d’une telle mesure. C’est une crainte qui pourrait paraître légitime, mais Mme la secrétaire d’État va certainement rappeler que le coût d’une telle disposition est tout à fait marginal. Je souligne que de nombreuses collectivités ont déjà octroyé la gratuité aux personnes handicapées titulaires d’une carte de stationnement.
Une autre source d’inquiétude pour les maires est l’augmentation du phénomène de falsification des cartes de stationnement. Madame la secrétaire d’État, vous êtes très au fait de ce sujet ; je ne doute donc pas que vous allez faire le point devant nous sur les actions menées pour lutter contre ces incivilités.
Cette proposition de loi est une étape importante, car pragmatique, mais c’est seulement une étape vers l’accessibilité universelle, qui est l’objectif du Gouvernement, objectif que nous partageons tous, j’en suis persuadée.
Le Président de la République s’est engagé à ce que le handicap soit une préoccupation majeure de la politique gouvernementale pendant l’ensemble du quinquennat. Ainsi, dès septembre 2012, le Premier ministre avait adressé une circulaire à tout le gouvernement lui demandant de prendre en compte le handicap dans l’ensemble des politiques publiques.
Cela a été le cas pour des textes majeurs de portée générale comme la loi portant création des emplois d’avenir ou la loi portant création du contrat de génération. Une autre illustration ô combien significative de cette volonté est la scolarisation des enfants en situation de handicap, qui est une priorité dans la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, car l’école doit viser à l’inclusion scolaire de tous les élèves.
Depuis la rentrée scolaire de 2012, 2 150 postes d’auxiliaires de vie scolaire individuels ont été créés. Un nouveau statut des accompagnants des élèves en situation de handicap a été institué, ce qui garantit une reconnaissance de leurs compétences et une continuité de l’accompagnement tout au long du parcours de l’élève. Ainsi, depuis 1er septembre 2014, 23 300 accompagnants des élèves en situation de handicap bénéficient d’un contrat à durée déterminée et pourront signer un contrat à durée indéterminée au terme de six années ; 4 700 postes sont d’ores et déjà en contrat à durée indéterminée.
Par ailleurs, dès 2012, le Gouvernement a fait le constat du retard pris dans la mise en œuvre de la loi de 2005. Nos deux collègues Claire-Lise Campion et Isabelle Debré ont ainsi corédigé en juillet 2012 un excellent rapport d’information sénatorial sur l’application de la loi de 2005. Claire-Lise Campion a aussi été chargée par le Premier ministre d’une mission parlementaire afin de définir, avec l’ensemble des acteurs, les moyens à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs fixés pour 2015. À la suite de la publication de son rapport Réussir 2015 ont été mis en place les agendas d’accessibilité programmée, les Ad’AP, qui permettront aux acteurs publics et privés qui ne sont pas en conformité avec la loi de 2005 de s’engager sur un calendrier précis et resserré de travaux d’accessibilité des bâtiments et des transports.
En conclusion de mon propos, je voudrais insister sur le fait que les crédits inscrits dans la loi de finances pour 2015 au titre du programme « Handicap et dépendance » s’élèvent à 11,6 milliards d’euros, soit une hausse de 2,4 % par rapport aux crédits de la loi de finances pour 2014. Ce signe très fort qu’envoie le Gouvernement montre sa volonté de favoriser le « vivre ensemble », tous ensemble.
La présente proposition de loi s’inscrit donc dans une politique active en faveur des personnes en situation de handicap menée depuis 2012. Cette proposition de loi – cela a été dit à plusieurs reprises – n’est qu’une étape, mais une étape nécessaire et importante. Aussi, j’invite tous mes collègues à la voter avec conviction. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Je ne reprendrai pas certains des propos de mon intervention liminaire par lesquels j’ai par avance répondu à plusieurs des questions qui pouvaient effectivement se poser. Néanmoins, je souhaite revenir sur la question – qui a été abordée par les représentants de tous les groupes de votre assemblée – de l’utilisation frauduleuse des cartes, afin de vous apporter des compléments d’information.
D’abord, je rappelle que cette utilisation frauduleuse est déjà réprimée par le code pénal. Des instructions régulières sont données aux forces de l’ordre au niveau national pour qu’elles contrôlent les utilisateurs de cartes de stationnement au moment où ils stationnent. Ce contrôle est évidemment plus efficace si les forces de police municipale font de même.
Par ailleurs, un autre aspect de l’utilisation frauduleuse a trait à la falsification des cartes. À cet égard, je souhaite revenir sur le système que nous sommes en train de mettre en place.
Il est souvent très compliqué pour les MDPH de fabriquer ces cartes, et cela prend beaucoup de temps. C’est la raison pour laquelle le ministère des affaires sociales a souhaité travailler sur un nouveau système qui soit informatisé. Ce système informatique, intitulé Go Carte, qui est déjà en cours de tests et sera disponible d’ici à la fin de 2015, permettra d’uniformiser et de simplifier la délivrance des cartes. Il sera mis à disposition à la fois des services de la cohésion sociale puisque, dans certains départements, ce sont eux qui délivrent les cartes, ainsi que des MDPH. Les MDPH qui le souhaitent pourront aussi disposer de ce système d’information qui leur permettra de fabriquer ces cartes.
Ce système permettra de fabriquer, dans un premier temps, les cartes de stationnement et, dans un second temps, la fameuse carte commune dont je vous ai parlé, qui regroupera carte de stationnement et carte de priorité.
Alors que nous sommes dans une période de mutation où se met en place un nouveau système de fabrication des cartes, nous avons été très attentifs, lors de tout le processus d’élaboration du système d’information, à ce qu’il n’y ait pas de falsification possible.
Néanmoins, ayant entendu vos inquiétudes, je vous propose que le ministère des affaires sociales, tout le temps de cette mutation, crée un groupe de travail avec le ministère de l’intérieur et avec l’Assemblée des départements de France, puisqu’ils sont concernés via les MDPH. Nous pourrons ainsi, tout au long de la mise en place de ce nouveau système de création des cartes, sensibiliser de façon très régulière les forces de l’ordre (M. Yves Pozzo di Borgo s’exclame.) afin qu’elles vérifient que la mise en œuvre de ces cartes ne se solde pas par plus de fraude.
M. Didier Guillaume. Exactement !
M. Claude Bérit-Débat. Tout à fait d’accord !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Cette sensibilisation permanente des forces de l’ordre au niveau national pourra se faire avec l’aide du ministère de l’intérieur mais il sera intéressant qu’une sensibilisation s’effectue également au niveau municipal.
Voilà la réponse que je voulais vous donner sur cette question de la fraude. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à faciliter le stationnement des personnes en situation de handicap titulaires de la carte de stationnement
Article 1er
(Non modifié)
I. – L’article L. 241-3-2 du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° Le troisième alinéa est ainsi modifié :
a) La première phrase est ainsi rédigée :
« La carte de stationnement pour personnes handicapées permet à son titulaire ou à la tierce personne l’accompagnant d’utiliser, à titre gratuit et sans limitation de la durée de stationnement, toutes les places de stationnement ouvertes au public. » ;
b) Après cette même phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Toutefois, les autorités compétentes en matière de circulation et de stationnement peuvent fixer une durée maximale de stationnement qui ne peut être inférieure à douze heures. » ;
c) Au début de la seconde phrase, le mot : « Elle » est remplacé par les mots : « La carte de stationnement » ;
2° Après le même alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les mêmes autorités peuvent également prévoir que, pour les parcs de stationnement disposant de bornes d’entrée et de sortie accessibles aux personnes handicapées depuis leur véhicule, les titulaires de cette carte sont soumis au paiement de la redevance de stationnement en vigueur. »
II. – (Non modifié)
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, sur l'article.
M. Joël Guerriau. Monsieur le président, madame le secrétaire d'État, mes chers collègues, nombreuses sont les villes françaises qui appliquent la gratuité du stationnement réservé aux personnes en situation de handicap par décision du conseil municipal.
C’est pourquoi il pourrait paraître étonnant qu’une loi soit votée pour étendre cette pratique sur l’ensemble du territoire national alors que cela est parfaitement possible au niveau local.
Beaucoup de nos compatriotes pensent d’ailleurs que la gratuité est déjà effective partout. Or, dans chaque ville de France, la disparité des conditions de stationnement des personnes en situation de handicap diffère en fonction des arrêtés municipaux.
Une expérience concrète récente me conduit à vous exprimer combien l’application de cette loi attendue est urgente.
Une personne âgée en fauteuil roulant est venue à ma permanence pour me faire part de son indignation. Originaire de Bordeaux, elle avait coutume de se garer sur les places « handicapés » gratuitement. Elle ne comprenait pas qu’à Nantes elle soit redevable d’une amende pour stationnement irrégulier, amende qui fut maintenue malgré plusieurs courriers de réclamation de sa part. Car, à Nantes, le stationnement est payant sur les 778 emplacements réservés aux personnes handicapées.
Si cette même personne se rend à Lille, elle peut stationner gratuitement sur les places réservées. Mais si elle se gare sur un emplacement ordinaire sans payer, elle peut être sanctionnée par un procès-verbal de 135 euros et une mise en fourrière. Je vous laisse imaginer les complications pour une personne en fauteuil roulant dans ce type de situation.
Si cette personne vient à Paris, elle bénéficiera d’un stationnement gratuit sur tous les emplacements de voirie, réservés ou ordinaires, sans durée limite de stationnement, hormis celle du code de la route, à savoir sept jours consécutifs. À Paris, on compte 50 000 bénéficiaires de la carte européenne de stationnement pour simplement 5 000 places réservées.
Voici quatre situations différentes dans quatre grandes villes de France : Bordeaux, Nantes, Lille et Paris, et je ne reviens pas sur les exemples cités par mon collègue Guillaume.
Cet exemple illustre que l’autonomie et la mobilité de celles et ceux qui ont le plus de difficulté doivent être facilitées en harmonisant, au plan national, les conditions du stationnement. Toutes ces différences entretiennent, vous l’aurez compris, une confusion nationale.
Un conducteur, par définition, se déplace et stationne. S’adapter aux réglementations de chaque ville qu’il traverse est une gageure à laquelle s’ajoute la difficulté d’accéder aux points de paiement, qui eux-mêmes nécessitent parfois des modes de règlement différents. Devoir se rendre à un bureau de tabac, par exemple, pour se procurer une carte de stationnement peut compliquer encore les choses pour la personne handicapée.
Se garer à la place des personnes à mobilité réduite est déplorable, tout le monde l’a dit. Permettez-moi d’illustrer mon propos par un cas concret.
Dans ma commune, il n’y a pas de stationnement irrégulier sur les places « handicapés ». Cela vous surprend, avant de vous dire comment nous sommes parvenus à un tel résultat, je vous fais patienter quelques secondes ; c’est du teasing. (Sourires.) Depuis 1998, le conseil municipal des enfants a mené une campagne de sensibilisation. Il a créé des panneaux spécifiques où ce sont les enfants qui s’adressent à la population afin qu’elle respecte les emplacements réservés. Donc, sur chaque emplacement, se trouvent ces panneaux qui interpellent les automobilistes. Résultat, lorsque des automobilistes sont interpellés par des enfants, je peux vous l’assurer, l’action s’avère très efficace. En 2000, l’Association des paralysés de France leur a décerné le prix Victoire sur le handicap.
Depuis quinze ans, nous ne constatons pratiquement aucune infraction, ce qui prouve que la sagesse vient aussi parfois de nos plus jeunes. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UDI-UC.)
Il nous appartient de mieux faire savoir que les places adaptées sont soumises à des normes particulières, dont les contrevenants ne mesurent pas toujours l’importance. On devrait peut-être faire un Sénat des enfants. (Exclamations sur plusieurs travées.)
L’avancée majeure de cette proposition de loi est d’organiser la gratuité du stationnement pour les personnes handicapées dans toutes les villes pour un délai d’au moins douze heures.
La seconde avancée est une innovation qui permet le stationnement gratuit des conducteurs handicapés sur les places payantes ordinaires.
Ces deux avancées dont nous débattons aujourd'hui nous obligeront néanmoins à renforcer notre vigilance parce que la gratuité peut provoquer une flambée des demandes de carte européenne de stationnement. Madame le secrétaire d'État, vous l’avez dit à l’instant, il faudra lutter contre les fraudes encore davantage, renforcer le contrôle des demandes liées au vieillissement naturel de la population, ainsi qu’à la convoitise que la gratuité risque d’occasionner.
De même, comment pourrons-nous assurer la sécurité et éviter des complications liées à l’ouverture des portières ou le passage du fauteuil sur des emplacements ordinaires ? On le sait, les personnes en fauteuil ont besoin d’espace et de temps, parfois incompatibles avec le trafic urbain.
En résumé, la proposition de loi initiale se limitait à la gratuité des places réservées. Le texte actuel a évolué jusqu’à la gratuité et la quasi-absence de limitation dans le temps du stationnement sur l’ensemble des places ouvertes au public. Cela répond davantage aux attentes et aux besoins des personnes en situation de handicap. Il s’agit là d’un progrès humaniste à l’initiative du Sénat, et nous pouvons en être fiers.
La gratuité n’est pas un avantage accordé, mais une réponse adaptée aux difficultés à se déplacer pour des personnes en situation de handicap.
Après le débat de cet après-midi et celui qui a eu lieu le 12 décembre 2013, nous validons finalement une expérience déjà appliquée par beaucoup de communes et nous clarifions, pour nos concitoyens, une situation trop disparate.
Pour toutes ces raisons, notre groupe votera cette proposition de loi sans la moindre modification, donc dans son intégralité. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur quelques travées de l’UMP et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer.
Mme Agnès Canayer. Monsieur le président, madame le secrétaire d’État, madame le rapporteur, mes chers collègues, cette année, nous fêtons les dix ans de la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, qui a incontestablement donné un nouveau souffle à la politique en faveur du handicap. Elle a permis de nombreuses avancées depuis la loi précédente de 1975, en termes d’emploi, de compensation, d’accessibilité, de citoyenneté. Elle a permis aussi un changement notable du regard porté sur le handicap.
Aujourd’hui, nous examinons une proposition de loi tendant à faciliter le stationnement des personnes en situation de handicap. Elle est d’apparence effectivement très consensuelle.
Depuis la loi de 2005, chaque commune, ou si la compétence a été transférée, chaque EPCI, doit élaborer un plan de mise en accessibilité de la voirie et des aménagements des espaces publics, PAVE. Ce document doit permettre d’assurer une répartition homogène de l’ensemble des emplacements réservés aux personnes en situation de handicap sur le territoire de la commune.
Lorsqu’il existe un plan de déplacements urbains, ou PDU, le PAVE fait partie intégrante de celui-ci. La problématique du stationnement des personnes handicapées est donc déjà connue et traitée par de nombreuses communes, comme cela a été rappelé. Celles-ci aujourd’hui organisent donc un plan de stationnement et octroient ou non la gratuité du stationnement en vertu de l’article L. 2213–6 du code général des collectivités territoriales.
Or l’article 1er de la proposition de loi tend à rendre gratuit ce stationnement. Je souhaiterais apporter un bémol à cette généreuse proposition, au nom du principe de libre administration des collectivités territoriales garanti par la Constitution.
En effet, je suis convaincue que cette proposition de loi vient restreindre le pouvoir du maire de choisir ou non d’assurer la gratuité du stationnement. Figer dans la loi cette obligation de gratuité ôte un outil qui relève d’un choix politique effectué par chaque municipalité.
Au Havre, où je suis particulièrement chargée de ces questions de politique du handicap, la municipalité, en lien avec l’ensemble des associations, qui sont nos partenaires, et avec qui nous discutons régulièrement, a décidé depuis vingt-cinq ans de mener une politique très volontariste en matière de stationnement pour les personnes handicapées. C’est un vrai choix politique de la commune, qui s’inscrit dans une démarche globale d’accessibilité des lieux.
Les personnes titulaires d’une carte de stationnement peuvent donc se garer gratuitement sur les places réservées, mais aussi sur toutes les places standard du parc de stationnement havrais. De plus, depuis quelques années, la mairie a mis en place la géolocalisation des places disponibles permettant aux personnes handicapées d’anticiper et de pouvoir se déplacer plus librement.
Il me paraît évident que rendre gratuit l’ensemble des parcs de stationnement ne permettra pas d’augmenter le nombre de places. Véritablement, la demande des associations, c’est la multiplication des places dédiées aux personnes handicapées. En effet, ces places ne sont pas assez nombreuses. Il est donc nécessaire d’étendre leur nombre.
Il faut faire confiance aux collectivités et à leurs représentants pour définir cette politique en matière de stationnement, notamment des personnes handicapées. Les mairies sont l’échelon le plus proche des citoyens, des associations. Elles sont capables de construire un dialogue pour créer les conditions de vie favorables à leurs administrés. Cessons de légiférer, de surajouter des normes et faisons confiance aux maires pour qu’ils puissent développer une politique en faveur des handicapés, notamment en leur permettant de stationner gratuitement, comme cela se pratique déjà dans de nombreuses communes de France, ainsi qu’on l’a vu aujourd’hui.
Élue d’un département où de nombreuses petites communes maillent le territoire, je crains que ces nouvelles normes ne fragilisent encore ces dernières et n’imposent des contraintes supplémentaires aux maires.
Je souhaite donc que les communes restent maîtresses de leur politique et demeure très réservée sur cette proposition de loi. (M. Daniel Gremillet et Mme Françoise Gatel applaudissent.)